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celui de se désister, celui de refuser le désistement; l'un n'absorberait pas l'autre sans une souveraine injustice. Le seul moyen de faire cesser ce conflit, c'est de les fondre, et le pouvoir en est nécessairement confié aux tribunaux, dont la décision est susceptible d'appel, selon que la cause comporterait elle-même le second degré de juridiction (Liége, 6 janv. 1844, aff. Moest, n° 93). Nous formulerons ainsi notre proposition: il ne suffit pas d'alléguer la tardiveté du désistement, car la loi ne reconnaît pas cette fin de non-recevoir, et d'un autre côté, il ne suffit pas de se désister pour éteindre l'instance. Démontrer la vérité de cette proposition à propos du désistement d'instance, ce sera la démontrer à propos du désistement d'action.

85. L'instance, une fois liée, appartient aux deux parties. - Désormais un quasi-contrat judiciaire enchaîne l'un à l'autre, le demandeur et le défendeur, sur le terrain litigieux, et dans un grand nombre de circonstances ce dernier a un intérêt trèsréel, très-légitime à ce que son adversaire ne déserte pas le combat, pour mieux choisir son temps et combiner son attaque. -Nous citerons notamment trois cas où il est impossible de méconnaître cet intérêt et de lui refuser satisfaction: 1° celui où l'action a été soumise à des juges incompétents ratione personæ, mais où le défendeur, en concluant au fond, a prorogé leur juridiction. Sera-t-il permis au demandeur de décliner les juges de son choix, et cela peut-être parce qu'il aura pressenti leur décision alors que le défendeur consent à les accepter?-2° Celui où, reçu à administrer une preuve, le demandeur se trouve tout à coup déchu de ce droit dont dépendait le gain de sa cause, par suite d'une nullité radicale, par exemple, parce que le procès-verbal n'aura pas été ouvert dans la forme légale ; admettre son désistement, ce sera lui donner la faculté de saisir de nouveau les juges, et d'administrer cette preuve d'autant plus sûrement qu'il aura eu plus de temps pour se ménager des influences sur les témoins, ou pour attendre la disparition des preuves ou l'affaiblissement des témoignages qui peuvent être contraires à ses prétentions. Or, la célérité que commande la loi en matière d'enquête a un but d'ordre public, celui de sauvegarder la sincérité des dépositions;

3° Enfin, le cas où le défendeur a répondu à sa demande par des conclusions reconventionnelles. D'une part, il lui importe beaucoup que le juge ne soit pas dessaisi de la connaissance du fait sur lequel il base souvent sa réclamation; d'autre part, il serait obligé d'introduire une instance principale pour obtenir justice. - C'est par de tels motifs que les art. 402 et 403 supposent que le consentement du défendeur est nécessaire au désistement, ce qui n'est vrai, au reste, qu'à la condition suprême que le refus du défendeur sera légitime, c'est-à-dire commandé par un intérêt réel et sérieux; sinon, il appartiendrait aux juges de condamner toute injuste résistance: Malitiis non est indulgendum. Constatons donc que le désistement peut être déclaré sans effet lorsque l'instance en est arrivée à un certain degré, et lorsque son abandon ferait perdre tous ses avantages au défendeur, sauf à examiner (V. n° 86) le rôle de la justice en présence d'un refus d'acceptation et les conséquences de ce refus.

Mais une question reste à vider, celle de savoir quand l'instance est liée. Il ne nous semble pas possible de soutenir raisonnablement que ce soit du jour où le défendeur aura constitué avoué, parce que cet acte qui est de rigueur, ne permet pas de présumer qu'il accepte le débat. Loin de là, il conserve toute latitude de le fuir, en proposant des exceptions. Ce sera donc du jour où le fond sera engagé, du jour où le défendeur aura indiqué ses moyens ou son intention de saisir le tribunal d'une demande reconventionnelle, que la cause sera véritablement liée, et nous n'exigerons même pas la pose des qualités ; la signification d'une requête ou d'un simple acte de conclusions suffira; à fortiori sera-t-elle liée, s'il est intervenu dans la cause un jugement interlocutoire dont le défendeur réclame le bénéfice.

86.Voilà pour la part du défendeur; mais il n'est pas moins vrai de dire que celui-ci n'a pas le droit de prolonger une instance à son début, lorsque la balance judiciaire n'a encore penché ni d'un côté ni de l'autre, et que nul intérêt ne commande une décision. Autant il convient de déjouer et les calculs et les ruses d'un demandeur aux abois, autant il est juste de dompter toute résistance systématique ou tracassière. C'est donc aux tribunaux que s'adressera le demandeur injustement repoussé.

