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COMPTES-RENDUS

C und CH vor lateinischen A in altfranzosischen Texten. Inaugural-Dissertation verfasst und zur Erlangung der philosophischen Doctorwürde an der Kaiser-Wilhelms Universität Strassburg eingereicht von Karl BEETZ. Darmstadt, Otto, 1888, in-8, 74 p.

La question traitée par M. Beetz, dans sa dissertation de docteur, a été depuis quinze ans l'objet de nombreuses études, tant en France qu'en Allemagne, et n'a pas encore trouvé sa solution définitive. L'auteur apporte à la science quelques contributions dignes d'attention. Il montre d'abord que les patois actuels ne présentent pas le mélange de c et de ch pour le c latin (en position forte) devant a, mais que les mots avec c qui se trouvent dans des parlers français et les mots avec ch qui se trouvent dans des parlers picards sont des mots d'emprunt. Quoiqu'il repose sur des matériaux bien insuffisants et qu'il ne soit pas exempt d'erreurs, ce relevé est assez intéressant, par le rapprochement des mots qui font exception dans les divers parlers et qui sont toujours à peu près les mêmes, décelant par là leur importation étrangère. L'auteur examine ensuite les chartes picardes, et fait voir que la proportion des mots avec ch y va en s'accroissant depuis les plus anciennes jusqu'à celles du XIVe siècle, en sorte qu'on peut y suivre les progrès de l'influence française sur la langue écrite, tandis que jusqu'à nos jours le parler des régions où ont été rédigées ces chartes est fidèle à la phonétique picarde pour les mots mêmes qui, dans les chartes, présentent souvent des formes françaises (beaucoup de ces mots, termes juridiques, sociaux, techniques, abstraits, etc., ont d'ailleurs disparu du patois, et leur nature fait comprendre pourquoi ils ont pris de bonne heure dans toute la France la forme du dialecte dominant). La dernière partie de la dissertation de M. B. est consacrée au normand et à l'anglonormand; elle n'est pas assez approfondie, notamment pour l'anglo-normand et les mots français dans l'anglais (cf. le beau travail de M. Behrens, ci-dessous, p. 608). Le résultat général admis par l'auteur est cependant juste: il régnait dans le français parlé en Angleterre une certaine confusion, sur ce point comme sur d'autres, ce qui s'explique par les conditions historiques qui ont donné naissance à ce qu'on appelle l'anglo-normand. - La conclusion de l'opuscule de M. B. est que, si l'Alexis est de Tibaud de

Vernon, comme Vernon, d'après M. Joret, est à la limite de la région du c et de celle du ch, et que par conséquent Tibaud a pu employer c et ch concurremment, j'aurais dû conserver le mélange de ces formes qu'offre le ms. L. Le raisonnement est bizarre, si on considère que le ms. L a été écrit en Angleterre cent ans après la composition du poème. Dans les conditions où ce poème nous est arrivé, une édition critique a certainement le droit et le devoir d'uniformiser la graphie; on ne peut hésiter que sur la question de savoir s'il faut suivre la phonétique normande ou la française; mais le bon plaisir d'un copiste anglo-normand du XIe siècle ne peut faire loi. G. P.

Das altfranzosische Lothringer-Epos. Betrachtungen über Inhalt, Form und Entstehung des Gedichts im Anschluss an die Steinthal'sche Theorie über die Entstehung des Volks-Epos überhaupt, von Dr. Georg BÜCHNER. Leipzig, Thomas, 1887, in-8o, 84 p.

Ce travail ne tient pas ce que le titre promet. On y trouve quelques résumés intéressants de ce qui, dans les trois volumes publiés par P. Paris et E. du Méril, touche aux institutions et aux mœurs, mais la question si difficile dont l'auteur annonce l'étude n'est pas sérieusement abordée. M. Büchner veut voir dans les Lorrains le monument épique de la lutte entre Germains et Romans, ou (ce qui n'est déjà plus la même chose) entre Austrasiens et Neustriens; mais il ne prouve nullement cette hypothèse. Que l'esprit du poème soit germanique, cela montre simplement qu'il s'est formé dans le milieu de l'aristocratie française, germanique d'origine et longtemps de mœurs; Garin a beau être lorrain et Fromond «< picard », l'un et l'autre n'en sont pas moins également français. « A chaque page, la fidélité allemande est opposée à la perfidie franque (p. 4). » Franque est sans doute ici pour française, car les Austrasiens étaient bien des Francs; mais je cherche en vain dans le poème ce que M. B. y a trouvé « à chaque page ». Pour l'époque représentée par le poème, le critique n'est pas plus heureux que pour le sujet. Il signale comme un fait surprenant (mais explicable grâce à la théorie de Steinthal sur l'épopée) « qu'un poète du XIe siècle, d'un temps où il ne peut encore s'agir du sens historique, ait pu nous peindre avec tant de vie et de fidélité une époque antérieure de plusieurs siècles (p. 2). » Mais les faits qu'il réunit ensuite lui-même sont tous à l'encontre de cette hypothèse. Il n'y avait sous les Mérovingiens ni fiefs héréditaires, ni chevalerie, ni châteaux forts, et toute l'épopée des Lorrains a pour condition essentielle la société féodale; le nom même de Loherens prouve que si quelque vieille légende de haine de famille est au fond de cette épopée (et je ne nie pas que cela soit possible), elle a été profondément remaniée à l'époque carolingienne, avant de prendre, au XIIe siècle, la forme sous laquelle nous la possédons. Les Lorrains ressemblent de fort près à Raoul de Cambrai; seulement nous con

