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du droit que lui confère l'art. 81 sénat.-cons. 16 therm. an 10. | Il peut même, si la gravité des faits l'exige, soit déférer le juge à la cour de cassation conformément aux art. 82 sénat.-cons. 16 therm. an 10 et 56 L. 20 avr. 1810, soit dénoncer les faits au ministère public près le tribunal dont ce juge fait partie, afin qu'il provoque contre lui une répression disciplinaire, ou que même il exerce des poursuites criminelles, s'il y a lieu.

206. Indépendamment du droit de surveiller et de reprendre et du droit de mander les juges près de sa personne, le ministre de la justice, comme nous l'avons vu déjà dans les paragraphes précédents, a un droiț de révision sur les condamnations disciplinaires prononcées par les cours et tribunaux soit contre leurs propres membres, soit contre les juges inférieurs. « Dans tous les cas, porte l'art. 56 L. 20 avril 1810, il sera rendu compte au ministre de la justice, par les procureurs généraux, de la décision prise par les cours royales: quand elles auront prononcé ou confirmé la censure avec réprimande ou la suspension provisoire, la décision ne sera mise à exécution qu'après avoir été approuvée par le grand juge...... Sans préjudice du droit qui lui appartient de déférer le juge inculpé à la cour de cassation, si la gravité des faits l'exige. »>

207. Tout jugement de condamnation rendu contre un juge à peine même de simple police doit être transmis au ministre de la justice qui, après en avoir fait l'examen, dénonce à la cour de cassation, s'il y a lieu, le magistrat condamné; et, sur cette dénonciation, ledit magistrat peut être déchu ou suspendu de ses fonctions, suivant la gravité des faits (L. 20 avril 1810, art. 59). — V. suprà, no 130, les observations auxquelles cette disposition a donné lieu. – Il a été décidé que, lorsqu'un juge a été condamné à une peine correctionnelle, si le garde des sceaux n'use point de la faculté que lui confère l'art. 59 de la loi du 20 avr. 1810 de le dénoncer à la cour de cassation, ce juge peut être cité disciplinairement, à raison de cette condamnation, devant le tribunal dont il fait partie (Req., 15 mars 1843) (1).

ART. 2.

Des officiers du ministère public et des officiers de police judiciaire; des greffiers.

208. 1o Des officiers du ministère public.-L'un des principes fondamentaux de notre organisation judiciaire, c'est que le ministère public est entièrement indépendant des corps de judicature auxquels il est attaché. Cette indépendance était réclamée par la nature même des rapports qui existent entre ces deux ordres de fonctions; elle est une condition nécessaire de la bonne administration de la justice. En effet, les officiers du ministère public, bien que leurs pouvoirs soient aujourd'hui beaucoup moins étendus qu'ils ne l'étaient autrefois, ainsi que le fait remarquer M. Henrion de Panşey, dans son Traité de l'autorité judiciaire, sont exposés à se trouver fréquemment en lutte contre le sentiment des tribunaux près desquels ils siégent; de plus, ils sont investis, à l'égard des membres de ces tribunaux, d'une mission de surveillance qui, le cas échéant, peut les mettre dans la nécessité d'exercer contre eux soit des poursuites disci-. plinaires, soit même, au besoin, des poursuites criminelles. Or on comprend que, pour que dans l'accomplissement de ces devoirs ils puissent agir avec une pleine liberté d'esprit, déployer toute la vigueur et l'activité nécessaire, il faut qu'ils n'aient point à redouter pour eux-mêmes l'effet des susceptibilités qu'ils aurajent blessées, des ressentiments qu'ils auraient excités; il faut en un mot, qu'ils jouissent de la sécurité que donne l'indépendance.

Au surplus, ce principe de l'indépendance du ministère public à l'égard des tribunaux n'est pas nouveau dans notre droit, il existait déjà dans l'ancienne jurisprudence, contesté à la vérité par les parlements, mais énergiquement revendiqué par les gens du roi, et nos anciens jurisconsultes et publicistes s'accordaient (1) Espèce: (Martineau C. min. pub.) M. Martineau, juge à Montargis, est censuré en 1823. Devenu juge au Mans, il est suspendu en 1829 par la cour d'Angers pour dix ans. En 1842 et sur une plainte, la même cour le condamne à un mois de prison en vertu de l'art. 479 c. inst. crim. - Cité disciplinairement devant le tribunal du Mans, par suite de cette condamnation, il décline la compétence de son tribunal en se fondant sur l'art. 59 de la loi du 20 avril 1810; mais le tribunal prononce une nouvelle suspension de douze ans. Pourvoi. - Arrêt.

généralement à proclamer la nécessité de cette indépendance. «On doit soustraire les gens du roi, dit Henrys, t. 4 de ses œuvres, tit. 2, aux inquiétudes, aux mouvements, aux troubles, aux recherches, à la discussion même des compagnies; d'autant plus que leurs fonctions, les instructions particulières qu'ils reçoivent du roi et de ses ministres, les mettant souvent dans le cas de s'opposer aux yues de ces compagnies, il peut souvent arriver qu'ils déplaisent et qu'on cherche à les traverser. » Et d'Aguesseau, dans ses lettres, émettait les mêmes idées. « Régulièrement, écrivait-il dans une lettre du 11 mars 1730 en parlant des gens du roi d'un parlement, les gens du roi ne doivent rendre compte qu'à sa majesté de ce qu'ils font ou de ce qu'ils ne font pas en son nom. » Et dans une autre lettre du 21 juin 1731: « Il ya, disait-il, des règles de l'ordre public que le roi ne doit pas permettre aux officiers qui assistent en son nom de négliger dans l'exercice de leur ministère; la principale de ces règles est que c'est à sa majesté seule qu'il appartient de leur en prescrire dans tout ce qui regarde leurs fonctions et qui peut intéresser le bien de son service: ils ne dépendent point à cet égard des compagnies auprès desquelles ils remplissent les devoirs de l'officier public, et elles ne peuvent faire aucuns règlements sur la manière dont ils sont obligés de les acquitter. » Enfin la même doctrine avait été consacrée par de nombreux arrêts. —V. à cet égard Encyclop. méth. (Jurisp.), v° Gens du roi,

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Ces principes se retrouvent dans les diverses organisations judiciaires qui se sont succédé en France à partir de la révolution de 1789. On peut voir notamment l'art. 4, tit. 8, L. 16-24 août 1790, qui déclare les officiers du ministère public agents du pouvoir exécutif auprès des tribunaux, et par là consacre leur indépendance à l'égard de ces mêmes tribunaux.