Ils pèseront les circonstances, scruteront les intentions, et feront, s'il faut, le bien des parties malgré elles. Le texte des art. 402 et 403 c. pr. ne présente évidemment qu'une disposition facultative, et non impérative et absolue. C'est ce qui est clairement indiqué par ces mots le désistement peut être fait et accepté par de simples actes. Puisqu'il peut être fait de cette manière, cela suppose nécessairement qu'il peut l'être aussi d'une autre manière c'est une faculté que la loi accorde aux parties, et non une injonction qu'elle leur fait; c'est un mode qu'elle autorise, mais elle ne le commande pas. Pour apprécier cette disposition, il faut remonter à ce qui s'observait sous l'ancien régime judiciaire. L'acceptation du désistement ne servait qu'à en empêcher la révocation en formant le contrat judiciaire; mais un jugement était nécessaire pour donner exécution au contrat. C'est ce qu'attestent tous les praticiens. Lors de la rédaction du nouveau code de procédure, on a considéré que ce mode de procéder pouvait être simplifié. En effet, le désistement, dans les cas les plus ordinaires, est à l'avantage de celui qui, comme défendeur, se trouve traduit en justice. Obtenant par ce moyen gain de cause, sans être obligé d'instruire et de plaider, il s'empresse d'accepter le désistement, et par là se forme un contrat judiciaire équivalent à une transaction qui terminerait le procès. Pourquoi donc, s'est-on dit, soumettre dans ce cas les parties à des formes dispendieuses, à l'obligation de faire rendre un jugement? Ne convient-il pas d'attacher à ce contrat judiciaire tous les effets et toute la force d'exécution que, jusqu'à présent, il n'a pu emprunter que d'un jugement? Or c'est pour réaliser ce mode de simplification, que le code de procédure a dit : « Le désistement peut être fait et accepté par de simples actes, » et qu'en même temps il a déterminé les effets de ce contrat volontaire (V. no 4, les observations de la section du tribunat qui ont développé l'esprit de cet article).-Le droit de se désister d'une demande existe de lui-même, aussi bien que celui d'exercer une action. Un désistement ne peut donc pas plus être repoussé par le refus de l'adversaire, qu'une réclamation quelconque ne pourrait l'être par la résistance de celui contre qui elle est dirigée. Seulement, si le désistement est contesté, celui qui a intérêt à ce qu'il soit admis a droit de faire juger la contestation, de même qu'il aurait droit de faire juger sa demande, s'il y persistait, et son désistement ne doit être rejeté par le tribunal qu'autant qu'il est irrégulier ou qu'il émane d'un incapable, ou qu'il contient des conditions inacceptables, ou enfin lorsque, sous une forme quelconque, il lèse les intérêts de la partie adverse. Il ne faut donc pas confondre le cas où un désistement est accepté et celui où il donne lieu à contestation. Le mode autorisé par les art. 402 et 403 est pour le premier cas; le second appartient de droit au pouvoir judiciaire.-On objecte, il est vrai, que les dispositions des art. 402 et 403 constituent un mode unique et exclusif de terminer un procès par voie de désiste ment; et de ce qu'on peut se désister par un simple acte, lorsque le désistement est accepté, on conclut que le droit de se désister cesse, quand l'acceptation est refusée.-Mais, en interprétant ainsi l'article en sens inverse de son esprit et de son texte, on ne tend à rien moins qu'à ériger en principe que, par le refus d'accepter le désistement, on peut imposer au demandeur qui se désiste, l'obligation de soutenir une instance irrégulière et de plaider malgré lui. En vain dit-on que, si le désistement était dispensé d'acceptation, il dépendrait du demandeur de fatiguer son adversaire par des actions sans cesse renouvelées. Cette considération n'a rien de solide, car si l'intention du demandeur apparait telle, le tribunal devra rejeter ses offres. Au reste, l'ensemble de cette doctrine est nettement professé par MM. Carré et Chauveau, quest. 1549 bis; Favard de Langlade, t. 2, p. 80, no 5; Bourbeau, t. 1, 2° part., p. 693; Bioche, nos 101 et suiv., et par M. Merlin, Quest. de droit, § 4, et Rép., yo Contrat jud., § 2.-Quant à MM. Pigeau, Proc. civ., t. 1, p. 479, et Comm., t. 1, p. 691, Thomine, t. 1, p. 621, Boitard, l. 2, p. 324, ils abondent aussi en ce sens. La jurisprudence s'y montre également favorable.-Il a été jugé en effet que l'acceptation n'est pas indispensable pour la validité du désistement d'une instance, encore bien qu'elle soit contradictoirement engagée, que seulement, le refus d'acceptation de la part de celui à qui le désistement est offert, a pour effet d'obliger le demandeur

à obtenir du tribunal, un jugement qui prononce la validité du désistement; et qu'ainsi, malgré le refus du défendeur, le désistement d'une instance incompétemment portée devant un tribunal peut être déclaré valable par ce tribunal (Rej., 12 déc. 1820 (1); V. aussi Lyon, 25 mai 1839, aff. Chavanne, V. no 118-4o).

