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intelligences les plus ordinaires, a fait fortune, mais elle est à tout instant démentie par les faits. Les Wallons belges et les Genevois parlent français et ne sont ni ne veulent être Français. Les Alsaciens étaient d'excellents Français tout en parlant allemand, et ne demandent qu'à le redevenir. Les Piémontais sont le fonds le plus solide de l'Italie, et il s'en faut qu'ils parlent généralement italien, c'est-à-dire florentin. En fait, le français n'est pas plus la langue originelle des vallées étudiées par M. G. que le florentin n'est la langue des Piémontais. A se placer au point de vue purement historique, la question est de savoir quand, comment et dans quelle mesure le français s'est implanté dans les vallées des Alpes. Ce sujet, qui n'est pas abordé par M. Gaidoz, sera traité dans un livre que je prépare depuis de longues années sur l'histoire de la propagation du français. Je montrerai que c'est au moins au xve siècle, peut-être au xive, que remonte l'usage du français dans cette région (il est moins ancien pour les vallées vaudoises); que le Piémont a été le terrain où les deux idiomes littéraires, le français et le toscan se sont rencontrés dans leur marche progressive; que, jusqu'au siècle dernier, en Piémont même, ces deux idiomes ont eu une fortune égale, et que ce n'est guère que depuis 1815 que le toscan a pris décidément le dessus dans l'usage littéraire, le français, en tant que langue de la conversation, ayant maintenu plus longtemps sa prééminence. Il faut étudier ces questions en elles-mêmes et sans préoccupation politique. — P. M. An introduction to old french, by F. F. ROGET. [London], Williams and Norgate, 1887. In-8°, XI-387 pages. Ouvrage entièrement de seconde main, fait principalement d'après la Chrestomathie de M. Bartsch et la Grammaire de M. Clédat. Le premier livre est consacré aux origines de la langue et à ses plus anciens monuments, le second à la grammaire, le troisième aux textes et au glossaire, qui est rédigé en français (c'est en partie la reproduction de celui de la Chrestomathie de M. Bartsch). L'impression que nous a laissée cette sorte de manuel est très défavorable. L'auteur ne possède de la langue et de la littérature qu'une connaissance très superficielle, et il n'est nullement au courant des résultats qui ne se trouvent pas condensés dans les rares livres auxquels il a eu accès. Sa grammaire et ses textes sont pleins de fautes. Il suffira de signaler (p. 139) les formes de l'imp. du subj. à la première et à la seconde personne du plur. chantassiens, chantassiez (au lieu de chantiss-) et (p. 15) la bizarre traduction en «< lingua romana rustica » des Serments de 842, où in cadhona cosa est rendu par in qua una causa. Il y a pourtant quatorze ou quinze ans que l'étymologie de cadhuna, cheun, etc., a été donnée ici-même. P. M.

L'apocalypse mystique du Moyen-Age et la Matelda de Dante. Leçon d'ouverture de M. le Professeur JUNDT (pp. 17-71 de la Séance de rentrée des cours de la Faculté de théologie protestante de Paris, le 3 novembre 1886. Paris. 1886, Fischbacher, in-8°). L'identification de la Matelda qui figure dans les chants XXVIII et suiv. du Purgatoire est devenue un de ces lieux communs

de littérature dantesque qui inspirent une répulsion instinctive à ceux qui ont à se tenir au courant des travaux dont la Divine Comédie est l'objet, assurés qu'ils sont de voir reparaître sans cesse, sous des formes plus ou moins variées, les mêmes arguments. L'opinion que défend ici M. Jundt est que la Matelda doit être identifiée avec la religieuse de Magdebourg. C'est l'opinion de Preger. M. Jundt la soutient avec beaucoup de force, l'enchâssant dans un exposé général, fort bien fait, des idées mystiques et réformatrices auxquelles a donné lieu, au XIIe siècle et au xie, l'interprétation de l'Apocalypse. Cet exposé conserve toute sa valeur, mais nous ne croyons pas que M. Jundt ait mieux réussi que M. Preger à rendre probable l'identification proposée.