C'est dans cet esprit qu'ont été rédigées les dispositions législatives qui règlent, dans notre droit actuel, la discipline des officiers du ministère public. Elles rendent ces officiers entièrement indépendants des compagnies, sans distinguer entre ceux qui exercent près les cours souveraines et ceux qui exercent dans les tribunaux inférieurs, parce que ces officiers forment une magistrature indivisible, émanant directement du roi, pour le représenter, et qui, par conséquent, ne doit compte qu'à lui-même ou au chef qu'il lui a donné, de tout ce qu'elle fait ou omet de faire, dans l'ordre de ses attributions.

209. A la différence de la discipline des juges, la discipline du ministère public n'est point entourée de l'appareil des formes judiciaires: elle s'exerce administrativement, suivant les rapports que l'ordre hiérarchique établit, d'une part entre les divers officiers qui en exercent les fonctions, d'autre part entre eux et le pouvoir supérieur dont ils relèvent. La raison de cette différence est sensible les officiers du ministère public ne jouissent pas, comme les juges, dų privilége de l'inamovibilité; or, il eût été illogique de soumettre à des formes protectrices la répression disciplinaire des fautes commises par des fonctionnaires qui peuvent être révoqués à volonté par le gouvernement qui les a nommés. Voyons maintenant quelles sont les règles que nous trouvons sur ce sujet dans la législation.

219. Le procureur général près la cour de cassation surveille les procureurs généraux près les cours d'appel. Ces derniers surveillent les procureurs de la République près les tribunaux civils (sénat.-cons. 16 therm. an 10, art. 84). · · La surveillance des procureurs généraux s'applique aux avocats généraux ainsi qu'aux substituts près les cours d'appel, aussi bien qu'aux procureurs de la République (arg. art. 6 et 47, L. 20 avril 1810; 42 et s., décṛ. 6 juill. 1810). De leur côté, ceux-ci ont la surveillance de leurs substituts ainsi que des officiers du ministère public près les tribunaux de simple police (arg. art. 6 et s., décr. 18 août 1810; art. 279 et 289 c. inst. crim.).—Les officiers du ministère public dont la conduite est répréhensible

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doivent être rappelés à leur devoir par le procureur général du ressort; il en doit être rendu compte au ministre de la justice, qui, suivant la gravité des circonstances, leur fait faire par le procureur général les injonctions qu'il juge nécessaires, ou les mande près de lui (L. 20 avr. 1810, art. 60). —Les cours d'appel ou d'assises sont tenues d'instruire le ministre de la justice toutes les fois que les officiers du ministère public exerçant leurs fonctions près de ces cours s'écartent du devoir de leur état, et qu'ils en compromettent l'honneur, la délicatesse et la dignité. Les tribunaux de première instance doivent instruire le premier président et le procureur général de la cour d'appel, des reproches qu'ils se croiraient en droit de faire aux officiers du ministère public exerçant dans l'étendue de l'arrondissement, soit auprès de ces tribunaux, soit auprès des tribunaux de police (L. 20 avr. 1810, art. 61).

211. Comme on le voit par les termes de ce dernier article, les cours et tribunaux n'ont sur les officiers du ministère public aucun pouvoir de répression disciplinaire; la loi leur attribue seulement le droit, ou plutôt elle leur impose le devoir de dénoncer, soit au procureur général, soit au ministre de la justice, les fautes dont ils pourraient se rendre coupables. Il y a donc indépendance des juges à l'égard du ministère public, et réciproquement du ministère public à l'égard des juges. Cette indépendance n'empêche pas les tribunaux et les membres des parquets de se surveiller mutuellement; mais, d'un côté, les officiers du ministère public doivent se borner à requérir contre les juges l'application des peines que ceux-ci leur paraissent avoir méritées, et d'un autre côté, les juges doivent se borner à dénoncer à qui de droit les fautes des officiers du ministère public, sans pouvoir leur infliger eux-mêmes ni censure, ni réprimande, ni aucune autre peine. Jugé que la faculté réservée aux tribunaux par l'art. 61 de la loi du 20 avr. 1810 de dénoncer les officiers du ministère public qui se sont écartés de leur devoir ne peut être

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(1) Espèce :-(Intérêt de la loi C. Ramassa-Michetty.)-Le procureur général expose: ... L'arrêt contient une violation des règles de la compétence. La cour, en effet, se livre dans ses motifs à une véritable censure de la conduite du ministère public dans l'affaire qui lui était soumise; elle déclare que le procureur général a pris sous sa responsabilité personnelle de mettre en oubli la poursuite pendant neuf mois; que l'antériorité de la date de l'acte d'accusation sur celle de l'enquête écrite de l accusé, jointe aux pièces, serait facile à expliquer par une erreur de la plume de M. le procureur général, relativement à la date du 19 septembre donnée à l'acte d'accusation; que ce magistrat aurait dù se hâter de réparer ses torts envers la justice et l'accusé; que cependant il avait cru pouvoir se dispenser, pendant un mois encore, d'accomplir ce vœu d'humanité autant que d'intérêt public; qu'il ne serait pas raisonnable de rendre l'accusé victime de la négligence inexplicable de M. le procureur général pendant si longtemps; et, d'après ces motifs, l'arrêt ordonne qu'il sera délibéré en conseil, aux termes de l'art. 156 de l'ordonnance du 30 sept. 1827, relativement à M. le procureur général. Le droit de censurer les officiers du ministère public n'appartient point aux tribunaux; la loi ne le confére qu'au procureur général et au ministre de la justice; cette règle a été souvent consacrée. A la vérité, l'art. 136 de l'ordonnance du 30 sept. 1827, qui n'a fait que reproduire l'art. 61 de la loi du 20 avril 1810, attribue à la cour la faculté d'informer le gouvernement que les officiers du ministère public se seraient écartés de leur devoir; mais, en supposant même que cette faculté pût s'appliquer au procureur général (surtout dans l'espèce où, aux termes de l'art. 2 de l'ordonnance du 21 août 1825, le procureur général est institué chef de l'administration de la justice dans la colonie), elle suppose un avertissement purement confidentiel. Or, c'est dans un arrêt rendu publiquement, et qui fait partie des pièces de la procédure que la cour a censuré dans les termes les plus inconvenants la conduite du premier magistrat de la colonie, et a annoncé la résolution de déférer sa conduite au gouverneur. Ces dispositions constituent un nouvel excès de pouvoir qui doit entraîner l'annulation de l'arrêt. — Arrêt.