87. Toutefois, le refus du défendeur d'accepter un désistement d'instance a été sanctionné par de nombreux arrêts. Il a été jugé: 1o que lorsqu'une instance a été liée devant le tribunal civil, par la contestation en cause et par un interlocutoire, il n'est

(1) Espèce : — (Fresnay de la Briais C. Rousseau de la Brosse.)—La dame veuve Rousseau de la Brosse, tutrice de ses deux enfants mineurs, avait fait liquider en l'an 7 et en l'an 8 par le tribunal civil de Nantes, ses reprises sur la succession de son mari. Quelque temps après, elle épousa en secondes noces le sieur Fresnay de la Briais. En 1818, les enfants Rousseau de la Brosse attaquèrent la liquidation faite en l'an 7 et en l'an 8 au profit de leur mère qu'ils firent assigner, ainsi que son second mari, devant le tribunal civil d'Angers, lieu de leur domicile. Là, une instance s'engagea contradictoirement. Mais bientôt ils s'aperçurent qu'ils procédaient devant un tribunal incompétent, et que, comme ils agissaient contre leur mère en qualité de tutrice, c'était au tribunal de Nantes, lieu de l'ouverture de la tutelle, qu'ils auraient dû porter leur demande. En conséquence, ils formèrent devant ce tribunal une tierce opposition aux jugements de l'an 7 et de l'an 8; et, sentant la nécessité de dessaisir le tribunal civil d'Angers, ils firent signifier le 2 juillet, aux sieur et dame Fresnay de la Briais, un acte par lequel ils déclarèrent se désister de la demande qu'ils avaient mal à propos introduite devant ce tribunal. Ce désistement n'ayant point été accepté par les époux Fresnay de la Briais, le tribunal civil d'Angers l'a déclaré non avenu, et a ordonné l'instruction de la cause par écrit, par jugement du 20 août 1818, «Attendu qu'une partie ne peut pas se dessaisir, au gré de son caprice, de ses juges compétents au moment où l'affaire allait être discutée contradictoirement. >>

Appel, et le 8 déc. 1818 arrêt infirmatif de la cour d'Angers en ces termes: «Considérant que celui qui a formé une instance devant un tribunal, qu'il soit compétent ou non, peut s'en désister; que, si le désistement n'est pas accepté par la partie adverse, le demandeur peut se pourvoir à l'audience pour en demander acte; que le défendeur ne peut s'y opposer que dans le cas où le désistement ne serait pas régulier; qu'il serait donné à des conditions qui ne devraient pas être acceptées; qu'il serait proposé par celui qui n'aurait pas le libre exercice de ses droits; que, n'étant pas signé de la partie, il serait sujet à révocation, ou autres cas semblables qui démontreraient que le désistement n'est pas valable; que le désistement dont acte est donné par le tribunal, doit produire tout l'effet prévu par l'art. 403 c. pr. ; que, s'il en était autrement, il dépendrait du caprice du défendeur de priver le demandeur de la faculté de se désister; que le désistement peut être fait en tout état de cause, et que la loi n'a indiqué aucun point de la procédure dans lequel le désistement ne serait pas admis... >>

Pourvoi des époux Fresnay de la Briais, pour contravention aux art. 402 et 403 c. pr. Aux termes de l'art. 402, disaient-ils, « le désistement peut être fait et accepté par de simples actes, signés de leurs parties ou de leurs mandataires, et signifiés d'avoué à avoué; » et suivant l'art. 403 du même code, « le désistement, lorsqu'il aura été accepté, emportera de plein droit consentement à ce que les choses soient remises de part et d'autre au même état qu'elles étaient avant la demande. » Il est aisé de voir par ces articles que le désistement d'une demande a besoin d'être accepté, puisque, soit que le législateur en règle la forme, soit qu'il en détermine les effets, toujours il suppose l'acceptation nécessaire. Quand la loi ne s'expliquerait pas d'une manière aussi claire, aucun doute raisonnable ne pourrait exister à cet égard pour le cas où l'instance est contradictoirement engagée; nous disons pour le cas où l'instance est contradictoirement engagée. On conçoit en effet qu'il serait trop rigoureux de refuser au demandeur, tant qu'il est seul devant la justice, le droit d'anéantir une instance qui n'appartient qu'à lui, qui jusque-là est unilatérale, et ne semble pas devoir davantage le lier, qu'une donation entrevifs non acceptée ne lie le donateur. Mais il en est tout autrement lorsque le défendeur s'est présenté devant le tribunal et a contesté en cause; des ce moment le contrat judiciaire s'est formé, l'instance est devenue commune aux deux parties, et l'une d'elles a perdu le droit de l'anéantir sans le consentement de l'autre. S'il en était autrement, et si le demandeur pouvait, en tout état de cause, forcer le défendeur à accepter le désistement, il en résulterait une foule d'inconvénients, dont le plus grave serait de donner à un plaideur de mauvaise foi la facilité d'éterniser un procès, de faire triompher les prétentions les plus injustes, en fatiguant son adversaire par plusieurs instances successives, en le mettant ainsi dans la nécessité d'acheter son repos par le sacrifice de ses droits. M. Pigeau n'hésite pas à expliquer les art. 402 et 403 dans ce sens. « Le désistement, dit cet auteur, fait par le demandeur, est une simple proposition; il ne le lie qu'autant qu'il a été accepté par le défendeur; aussi l'art. 403 c. pr. ne lui donne-t-il effet que lorsqu'il a été accepté. Le dé