naissons exactement le noyau historique de ce dernier poème, tandis que le premier ou n'en a pas et est sorti de l'invention d'un poète désireux de plaire au public féodal, ou en a un que nous ne pouvons pas retrouver. La tentative infructueuse de M. Büchner ne doit pas d'ailleurs compromettre la théorie de Steinthal sur l'épopée, qui, à vrai dire, n'est que fort peu en jeu dans cette question. G. P.

I. — Merlin, roman en prose du XIe siècle, publié, avec la mise en prose du roman de Merlin de Robert de Boron, d'après le manuscrit appartenant à M. Alfred H. Huth, par Gaston PARIS et Jacob ULRICH. Paris, Didot, 1886, in-8, 2 vol., XC1-280 et 308 pages (publication de la Société des ancieus textes français).

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II. Historia dos cavalleiros da Mesa Redonda e da demanda do santo Graal. Handschrift no 2594 der K. K. Hofbibliothek zu Wien, zum ersten Male veröffentlicht von Karl vON REINHARDSTOETTNER. Erster Band. Berlin, Haack, 1887, in-8, XXXI-142 p.

J'annonce ici ces deux publications en même temps parce que la seconde complète la première d'une façon aussi importante qu'inattendue. Malgré la date de 1886 que porte le titre des deux volumes du Merlin, je n'en ai terminé l'introduction, comme en fait foi la p. LXXX, que le 14 juillet 1887. Elle était tirée depuis longtemps, et les deux volumes étaient cartonnés et prêts à être distribués quand j'ai acquis le volume dû à M. de Reinhardstoettner, dont je viens seulement de prendre connaissance, et si, d'une part, j'ai été satisfait de voir mes conjectures sur certains points recevoir une pleine confirmation, j'ai, d'autre part, vivement regretté de n'avoir pu utiliser le manuscrit de Vienne, dont je ne soupçonnais pas l'importance', pour mon introduction, qui y aurait sensiblement gagné en clarté et en solidité. Quant à M. de R., il n'a pas connu et n'a pu connaître le Merlin que j'ai publié avec M. Ulrich, puisqu'il vient sculement (décembre 1887) d'être distribué et mis en vente, en sorte qu'on ne peut lui reprocher de ne pas en avoir tenu compte dans sa préface. La publication du texte portugais n'ayant encore atteint que le tiers, je réserve une étude plus approfondie pour le jour où ce texte pourra

1. A vrai dire, j'aurais dû la deviner d'après ce qu'en avaient dit F. Wolf et M. de Varnhagen, mais mon attention ne s'était pas portée de ce côté.

2. Cette préface est d'ailleurs confuse et à la fois trop longue et trop courte. L'éditeur y cite côte à côte des autorités contradictoires et de valeur fort inégale; il publie intégralement des listes inutiles de rubriques et il ne donne pas des renseignements dont on aurait besoin,

être étudié dans son entier : je me borne ici à le signaler et à indiquer rapidement dans quel rapport il se trouve avec le Merlin Huth.

J'ai dit (p. L-LXII): 1o que la troisième partie de la compilation dont le ms. Huth nous a conservé les deux premières parties (la seconde sans doute incomplète) devait être essentiellement une Quête du saint graal; 2o que cette Quête, d'après des allusions qui y sont faites dans la partie antérieure, devait être semblable, mais non identique, à la Quête du saint graal incorporée au Lancelot, attribuée à Gautier Map et imprimée par M. Furnivall; 3° qu'elle devait être mise sous le nom de Robert de Boron et non de Gautier Map; 4o qu'elle devait être celle que le Tristan attribue en effet à Robert de Boron et sur laquelle ce roman donne quelques indications dont les unes se retrouvent et les autres ne se retrouvent pas dans la Quête incorporée au Lancelot. Or, il suffit d'un examen rapide pour constater: 1o que le ms. de Vienne nous a conservé, dans une traduction portugaise, cette troisième partie de la compilation du ms. Huth; 20 que cette troisième partie est essentiellement une Quête du saint graal, à laquelle s'appliquent fort bien les allusions de la deuxième partie; 3° qu'elle est attribuée à Robert de Boron et non à Gautier Map; 4° qu'elle correspond parfaitement aux indications du Tristan. Je vais développer très brièvement chacune de ces thèses.