LA COUR; - Vu les art. 441 et 442 c. inst. crim., et la lettre de M. le ministre de la justice, du 15 décembre dernier; Joint les deux réquisitoires présentés le 15 janvier dernier en exécution de ladite lettre, pour y être fait droit par un seul et même arrêt; Et y statuant; qui touche le pourvoi dirigé contre l'arrêt rendu publiquement le 20 déc. 1837; Par les motifs énoncés au réquisitoire y relatif; Casse.

En ce

Du 31 janv. 1839.-C. C., ch. crim.-MM. de Bastard, pr.-Vincens, rap. (2) (Min. pub. C. Blavo!.) - LA COUR; Sur le premier moyen, tiré de ce que le jugement d'instruction, du 9 sept. dernier, a donné acte au prévenu des divers passages dont il s'est plaint, dans le réquisitoire écrit du ministère public, et ordonné le dépôt de ce réquisitoire au greffe; -Vu les art. 60 et 61 de la loi du 20 avr. 1810; l'art. 23 de la loi du 17

exercée que confidentiellement; qu'ainsi, il n'est pas permis à une cour d'appel d'exprimer publiquement, dans les motifs d'un arrêt, son intention de dénoncer la conduite d'un membre du parquet (Crim. cass., 31 janv. 1839) (1).

212. Le droit conféré aux cours et tribunaux dans les colonies, comme dans la métropole, de dénoncer les officiers du ministère public, quand ils se sont écartés de leurs devoirs, ne peut être étendu au procureur général dans les colonies (dans les établissements de l'Inde), au gouvernement desquelles ce magistrat participe, comme chef de l'administration de la justice et comme membre du conseil privé (même arrêt).

213. li a été décidé, conformément au principe de l'indépendance des officiers du ministère public vis-à-vis des tribunaux : 1° que le droit de censurer les officiers du ministère public n'appartient pas aux tribunaux, mais seulement au procureur général et au ministre de la justice (Crim. cass., 31 janv. 1839, V. no 211); -2° Que c'est par le ministre de la justice seulement ou par le procureur général qu'un officier du ministère public, dont la conduite est répréhensible, peut être rappelé à son devoir; -Et spécialement, qu'il ne peut être donné acte à un prévenu, par le juge de simple police, des passages du réquisitoire du commissaire de police qui seraient injurieux pour ce prévenu: cejuge devrait seulement avertir de cette conduite, soit le procureur général à la cour d'appel, soit le tribunal de première instance dont il ressortit (Crim. cass., 20 oct. 1835) (2); 3° Qu'un tribunal de police ne peut, sans excès de pouvoir, censurer les actes de l'officier qui remplit près de lui les fonctions du ministère public; et qu'il y a censure illégale de ces actes dans les motifs d'un jugement où le juge manifeste le regret d'avoir à prononcer une seconde fois, en quinze jours, sur une recherche que tout citoyen paisible aurait fait en sorte d'éviter (Crim. cass., 1er juin 1839, aff. Beauvert. V. Jours fériés); — -4° Que les tribunaux n'ont pas le droit de censurer, même par simple insinuation, les actes mai 1819, et les art. 408 et 413 c. inst. crim., en exécution desquels doivent être annulés tous arrêts ou jugements en dernier ressort qui contiennent une violation des règles de la compétence;-Attendu, en droit, qu'il résulte des deux premiers articles précités que les officiers du ministère public, dont la conduite serait répréhensible, ne peuvent être rappelés à leur devoir que par le ministre de la justice ou par le procureur général près la cour royale du ressort dans lequel ils remplissent leurs fonctions; que les tribunaux de première instance ont seuls le droit d'instruire ce magistrat et le premier président de la même cour, des reproches qu'ils auraient à leur faire; et que les discours prononcés ou les réquisitions prises à l'audience par ces officiers ne sauraient donner lieu contre eux, dans aucun cas, à une action en diffamation ou en injure, puisqu'elle n'est ouverte par la loi qu'aux parties privées, et seulement lorsque les juges de la cause leur en ont expressément réservé l'exercice; -Qu'il n'est pas au pouvoir des officiers de la vindicte publique de renoncer à la protection qu'ils reçoivent de ces principes, dans l'intérêt de l'ordre public dont ils sont les organes;-Que le tribunal de simple police de Mamers, s'il pensait, dans l'espèce, que le commissaire de police, qui remplit près de lui les fonctions du ministère public, avait provoqué de sa part cette démarche, devait donc se borner à informer le procureur général en la cour royale d'Angers, ou le tribunal de première instance de l'arrondissement, des faits susceptibles de leur être signalés contre lui;-D'où il suit qu'en accordant l'acte et en ordonnant le dépôt dont il s'agit, sur le motif que le ministère public y avait consenti, au lieu de s'y opposer, le jugement en question a expressément violé les règles de la compétence et les lois ci-dessus visées;

Sur le deuxième moyen, tiré de la fausse application, et, par suite, de la violation des art. 463 et 483 c. pén. ;-Vu ces articles;-Attendu, en droit, qu'il résulte de leur combinaison que les tribunaux ne peuvent, afin d'atténuer la peine prononcée par la loi, prendre en considération des circonstances indépendantes et entièrement distinctes du fait constitutif de la contravention dont ils sont saisis; - Et attendu, en fait, que le jugement dénoncé s'est fondé uniquement, pour écarter l'application de la peine de la récidive, sur le motif que, dans cette affaire, le commissaire de police n'a pas usé de toute la modération, la prudence, et surtout, dans les débats, de toutes les convenances de langage que ne doit jamais abandonner un fonctionnaire public;-Qu'en énonçant ces circonstances, et en les considérant comme atténuantes, au profit du prévenu, de la contravention d'avoir, en état de récidive, gêné la liberté et la sûreté de la voie publique, par un dépôt de matériaux, de décombres, et par l'établissement d'un grand bassin de chaux, dans la rue dite du Collége, le jugement en question a commis une violation manifeste, non-seulement des règles de la compétence, mais aussi des articles précités;-Casse. Du 20 oct. 1835.-C. C., ch. crim.-MM. de Bastard, pr.-Rives, rap.

