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ANS ce siècle, où le goût des recherches est généralement répandu la Bibliographie proprement dite, cette branche essentielle de l'histoire littéraire, n'a pas été cultivée, en France, avec moins de succès que les autres sciences positives; c'est ce qu'attestent les ouvrages des abbés de Saint-Leger et Rive, du P. Laire, de MM. Van Praet, Chardon de la Rochette, Adry, Barbier, Renouard, etc.; mais malheureusement ces savans n'ont pas étendu leurs travaux au-delà de quelques parties de la Bibliographie; en sorte que les seuls ouvrages composés sur un plan général, que nous ayons, tels que les Abrégés et les Dictionnaires, ont été abandonnés à des compilateurs peu soigneux, qui n'ont fait par eux-mêmes aucune recherche, et se sont tout simplement contentés de copier leurs prédécesseurs, dont ils n'étaient point capables d'apercevoir les défauts. Cependant, malgré leur imperfection, ces livres, d'une forme commode, ont obtenu du succès; ils ont été fréquemment consultés, et même cités comme autorités par des personnes qui, peu versées dans la Bibliographie, ont pu facilement être induites en erreur de là, les fautes sans nombre qui se sont glissées dans nos Dictionnaires historiques, dans nos Biographies, et jusque dans des traités spéciaux de Bibliographie, où elles sont presque impardon

nables.

Ainsi la Bibliographie instructive de Guillaume-François de Bure, publiée de 1763 à 1768, en 7 vol. in-8. est encore le seul livre de son genre qui doive tenir une place dans les bibliothèques, et auquel les amateurs puissent recourir avec quelque confiance. Cependant cet ouvrage lui-même, si justement estimé, et qui suppose dans son auteur une connaissance étendue du sujet qu'il a traité, cet ouvrage, composé depuis près d'un demi-siècle, comme on vient de le voir, n'est pas aujourd'hui au courant de la science; car, sans parler des ouvrages excellens et des éditions magnifiques qui ont paru depuis cette époque, et que par conséquent l'auteur de la Bibliographie n'a pu connaître, combien de découvertes n'a-t-on pas faites depuis 1768; de combien de livres rares et curieux, inconnus à de Bure, n'avons-nous pas la description dans des traités ou dans des catalogues faits avec autant d'exactitude que de méthode, par des savans bibliographes, soit nationaux soit étrangers, et que l'on regrette de ne point trouver dans la

TOME I

Bibliographie instructive? D'après cela, il était permis de croire qu'un supplément qui, en corrigeant les fautes assez nombreuses qu'on remarque dans cet ouvrage, en eût réparé les omissions, et l'eût conduit jusqu'à l'époque actuelle, pourrait être une entreprise utile. Très-jeune encore, je tentai ce travail, après avoir publié, avec trop de précipitation, un Supplément au Dictionnaire bibliographique qui porte le nom de Cailleau; mais bientôt je l'abandonnai, convaincu que si je voulais donner à cette nouvelle continuation toute l'étendue dont elle était susceptible, je ne devais pas songer à faire moins de 10 à 12 volumes, imprimés comme ceux de de Bure: certes, cette tâche était alors au-dessus de mes forces: mais, l'eussé-je remplie avec l'habileté qu'elle demandait, je n'en pouvais attendre qu'un bien faible succès; car un ouvrage de bibliographie en 18 ou 20 volumes se place seulement dans quelques grandes bibliothèques, et son utilité n'est connue que d'un petit nombre de personnes. D'ailleurs, si un supplément à la Bibliographie de de Bure peut être exécuté, c'est d'une autre main que la mienne que le public est en droit de l'attendre.