An introduction to the study of provençal, by D. B. KITCHIN. London, Williams and Norgate, 1887, 143 p. in-8. Le but de ce petit ouvrage est de préparer les candidats à l'examen de philologie romane récemment institué dans l'université de Cambridge. A notre connaissance, il n'existe personne à Cambridge ni à Oxford, ni dans aucune autre université du Royaume-Uni, qui sache le provençal. Dans ces circonstances, il se peut que le petit livre de M. Kitchin atteigne son but, mais partout ailleurs qu'en Angleterre il serait considéré comme ridiculement insuffisant. La partie littéraire est une compilation faite négligemment d'après le Grundriss de M. Bartsch renforcé des ouvrages totalement arriérés de Sismondi, de Fauriel, de Laveleye. On y trouve, entre autres curiosités, cette assertion qu'à l'époque du poème de Boèce et de la vieille traduction de l'évangile de saint Jean (ch. XIIIXVII), la langue d'oïl et la langue d'oc n'étaient pas encore distinctes (the langue d'oc and the langue d'oil are as yet unseparated, p. 8). Les textes, choisis avec peu de goût, sont simplement extraits de la Chrestomathie de M. Bartsch, comme aussi l'esquisse grammaticale. La « select provençal bibliography », qui termine l'ouvrage, est empruntée, sans aucune intelligence du sujet, aux notes du Grundriss de M. Bartsch. On y voit figurer entre les éditions critiques à consulter « E. du Méril, Poésies inédites du MoyenAge », « Fauriel, collection des documents inédits, » ce qui n'a pas de sens; mais aucune édition postérieure à 1872, date du Grundriss, n'y est enregistrée, sauf une ou deux dont le titre est emprunté à la Chrestomathie provençale. Parmi les périodiques, l'auteur cite « la Germania, le Parnasse occitanien(!), la Revue des Sociétés savantes, le Journal des savants; mais ni la Romania (qui date de l'année où a paru le Grundriss), ni la Zeitschrift f. rom. Philologie, qui est postérieure, ne sont mentionnées. En somme, publication de nulle valeur.

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Studi catalani, nota bibliografica del Dott. E. G. PARODI (extrait des Rendiconti della R. Accademia dei Lincei, vol. III, fasc. 8o, 2o semestre). Observations intéressantes sur les récents travaux catalans de E. Vogel, G. Morosi et P.-E. Guarnerio, qui dénotent chez leur auteur une instruction linguistique très solide et très étendue.

Poèmes inédits de Juan de la Cueva, publiés d'après les manuscrits autographes conservés à Séville dans la Bibl. Colombine par F.-A. WULFF. I. Viage de Sannio (Extrait de l'annuaire de l'Université de Lund, Lunds Universitets Arsskrift, t. XXIII). Lund, C. W. K. Gleerup. c et 62 pp. in-4. Dans la première partie de cette dissertation, M. Wulff décrit en grand détail deux manuscrits autographes des œuvres de Juan de la Cueva, poète sévillan de la fin du xvre siècle, connu par ses drames et ses poésies lyriques. Le chapitre consacré à la langue et à la versification de La Cueva n'épuise pas la question, mais contient des vues intéressantes. On se demande seulement si Juan de la Cueva méritait tous ces soins. Sauf l'Egemplar poetico, d'une réelle importance pour l'histoire littéraire et qui a été imprimé au siècle dernier par Sedano, et sauf les drames, dont l'édition ancienne est introuvable et qui mériteraient d'être mieux connus, le reste de l'œuvre de la Cueva nous paraît n'avoir qu'une valeur médiocre et un intérêt très local. Ce ne sont pas les octaves du Viage de Sannio, publiées ici pour la première fois par M. Wulff, qui corrigeront cette impression. Néanmoins il faut féliciter l'éditeur de la peine qu'il a prise et de la conscience scrupuleuse avec laquelle il a rédigé son travail.

— J'ai remarqué ci-dessus, p. 215, que, dans le ms. 1137 de Grenoble, la première personne du singulier du futur est ordinairement en oi, tandis que la même personne au présent de l'indicatif d'avoir reste toujours ai. J'ai dit à ce propos que je ne me rappelais pas avoir rencontré cette particularité ailleurs. Je l'avais cependant rencontrée dans un ms. que j'ai eu pendant plus d'un an entre les mains, il y a bien longtemps, il est vrai. C'est le ms. 247 de la Bibliothèque de la Faculté de médecine de Montpellier, d'après lequel j'ai publié, en 1861, Gui de Nanteuil et copié Vivien l'amaçour de Monbrant, que la Revue des langues romanes vient d'éditer. On trouve dans Gui de Nanteuil : combatroi (v. 399), diroi (29, 577, 591), donroi (849), feroi (724), leiroi (691), percheroi (850), prendroi (538, 540), trencheroi (851), etc. Les exemples du même fait ne sont pas moins fréquents dans Doon de Mayence et dans Gaufrey, qui ont été édités d'après le même ms. — P. M.

Le propriétaire-gérant, F. VIEWEG.

TABLE DES MATIÈRES

I

MÉLANGES.

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