des officiers du ministère public, lors même qu'ils offriraient | témoins c'est, de la part du ministère public, vouloir aggraver quelque irrégularité; et, par exemple, qu'ils excèdent leurs pouvoirs en déclarant qu'un maire agissant comme partie publique s'est déclaré le défenseur du prévenu (Crim. cass., 30 déc. 1842) (1); — 5° Que le tribunal qui adresse à l'organe du ministère public, donnant ses conclusions, l'avertissement de respecter la chose jugée et de ne pas continuer de parler, commet un excès de pouvoir (Cass., 7 août 1818) (2); — 6o Que l'arrêt dans lequel il est dit que le procureur du roi parait avoir méconnu ses droits et obligalions doit être annulé comme contenant un excès de pouvoir (Crim.cass., 8 déc. 1826) (3);—7° Que le motif d'un jugement dans lequel il est dit que faire assigner certains

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(1) Espèce: (Intérêt de la loi C. Prosmaër.) Le procureur général expose, etc. ...Un jugement du tribunal de simple police, du 21 mars 1842, contient le passage suivant : « M. le maire de Grancey, ès qualités susénoncées, ou plutôt comme défenseur officieux de la femme Prosmaër, a demandé à cette femme la copie de la citation qu'elle a reçue, et se prévalant de ce que, par omission de l'huissier, celle copie n'indique pas que c'est devant le tribunal de simple police devant lequel la plainte de la demanderesse est portée, a déclaré ne vouloir pas prendre de réquisitions à l'égard de la plainte de la femme Bertrand, malgré qu'il lui ait été donné communication par le tribunal de l'original de la citation qui a saisi réellement le juge de police de cette plainte.» Cette insinuation contre l'impartialité de M. le maire de Grancey, qui aurait substitué à sa qualité d'officier du ministère public, celle de défenseur officieux de la partie citée, cette improbation de la conduite qu'il a tenue à l'audience, constituent de la part du juge de simple police un excès de pouvoir et une violation des art. 60 et 61 de la loi du 20 avril 1810, puisque le tribunal s'est ainsi arrogé une sorte de droit de censure contre le ministère public, infraction aux lois de la compétence toujours sévèrement réprimée par la cour de cassation.... Signé Dupin. - Arrêt.

LA COUR;-Vu le réquisitoire du procureur général, et l'art. 441 c. inst. crim.;-Vu enfin les art. 60 et 61 de la loi du 20 avril 1810; — Attendu que les tribunaux n'ont aucun droit de censure sur les officiers du ministère public qui exercent près d'eux leurs fonctions; que si, dans l'espèce, l'officier du ministère public a refusé de conclure, sous le prétexte que le tribunal de simple police n'était pas légalement saisi, cette irrégularité de sa part n'autorisait point le magistrat tenant ce tribunal à censurer sa conduite ainsi qu'il l'a fait; Casse.

Du 30 déc. 1842.-C. C.-MM. de Bastard, pr.-Rives, rap.

(2) (Min. pub. C. Cambournac.)- LA COUR; Vu les art. 60 et 61 de la loi du 20 avril 1810; - Et attendu que l'avertissement, fait par le tribunal de Carcassonne au substitut remplissant les fonctions du ministère public, à son audience, conçu en ces termes : « Considérant qu'il est à propos de dissiper la mauvaise impression faite sur le public par la dissertation qui vient d'avoir lieu, le tribunal invite M. le substitut de M. le procureur du roi à ne pas oublier le respect dù à la chose jugée, »> n'était pas autorisé par ces articles; qu'il en a donc été une violation; Casse.

Du 7 août 1818.-C. C., sect. crim.-MM. Barris, pr.-Lecoutour, rap. (3) Espèce :- – (Intérêt de la loi C. Laborde.) - Le procureur général expose, etc.- -Sur la plainte du sieur Calmette, contre le sieur Laborde, le tribunal correctionnel d'Agen, par jugement du 24 mai dernier, déclara Laborde coupable et convaincu d'avoir fait par écrit une dénonciation calomnieuse aux officiers de police judiciaire, contre le sieur Calmette. Il fut condamné à un mois d'emprisonnement, 100 fr. d'amende et 200 fr. de dommages-intérêts. Laborde interjeta appel de ce jugement, et l'affaire fut portée devant la cour royale d'Agen qui, par arrêt du 30 juin dernier, ordonna le sursis sur la plainte en calomnie jusqu'après l'instruction et le jugement sur les faits dénoncés. La cour d'Agen a rendu hommage aux principes; mais c'est à cette disposition principale qu'elle devait se borner. Elle a été bien plus loin. Elle a censuré la conduite du procureur du roi près le tribunal de première instance d'Agen, notamment en énonçant, dans l'un de ses motifs, que ce magistrat paraissait avoir méconnu, dans la cause, ses droits ou ses obligations, elle lui a ordonné, ainsi qu'au juge d'instruction, d'informer sur la dénonciation de Laborde contre Calmette; et enfin elle a décidé, en principe, que le procureur du roi ne pouvait se dispenser de requérir qu'il fût informé sur les dénonciations qui lui étaient transmises. C'est cet arrêt que l'exposant dénonce à la cour.