plus permis de décliner sa juridiction et de se désister de l'action pour la porter devant un tribunal de commerce, lors même qu'il s'agit d'une affaire commerciale, la juridiction civile ayant été prorogée par la contestation en cause (Trèves, 3 août 1809) (2);

2o... Que le désistement ne peut non plus avoir prise sur la chose jugée, et que le demandeur ne peut, par son désistement, enlever au tribunal saisi la connaissance de l'affaire, lorsque l'instance a été liée et que des jugements interlocutoires ont été rendus par lui (Rennes, 21 nov.1818(3); Req.,19 mars 1812, aff. Blanque,

fendeur peut refuser d'accepter et poursuivre malgré le désistement. »> La cour d'Angers n'a pas contesté absolument le droit qu'a le défendeur de refuser le désistement; mais elle a pensé qu'il ne pouvait le faire qu'autant que le désistement serait conditionnel, ou émané d'une personne incapable, ou enfin lorsqu'il ne serait pas signé par la partie, et qu'ainsi il pourrait être révoqué. Mais où la cour royale a-t-elle puisé cette limitation? Où est la loi qui borne à ces trois cas la faculté de rejeter le désistement offert? Ni l'art. 402 ni l'art. 403 ne contiennent une semblable restriction; au contraire l'un et l'autre font dépendre la validité et l'efficacité du désistement de l'acceptation du défendeur.- Si l'acceptation était nécessaire, dit l'arrêt attaqué, il dépendrait du caprice du défendeur de priver le demandeur du bénéfice du désistement. C'est précisément ce que nous soutenons: il est évident que, la procédure étant l'ouvrage des deux parties, elle ne peut être annibilée par l'une sans le consentement et contre la volonté de l'autre. On peut d'ailleurs retourner la proposition et dire: Si l'acceptation n'était pas nécessaire, le défendeur pourrait donc être frustré du bénéfice de la procédure par suite du caprice ou des spéculations dolosives du demandeur, et se voir ainsi privé de l'avantage de terminer son affaire pour rester indéfiniment exposé aux lenteurs, aux ennuis et aux frais inséparables d'un nouveau procès alors même qu'on en sort victorieux.-Arrêt.

LA COUR; Considérant que les art. 402 et 403 c. pr. civ. ne disent pas, ainsi que le demandeur le prétend, qu'un désistement n'est valable qu'autant qu'il est réciproquement consenti par les parties; que tout ce qui résulte des articles invoqués, c'est que, lorsque ce consentement existe. le désistement produit de plein droit tous ses effets, sans autre formalité et sans l'intervention de la justice; mais que ces articles ne disposent pas pour le cas où, comme dans l'espèce, le désistement proposé par une partie est refusé par l'autre qui en conteste la validité; Que, dans ce cas, il y a nécessairement lieu de récourir à l'autorité des tribunaux, puisqu'ils sont juges de toutes les contestations qui s'élèvent entre les parties, et qu'aucune loi ne s'oppose à ce qu'ils prononcent sur celles relatives à la validité ou à l'invalidité des désistements; Considérant enfin qu'en cette matière, comme en toute autre, les décisions des tribunaux ne peuvent donner ouverture à cassation que lorsqu'elles contreviennent à une loi, ce dont on n'excipe pas dans l'espèce; Rejette.

Du 12 déc. 1820.-C. C., sect. civ.-MM. Desèze, 1 pr.-Zangiacomi, rap.-Jourde, av. gén., c. conf.-Loiseau et Scribe, av.

