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par suite, ils ne sont pas sujets à l'appel, lorsqu'ils sont intervenus sur l'action en payement d'une somme inférieure à 1,500 fr. (Aix, 3 mai 1845, aff. Lasbugues, D. P. 45. 2. 126. Même jour, arrêt identique de la même chambre, aff. Montaud, D. P. cod.); · 4o Que le jugement qui rétracte une décision sur requête civile, n'est pas susceptible d'appel, lorsque la demande originaire est inférieure au taux du dernier ressort : il n'est pas permis, pour élever le taux de cette demande au-dessus du premier ressort, d'y ajouter les frais faits et les intérêts courus depuis qu'elle a été formée (Paris, 3 fév. 1847, aff. Royer, D. P. 47.4.152); — 5° Qu'il suffit qu'un jugement contenant divers chefs de condamnatión en présente un qui excède le taux du premier degré, en matière personnelle et mobilière, pour qu'il ne soit pas rendu en dernfer ressort (Cass., 21 mess., an 2, aff. Huguet C. Lainer, M. Dochier, rap.), ce qui est par trop évident pour qu'il soit nécessaire de donner le texte de la décision;-6° Que l'ordonnance de référé elle-même, qui statue sur un litige dont la valeur est inférieure à 1500 fr., est en dernier ressort : « Attendu, lit-on dans l'arrêt, que l'appel porte sur une ordonnance de référé qui ordonne l'exécution d'un jugement portant condamnation à une somme de 425 fr.; qu'aux termes de l'art. 809 c. pr., l'appel de cette ordonnance n'est pas recevable; déclare Valot ès nom non recevable, etc. » (23 avril 1842, Paris, 3e ch., Valot C. Gambette, M. Berville, av. gén., c. conf. — Décision semblable, Paris, 13 juin 1845, D. P. 46. 4. 167). Un arrêt de la même cour, du 24 août 1831 (V. Appel, no 376), a décidé le contraire par le motif que l'ordonnance de référé ne statuant jamais sur le fond, conservait un caractère indéterminé. Mais tombe-t-il sous le sens que la loi ait entendu donner en cas pareil, pour une décision provisoire, une garantie plus grande que pour la décision au fond? L'exagération de la conséquence démontré à elle seule l'erreur de la prémisse. -Du reste l'art. 809 c. pr. implique nécessairement l'idée que les ordonnances de référé sont, d'après la règle générale, susceptible ou non d'appel, suivant le chiffre de la demande.-V. n° 410.

56. Pareillement, il a été décidé que le jugement interlocutoire, rendu sur une demande soumise au dernier ressort, suit, quant au degré de juridiction, le sort de la demande principale, et est lui-même en dernier ressort (Rennes, 26 janv. 1826 (1); Bourges, ch. corr., 29 mai 1840, aff. Chamblant).

57. M. Boulay-Paty, et, d'après lui, M. Carré (Lois de la compét., art. 392, no 535), pensent que le jugement qui statue sur une opposition à un concordat n'est jamais rendu en dernier ressort, parce qu'il est d'ordre constitutionnel que les parties jouissent de deux degrés de juridiction, et qu'elles ne peuvent en être privées qu'en vertu d'un texte formel. Nous partageons cette opinion, mais sans en adopter les motifs; nous pensons que l'opposition au concordat, tendant à remettre en question la validité et l'existence même d'une convention, présente une demande indéterminée, et, par conséquent, essentiellement sujette à l'appel.-Aussi a-t-il été décidé que l'appel du jugement qui déclare un individu associé d'un failli, peut être interjeté même contre des créanciers figurant chacun au passif pour des sommes inférieures au taux du dernier resort: « La cour, attendu, en droit, que les syndics d'une faillite représentent la masse des créanciers dans laquelle se trouve légalement et nécessairement compris tout créancier admis au passif; que vis-à-vis du failli comme vis-à-vis de son associé solidaire, l'objet du litige étant la fixation du passif, la compétence doit être déterminée d'après l'importance de ce passif, quelles que soient les différentes sommes réclamées par chacun (Amiens, 3 janv. 1826, ch. corr., aff. Lesueur C. faillite Fournier). · Cela ne pouvait non plus faire difficulté dans l'espèce, où le passif s'élevait à 50,000 fr.

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Décidé, dans le même sens, que les jugements rendus sur une demande de report d'ouverture d'une faillite, sont susceptibles d'appel, bien qu'ils aient été qualifiés en dernier ressort (Orléans, 11 mars 1846, aff. Hardy, D. P. 46. 2. 77).

58. Les arbitres nommés en matière de société ayant la même compétence que les tribunaux de commerce, statuent comme eux en dernier ressort ou à charge d'appel, suivant que l'objet du litige est au-dessous ou au-dessus de 1,500 fr. (V. Arbitrage, no 1296). L'art. 1023 c. pr., qui dit que l'appel des sentences arbitrales se porte devant la cour d'appel pour les causes qui eussent été, soit en premier, soit en dernier ressort, de la compétence des tribunaux de première instance, ne concerne que les sentences des arbitres volontaires (V. eod. nos 1294 et suiv.). Les décisions de ces derniers ne sont en effet rendues qu'en premier ressort, quelque faible que soit l'intérêt du débat. C'est ce que nous avons remarqué en critiquant l'économie de la loi ou plutôt l'inadvertance du législateur-V. eod.; V. aussi les décisions rapportées no 1213.

59. Du principe qu'une décision, pour être susceptible d'appel, doit présenter le caractère d'un jugement, il suit que le simple avis du conseil des prud'hommes ne peut constituer un premier degré de juridiction; qu'en conséquence, le jugement du tribunal de commerce, qui intervient après cet avis, n'est pas en dernier ressort (Riom, 18 fév. 1834, aff. Dumas, V. Propriété industr.). — Il ne faudrait pas induire de cette décision que les conseils de prud'hommes ne rendent pas de véritables jugements : its statuent au contraire sans appel jusqu'à concurrence de 100 fr.; au-dessus de cette somme, l'appel est admis.-V. Prud'hommes.