D'abord, le droit de censurer les officiers du ministère public n'appartient point aux tribunaux: la loi ne le confère qu'au procureur général et au ministre de la justice. En s'arrogeant ce droit, dans l'espèce, la cour royale a violé les art. 60 et 61 de la loi du 20 avril 1810. Ensuite, en ordonnant au procureur du roi et au juge d'instruction d'informer sur la dénonciation de Laborde contre Calmette, la cour royale a commis un excès de pouvoir et méconnu les limites de sa compétence; elle a usé d'un droit qui n'appartenait qu'à la chambre des mises en accusation (en vertu TOME XV.

la position du prévenu ou blesser les intérêts de la justice, présente une censure des conclusions du ministère public et doit être cassé pour excès de pouvoir (Crim. cass., 8 mars 1821, aff. Martinet. V. Témoins); — 8° Que la délibération d'un tribunal de première instance, lue publiquement, et qui arrête que les termes employés par un substitut dans ses conclusions sont diffamatoires pour le tribunal, et que le président de la cour et le procureur général en seront instruits, est une véritable censure infligée à ce substitut, censure qui n'appartient point aux tribunaux, mais seulement au ministre de la justice et au procureur général (Crim. cass., 24 sept. 1824) (4); — 9° Qu'enfin le pourvoi contre

de l'art. 235 c. inst. crim.), et à l'assemblée générale des chambres de la cour (aux termes de l'art. 11 de la loi du 20 avril 1810). — Enfin la cour royale a méconnu et restreint les attributions et les prérogatives du ministère public, et faussement interprété l'art. 47 c. inst. crim., en décidant, en principe, que le procureur du roi ne peut se dispenser de requérir qu'il soit informé sur les dénonciations qui lui sont transmises. - En effet, outre que cette doctrine, exprimée en des termes aussi généraux, semblerait refuser au ministère public la voie de la citation directe, qui lui est formellement ouverte par l'art. 182 c. inst. crim., elle est essentiellement contraire à l'esprit de ce code, et notamment aux art. 1, 22, 53 et 54. Le législateur n'a pu vouloir astreindre les officiers du ministère public à diriger des poursuites d'office, et sans l'intervention des parties civiles, sur toutes les plaintes même les plus légères et les plus insignifiantes; sur des plaintes qui n'intéressent point directement l'ordre public, et qui souvent n'ont d'autre but que de satisfaire des passions ou des haines particulières, des intérêts de vanité ou d'amour-propre, ou de procurer, aux dépens de l'État, et sans aucune espèce d'utilité pour l'ordre social, la réparation de quelques torts légers, éprouvés par des particuliers. -Ce considéré, etc. Signé Mourre. Arrêt.

LA COUR ; - Vu le réquisitoire du procureur général et les articles de loi qui y sont énoncés; - Statuant sur ce réquisitoire et en adoptant les motifs, casse et annule, dans l'intérêt de la loi.

Du 8 déc. 1826.-C. C., ch. crim.-MM. Portalis, pr.-De Cardonnel, rap.

(4) Espèce (Min. pub. C. tribunal d'Issoire.)—A l'audience du 4 août 1824, le tribunal d'Issoire fut appelé à prononcer sur une demande en séparation de corps. Le substitut du procureur du roi crut devoir conclure au rejet de cette demande; ses conclusions ne furent pas suivies. -A la même audience, on plaida une affaire dans laquelle des créanciers attaquaient, par la voie de la tierce opposition, un jugement par défaut de séparation de biens et un traité qui l'avait suivi. — A cette occasion, le substitut fit voir le danger d'admettre trop légèrement de semblables demandes. Il dit « que nulle part on n'en formait un plus grand nombre que dans l'arrondissement d'Issoire; que, depuis qu'il y était, le ministère public avait fait tous ses efforts pour qu'on obtint moins facilement ces séparations; mais qu'il avait à regretter de n'avoir pu faire passer sa conviction dans l'esprit des juges; que presque toujours ses conclusions avaient été rejetées; qu'il pensait que la jurisprudence du tribunal était peut-être trop facile, et qu'on abusait de sa complaisance en trompant sa religion. L'audience étant fort avancée, le tribunal se retira, en ordonnant qu'il en serait délibéré, pour être prononcé à la première audience. - Le lendemain 5, le jugement fut prononcé. Mais, immédiatement après, M. Monteil, l'un des juges qui remplissait les fonctions de président, lut publiquement une délibération, par laquelle le tribunal censure les observations du ministère public qu'il qualifie de diffamation. Il arrête que, conformément au § 2 de l'art. 61 de la loi du 20 avril 1810, le président instruira, tant le premier président que le procureur général près la cour royale de Riom, de la conduite du substitut d'Issoire; mais il décide que cette mesure ne sera exécutée qu'après avoir donné lecture à l'audience de l'arrêté dont il s'agit; et le motif de cette décision est que la diffamation à laquelle s'est livré le substitut a été publique, et qu'il convient que l'arrêté du tribunal ait la même publicité.

Pourvoi par le ministère public pour excès de pouvoir.

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Il disait c'était autrefois une maxime reconnue que les officiers du ministère public ne devaient compte de leur conduite qu'au roi et au chancelier un membre du parquet, quelque faute qu'il eût commise, ne pouvait étre censuré par le tribunal auquel il appartenait. Ce principe a été consacré de nouveau par les art. 60 et 61 de la loi du 20 avril 1810, aussi n'y est-il pas question de censure, ni de suspension, ni de déchéance, ni d'ancune autre mesure qui puisse être prise à leur égard; en cela, ces dispositions diffèrent des art. 49 à 59, relatifs aux juges. Il est vrai que l'art. 61 charge les cours d'appel et d'assises d'examiner la conduite des membres du parquet, mais ce n'est point un droit de censure publique qu'il entend leur donner ces cours doivent se borner à instruire le ministre de la justice des actes par lesquels les officiers du ministère public s'écartent du devoir de leur état et en compromettent l'honneur, la délicatesse et la dignité. L'idée dominante, c'est que toute mesure directe 84

cette délibération doit être considéré comme cause urgente et peut être jugé par la section criminelle, jugeant comme chambre de vacations en matière civile (même arrêt).

De même, il avait été jugé, ayant le sénat.-cons. 16 therm. an 10 et la loi du 20 ayr. 1810 1° que les officiers du ministère public ne sont pas soumis à la censure des tribunaux et des cours auprès desquels ils remplissent leurs fonctions (ch. réun. 6 oct. 1791) (1) ; · - 2o Qu'ainsi un tribunal excédait ses pouvoirs lorsqu'il enjoignait à un commissaire du roi d'être plus circonspect à l'avenir; que, par suite, le jugement qui renfermait cette injonction devait être annulé (Sect. réun., 23 fév. 1792) (2); -3° Que l'art. 644 du code du 3 brum, an 4 n'était applicable qu'aux juges des tribunaux, juges de paix et autres officiers de police; qu'il ne l'était pas à un fonctionnaire qui n'avait agi qu'en qualité de commissaire du gouvernement, et que, dès lors, le tribunal de cassation ne pouvait censurer les actes de ce fonctionnaire (Crim. rej., 13 niv. an 5) (3).