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(2) Espèce (Vandervelde C. Ziegler.) — Ziegler avait saisi un tribunal civil d'une affaire commerciale, et ce tribunal avait prononcé un jugement interlocutoire. Alors Ziegler se désista de ses poursuites et en forma de nouvelles, pour la même cause, devant le tribunal de commerce. On lui opposa que l'instance étant liée devant le tribunal civil devait y recevoir une décision définitive. Les juges de commerce rejetèrent cette fin de non-recevoir, et ordonnèrent de plaider au fond. Les défendeurs plaidèrent sous toutes réserves. Ensuite ils interjetèrent appel des jugements rendus par ce tribunal. — Arrêt.

LA COUR;

Attendu que les appelants ayant fait des réserves devant

le tribunal de commerce contre le jugement du 30 juin dernier, il s'en infère qu'il n'y a pas d'acquiescement de leur part audit jugement; qu'il est de principe que la juridiction des tribunaux ordinaires peut être prorogée; que l'intimé, demandeur originaire devant le tribunal de première instance, ayant saisi ce tribunal, n'a pu le décliner et renoncer à son action, lorsque les défendeurs appelants y avaient obtenu un jugement, qu'il n'était pas libre à l'intimé de rendre sans effet; d'où il suit que le tribunal de commerce aurait dû s'arrêter aux exceptions d'incompétence et de litispendance déduites devant lui par les appelants; que, ne l'ayant pas fait, les jugements attaqués sont dans le cas d'être annulés ;-Par ces motifs, annule les jugements des 5 mai, 30 juin et 7 juill. dernier, sauf à l'intimé à donner suite à son action devant le tribunal de première instance, ainsi qu'il avisera.

Du 3 août 1809.-C. de Trèves.

(3) (Fresnais C. Rousseau de Labrosse.) —— La cour; - Considérant que l'art. 171 c. pr. civ. dispose que s'il a été formé précédemment, en un autre tribunal, une demande pour le même objet, où si la contestation est connexe à une cause déjà pendante en un autre tribunal, le renvoi pourra être demandé et ordonné; Considérant que la demande formée par les intimés Rousseau de Labrosse, et portée par eux au tribunal civil de première instance d'Angers, domicile des défendeurs originaires, a deux objets distincts: 1° la mise en possession et l'envoi en jouissance

V. Faillite);-3° Que lorsque, sur l'appel d'un jugement provisoire, les parties ont plaidé au fond d'un commun accord et ont pris des conclusions tendantes à l'évocation du principal, le désistement de l'appelant, lequel ne porte que sur l'appel du jugement provisoire avec demande d'être renvoyé, quant au fond, devant les premiers juges, ne dessaisit pas la cour de la connaissance du fond : l'instance, une fois liée sur ce point devant un tribunal, doit y prendre fin, et ne peut conséquemment être changée par un désistement sur un incident (Req., 1er juill. 1818) (1); – 4° Que le désistement d'un intimé qui n'est pas pur et simple, mais contient des réserves de reproduire l'action, peut être refusé en ce qu'il empêcherait la cour de prononcer sur le fond et

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des immeubles qui leur appartiennent du chef de leur père, et notamment de la terre de Varennes, etc.; -2° Une demande de compte de tous les meubles et effets mobiliers, argents, crédits et revenus provenant des successions qui leur sont échues pendant leur minorité; - Considérant que toutes les parties avaient constitué avoué devant ce tribunal, et qu'un jugement préparatoire avait fixé les plaidoiries définitives au 20 juillet dernier; Considérant que la demande formée par les mêmes enfants Rousseau, postérieurement, devant les juges de première instance de Nantes, contre les défendeurs, a identiquement pour objet d'obtenir la mise en possession des immeubles dépendants de la succession de leur père, en faisant rétracter par la voie d'opposition ou de tierce opposition des jugements rendus en l'an 7 et en l'an 8, entre les mineurs Rousseau, représentés par un cotuteur, et la dame Fresnais leur mère, et dont le sieur Fresnais, appelant, s'était prévalu avant toute introduction d'instance, pour justifier des droits de son épouse et des siens, à la propriété et jouissance des mêmes immeubles, et notamment de la terre de Varennes; - Considérant que, de ces faits, il résulte la litispendance et la connexité des deux instances, puisqu'elles ont pour même objet la même revendication des mêmes immeubles, au même titre, pour et contre les memes personnes; - Considérant que le désistement, dans la forme, de l'instance introduite à Angers, notifié par les enfants Rousseau, n'a point été accepté par le sieur Fresnais, et qu'il a persisté dans son déclinatoire devant les juges dont est appel; Considérant que les premiers juges eussent dû, par ces motifs, se déclarer incompétents, et renvoyer les parties devant le tribunal précédemment saisi par les demandeurs originaires, sauf à ceux-ci, si les défendeurs originaires y opposent les jugements dont il s'agit, à se pourvoir contre eux par les voies indiquées par la loi, soit devant le même tribunal, soit si le cas y échoit devant tout autre tribunal d'attribution, en demandant qu'il soit sursis à l'instance principale; Annule le jugement dont est appel, renvoie les parties devant le tribunal d'Angers, etc.

