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La librairie Privat, de Toulouse, annonce une Bibliothèque méridionale, qui comprendra des éditions des œuvres des principaux troubadours, accompagnées d'introductions, notes et glossaires. Cette série s'ouvrira par l'édition de Bertran de Born, dûe à M. Thomas, dont l'impression est déjà assez avancée. M. Thomas n'a pu faire une récension nouvelle des manuscrits; il ne prétend point donner autre chose qu'une révision du travail de M. Stimming. Il a toutefois trouvé dans les cartulaires de la Bibliothèque Nationale plus d'un renseignement nouveau sur le célèbre troubadour et son entourage.

- M. Crane, professeur à Cornell University, dont nous avons déjà signalé à nos lecteurs les intéressants travaux sur la littérature narrative latine du Moyen Age, prépare une édition des Exempla de Jacques de Vitry, fondée sur le ms. 17509 du fonds latin de la Bibl. Nationale. Cette édition doit être publiée par la Folk-Lore Society de Londres.

M. J.-J. Salverda de Grave, jeune romaniste néerlandais, disciple de M. A. Van Hamel, prépare, d'après tous les manuscrits, une édition du roman d'Eneas.

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M. Kawczynski, docent à l'université de Leopol, imprime en ce moment en français un livre sur le rythme en général et particulièrement sur les origines et l'histoire de la versification rythmique, qui provoquera certainement de fécondes discussions. M. Kawczynski, qui a déjà publié en polonais deux importants mémoires sur ce sujet, professe sur beaucoup de points des opinions absolument contraires à celles de la plupart des philologues actuels, et prétend les appuyer uniquement sur les textes. Son livre paraïtra en 1888, à la librairie Vieweg, à Paris.

Livres annoncés sommairement :

Grandriss der Romanischen Philologie.... herausgegeben von Gustav GRÖBER. Strasbourg, Trübner, gr. in-8°. Deuxième livraison, 1887 (p. 281-512). III. Exposition de la philologie romane. A. Les Langues préromanes. 1. Langue celtique, par M. WINDISCH (p. 283-311). Travail naturellement excellent pour la partie celtique, très digne d'estime pour le romaniste, mais qui ne contient pas beaucoup de nouveau, et qui laisse de côté des points de vue importants, en s'étendant parfois un peu trop sur des considérations accessoires (voy. notamment les longs éclaircissements sur la Rétie). L'auteur fait preuve d'une critique justement sévère à l'endroit des prétendues étymologies celtiques; mais il est trop favorable, à notre avis, au « motif ethnographique» comme facteur de la différenciation des langues romanes; ce qu'il dit sur la division dialectologique de la France n'est pas au courant de la science. 2. Les Basques et les Ibères, par G. GERLAND (p. 311-335). Étude fort remarquable, où sont condensés et bien appréciés les résultats des derniers travaux. La philologie romane y notera surtout ce qui concerne l'influence possible exercée sur l'espagnol par l'ibérique; malheureusement cette partie n'est pas la plus approfondie. 3. Les Langues italiques, par