Cependant je ne renonçai pas à une étude à laquelle je m'étais d'abord livré par devoir, et qui insensiblement était devenue pour moi un goût dominant. Mes recherches m'avaient déjà procuré de nombreux matériaux, qu'il ne s'agissait plus que de mettre en ordre pour en former un livre plus utile pour le public et pour moi, que ne l'aurait été celui dont je m'étais d'abord occupé. Mais quelle forme devais-je donner à ce nouvel ouvrage? C'est sur quoi je fus quelque temps indécis; car si l'ordre alphabétique me paraissait faciliter les recherches, lorsqu'on veut avoir promptement un renseignement sur un livre dont on connaît ou le titre ou le nom de l'auteur, je ne pouvais me dissimuler que cette méthode n'était pas toujours satisfaisante. En effet, désire-t-on savoir quelles sont les productions qu'il est le plus essentiel de se procurer sur telle ou telle partie des sciences ou de la littérature, il n'est guère présumable qu'on aille consulter un Dictionnaire pour cela, parce qu'on ne voudra point passer son temps à le feuilleter entièrement, au risque d'y chercher inutilement les renseignemens que l'on demande; il sera plus naturel de recourir à un ouvrage dans lequel les titres des livres sont classés méthodiquement, et où l'on pourra trouver avec facilité ce qu'on eût peut-être vainement cherché long-temps dans un Dictionnaire. D'après cela, j'ai pensé qu'un ouvrage qui réunirait, dans un cadre resserré, l'ordre alphabétique à l'arrangement méthodique, pourrait avoir quelque avantage sur ceux qui l'ont précédé, surtout s'il était le résultat de longues recherches et de nombreuses vérifications; en un mot, si, sans être une simple compilation, il offrait la substance de ce que contiennent de meilleur les ouvrages de Bibliographie spéciale les plus accrédités,

C'est dans cette persuasion que j'ai entrepris le Manuel du Libraire et de l'Amateur de livres, que je publie, et dont je vais tâcher d'exposer le plan en peu de mots.

Les trois premiers volumes de ce Manuel contiennent un Diction

naire, dans lequel on trouvera indiqués les livres anciens qui sont à la fois rares et précieux, et un grand nombre d'ouvrages modernes, qui, par leur mérite bien reconnu, leur singularité, la beauté de leur exécution, les gravures dont ils sont ornés, ou par quelques autres particularités, peuvent figurer parmi les livres précieux, et demandent quelques notes explicatives.

Ce n'est donc pas une Bibliographie complète que j'ai voulu faire, mais un Dictionnaire composé de livres choisis. D'après cela, je me suis vu en droit d'écarter de mon ouvrage une foule de livres anciens qui, malgré leur rareté, ne sont recherchés que de très-peu d'amateurs, et qui ne peuvent guère tenir un rang dans les bibliothèques, ni comme ouvrages utiles, ni même conime objets de curiosité (1). J'ai dû pareillement ne point faire entrer dans ce Dictionnaire les ouvrages modernes qui, quoique bons et recherchés, n'ont qu'une valeur médiocre : j'ai réservé ces sortes de livres pour la Table méthodique, dans laquelle ils doivent nécessairement trouver leur place.

Si je me suis quelquefois écarté de ce plan, ce n'a été que pour compléter les articles de certains auteurs, pour donner la suite des éditions d'un même ouvrage, pour indiquer les traductions des écrits dont je faisais connaître les originaux, pour annoncer quelques recueils volumineux, et enfin, par respect pour certains ouvrages estimables, qui, quoique tombés en discrédit dans le commerce, n'en sont pas moins recherchés des gens de lettres.

j'ai

Les livres sont placés dans ce Dictionnaire, ou sous le nom de l'auteur, ou d'après les premiers mots du titre, lorsqu'il s'agit d'ouvrages dont les auteurs ne se sont pas nommés (2); et pour ces derniers, eu souvent recours à l'excellent Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes de M. Barbier.

Je me suis attaché à donner avec précision les titres, et ne pouvant les copier en entier, j'ai tâché de garder un juste milieu entre un titre trop long et un titre tronqué. Dans les notes que j'y ai jointes, je me suis presque toujours abstenu de porter des jugemens sur le mérite des livres. De quel droit, en effet, me serais-je érigé en censeur universel ? Je me suis seulement permis de dire que tel ouvrage était estimé, que telle édition était préférable à telle autre, parce que ces observations sont, ou le résultat de l'opinion générale, ou celui de la comparaison que j'ai faite de plusieurs éditions entre elles.