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Le vi

Du 21 nov. 1818.-C. de Rennes. (1) Espice : (D'Angeville C. com. de Lompnes, etc.). comte d'Angeville était en instance devant le tribunal de Belley contre les communes de Lompnes, Hauteville et Cormaranches, à l'occasion de forêts considérables possédées par ces communes, et dont il réclamait la propriété. D'Angeville a prétendu que les habitants commettaient des dégradations dans les forêts en litige, et a formé en conséquence une demande incidente tendant à ce que les bois fussent provisoirement déclarés en séquestre. Le 10 janv. 1814, jugement qui rejette cette demande, sur le fondement que les communes, jouissant des bois sous la surveillance de l'administration des eaux et forêts, ne pouvaient commettre aucun degât.-Appel.-Après avoir renouvelé sa demande en séquestre, le sieur d'Angeville ainsi que les communes ont plaidé sur le fond, c'est-àdire sur la question de savoir à qui appartenait la propriété des forêts. Les plaidoiries commencerent le 27 mars 1816, et durerent plusieurs audiences. Le procureur général fut entendu le 3 août de la même année.Il fut sursis alors à la prononciation de l'arrêt jusqu'au 18 avr. 1817. La veille, 17 avril, le sieur d'Angeville fit signifier aux communes un acte par lequel il se désistait de l'appel interjeté par lui du jugement du 10 janv. 1814, et concluait à ce que la cour renvoyât la cause devant les premiers juges en l'état où elle était avant cet appel.

Le 18 avr. 1817, arrêt de la cour de Lyon, qui, sans avoir égard à ce désistement, prononce sur le fond, et reconnait les communes propriétaires des forêts. -"l Considérant, y est-il dit, sur le désistement que, sur l'appel de d'Angeville du jugement du 10 janv. 1814, il a pris des conclusions principales et saisi la cour de la connaissance du fond; que, les communes ayant pris des conclusions semblables, l'instance s'est liée entre toutes les parties, le contrat judiciaire s'est formé, et qu'il ne dépendait plus de l'une des parties d'enlever à la cour la connaissance de l'affaire au fond, à moins qu'elle ne se désistât de ses prétentions mémes élevées sur le fond; que les conclusions présentées par les parties au moment même où l'arrêt va être rendu, ne peuvent rien changer à l'état du procès réglé par les conclusions sur lesquelles il a été plaidé, et qui ont servi de base aux conclusions de M. le procureur général; que c'est dans cet état ainsi fixé que la cause doit être jugée; que, d'ailleurs, le désistement partiel présenté par d'Angeville ne porte aucun abandon de

TOME XV.

menacerait l'appelant d'un nouveau procès, surtout s'il a encore pour objet d'empêcher qu'il ne soit statué sur une demande incidente (Amiens, 16 nov. 1821) (2);-5° Que le désistement d'appel, basé sur ce que la demande principale est satisfaite ou acquittée, doit être repoussé, lorsqu'il paraît qu'il n'a été imaginé que pour faire tomber une demande reconventionnelle (Colmar, 20 avril 1824) (3); — 6° Que si le désistement notifié par le demandeur et refusé par le défendeur, n'a été formé que dans l'intention de se soustraire au jugement en conservant son action, le tribunal est fondé à en refuser acte et à ordonner de plaider au fond (Douai, 26 fév. 1825) (4); 7° Que nul ne peut être contraint à accepter un désistement qui nuit ou peut porter préjudice à ses

prétentions au fond, comme cela devrait être, pour dessaisir la cour de l'état présent du procès; que le désistement n'a point été accepté, et même a été repoussé par les communes, qui persistent à demander arrêt. » Pourvoi du sieur d'Angeville. Violation des art. 402 et 403 c. pr.,

en ce que la cour d'appel a prononcé sur le fond de l'affaire, nonobstant le désistement de l'appel donné par le sieur d'Angeville.-Le demandeur soutient que le désistement était valable, et enlevait à la cour d'appel le pouvoir de prononcer, quoiqu'il ne portât point sur le fond de la contestation, quoiqu'il n'eût été formé qu'après les conclusions du procureur général, et quoiqu'il n'eût point été accepté par les communes. Arrêt. LA COUR; Attendu que ce n'était pas par l'appel du demandeur du jugement du tribunal civil de Belley, du 10 janv. 1814, que la cour royale se trouvait investie du droit de prononcer sur le fond des contestations d'entre les parties, mais bien par les conclusions respectivement prises et tendantes à l'évocation du principal; conclusions sur lesquelles la cause avait été plaidée pendant neuf audiences, et sur lesquelles le ministère public avait été entendu, en sorte que l'état des choses sur le fond ne pouvait plus changer au moment du désistement signifié par le demandeur, surtout dans la circonstance où ce désistement non accepté ne portait que sur l'appel du jugement du 10 janv. 1814, rendu sur l'incident, et n'aurait pu, s'il l'avait été, dessaisir la cour royale que de la connaissance de cet incident; ce qui écarte toute application et toute violation des art. 402, 403 et 473 c. pr.;-Rejette.