214. Il n'est pas au pouvoir des officiers du ministère public de renoncer à la protection qu'ils reçoivent de la loi dans l'intérêt de l'ordre public. Et spécialement il ne peut, même du consentement de l'un de ces officiers, être donné acte à un prévenu des passages de son réquisitoire qui seraient injurieux (Crim. cass., 20 oct. 1835, aff. Blayot, V, no 215-2o),

215. Quelles sont les peines disciplinaires applicables aux officiers du ministère public? —Aux termes de l'art. 60 L. 20 avr. 1810, dont nous avons déjà fait connaître la teneur, les officiers du ministère public dont la conduite est répréhensible doivent être rappelés à leur devoir par le procureur général du ressort; il en doit être rendu compte au ministre de la justice, qui, suivant la gravité des circonstances, leur fait faire par le procureur général les injonctions qu'il juge nécessaires ou les mande près de lui. D'un autre côté, les officiers du ministère public, étant des fonctionnaires amovibles, peuvent être soit révoqués, soit déplacés par le chef du pouvoir exécutif, sur la proposition du ministre. Ainsi, le droit pour le procureur général de rappeler à leur devoir les officiers du ministère public de son ressort, le droit pour le ministre de la justice de leur faire faire des injonc

leur est interdite, et qu'ils doivent se borner à instruire l'autorité supérieure. Sans doute, si le tribunal s'était borné à prendre, dans la chambre du conseil, une délibération contenant l'exposé de ses griefs contre le substitut et en ordonner l'envoi à la cour de Riom, il se serait renfermé dans les limites légales; mais il a été plus loin, il a décidé que cet envoi ne serait fait qu'après lecture de l'arrêté à l'audience, ce qui a eu lieu. Or la lecture publique d'ane délibération qui blâme la conduite d'un officier du parquet est évidemment une censure infligée à ce magistral. Le tribunal a donc commis l'excès de pouvoir prévu par l'art. 80 de la loi du 27 vent. an 8. Le tribunal dit en yain que la diffamation ayant été publique, il était nécessaire que l'arrêté eût la même publicité, mais ce n'est pas la une exception admise par la loi : l'interdiction du droit de censure publique est générale et absolue, ce droit ne saurait appartenir qu'au procureur général. Le demandeur établit ensuite que l'affaire a le caractère d'urgence qui permet de la juger pendant les vacations; que l'art. 3 de l'ord. du 24 août 1815, bien qu'il ne parle que des règlements de juge et des demandes en renvoi, est énonciatif et non limitatif: qu'il se divise en deux parties que par l'une il est dit que la même section criminelle fera les fonctions de section des vacations en matière civile; que tel est le principe général que ce principe s'applique à toutes les causes civiles urgentes quelle qu'en soit la nature (décr. 30 mars 1808, art. 44 et 78; 6 juill. 1810, art. 32); que, par l'autre, la loi tire les conséquences de ce principe, et qu'elle énonce les deux cas dont il vient d'être parlé, non à titre de limitation, mais uniquement comme exemple. — Arrêt.

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LA COUR; Vu le réquisitoire du procureur général; — Vu l'extrait en forme des minutes du greffe du tribunal d'Issoire; - Vu les art. 60 et 61, § 2, de la loi du 20 avril 1810; - Jugeant en chambre des vacations, déclare qu'il y a urgence; - Et attendu que la délibération du tribunal d'Issoire lue publiquement en l'audience de ce tribunal, le 5 août dernier, est une véritable censure infligée au substitut du procureur du roi près ce tribunal; - Attendu qu'aucune loi ne confère aux tribunaux le droit de censurer les officiers du ministère public; - Attendu que l'art. 60 précité de la loi du 20 avril 1810 attribue exclusivement ce pouvoir au ministre de la justice et au procureur général; —Que le deuxième paragraphe de la même loi restreint les attributions des tribunaux de première instance qui se croiront fondés à faire des reproches aux officiers du ministère public, exerçant dans l'arrondissement, à la faculté d'instruire le premier président et le procureur général de la cour royale, de ce qu'ils jugent répréhensible dans la conluite desdits officiers du ministère pu

tions par le procureur général ou de les mander près de lui, enfin le droit pour le même ministre de proposer au chef du pouvoir exécutif soit leur révocation, soit leur changement de résidence, tels sont les divers pouvoirs dont l'exercice constitue la pénalité applicable aux officiers du ministère public en matière disciplinaire.

216. Mais quelles sont les infractions qui donnent lieu à l'application de ces peines? La loi ne les a pas déterminées : elle en a abandonné l'appréciation à la raison et à la conscience de ceux qu'elle a chargés de les réprimer. Et nous n'avons pas, pour nous éclairer sur ce point, les décisions de la jurispru dence, car le pouvoir disciplinaire s'exerçant ici administrativement et non pas judiciairement, ainsi que nous l'avons déjà dit, les tribunaux n'ont jamais à se prononcer sur des questions de cette nature. Mais l'analogie vient à notre aide en général, les règles applicables aux juges doivent l'être également aux of ficiers du ministère public; en effet, les uns et les autres sont magistrats, et ce qu'impose aux uns le sentiment de leur dignité, il doit l'imposer également aux autres. Ainsi, non-seulement l'inobservation des règles que la loi leur a tracées dans l'accomplissement de leurs fonctions, mais tout ce qui, soit dans leurs fonctions, soit en dehors de ces fonctions, pourrait préjudicier au service public ou compromettre la dignité de leur caractère, devrait être considéré comme infraction disciplinaire et attirer à son auteur soit une réprimande, soit un changement de résidence ou même une révocation, suivant la gravité des fails.