(1) Si j'avais admis indifféremment dans ce Manuel tous les livres difficiles à trouver, il est certain que j'aurais pu y faire entrer facilement plus de cent mille articles, puisque les seules annales typographiques de Panzer, qui ne vont que jusqu'à l'année 1535, m'en auraient fourni au moins quarante mille, auxquels on ne peut pas refuser la qualification de rares.

(2) J'ai pensé qu'il était convenable de placer toutes les éditions de la Bible entière, on de l'ancien Testament, au mot BIBLIA; et toutes celles du nouveau Testament, aŭ mot TESTAMENT. J'ai placé les romans de chevalerie, qui n'ont point de nom d'auteur, au nom du héros du roman, comme ARTUS, GYRON, LANGELOT, etc.

Le but que je me suis proposé est de faire connaître principalement les livres précieux, de donner une idée de leur valeur, de signaler les contrefaçons, de faire remarquer ces ruses trop communes par lesquelles, au moyen de titres rafraîchis, on a voulu faire passer d'anciennes éditions pour de nouvelles, et quelquefois même des ouvrages tombés dans l'oubli pour des productions récemment publiées. On doit trouver dans un livre du genre du mien, des renseignemens exacts sur les collections volumineuses, sur la manière de collationner les ouvrages composés de pièces séparées, sur le nombre de gravures contenues dans certains livres difficiles à vérifier, sur la quantité de feuillets dont se composent des volumes dépourvus de pagination ou de signatures, en un mot, tout ce qui concerne le matériel d'un livre, et ce qui est essentiellement du ressort du Libraire.

J'ai apporté une attention particulière aux éditions princeps des auteurs classiques grecs et latins, et aux premières productions typographiques des plus anciens imprimeurs; mais n'ayant que fort peu d'espace

consacrer à mes notes, et me trouvant resserré dans des colonnes étroites, je n'ai pu figurer exactement les souscriptions de ces anciens livres. Je me suis donc contenté de composer les titres que j'en donnais, de fragmens pris soit au commencement, soit à la fin des volumes; d'en conserver exactement l'orthographe, bonne ou mauvaise, et de donner, dans de courtes notes, les signes caractéristiques qui les distinguent. Cependant je me suis quelquefois étendu davantage au sujet de certains articles très-précieux qui avaient échappé aux recherches des Bibliographes, ou qui n'avaient été qu'imparfaitement décrits.

Je n'ai pas cru nécessaire de répéter à chaque édition publiée avec date, dans les premières années de la typographie, qu'elle était imprimée sans chiffres, réclames ni signatures, parce qu'on sait bien qu'à cette époque ces signes nécessaires pour indiquer l'ordre des feuillets d'un livre, n'étaient que très-rarement mis en usage. J'ai réservé ces détails pour les éditions sans date, ni nom d'imprimeur, ni désignation de lieu, qu'il était essentiel de décrire de manière à les faire reconnaître facilement.

Ces indications doivent mériter d'autant plus de confiance, qu'elles ont presque toujours été prises sur les livres mêmes. Qu'il me soit permis, à cette occasion, de témoigner à M. Van Praet toute ma reconnaissance pour la complaisance qu'il a bien voulu avoir de me communiquer les livres les plus précieux que possède la Bibliothèque du roi, dont il est l'un des conservateurs les plus distingués: si mon ouvrage contient quelques notes intéressantes relatives aux premiers monumens de l'art de l'imprimerie, c'est principalement à la facilité d'avoir eu sous les yeux ces précieux objets que j'en suis redevable.

Cependant, comme il ne m'a pas été possible de me procurer toutes les éditions anciennes dont je parle, j'ai cru pouvoir m'en rapporter, pour celles que je n'avais pas sous les yeux, aux ouvrages du P. Audiffredi, aux Annales typographiques de Panzer, à la nouvelle édition

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