60. Il va sans dire que si le jugement qui statue par défaut sur une demande est en premier ressort, celui qui intervient sur l'opposition est à charge d'appel (Cass., 22 fév. 1795) (2), à moins, ajouterons-nous, que l'objet du litige n'ait été réduit, soit par le demandeur qui aurait restreint ses conclusions, soit par le défendeur qui aurait acquiescé partiellement à la demande.-V. n° 94. 61. Que décider à l'égard des jugements sur tierce opposition et sur intervention? La tierce opposition s'apprécie par la valeur à laquelle conclut le tiers opposant. Il s'ensuit que s'il demande une somme supérieure à 1,500 fr., le jugement à intervenir sera sujet à l'appel, alors même que le jugement primitif, attaqué par la tierce opposition, serait en dernier ressort, et vice versa. Telle est aussi l'opinion de M. Carré, art. 281, no 306. Elle est fondée sur le principe qui domine toutes les questions du dernier ressort, et qui veut que la compétence se détermine par les conclusions.Cette règle reçoit son application non-seulement lorsque la tierce opposition est portée devant un tribunal du même ordre, et ayant la même compétence que celui qui a rendu le premier jugement, mais encore lorsque le tribunal, appelé à prononcer, diffère de celui dont la décision est attaquée. De même, lorsqu'il s'agit d'un objet de plus de 1,500 fr., et que les parties mettent en arbitrage, elles peuvent donner aux arbitres pouvoir de prononcer en dernier ressort. Mais si la sentence n'a pas été rendue dans les délais de la loi, ou si elle a été annulée par quelque motif que ce soit, tout rentre dans le droit commun, et le tribunal ne peut alors statuer qu'à la charge de l'appel. Il en est de même lorsqu'une loi spéciale a soumis certains procès à des tribunaux particuliers, comme les arbitres forcés qui, d'après la loi du 10 juin 1793, devaient connaître en dernier ressort de toutes les contestations sur les biens des communes. Si, après la suppression de ces tribunaux d'exception, leur jugement est attaqué par tierce opposition, le tribunal qui doit en connaître est obligé de suivre les règles générales qui ont limité ses pouvoirs, et

Du 26 janv. 1826.-C. de Rennes, 2 ch.

(2) (Guyot C. Leblanc, etc.) — Le tribunal; - Attendu que le tribunal du premier arrondissement de Paris a prononcé en dernier ressort sur une question qui excédait sa compétence et ses pouvoirs, ainsi qu'il l'avait lui-même reconnu par son premier jugement du 6 juill. 1791, et attendu que les parties n'avaient pas déclaré consentir à être jugées sans appel; qu'ainsi, aux termes de la loi, elles avaient droit à deux degrés de juridiction, le tribunal casse le jugement du tribunal du premier arrondissement de Paris, rendu entre les parties, le 19 janv. 1792, comme contraire à l'art. 5, tit. 4, L. 24 août 1790....

Du 22 fév. 1793.-C. C., sect. cass.-MM. Thouret, pr. -Swendt, rap.

établi deux degrés dejuridiction. Ce serait une erreur de prétendre que le tribunal civil se trouvant, en pareil cas, substitué ou subrogé aux arbitres, a les mêmes pouvoirs et les mêmes attributions, et qu'il doit prononcer comme eux en dernier ressort. Toute procédure qui sort du droit commun, doit être restreinte dans ses limites exceptionnelles; hors ces limites, il faut appliquer les lois générales. Il a été jugé que les tribunaux de première instance ne peuvent statuer qu'en premier ressort sur la tierce opposition dirigée contre une sentence rendue par des arbitres forcés, sous la loi du 10 juin 1793, surtout s'il s'agit d'une action en revendication d'un immeuble d'une valeur indéterminée (Rej., 29 nov. 1820) (1).

62. La demande formée par une partie intervenante doit être prise en considération pour fixer le premier ou dernier ressort, encore que le défendeur au principal reconnaisse n'avoir aucun droit à l'objet du litige (Bruxelles, 5 avr. 1823) (2). – Mais il a été jugé que si, avant l'intervention, il a été rendu un premier jugement par lequel le tribunal a fixé sa compétence en dernier ressort dans la cause, l'intervenant, s'il n'a point réclamé contre cette attribution, a dù être jugé aussi en dernier ressort ( Rej., 27 fruct. an 10) (3). — V. no 86 et 167.

A l'égard des jugements de jonction, V. no 166; et d'incompétence, V. no 84, et v° Instr. civ.

63. Disons, en terminant, qu'il est des causes qui peuvent être portées de plano devant le tribunal d'appel, sans avoir subi le premier degré. De ce nombre sont les interventions et les tierces oppositions formées devant un tribunal d'appel (V. vis Intervention et Tierce opposition), les demandes nouvelles ou défenses formées en cause d'appel par l'intimé (V. Dem. nouv.), les évocations (V. sect. 3, art. 4), les demandes des officiers ministériels pour frais faits devant la cour d'appel -V. Frais. ART. 2. Des degrés de juridiction dans les affaires d'une valeur déterminée. Principes généraux.

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64. Les règles générales de la juridiction en premier et en dernier ressort des tribunaux d'arrondissement sont tracées dans les art. 1 et 2 de la loi du 11 avril 1838, rapportés no 9. Ces tribunaux ont la plénitude de la juridiction du premier degré, même pour les causes déférées aux juges de paix et aux tribunaux de commerce, alors que l'incompétence n'a pas été proposée (V. Comp. civ. n° 215, et Comp.com., no 20.-Contrà, M. Benech, p. 23 et s.). -Ils connaissent en première instance de toutes les affaires personnelles, réelles et mixtes en toutes matières, à l'exception : 1o de celle que nous avons dit ci-dessus être de la compétence des juges de paix, 2o du contentieux de la police municipale, 3o des affaires de commerce dans les arrondissements où il existe des tribunaux consulaires. Ils statuent en dernier ressort sur les actions personnelles et mobilières qui n'excèdent pas 1,500 fr. de principal et sur les actions immobilières (ou réelles, expression de la loi de