W. DEECKE. Ce travail concis contient beaucoup en peu de pages; on ne s'étonnera pas de voir l'auteur y soutenir sa théorie sur l'étrusque, mais on aurait voulu qu'il indiquât qu'elle n'est pas généralement admise. Il ne dit rien de l'influence que les anciens idiomes italiques auraient exercée sur les dialectes italiens correspondants. 4. La langue latine dans les pays romans, par W. MEYER (p. 351-382). Nous avons ici en quelques pages un travail tout à fait de premier ordre, le plus important qui ait paru depuis longtemps dans le domaine de la philologie romane. C'est, après une courte et très utile introduction historique (notez les remarques relatives à la chronologie appliquée aux faits linguistiques), la première esquisse publiée d'une grammaire du latin vulgaire, et cette esquisse est de main de maître. On peut y relever certaines affirmations trop tranchées, quelques faits contestables, quelques contradictions même, mais on trouve à chaque page une information étonnamment étendue et précise, une force de raisonnement peu commune, une domination entière des faits, un grand nombre de vues profondes et neuves. L'extrême condensation des faits et des idées pourra faire paraître cet exposé obscur à plus d'un lecteur; pour en profiter, il faut en effet se donner de la peine, analyser chaque ligne, replacer autour de chaque assertion les preuves, à peine indiquées, qui l'établissent, et parfois ce travail pourra lasser la patience ou même dérouter la sagacité; mais il sera toujours profitable. On a là de la quintessence de philologie; on ne peut l'absorber telle quelle, mais diluée comme il convient, elle reste encore nourrissante et savoureuse. - - 5. Romains et Germains dans leur action réciproque les uns sur les autres, par F. KLUGE. Ce travail intelligent, mais où ne manquent pas pour la partie romane les rapprochements erronés (citons seulement fr. écurie tiré de l'allemand) et les idées aujourd'hui abandonnées, est surtout intéressant en ce qu'il montre (l'auteur est loin de le dissimuler) combien l'étude si importante qui en fait l'objet est encore peu avancée. — 6. La langue arabe dans les pays romans, par Chr. SEYBOLD (p. 398-405). Bon résumé, qui rendra des services; l'auteur n'a pas encore connu le Dictionnaire de M. Eguilaz (Rom., XV, 642). — 5. Les éléments non latins du roumain, par M. GASTER (p. 406-414). Ce qui est le plus frappant dans ces pages, toutes d'ailleurs fort intéressantes, c'est l'idée nouvelle exprimée par l'auteur sur l'origine des ressemblances depuis longtemps remarquées entre certaines particularités du roumain, de l'albanais, du bulgare (slave) et du néo-grec: il les attribue, non pas à l'influence d'une langue autochtone (thrace ou dace), mais à l'action de l'ancien bulgare (touranien) qui se serait exercée lors de l'invasion des Bulgares (mélange de Turcs et de Finnois, d'après Miklosich) dans la presqu'ile des Balkans. Cette idée mérite en tout cas d'être prise en sérieuse considération. — B. Les langues romanes. 1. Leur division et leur histoire externe, par G. GRÖBER (p. 415-437). Coup d'œil général, plein de renseignements précis et aussi de vues intéressantes. Signalons (p. 430) un très curieux passage du XIIIe siècle, qu'on n'irait pas chercher là, où sont énumérés les poètes fran

çais alors les plus célèbres. 2. La langue roumaine, par A. TIKTIN (p. 438-460). Court et substantiel exposé qui rendra bien des services. — 3. Dialectes réto-romans, par Th. GARTNER (p. 461-488). On a ici un abrégé de la Grammaire réto-romane de l'auteur, dont on connaît le mérite. 4. La langue italienne, par Fr. d'OVIDIO et W. MEYER. Nous n'avons encore que le commencement de ce travail, dont les noms de ses auteurs attestent assez la valeur.