1o Dans un important passage du ms. Huth (voy. Introduction, p. L), le compilateur qui se donne le nom de Robert de Boron nous apprend que son livre est divisé en trois parties d'égale grandeur, dont la seconde finit «< au commencement [de la quête?] du graal », et dont la troisième se termine aprés la mort de Lancelot et du roi Marc1. Il se montre tout le temps fort préoccupé de donner à ces trois parties une étendue a peu près égale (ce qui m'a porté à croire que la deuxième, dans le ms. Huth, n'était pas complète), et cette préoccupation est également attestée chez lui par une citation du Tristan (p. xxx, n. 1). Or nous la retrouvons, exprimée dans les mêmes termes, dans la Demanda, qui se donne expressément pour une troisième partie : voyez les passages cités par M. R., p. iv.

2o Cette troisième partie, contenue dans le ms. de Vienne, est bien essentiellement une Quête du saint graal; ce qu'elle contient en dehors de ce sujet ne ressort pas clairement des renseignements sommaires donnés par M. de R. (p. xxx); on voit seulement que la mort de Lancelot et d'Arthur y était racontée, comme on pouvait le conclure des annonces de la deuxième partie (voy. p. xxxix, LIII). Et cette Quête du ms. de Vienne est bien celle que prépare la deuxième partie. J'ai remarqué (p. LVIII) que des évènements

1. Je me suis demandé (Merlin, p. LIII) si, dans cette annonce, il ne fallait pas lire « le roi Artu» pour « le roi Marc »; mais c'était une conjecture inutile. La Demanda finit réellement en racontant la mort du roi Marc; voy. Wolf, Ueber Raoul de Houdenc, p. 42,

naissons exactement le noyau historique de ce dernier poème, tar premier ou n'en a pas et est sorti de l'invention d'un poète désireux au public féodal, ou en a un que nous ne pouvons pas retrouver. Li infructueuse de M. Büchner ne doit pas d'ailleurs compromettre la i Steinthal sur l'épopée, qui, à vrai dire, n'est que fort peu en jeu à question. G.

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I. Merlin, roman en prose du XIe siècle, publié, avec la mise du roman de Merlin de Robert de Boron, d'après le manuscrit app à M. Alfred H. Huth, par Gaston PARIS et Jacob ULRICH. Paris 1886, in-8, 2 vol., XC1-280 et 308 pages (publication de la S ancieus textes français).

II.

Historia dos cavalleiros da Mesa Redonda demanda do santo Graal. Handschrift no 2594 der K. k bibliothek zu Wien, zum ersten Male veröffentlicht von Ka ReinhardstoETTNER. Erster Band. Berlin, Haack, 1887, in-8, xxxI

J'annonce ici ces deux publications en même temps parce que la s complète la première d'une façon aussi importante qu'inattendue. Ma date de 1886 que porte le titre des deux volumes du Merlin, je n'en ai te l'introduction, comme en fait foi la p. LXXX, que le 14 juillet 1887. Ell tirée depuis longtemps, et les deux volumes étaient cartonnés et prêts distribués quand j'ai acquis le volume dû à M. de Reinhardstoettner, d‹ viens seulement de prendre connaissance, et si, d'une part, j'ai été sa de voir mes conjectures sur certains points recevoir une pleine confirma j'ai, d'autre part, vivement regretté de n'avoir pu utiliser le manuscr Vienne, dont je ne soupçonnais pas l'importance1, pour mon introduction y aurait sensiblement gagné en clarté et en solidité. Quant à M. de R., i pas connu et n'a pu connaître le Merlin que j'ai publié avec M. Ulr puisqu'il vient seulement (décembre 1887) d'être distribué et mis en ve en sorte qu'on ne peut lui reprocher de ne pas en avoir tenu compte dan préface. La publication du texte portugais n'ayant encore atteint qu tiers, je réserve une étude plus approfondie pour le jour où ce texte po

1. A vrai dire, j'aurais dû la deviner d'après ce qu'en avaient dit Wolf et M. de Varnhagen, mais mon attention ne s'était pas portée de côté.

2. Cette préface est d'ailleurs confuse et à la fois trop longue et tr courte. L'éditeur y cite côte à côte des autorités contradictoires et de vale fort inégale; il publie intégralement des listes inutiles de rubriques et il donne pas des renseignements dont on aurait besoin,

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