217. Au nombre des actes qui devraient attirer à l'officier du ministère public la censure de ses supérieurs, il faut placer incontestablement l'acquisition de procès, droits et actions litigieux qui seraient de la compétence du tribunal dans le ressort duquel il exerce ses fonctions, acquisition proscrite par l'art. 1597 c. civ. Un tel acte expose à de justes soupçons l'intégrité du magistrat, et par conséquent compromet la dignité de son caractère.

218. 2o Des officiers de police judiciaire. — L'art. 9 c. inst. crim. porte que la police judiciaire (qui comprend la recherche et la constatation des crimes, délits et contraventions) est exercée sous l'autorité des cours d'appel: par les gardes champêtres et

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blic; Que le tribunal de première instance d'Issoire a donc commis un excès de pouvoir et violé l'art. 60 et le § 2 de l'art. 61 de la loi du 20 avril 1810; Casse et annule la délibération prise par le tribunal d'Issoire.

Du 24 sept. 1824.-C. C., sect. crim.-MM. Portalis, pr.-Gaillard, rap. (1) Espèce (Min. pub. C. tribunal de la Nesle.)-Le 13 août 1791, le tribunal du district de la Nesle, séant à Castelnau, avait rendu un jugement dans lequel se trouvait une disposition ainsi conçue: « Le tribunal déclare qu'il blâme le ton aigre, menaçant, emporté et injurieux, avec lequel le commissaire du roi a fait ses déclarations et protestations, lui défend de récidiver, et lui enjoint de porter au tribunal, à l'avenir, l'honneur et le respect imposé par la loi. » Pourvoi par le procureur général pour excès de pouvoir.

Arrêt.

LA COUR; Vu l'art. 27 du chap. 5 du tit. 3 de la loi constitutionnelle de l'État; — Attendu que le tribunal du district de la Nesle a excédé les bornes de son pouvoir par sa déclaration qu'il blàmait le ton du commissaire du roi, par les défenses de récidiver et l'injonction contre lui prononcées; Casse ledit jugement, et ordonne qu'à la diligence du commissaire du roi, le présent jugement sera imprimé et transcrit sur les registres du tribunal de la Nesle, conformément à l'art. 22 L. 1 déc. 1790. Du 6 oct. 1791.-C. C., sect. réun. -MM. Dunoyer, pr.-Boucher, rap. - En conformité (2) (Min. pub. C. trib. d'Orange.) — LE TRIBUNAL; de l'art. 27 du ch. 5 du tit. 3 de l'acte constitutionnel, annule le jugement rendu le 19 oct. 1791, par le tribunal d'Orange, attendu que ledit tribunal a excédé ses pouvoirs en improuvant la conduite du commissaire du roi et en lui enjoignant d'être plus circonspect à l'avenir, et ordonne que le présent jugement sera imprimé et transcrit sur les registres du tribunal d'Orange.

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Du 25 fév. 1792.-C. C., sect. réun.-MM. Lions, pr.-Janvin, rap. (3) (Durand Lamotte.)LE TRIBUNAL; Attendu qu'il ne s'agit pas de mandat d'arrêt, mais d'une simple ordonnance de translation d'une prison à une autre, ce qui est un acte purement administratif ;-Attendu que l'art. 644 c. des dél. et des peines ne comprend dans sa disposition que les juges des tribunaux, les juges de paix et autres officiers de police, et que Fréron n'a agi en aucune de ces qualités en prenant l'arrêté du 22 brumaire, mais au contraire en celle de commissaire du gouvernement, le tribunal déclare n'y avoir lieu de statuer, sauf à César Durand Lamotte à se pourvoir par-devant qui il appartiendra.

Du 15 niv. an 5.-C. C., sect. req.-MM. Brun, pr.-Riolz, rap.

les gardes forestiers, par les commissaires de police, par les maires et les adjoints de maire, par les procureurs de la République et leurs substituts, par les juges de paix, par les officiers de gendarmerie, par les commissaires généraux de police et par les juges d'instruction. - De plus, les préfets des départements et le préfet de police à Paris peuvent, aux termes de l'art. 10 du même code, faire personnellement ou requérir les officiers de police judiciaire, chacun en ce qui le concerne, de faire tous actes nécessaires à l'effet de constater les crimes, délits et contraventions, et d'en livrer les auteurs aux tribunaux chargés de les punir.

Il convenait que le magistrat entre les mains duquel la loi a placé l'exercice de l'action publique dans toute l'étendue du ressort de la cour d'appel fut chargé de la surveillance des officiers qui doivent, par la recherche et la constatation des faits contre lesquels cette action doit s'exercer, concourir à l'accomplissement de sa mission. L'art. 279 c. inst. crim. dispose en conséquence que tous les officiers de police judiciaire, même les juges d'instruction, sont soumis à la surveillance du procureur général.

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219. Mais cette disposition n'est point applicable aux préfels. Bien qu'ils soient autorisés à faire des actes de police judiciaire, il n'a pas été dans l'intention du législateur de leur attribuer la qualité d'officiers de police judiciaire, et c'est pour cela qu'il ne les a pas compris dans la nomenclature de l'art. 9 c. inst. crim. Les motifs de cette distinction se trouvent consignés dans les procès-verbaux du conseil d'État, séance du 4 oct. 1808. M. Treilhard dit « que M. Jaubert a observé sur l'art. 10 que les mots conformément à l'art. 8, pourraient faire croire qu'en entend confirmer aux préfets la qualité d'officiers de police judiciaire, et qu'on en conclura peut-être qu'ils sont à cet égard sous l'autorité des cours impériales. La section pense qu'il n'y a pas d'équivoque. Le comte Regnauld (de Saint-Jean d'Angély) dit qu'il est impossible de se méprendre sur les intentions du conseil, puisque l'art. 9 détermine ceux qui agiront sous l'autorité des cours; que les préfets ne sont pas compris dans cette nomenclature, et que les dispositions relatives à eux se trouvent placées dans un article particulier. Au reste, ajoute M. Regnauld, le procès verbal lèverait les doutes, s'il pouvait en rester. L'article est adopté. » Il résulte clairement de cette citation que les préfets ne peuvent en aucune manière être regardes comme soumis à la surveillance du procureur général.