Die französischen Rolandshandschriften in ihrem Verhältniss zu einander und zur Karlamagnussaga... von Ludwig FASSBENDER. Köln, Du MontSchauberg, 1887, in-8, xvII-37 p. (dissert. de docteur de Bonn). - Travail intelligent, écrit avec une concision parfois un peu obscure, d'un élève de M. Förster, qui défend la thèse de son maître sur le rapport des manuscrits du Roland. Il faudrait, pour en faire la critique, une discussion approfondie; bornons-nous à dire, en général, que cette thèse nous paraît vraisemblable. MÉLANGES RENIER. Recueil de travaux publiés par l'École pratique des hautes études (section des sciences historiques et philologiques) en mémoire de ́son président Léon Renier. Paris, Vieweg, 1887, in-8, LX-468 p. · Ce recueil contient quelques études relatives à la philologie romane. P. 9-15, A. Morel-Fatio, Note sur l'article dérivé de ipse dans les dialectes catalans; l'auteur montre que l'article es, so, usité aujourd'hui comme on sait à Majorque, a dû l'être beaucoup plus anciennement et plus généralement qu'on ne croit en Catalogne et particulièrement dans l'Ampourdan. P. 145-157, A. Darmesteter, Le démonstratif ille et le rclatif qui en roman. Il est impossible de résumer ici cette étude d'une précision et d'une pénétration lumineuses, et dont les conclusions (bien qu'il y ait à faire quelques réserves de détail) passeront certainement dans la science. Disons seulement que l'auteur y établit qu'ille (pronom, puis article) a subi dans toutes les langues romanes une influence analogique exercée par qui, et qui seule rend compte de plusieurs des formes du démonstratif (et aussi d'iste et autres). M. Tobler avait déjà exposé cette doctrine à propos de lui; mais M. D. l'a beaucoup élargie en même temps qu'il l'a solidement appuyée 1.— P. 285-299. J. Gilliéron, Mélanges gallo-romans : « On portons, on portez pour nous portons, nous portez, Je trouviendrai, - Déplacement de l'accent dans certains patois savoyards. » Excellentes observations sur des faits curieux de grammaire patoise. — P. 301-368, G. Paris, L'Appendix Probi; on cherche à prouver que ce précieux recueil de vulgarismes a été dressé à Carthage avant la fin du me siècle.-P. 453-465, H. Derenbourg, Note sur quelques mots de la langue des Francs du douzième siècle, d'après l'autobio

1. Nous avons dit précédemment (p. 157) que l'opinion de M. D. avait été contestée par M. Schuchardt; mais les objections du savant linguiste de Graz ne nous semblent pas rédhibitoires.

Romania, XVI.

graphie d'Ousâma Ibn Mounkidh. Recueil de quelques mots français cités par un auteur arabe du XIe siècle; on n'y trouve guère à relever que la prononciation bourdjási (bourgeois) et sirdjand (sergent); signalons la liste dressée par M. D., à cette occasion, d'un certain nombre de mots d'origine grecque ou latine dans l'arabe. Les articles qui composent les Mélanges

ont été tirés à part; mais ces tirages à part ne sont pas dans le commerce. Étude sur le verbe dans le patois de Blonay........ (par) Alfred ODIN (Habilitationsschrift de Leipzig). Leipzig, 1887, 44 p. Très intéressante étude, à laquelle on peut seulement reprocher quelque obscurité dans l'exposition. L'auteur a fait sa Probevorlesung sur « la relation des dialectes de la Suisse occidentale aux langues romanes voisines ».

Henri GAIDOZ. La Rage et Saint Huberi. Paris, Picard, 1887, in-8, 224 p. Livre aussi intéressant pour le philosophe que pour le folk-loriste, et où les savants qui s'occupent de l'histoire de la littérature et des légendes du Moyen Age trouveront aussi à faire leur profit.

Studier i fransk linguistik, af P. A. GEIJER. Upsala, Lemdström, 1887, in-8, 51-6 p. (extrait de l'Upsala Universitet Arsskrift, 1887). — Cet intéressant écrit comprend trois morceaux. Le premier est une étude de phonétique, où l'on trouve des vues fines et neuves, et dont nous aurons occasion de reparler, sur le développement des sons i et ō en français. Le second est un recueil des cas où se présente en français une voyelle ou une consonne «< accessoire » ou parasite, soigneusement classés. Le troisième est l'édition d'un fragment en vers français du XIIIe siècle, rimant deux à deux, appartenant à une «< épitre farcie », de saint Etienne, non encore signalée; il se trouve à la fin d'un ms. qui contient la Summa de Pierre le Chantre. Notons que le fragment historique, imprimé p. 4, est en vers hexamètres, ce qui permettrait sans doute de l'identifier plus facilement.