Du 1er juill. 1818.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Lepicard, rap. (2) (Brebant et femme C. Menot.) LA COUR ; - En ce qui touche le désistement signifié par l'intimé, les 9 et 16 de ce mois: Considérant que ce désistement n'est point pur et simple; que l'intimé, tout en renonçant au bénéfice des jugements dont est appel, même à sa demande introductive d'instance, se réserve expressément de renouveler son action afin de faire déclarer les appelants déchus de l'exercice du réméré ; —Qu'il importe à ceux-ci de faire écarter un désistement dont l'objet est d'empêcher la cour de prononcer sur le fond, et qui les menace d'un nouveau procès ;-Qu'il leur importe également de le faire écarter, en ce que son objet est aussi d'empêcher qu'il ne soit statué sur la demande incidente par eux formée, et qui a été jointe au fond par l'arrêt de la cour du 31 août dernier;- Que d'ailleurs, par l'effet de l'appel et des conclusions principales et subsidiaires prises par de Brebant et sa femme, la cour se trouve saisie de la connaissance de tout ce qui a été décidé par les jugements des 13 et 20 juill. et 31 août 1820; — Sans s'arrêter au désistement, reçoit de Brebant et sa femme appelants; met l'appellation et ce dont est appel au néant.

Du 16 nov. 1821.-C. d'Amiens.-M. Maleville, pr.

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(3) (Javal C. Wickelhausen.) - LA COUR ; Considérant que le désistement de l'appel, signifié le 29 janvier dernier, est fondé sur ce que la demande principale est solue et acquittée; que cette prétendue libération est non-seulement démentie par l'intimé, mais que tout porte à croire dans la cause qu'elle n'a été imaginée par l'appelant que comme un subterfuge propre à faire tomber la demande reconventionnelle de l'intimé; Déboute le demandeur de son opposition formée à l'arrêt par défaut, contre lui rendu le 27 février dernier ; ordonne que ledit arrêt sera exécuté suivant sa forme et teneur, et le condamne aux dépens de l'opposition.

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Du 20 avril 1824.-C. de Colmar.-M. Millet de Chevers, pr. Cession avait été faite, (4) Espèce: (Simon C. Vanwormhondt.) par les courtiers de commerce, à Simon, du droit d'insérer dans sa feuille l'annonce du prix courant des marchandises.-Le sieur Vanwormhondt, éditeur d'une autre feuille, ayant inséré les mêmes annonces, fut assigné par Simon, pour être condamné en 500 fr. de dommages-intérêts, et s'entendre faire défense de réitérer. Les conclusions étaient prises, les plaidoiries commencées, lorsque Simon notifia au défendeur qu'il se désistait pour voie de procédure seulement, sous la réserve de ses droits au fond. Le défendeur refusa d'accepter, à moins que Simon ne consentit à l'abandon de l'action. Simon persista à demander le décrètement de son désistement, tel qu'il l'avait prescrit. 3 déc. 1824, jugement du tribunal de Dunkerque, qui, « Considérant que les parties ayant commencé les plaidoiries de la cause au fond, elles ne peuvent plus s'op

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droits, et que lorsqu'un juge décrète purement et simplement un désistement qui n'avait été accepté par le défendeur que sous condition, par exemple, qu'en cas de nouvelle instance, il jouirait de tous les bénéfices qui lui étaient acquis par suite du défaut de méconnaissance dans les trois jours des faits par lui articulés, le jugement doit être réformé comme prématuré pour n'avoir pas fait au préalable plaider la question de savoir s'il y avait dans la cause des faits et circonstances de nature à faire rejeter le désistement (Bruxelles, 15 fév. 1836) (1).

SS. D'autre part, la résistance du défendeur a été condamnée et la validité du désistement d'instance admise par plusieurs cours. Il a été jugé notamment qu'un désistement d'instance pur et simple était admissible, bien qu'il eût été signifié la veille des plaidoiries et que la copie notifiée ne portait pas la signature de la partie (Rennes, 24 déc. 1829 (2), et Paris, 11 janv. 1832, aff. Talansier, V. no 55).