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(1) (Bathelat C. com. de Cirey.) LA COUR; Attendu, en droit, qu'on ne peut se pourvoir en cassation que contre les jugements rendus en dernier ressort; - Attendu, en fait, que le jugement dénoncé n'avait pas pu statuer en dernier ressort, puisque la demande avait pour objet la réintégration demandée par la dame de Prémont dans des bois d'une valeur indéterminée, et qu'en effet ce jugement n'est pas qualifié en dernier ressort; Attendu que si, pour obtenir les fins de sa demande, la dame de Prémont avait cru devoir former tierce opposition à un jugement arbitral, du 24 niv. an 2, rendu en dernier ressort, en vertu des lois existantes à cette époque, cette circonstance n'ajoutait rien au droit du tribunal civil, qui pouvait seulement, s'il ne se croyait pas compétent pour statuer sur cette tierce opposition, renvoyer à cet égard les parties à se pourvoir devant qui de droit, mais ne pouvait toujours prononcer qu'en premier ressort, à la charge de l'appel; Qu'ainsi il n'y avait pas lieu au pourvoi formé par la dame de Prémont; la cour la déclare purement et simplement non recevable dans sa demande. Du 29 nov. 1820.-C. C., sect. civ.-MM. Desèze, 1er pr.-Poriquet, r.

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(2) (Lamberts C. X...) En ce qui concerne la non recevabilité de l'appel: Considérant que les appelants Vinnepenninckx on, tant par leur requête d'intervention que par leurs conclusions devant le premier juge, demandé qu'il plaise au tribunal les déclarer propriétaires de la totalité de la somme trouvée, consistant en 210 couronnes de France, et autoriser l'appelant Lamberts à leur remettre toute la somme; que, par conséquent, cette demande, qui avait pour objet une somme de

1790) qui n'excèdent pas 60 fr. de revenu déterminé soit en rentes soit par prix de bail.

65. L'art. 1 de la loi du 11 avril 1838 est la reproduction presque littérale de l'art. 5, tit. 4, de la loi du 24 août 1790. « Cette disposition, disait M. Mérilhou, rapporteur, à la chambre des pairs, forme depuis 1790 une des bases de la juridiction des tribunaux de première instance. L'art. 1 du projet en reproduit les termes d'une manière presque littérale en substituant seulement la somme de 1.500 fr. à celle de 1,000 liv. pour les actions personnelles et mobilières, et la somme de 60 fr. à celle de 50 liv. pour les actions réelles ou immobilières. Voilà les deux seuls changements qu'on vous propose d'introduire. Ainsi rien n'est changé dans l'article déjà cité de la loi de 1790, excepté les deux sommes qu'elle indique. »—M. Benech, t. 2, p. 64, conclut de ces termes que « tous les principes qui se sont établis sur l'application et l'interprétation de la loi de 1790 doivent servir à interpréter et appliquer la loi nouvelle; qu'examiner ces principes, c'est expliquer et commenter l'œuvre que se sont appropriée nos législateurs modernes. » → Cette conclusion de M. Benech est exacte. Il en résulte que la jurisprudence qui s'était établie avant la loi de 1838, sur l'art. 5, tit. 4, de la loi de 1790, conserve sous la loi nouvelle toute l'autorité qu'elle avait. Et comme la plupart des décisions qui forment la base de cette jurisprudence, sont antérieures à 1838, ce sont elles qui fourniront la matière principale du traité qu'on présente ici.

66. Les tribunaux de commerce jugent en dernier ressort toutes les demandes dont le principal n'excède pas la valeur de 1,500 fr. (art. 639 c. com., modifié par l'art. 1 de la loi du 3 mars 1840, rapp. no 11).—On a dit v° Compét. com. que ces affaires, quelque faible qu'en soit l'intérêt, ne tombent jamais dans la compétence des juges de paix. —L'appel d'un jugement du tribunal de commerce n'est pas recevable, lorsque le principal de la demande n'excède pas le taux du premier degré (aujourd'hui 1,500 fr.), encore que le jugement n'énonce pas qu'il est rendu en dernier ressort (conf. rej., 14 vend. an 8, aff. Staalh C. Lienhard. MM. Tronchet, pr., Borel, rap.), et quand même il énoncerait qu'il est rendu à charge d'appel (art. 646 c. com., modifié par la loi du 3 mars 1840). · Sous l'empire de la loi belge du 25 mars 1841, il s'est élevé la question de savoir si les art. 15, 16, 17 et 18 de cette loi qui, à l'instar de notre loi de 1838, prennent en considération les demandes de chaque partie pour la computation du dernier ressort, au lieu de les cumuler comme le faisait la précédente jurisprudence, sont applicables aux tribunaux de commerce comme aux tribunaux civils. L'affirmative, enseignée par M. Delebecque, dans son commentaire de cette loi (V. Revue des Revues, an 1842, no 11, p. 80), a été consacrée par un arrêt qui a fait justice des petites considérations de textes qu'on puisait dans quelques dispositions de cette loi pour soutenir la proposition contraire (Gand, 24 fév. 1843) (4).

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plus de 1,000 fr., a été soumise au premier juge; que celui-ci a dû en connaitre à l'égard de toutes les parties, comme, dans le fait il en a pris connaissance, tant par son jugement interlocutoire que par le jugement définitif dont appel; que, par conséquent, l'appel est recevable. Du 5 avril 1823.-C. de Bruxelles, 1 ch.

(3) (Guiraud C. Sarrat.) - LE TRIBUNAL; En ce qui concerne le citoyen Guiraud : Considérant sur le premier moyen, que le tribunal de la Haute-Garonne, par un premier jugement du 11 mess. an 6, avait statué en premier et dernier ressort, et que Guiraud étant intervenu dans cette instance, dont la nature avait été ainsi fixée, sans avoir déclaré qu'il ne voulait pas que sa demande fùt soumise au dernier ressort. Il n'est pas recevable à se plaindre de ce qu'il y a été prononcé par un jugement ainsi qualifié; -- Rejette.