220. Il faut en dire autant des conseillers que les cours d'appel déléguent pour procéder à une instruction. Cette délégation, tout accidentelle et limitée à une seule affaire, ne saurait les faire assimiler aux juges d'instruction, seuls compris par l'art. 9 dans la nomenclature des officiers de police judiciaire.V. en ce sens Mangin, Traité des procès-verbaux, n° 279; Morin, Discipline, t. 1, no 61.

221. A l'égard même de ces derniers, le droit de surveillance du procureur général doit être restreint aux actes qu'ils font en qualité d'officiers de police judiciaire. C'est ce qui ré: sulte expressément de la dernière disposition de l'art. 279 c. inst. crim., ainsi conçu: « Tous ceux qui, d'après l'art. 9 du présent code, sont, à raison de leurs fonctions, même administratives, appelés par la loi à faire quelques actes de la police judiciaire, sont, sous ce rapport seulement, soumis à la même surveillance. » Ainsi, par exemple, lès juges d'instruction ne sont soumis à la surveillance du procureur général qu'en tant qu'officiers de police judiciaire; quant à leurs fonctions dans la magistrature, les règles sur la discipline des juges leur sont seules applicables. Et il faut faire une distinction analogue pour chacun des autres fonctionnaires compris dans l'énumération de l'art. 9 c. inst. crim. Il faut donc généraliser et étendre à tous les of ficiers de police judiciaire la disposition de l'art. 17 c. inst. crim. qui porte que « les gardes champêtres et forestiers sont, comme officiers de police judiciaire, sous la surveillance du procureur de la République, sans préjudice de leur subordination à l'égard de leurs supérieurs dans l'administration. »

222. Voyons maintenant quelles sont les mesures de discipline applicables aux officiers de police judiciaire. L'art. 280 c. inst. crim. dispose ainsi : « En cas de négligence des officiers

de police judiciaire et des juges d'instruction, le procureur général les avertira: cet avertissement sera consigné par lui sur un registre tenu à cet effet. >> Bien que cet averlissement, comme celui que prescrit l'art. 49, L. 20 avr. 1810 (V. suprà, no 155) aux présidents de donner aux juges qui s'écartent de leur devoir ne soit pas une peine de discipline, qu'il n'en soit que le préliminaire, il n'est pas sans gravité cependant, puisque, comme nous venons de le voir, il doit être consigné sur un registre, et, par conséquent, laisser après lui des traces. Mais nous ferons observer que le procureur général qui veut avertir un officier de police judiciaire sans lui imprimer une sorte de flétrissure peut, au lieu de lui infliger l'avertissement officiel dont parle l'art. 280 précité, lui donner un avertissement officieux et pour ainsi dire confidentiel, soit de vive voix, soit par simple lettre missive. Et cette faculté, bien loin d'être en opposition avec l'esprit de la loi, rentre parfaitement, au contraire, dans les vues du législateur. Le conseil d'État, en effet, comme on peut le voir par le procès-verbal de la séance du 25 sept. 1804, a entendu adopter un système « qui, en laissant au procureur général la faculté de donner des avertissements officiels ou non officiels, par écrit ou de vive voix, lui donne toute la latitude nécessaire pour distinguer les fautes et pour excuser un moment d'oubli dans un fonctionnaire qui jusque-là a bien rempli son dévoir. »

223. Si après avoir reçu un avertissement officieux, l'afficier de police judiciaire retombe bientôt dans de nouvelles fautes, il ne se trouve pas dans le cas de récidive prévu et déterminé par les art. 281 et 282 c. inst. crim.; il y a lieu alors de donner un avertissement officiel : cet avertissement est nécessaire pour le constituer en état de récidive, s'il vient à commettre de nouvelles négligences.

224. L'avertissement officiel devant être consigné sur un registre, il est évidemment nécessaire qu'il soit donné par écrit et motivé. Nous ajouterons, avec M. Mangin, Traité des procèsverbaux, n° 280, qu'il doit être rédigé en forme d'arrêté, car il constitue un véritable acte judiciaire auquel la forme d'une simple lettre ne saurait convenir.

225. En cas de récidive, le procureur général doit dénoncer les officiers de police judiciaire à la cour.-Sur l'autorisation de la cour, le procureur général les fait citer à la chambre du conseil. La cour leur enjoint d'être plus exacts à l'avenir, et les condamne aux frais tant de la citation que de l'expédition et de la signification de l'arrêt (c. inst. crim., art. 281).-Il y a récidive lorsque le fonctionnaire est repris, pour quelque affaire que ce soit, avant l'expiration d'une année, à compter du jour de l'avertissement consigné sur le registre (mème code, art. 282).

226. Est-ce devant la cour, chambres assemblées, ou devant la chambre des mises en accusation, que le procureur général doit porter sa dénonciation?-L'art. 281 ne le dit pas; à la vérité il se sert de ces mots la cour, ce qui semblerait désigner l'assemblée générale; mais le code d'instruction criminelle emploje quelquefois la même expression pour désigner la chambre d'accusation; c'est ce qu'on peut voir notamment dans l'art. 235. On ne peut donc tirer de ces termes aucun argument.

M. Carnot, Inst. crim., t. 2, p. 388, se prononce pour les chambres assemblées; mais M. Mangin combat cette opinion par des raisons auxquelles nous n'hésitons point à nous ranger. Si l'on se reporte à la loi du

voit que les chambres assemblée avril 1810, dit cet auteur, on

ne sont appelées à connaître que des fautes par lesquelles les juges ont compromis la dignité de leur caractère, et que les peines qu'elles sont chargées d'appliquer consistent dans la censure, la réprimande et la suspension provisoire; or il ne s'agit ici ni de faits ni de peines de cello gravité: il ne s'agit que de négligences à punir par des injonctions. Si l'on réfléchit ensuite sur la nature des attributions des chambres d'accusation, qui sont constituées par la loi le centre de l'instruction des affaires criminelles, qui sont investies de la plénitude du pouvoir d'instruire et de régler les compétences; si l'on réfléchit sur la nature des faits qu'il s'agit de réprimer et qui consistent dans des négligences qui nuisent à la marche et au succès de l'instruction des procédures, on sera convaincu que c'est devant la chambre d'accusation que le procureur général doit poursuivre l'officier de police judiciaire qui a négligé ses devoirs.

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