La mort de Roland (du vers 2164 à 2396). Traduction en latin étymologique, remarques philologiques, grammaticales et littéraires, par Armand GASTÉ, professeur à la Faculté des lettres de Caen. Paris, Garnier, 1887, in-12, VIII-32 p. Cet opuscule est destiné aux candidats à la licence; il présente la version mot à mot des vers du Roland dans un latin qui n'est d'aucun temps et qui veut être, mais n'est pas et ne peut pas étre, rigoureusement « étymologique ». Rien que dans la première laisse, par exemple, on remarquera illud lo, illic li, dextrarium destrier, dis + laqueat deslacet, suas ses, post puis, collocatum culchiet, dulci+mente dulcement, juxtare juster, où la correspondance phonétique n'est pas exacte. Tout le système nous semble peu recommandable; M. G. dit qu'il lui la été recommandé par l'expérience; peut-être aide-t-il les candidats à passer leur licence, mais à coup sûr il ne les fait pas pénétrer dans le génie de la vieille langue et dans l'évolution historique du latin. Ils tomberaient, en tout cas, dans une grave erreur, s'ils croyaient que le mixtum compositum de formes classiques, de formes barbares et de syntaxe française qu'on

leur offre ressemble à du latin populaire (p. vi). Nous devions ces observations à la vérité; mais il faut ajouter que M. G. a rempli très consciencieusement la tâche rebutante qu'il s'était donnée, et que ses notes sont bien conçues pour faciliter à des commençants l'intelligence du texte, malgré quelques erreurs, généralement empruntées à d'autres (par ex. à M. Clédat pour la singulière explication du v. 2372). Notons en passant qu'au v. 2166 la leçon d'O, dunt encalc[i]er, corrigée par les éditeurs en dunc encalciez, est excellente.

Orazio BACCI. Le « Considerazioni sopra le rime del Petrarca di Alessandro Tassoni ». Con una notizia bibliografica delle lettere tassoniane edite ed inedite. Firenze, Loescher, 1887, in-12, 86 p. Étude intéressante, mais qui sort de notre domaine propre. Notons cependant, p. 32-34, les remarques sur les études provençales de Tassoni.

Zur Kritik der altgermanischen Elemente im Spanischen.... von Moritz GOLDSCHMIDT. Lingen, 1887, in-8, 68 p. (dissertation de Bonn). Sans avoir l'importance du livre de M. Mackel (voy. ci-dessus, p. 609), cette étude est méritoire et pourra servir de point de départ à un travail plus complet sur ce sujet intéressant.

Die Ehre in den Liedern der Troubadours, von Franz SETTEGAST. Leipzig, Veit, 1887, in-8, 46 p. — La partie la plus intéressante de cette étude est celle qui est consacrée aux chansons amoureuses; l'auteur montre fort bien comment, dans les idées représentées par la poésie des troubadours, l'amour est une affaire plus sociale pour ainsi dire qu'individuelle, et où l'honneur joue un rôle essentiel et même prépondérant.

Fehler und Lücken in der Li sermon saint Bernart genannt Predigtsammlung. Nebst einem lexicalischen Anhange.... von Eugen LESER. Sondershausen, Eupel, 1887, in-8, 118 p. (dissert. de Berlin). Ce travail intelligent et consciencieux se divise en deux parties bien distinctes: la première est un relevé des fautes (nombreuses et souvent grossières) et des omissions du traducteur des sermons de saint Bernard; la seconde est un choix de mots intéressants de ce texte, expliqués d'une manière généralement très satisfaisante (l'auteur a été en plus d'un cas aidé par les conseils ou les indications de son maître, M. Tobler). Nous citerons comme particulièrement intéressants les articles areie, askeror, auoultrenesse (si ce mot est bien pour avoultreresse, cette forme devrait, selon nous, ainsi que voueresse examiné plus loin et autrement interprété, s'expliquer par l'imitation des formes comme jugeresse, jogleresse, etc.), brau, chaceuous, cranme (l'auteur ne voit qu'un mot, le lat. chrisma dans crème et chrême), cuuir, dambleir, derore, empue, enoytes, eschuir, espurir, forniement (l'explication donnée nous paraît bien douteuse), geuse, hareteir (ne serait-ce pas un fréquentatif de harer ?), juisme, lum, lurelle, moet, nouuillon, nurier (si le mot est bien sûr, il vient régulièrement de *nutricarium), palisinols (l'influence de palasin, comme étymologie populaire, nous paraît toujours probable), pennir, pelerin, prisure, raier,

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