Du 27 fruct. an 10.-C. C., sect. civ.-MM. Maleville, pr.-Liborel, rap. (4) (Waltems, etc. C. Verleysen.) LA COUR; Attendu que la demande formée par les intimés devant le premier juge ne s'élevait qu'à la somme de 1,756 fr. 14 c., et la demande reconventionnelle se bornait à celle 521 fr. 52 c.; que partant chacune de ces demandes était susceptible d'être jugée en dernier ressort, aux termes de l'art. 22 de la loi du 25 mars 1841; Attendu que cet article se trouvant placé sous la rubrique des dispositions générales de la loi, il y a lieu, par identité de motifs, de l'appliquer aux tribunaux de commerce comme aux tribunaux de première instance proprement dits;- Déclare l'appel non recevable. Du 24 fév. 1843.-C. de Gand, 1′′ ch.

67. On vient de voir que le législateur avait établi, sous le rapport des degrés de juridictions, une différence notable entre les actions mobilières ou personnelles, et les actions immobilières ou réelles. Les actions mixtes se distinguent aussi des unes et des autres, quoique la loi n'en ait pas parlé d'une manière ex

presse.

68. 1o Actions personnelles ou mobilières.—L'action personnelle est, comme on l'a dit, vo Action, no 75, celle qui dérive de rapports directs, formés, de personne à personne, entre le demandeur et le défendeur, par un contrat ou un quasi-contrat, par un délit ou un quasi-délit.-L'action mobilière est celle qui s'applique à des objets mobiliers corporels ou incorporels.-Une action personnelle a presque toujours un caractère mobilier, tandis que l'action mobilière peut n'être pas personnelle : c'est ainsi que la revendication exercée par l'acheteur d'un objet mobilier contre un second acheteur de bonne foi qui en a été mis en possession par le vendeur, est mobilière, sans être pour cela empreinte de personnalité, puisque entre le tiers et moi il n'existe aucun rapport dérivant de contrat ou de quasi-délit.-V. nos 72 et s., 416 et s. 69. La loi du 11 av. 1838 emploie les mots action personnelle et mobilière. Faut-il conclure de là que l'action doit présenter ce double caractère pour qu'elle rentre dans le cas de l'art. 1 de cette loi? on ne le croit pas. La conjonctive et est ici synonyme de la copulative ou qu'emploie l'art. 1 de la loi du 25 mai 1838. C'est ce qu'on jugeait déjà sous la loi de 1790 et l'interprétation doit être la même aujourd'hui. M. Benech, t. 2, p. 69, qualifie avec raison de cavillation puérile, l'argument qu'on chercherait à tirer de la différence qu'on remarque dans les lois citées des 11 avr. et 25 mai, et qui consisterait à dire que, rédigées presque à la même époque, les mots et et ou n'ont pu y être insérés sans une intention manifeste.

70. 2° Actions immobilières réelles et mixtes.-L'action immobilière est celle qui s'attache aux droits réels immobiliers (V. Action, n° 111).— L'action réelle naît d'un rapport entre le demandeur et la chose qu'il revendique, abstraction faite de toute obligation personnelle de la part du défendeur; elle se divise, selon l'objet auquel elle correspond, en mobilière ou immobilière (V. no 73, et Action, no 112); mais dans l'art. 4 de la loi de 1790, elle était synonyme d'action immobilière (V. aussi c. pr. 50, 59, 64).—Enfin l'action mixte est formée par le mélange des actions personnelle et réelle ou immobilière.-V. nos 437 et suiv., et Action, n° 130.

Nous parlerons plus bas des actions ou demandes reconventionnelles en dommages-intérêts ou en compensation fondées exclusivement sur la demande principale elle-même, dont il est question dans l'art. 2 de la loi du 11 avril 1838.-V. l'art. 3 de cette section.

71. A ces distinctions, la pratique en a ajouté une plus générale, et d'après laquelle les actions ou demandes sont déterminées ou indéterminées.-Celles-là sont jugées en premier ou en dernier ressort suivant qu'elles sont au-dessus ou au-dessous de 1,500 fr. en principal, ou s'il s'agit de droits immobiliers, que le produit en rente ou par prix de bail est supérieur ou inférieur à 60 fr. de revenu (c'était 1,000 fr. et 50 fr. sous la loi de 1790); celles-ci, c'est-à-dire les demandes indéterminées subissent toujours deux degrés de juridiction, sauf ce qui sera dit au sujet des denrées dont la valeur peut être fixée par les mercuriales.

72. Dans cet article, qui aura des dimensions fort étendues et qu'on devra rapprocher de l'art. 4 sur les demandes indéterminées, se placent particulièrement les actions personnelles et mobilières, car celles qui ont trait aux immeubles ont presque toujours un caractère indéterminé, à moins que, comme on l'a dit nos 68 et 71, et comme on le verra au 5 9, leur revenu ne soit fixé en rente ou par prix du bail à un chiffre qui ne dépasse pas 60 fr., cas où les tribunaux de première instance les jugent en dernier ressort.

73. Une première règle qui ressort de l'économie de la loi, c'est que pour déterminer le ressort en matière mobilière, il ne faut avoir égard qu'au capital ou principal et jamais aux revenus; tandis que, pour les actions réelles, on n'a égard qu'au revenu déterminé soit en rentes soit par prix de bail. Sous ce rapport, M. Benech critique ce passage de Pigeau (Proc. civ., t. 1, p. 590, édit. Crivelli), qui, parlant des actions réelles mobilières s'est exprimé ainsi; « Non-seulement il faut que le revenu soit

déterminé à 30 fr., mais il faut qu'il le soit par rente ou par prix de bail. » — M. Benech continue en ces termes : « par rente, par prix de bail !!...., comme si des meubles ou des bestiaux étaient loués 50 fr. par an!» Il résulte de ce passage, que Pigeau admettait en matière d'action mobilière le revenu comme base de la compétence. -«Mais son opinion, reprend M. Benech, heurtait directement le texte de la loi ce qui l'avait induit en erreur, c'était la fausse interprétation qu'il donnait à ces mots du deuxième membre de l'article: actions réelles jusqu'à 50 fr. de revenu. Il entendait par là les actions réelles mobilières, comme les actions réelles immobilières, et c'était de sa part une étrange préoccupation. Les actions réelles mobilières se trouvaient régies par le premier membre, comprises qu'elles étaient dans ces expressions actions personnelles et mobilières; et le mot action réelle, dans le second membre, était synonyme d'action immobilière. Le législateur de 1790 ne pouvait avoir donné à cette dernière locution que l'acception qu'elle avait généralement à cette époque, et que les rédacteurs du code civil et du code de procédure ont plus tard maintenue (c. civ. 2177; c. pr. 50, 59, 182). » — Nous avons déjà eu occasion d'expliquer le sens des mots actions réelles dans la loi de 1790 (V. Compét. des trib. de paix, no 17 et suprà, no 70). Ces mots, au reste, ont été remplacés dans la loi de 1838, par l'expression actions immobilières, sans que, comme le remarque encore M. Benech, on ait entendu opérer aucun changement dans le fond des choses. -Retenons donc que le capital forme seul la base légale de la détermination du ressort pour les actions mobilières.

74. De principal. - Ces mots, qui étaient dans la loi de 1790, n'avaient point été reproduits dans le projet présenté en 1855; on y lisait : « Les tribunaux civils de première instance connaîtront en dernier ressort des actions personnelles et mobilières jusqu'à 2,000 fr., suivant les règles de l'évaluation, etc. » Mais, dans le projet de 1838, le gouvernement employa les mots... « jusqu'à 1,500 fr. de principal. » Or, le sens de ce dernier mot était fixé dans la doctrine depuis la loi de 1790; il comprenait les accessoires dans le principal d'après l'adage accessorium sequitur principale; mais, pour cela une condition était exigée, c'est qu'ils fussent nés depuis la demande et qu'ils s'y rattachassent : d'où la conséquence que s'ils étaient antérieurs ils n'étaient point réputés en faire partie. Les fruits, les intérêts, les frais, les dommages-intérêts, les arrérages, postérieurs à la demande doivent être cumulés avec elle et ne comptent point dans la détermination du ressort. C'est aussi l'opinion de M. Benech, t. 2, p. 72 el 73. V. nos 80, 169 et suiv., et V. aussi yo Accessoire,

75. Nous avons reproché, dans notre première édition, à la loi de 1790 de n'avoir autorisé les tribunaux civils à juger en dernier ressort que jusqu'à la valeur de 1,000 liv. (tit. 3, art. 4), tandis qu'elle permettait aux tribunaux de commerce de statuer sur les demandes n'excédant pas 1,000 liv. (tit. 12, art. 4). L'art. 639 c. com. avait répété que ces tribunaux connaîtraient en dernier ressort des demandes qui n'excéderaient pas 1000 fr. Le mot jusqu'à est essentiellement exclusif, comme Merlin l'a élabli lumineusement dans son répertoire (V. aussi vo Delai). Carré (Compét., art. 281, no 312) avait conclu de cette différence dans les termes de la loi que la compétence en dernier ressort des tribunaux civils était plus restreinte que celle des tribunaux de commerce. Cette restriction bizarre, et dénuée de raisons plausibles, ne pouvait être que le résultat d'une inadvertance de rédaction. Cependant les lois des 11 avril 1838 et 3 mars 1840 ont reproduit cette divergence de textes : la première porte jusqu'à la valeur de 1,500 fr., et la seconde n'excédera pas la valeur de 1,500 fr. « On peut douter, dit M. A. Dalloz (D. G., vo Degré de jurid., no 72), qu'un pareil vice de rédaction apporte réellement une différence dans les limites du dernier ressort des tribunaux civils et de commerce. » Cette observation, vraie sous la loi de 1790 et le code de 1807, s'applique également aux lois nouvelles; et, ce qui doit confirmer dans cette opinion que le législateur de 1838 et de 1840 n'a pas voulu établir une distinction puérile entre la compétence en dernier ressort de deux juridictions parallèles, et que ces mots les actions jusqu'à la valeur de 1,500 fr. signifiaient pour lui, nous en demandons pardon à l'Académie, les actions qui ne s'élèvent pas au-dessus do

1,500 fr., c'est que la loi du 25 mai 1838 sur les juges de paix s'est servie de cette locution jusqu'à la valeur de 100 fr. dans les art. 1, 2, 3, 4 et 5 pour déterminer le dernier ressort, et a autorisé l'appel, au cas de l'art. 9, si la valeur s'élève au-dessus de 100 fr. En comparant ces différentes formules et les expressions jusqu'à la valeur de 200 fr. de l'art. 1 de cette loi et celles au-dessus de 200 fr. de l'art. 7, on doit demeurer convaincu que cette expression « jusqu'à la valeur de 1,500, de 60, de 100 ou de 200 fr., » qu'on lit dans les lois de 1838, ne comprend pas seulement ce qui est en deçà de ces chiffres, mais encore tout ce qui n'est pas au delà.-Quoi qu'il en soit, sur ce point, il n'est pas douteux que la demande de soixante chaînes de fil à 150 liv. chacune (ce qui porte l'objet de la demande à 9,000 liv.), ne peut être jugée en dernier ressort par le tribunal de commerce (Cass., 18 prair. an 5, M. Albarel, rap., aff. Prat).

76. La loi de 1790 se sert, comme on a vu, du mot livre; le mot franc (expression monétaire adoptée par la loi du 17 flor. an 7), est employé par l'art. 639 c. com., et par les lois de 1838 et de 1841: or la livre étant au franc comme 80 est à 81, et mille livres tournois ne représentant que' 987 fr. 65 c., tandis que mille fr. valent 1,012 liv. 10 s. tournois, il s'est élevé la question de savoir si les deux expressions étaient équivalentes l'une à l'autre, ou, en d'autres termes, si demander 1,000 fr. était la même chose que demander 1,000 liv., et réciproquement. Il a été décidé, sous la loi de 1790, que le jugement du tribunal civil qui prononce sur une demande en payement de 1,000 fr., formant comme on l'a dit 1,012 liv. 10 s., n'est qu'en premier ressort (Amiens, 14 déc. 1823, aff. Delettre; Nancy, 9 janv. 1826, aff. Delahaye). Cette jurisprudence se fonde sur la lettre de la loi de 1790, sur le silence du code de procédure, lequel ne s'est point occupé de régler la compétence, sur l'inapplicabilité de l'art. 639 c. com.aux matières civiles, enfin sur la vérité et la réalité des choses qui ne permettent pas de considérer 1,000 liv. comme équivalent à

(1) (Hebray, etc. C. de Marin. )— LA COUR; Attendu que si, d'un côté, il est constant, en fait, que le sieur de Marin a cité les sieurs Hebray et Durègne en payement d'une somme de 1,000 fr., il est, d'un autre côté, hors de doute, d'après les termes formels de l'art. 5, tit. 4, de la loi du 24 août 1790, que les juges de première instance ne peuvent prononcer, en premier et en dernier ressort, que sur les causes dont la valeur ne dépasse pas 1,000 liv. que, dès lors, il s'agit uniquement de décider si, dans l'acception légale, ces expressions mille livres, employées par cette loi, renferment le même sens, en désignant une valeur identique à celle de ces mots énoncés dans la demande du sieur de Marin, mille francs; que, pour determiner le sens que le législateur de 1790 a dû attacher à ces expressions mille livres, il ne faut point perdre de vue qu'à l'époque où il disposait ainsi, la livre numéraire, qui, dans l'acception la plus exacte, n'était qu'une monnaie de compte, était généralement considérée en France comme l'unité monétaire; mais que, sous l'un et l'autre rapport, elle avait pour expression synonyme le mot franc, ainsi que le décide le dictionnaire de l'académie française, dont la définition, à cet égard, doit être accueillie avec d'autant plus de confiance, qu'elle a été transportée textuellement dans des ouvrages de jurisprudence trèsestimés (V. Répertoire universel, vis Livre et Franc); d'où il suit que, dans les intentions des auteurs de la loi de 1790, ces mots mille livres, ne pouvaient avoir un sens différent de ceux-ci, mille francs, puisque, considérant la livre uniquement comme unité monétaire, ils s'étaient bornés à fixer le nombre de ces mêmes unités pour déterminer la compétence des juges de première instance;

Que l'introduction du calcul décimal n'a pas dû changer les idées sur te point, car l'examen des lois relatives à l'établissement du nouveau ystème monétaire ne permet pas de douter que, sous le rapport purement nominal, et, abstraction faite de leur valeur réelle, les mots livre et franc ne cesseront pas d'être identiques; en effet, la loi du 24 août 1790 s'exprime ainsi : « La livre numéraire sera divisée en dix parties appelées décimes; le décime sera divisé en dix parties; chacune de ses parties portera le nom de centime (art. 2 et 3). » Donc, dans la pensée du législateur, la livre était considérée alors comme l'unité monétaire : la loi du 28 therm. an 3 lui enleva, il est vrai, ce privilége; mais il fut si loin de sa pensée de modifier encore sa valeur légale, que, déclarant, par son art. 1, que l'unité monétaire portera le nom de franc, elle ajoute, art. 2: « Le franc sera divisé en dix décimes, et le décime en dix centimes; » d'où il faut conclure qu'il y eut alors seulement changement de nom pour la désignation de l'unité monétaire; que, dans toutes les lois postérieures, quoique promulguées dans des temps et sous l'empire d'idées entièrement différentes, c'est toujours sous ce même rapport qu'on considere la livre numéraire ; car si, d'un côté, les lois des 2 brum, an 4 et 14 brum. an 5, postérieures cependant à l'établissement du nouveau

1,000 fr. Néanmoins on a vu là généralement une rigueur excessive. Dans la pensée du législateur les mots franc et livre ont dù être synonymes sous le rapport de la compétence, ainsi que l'exprime suffisamment l'art. 639 c. com., où il s'est servi du mot franc sans croire qu'en cela il dérogeât à la loi de 1790 et qu'il attribuât à la juridiction commerciale, sous ce rapport, une compétence plus étendue qu'aux tribunaux civils. Ajoutons, en présence de ces différences d'expressions de la loi de 1790 et de l'art. 639 c. com., que c'est le cas de rechercher l'esprit du législateur, et qu'on ne peut s'empêcher de décider qu'en promulguant la loi du 17 flor. an 7 et l'art. 659 c. com., il a entendu assimiler, au point de vue de la compétence, le franc à la livre. Cet esprit ressortirait encore, au besoin, de la législation qui ne permet pas que le mot livre soit employé dans les actes publics. Remarquons, enfin, qu'il s'agit ici d'une matière civile et que l'interprétation doctrinale est illimitée dans la recherche de la pensée du législateur. — C'est dans le sens de cette doctrine que la jurisprudence la plus générale s'est prononcée : il a donc été jugé que les tribunaux civils peuvent prononcer sur une affaire qui n'excède pas 1,000 fr., quoique supérieure à 1,000 liv. tournois (Toulouse, 24 juill. 1827 (1); conf., Rennes, 21 août 1812, aff. Maillot; 9 juill. 1817, aff. Reibell, V. no 177-1°; Metz, 17 déc. 1819, aff. Morbois; Caen, 7 nov. 1827, aff. Pesqueret; Poitiers, 7 août 1828, aff. Mariteau; Bordeaux, 13 déc. 1831, aff. Royer; Nancy, 1re ch., 1er fév. 1836, M. de Metz, pr., aff. Lepique C. Mangin; Bruxelles, 3° ch., 3 mai 1857, aff. Pauwels C, Vanvoorts). Disons que les auteurs se sont prononcés dans le sens de cette jurisprudence (Pigeau, t. 1, p. 512; Carré, Compét., t. 4, no 282; Thomine, t. 2, p. 370; Boncenne, t. 1, p. 236). 77. On a dit que, depuis 1807, le code de commerce avait fait cesser la difficulté sur ce point pour les affaires commerciales. La loi du 11 avr. et celle du 25 mai 1838 ne sont pas moins formelles pour les instances portées devant le tribunal civil et devant la système monétaire, voulant parler de la consignation d'amende qui doit précéder le pourvoi en cassation, disent qu'elle doit être de 150 liv.; d'un autre côté, lorsqu'en 1807, on a voulu transporter dans le code de commerce la disposition de l'art. 4, tit. 12 de cette même loi du 24 août 1790, le législateur s'est exprimé ainsi, art. 639: « Les tribunaux de commerce jugeront en dernier ressort toutes les demandes dont le principal n'excédera pas la valeur de 1,000 fr., » expression qui, quoique, dans sa pensée, identique avec celle de livres, a dû cependant être exclusivement employée par lui, puisque la loi du 17 floréal an 7 avait voulu que désormais le mot franc fût seul en usage; ainsi cette disposition n'étend point la compétence des tribunaux de commerce, elle se borne à leur conserver celle que leur attribuait l'art. 4, tit. 12, de la loi du 24 août 1790; aussi l'auteur du Répertoire de jurisprudence, v° Cause des marchands, article publié avant le code de commerce, et après la loi du 17 flor. an 7, voulant faire connaître l'étendue de juridiction de ces tribunaux, s'exprime ainsi : « Ils jugent en dernier ressort jusqu'à la somme de 1,000 fr., en vertu de la loi du 24 août 1790; » opinion consacrée par un arrêt de la cour de cassation, du 4 mai 1806 (Répert, universel, vo Dernier ressort, § 11); que, dès lors, les dispositions de la loi du 17 flor. an 7, ou de l'arrêté du 26 vend. an 8, qui établissent la valeur réelle, et du franc, et de la livre, ne sauraient être d'aucune influence pour la décision de la cause actuelle, puisque, disposant uniquement dans l'intérêt du trésor public, ou réglant l'effet des transactions entre particuliers, elles n'ont eu nullement en vue de modifier les bases précédemment adoptées, pour déterminer la compétence du pouvoir judiciaire;

Attendu, enfin, que c'est dans ce sens que ces diverses lois ont toujours été exécutées par les tribunaux et cours du royaume, qui, notamment pour l'application des amendes, prononcent en francs celles que les lois de 1790 et années suivantes fixent neanmeins en livres en effet, depuis son établissement, la cour de cassation condamne constamment tout demandeur, en matière civile, qui succombe dans son pourvoi, à 150 fr. d'amende; et cependant, ce droit, qui lui est conféré tant par l'art. 5, tit. 4, 1 partie du règlement de 1758, que par l'art. 1 de la loi du 14 brum. an 5, ne fixe cette amende qu'à 150 liv.: cette cour reconnait donc que, dans ces diverses lois, c'est seulement au nombre d'unités numéraires qu'on doit s'attacher, et non à leur valeur réelle; que, dès lors, le changement de nom de cette même unité ne modifie en rien la compétence des tribunaux relativement a l'étendue de leur juridiction; d'où il suit qu'en prononçant en dernier ressort sur la demande du sieur de Marin, le tribunal de première instance de Toulouse n'a fait qu'user du pouvoir légal que lui conférait la loi de 1790, et que l'appel contre cette décision est irrecevable; Par ces motifs, déclare Hebray et Durègne non recevables dans leur appel, etc.

Du 24 juillet 1827.-C. de Toulouse, 1re ch.-M. Hocquart, 1er pr.

La

justice de paix; ces juridictions statuent sans difficulté sur les contestations qui n'excèdent pas 1,000 fr., et par là se trouve ôté tout intérêt à la jurisprudence qu'on vient de retracer. question ne pourrait pas même s'élever au sujet des stipulations passées sous l'ancien régime monétaire, parce qu'il est de principe que la juridiction se règle sur la loi en vigueur au moment où une difficulté est soumise aux tribunaux. Toutefois, on a pu voir que le système qui a succombé avait en sa faveur la rigueur au moins apparente du droit et que ce n'est qu'à l'aide d'une interprétation, qui pour être exacte n'en est pas moins d'une grande subtilité juridique, qu'on peut parvenir à l'établissement de la thèse contraire.

78. De ce qu'on vient de dire, il ne faut point conclure que l'ancien signe monétaire ne soit pas susceptible de donner encore de nouvelles difficultés. Supposons qu'une somme ait été stipulée nominativement en écus de trois ou de six livres ; qu'ainsi il ait été convenu que le débiteur payerait à son créancier 167 écus de six livres ou 352 écus de trois livres, ce qui formait autrefois environ 1000 livres, mais ce qui, d'après les réductions que ces monnaies ont éprouvées, ne serait plus que l'équivalent d'une somme d'environ 950 fr.: il faudra, en cas pareil, réduire la somme en francs pour apprécier s'il y a lieu au dernier ressort. Cette difficulté n'est pas identique avec celle qui vient d'être examinée, et l'on n'a point ici à invoquer l'art. 639 c. com. qui annonce que le législateur avait entendu prendre le chiffre de 1000 fr. comme expression du dernier ressort. On peut invoquer, en faveur de cette interprétation, un arrêt de la cour de Reunes, dans lequel on lit : « Considérant que le montant de ces demandes respectives est basé sur le calcul même des appelants, qui, devant les premiers juges, ont déterminé eux-mêmes l'espèce de monnaie dans laquelle il avait été convenu que le payement des chevaux, objet du marché, devait avoir lieu, c'est-à-dire en écus de 6 liv., valeur nominale et sans appoint; que l'objet de la contestation s'elevant à une somme moindre de 1,000 fr., il s'ensuit que les premiers juges, aux termes de l'art. 639 c. com., ont dû juger en dernier ressort (8 avril 1815, C. de Rennes, 3e ch., aff. Mandet G. N...). — Ce texte n'est certainement pas parfaitement explicite sur la question qu'il décide, et les faits manquant dans les recueils quf l'ont rapporté, il ne nous a pas été possible de retracer l'espèce d'une manière précise et certaine. On voit toutefois dans les considérants, qui viennent d'être reproduits, que l'interprétation de la cour de Rennes est en harmonie avec notre opinion.

Conformément à cette opinion, il a été jugé que lorsqu'il s'agit d'une obligation souscrite en argent des colonies, c'est la valeur numérique de la somme, argent de France, et non sa valeur argent des colonies, qui determine le premier ou le dernier ressort (Bordeaux, 12 août 1831) (1).—V. no 90-3o.

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79. Pour éclairer les difficultés auxquelles les actions personnelles ou mobilières donnent lieu sous le rapport des degrés de juridiction, il est nécessaire de poser quelques règles préliminaires. Ces actions ne sont jugées en dernier ressort par les tribunaux de première instance qu'autant qu'elles n'excèdent pas 1,500 fr. en principal ou capital (V. nos 73 et suiv. et 81), c'est-à-dire, et comme on le verra, non compris les accessoires qui sont une suite de la demande (V. nos 74 et 169). — 2o C'est par les conclusions du demandeur (V. no 80) et quelquefois par celles du defendeur, comme dans le cas où celui-ci forme une action reconventionnelle qui n'a point sa source dans la demande principale (V. no 82 et art. 3), que s'apprécie le premier ou le dernier ressort. 3 Lorsqu'il existe une difference entre les conclusions diverses prises dans le cours de l'instance, c'est aux dernières qu'il convient en général de s'attacher pour fixer le premier ou le dernier ressort (V. no 94 et suiv.).—4° La con

(1) (Chaput C. Cornette.) - LA COUR; Attendu que la somme de 1,776 liv., argent des colonies, ne représente que celle de 960 fr., argent de France, et qu'ainsi le litige, devant le tribunal de Barbezieux, ne roulait que sur un capital au-dessous de 1,000 fr.; Attendu que les époux Chaput, pour porter le capital de la demande à une somme excédant 1,000 fr., excipent inutilement de cette circonstance que les frais de prolet, et les intérêts qu'il à fait courir doivent être réunis au montant du mandat, ce qui étend la valeur de la contestation à plus de 1,000 fr.; Allendo que les frais de protêt ne peuvent être considérés que comme des

damnation n'est pas prise en considération pour la détermination du ressort en matière civile (V. nos 83 et suiv.). 5o La valeur des objets mobiliers se détermine d'après le capital et non d'après le revenu qu'il est susceptible de produire (V. nos 73, 74). — 6° C'est la valeur de la chose au jour de la demande qui détermine le ressort, lorsque cette chose est par sa nature susceptible d'augmentation ou de diminution (V. n° 80). 7° Lorsque la valeur de l'objet demandé n'est ni fixe ni certaine, c'est-à-dire lorsqu'elle est indéterminée, l'évaluation n'en peut être faite ni par le juge soit d'office, soit à l'aide d'expertise ou d'autres moyens d'instruction, ni par le demandeur lui-même, car le jugement est toujours susceptible d'appel (V. no 87, 89, et art. 4). -8° Quand la valeur des choses est fixée par des mercuriales, c'est à celles-ci qu'on se réfère pour la détermination du ressort (V. nos 90). — 9o En général, on ne tient pas compte des exceptions tirées de la nullité, de la qualité, etc., à l'aide desquelles on repousse une demande inférieure au taux de l'appel (V. notamment, sur ce point, nos 247 et suiv.). Ces points divers ont été l'objet de fréquentes controverses. Ils ressortiront avec les distinctions qui naissent de la variété des espèces, des explications qui vont faire l'objet des paragraphes qui suivent.

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§ 1. Mode de détermination du ressort. ou conclusions.

Demande

80. C'est la demande ou les conclusions qui règlent la compétence en premier ou en dernier ressort. Ce principe est fondamental en cette matière. Et c'est le moment où le litige s'engage qui sert à déterminer le chiffre de la demande et non l'époque du jugement (Conf. M. Benech, p. 119), à moins que les conclusions n'aient été changées au dernier instant : « Pour se fixer sur le taux du premier ou dernier ressort, a dit la cour de Liége, il faut prendre en considération la valeur de l'objet en litige au moment où l'action a été intentée» (Liége, 1re ch., 2 déc. 1841, aff. Richard C. Boux). — Et il a été jugé en ce sens : 1o Que les fournitures faites au moment de la demande peuvent seules servir à déterminer le premier ou le dernier ressort; mais que celles à faire ne doivent pas être comptées pour cet objet; qu'il en est de même de toutes les demandes accessoires ou conditionnelles qui, en les supposant formées isolément, né seraient ni recevables, ni fondées au moment de l'assignation (Douai, 22 juin 1842, aff. Camen, V. no 140); — 2° Que le premier ou le dernier ressort, en matière de demande en payement de fournitures faites et à faire, telles que les frais de nourriture d'un cheval, se détermine par le montant des fournitures dejà faites lors de l'action, sans y comprendre la valeur de celles faites jusqu'au moment où le cheval serait emmené (même arrêt, aff. Camen). 3° Que, d'un autre côté, c'est par les conclusions principales des parties, et non par leurs conclusions subsidiaires, que se détermine le taux du dernier ressort, et qu'en conséquence, il faut regarder comme rendu en dernier ressort le jugement qui accueille des conclusions principales d'une valeur inférieure à 1,000 fr., quand bien même ces conclusions auraient été accompagnées de conclusions subsidiaires d'une valeur indéterminée (Nancy, 1re ch., 11 nov. 1831, M. de Metz, pr., aff. Minon C. Béranger; extrait de la Jurisp. de Nancy, par M. Garnier, vo Degré de jurid., n° 16. Metz, 4 juin 1835, et Bordeaux, 5 janv. 1843, aff. Saint-Seurin, V. no 418). 4° Que pareillement, une demande incidente indéterminée entée sur une demande principale qui n'excède pas 1,500 fr., ne rend pas susceptible d'appel le jugement intervenu sur ce dernier chef, si les deux demandes principale et incidente n'ont pas une connexité nécessaire, comme si elles pouvaient faire l'objet de deux instances séparées, et si ce n'est qu'accessoirement que la seconde a été jointe à la pre

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Conf.

Attendu,

frais de procédure, et partant comme de simples accessoires; en ce qui regarde les intérêts, que le protèt se confondant avec la demande dont il est le préliminaire indispensable, les intérêts courus depuis que le mandat a été protesté, doivent être considérés comme postérieurs à l'exercice de l'action, et, par conséquent, ne peuvent pas être calculés comme l'un des éléments de la demande; - Attendu que la loi de 1790 investit les tribunaux du droit de juger les affaires en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 1,000 fr. de principal; Déclare l'appel non recevable. Du 12 août 1831.-C. de Bordeaux, 4a ch.-M. Dégranges, pr.

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