89. Nous n'avons cessé de raisonner dans l'hypothèse d'un débat contradictoire. En est-il de même si le défendeur fait défaut? - Jusqu'au jugement, le demandeur est maître de l'instance et de l'action, car le quasi-contrat-judiciaire n'a pu se former en l'absence d'une partie. Il a donc le droit d'y donner suite ou d'y renoncer, sans être tenu de consulter un adversaire absent. Mais quand les juges ont prononcé, il y a chose jugée sur l'action et, dès lors, si le défendeur persiste dans son silence et que le jugement soit régulier, nous disons avec M. Pigeau, Comm., t. 1, p. 342, « que dès que le défendeur ne répond pas, il s'en rapporte aux juges, consent que leur volonté remplace la sienne, et qu'ainsi leur volonté étant la sienne, il y a contrat dès qu'ils l'ont manifestée et le demandeur ne peut plus revenir contre le contrat qui est parfait. » Tel est aussi l'aposer réciproquement les nullités d'actes de procédure antérieure, qui se trouvent couvertes par ce seul fait; Que, dès lors, le sieur Simon ne peut plus avoir aucun intérêt de se désister de sa demande, pour prétendus vices de procédure, puisque, quand bien même ils existeraient, ils ne pourraient lui être opposés ; Considérant que le sieur Vanwormbondt a, dans l'état de la cause, un intérêt bien formel à avoir une décision au fond, puisque, dans le cas où le désistement serait admis, ledit sieur Vanwormhondt se trouverait toujours sous le poids de l'action du sieur Simon; — Qu'il n'y a donc pas lieu à décréter le désistement; - Déclare le désistement nul, et ordonne aux parties de plaider au fond. » - Appel. Arrêt.

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LA COUR; Au fond; Attendu que la faculté de se désister a été accordée par la loi, dans le but d'éteindre les procès, et non évidemment dans la pensée qu'on pût s'en servir pour les multiplier ou en éterniser le cours; Qu'elle n'a jamais entendu favoriser la mauvaise foi, et imposer, par conséquent, aux magistrats, l'obligation de décréter tout désistement qu'il plairait au demandeur de former ; Attendu que le désistement, tel qu'il a eu lieu dans la cause, est dénué d'intérêt légitime, et contraire évidemment au but de la loi; - Adoptant, au surplus, les motifs des premiers juges; - Sans s'arrêter à la fin de non-recevoir présentée par l'intimé, et dont il est débouté; - Met l'appellation au néant. Du 26 fév. 1825.-C. de Douai.-MM. Leroy et Danel, av.

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(1) (Debolster C. Mus.) Par exploit du 9 janv. 1835, le sieur Mus déclara se désister de l'instance en garantie liée entre lui et le sieur Debolster. Le désistement fut décrété purement et simplement bien qu'il n'eût été accepté par ce dernier que sous la condition expresse qu'en cas de nouvelles poursuites il jouirait de tous les bénéfices qui lui étaient acquis par suite du défaut de méconnaissance, dans les trois jours, des faits qu'il avait articulés dans un écrit du 2 janv. 1855. -- Appel. - Arrêt. LA COUR; - Attendu que le désistement est un contrat judiciaire par lequel l'une des parties abandonne l'instance ou l'action et l'autre accepte; Attendu que nul ne peut être contraint d'accepter un contrat qui nuit ou peut porter préjudice à ses droits, et les juges ne peuvent suppléer à cette acceptation que quand ce refus n'est fondé sur aucun bon motif; Attendu qu'en répondant au désistement signifié par l'intimé le 9 janv. 1835, l'appelant a formellement déclaré ne vouloir l'accepter que sous la condition expresse qu'en cas de nouvelles poursuites, il jouirait de tous les bénéfices que lui accorde l'état actuel de la cause et pourrait invoquer à l'appui de sa défense tous les faits, circonstances et conséquences qui résultent pour lui des actes notifiés au procès et de la conduite tenue par le défendeur à son égard; Attendu qu'une semblable déclaration doit être considérée comme un refus d'accepter, surtout dans la circonstance où le demandeur refusait lui-même d'accueillir la condition sous laquelle le défendeur ne voulait pas accepter; - Attendu que dans un pareil état de choses le premier juge n'a pas pu admettre le désistement sans avoir au moins au préalable fait plaider la question de savoir s'il y avait dans la cause des faits et des circonstances de nature à faire rejeter le désistement;

vis de MM. Merlin, Rép., vo Désist., no 3; Chauveau sur Carré, quest. 45 bis, et Bioche, n° 13. Supposons donc que le demandeur n'ait obtenu qu'une partie de ses conclusions, la seule voie qui lui sera ouverte, sera celle de l'appel, si le défendeur continue à faire défaut, car l'opposition au jugement lui permettrait de reprendre ses conclusions ab ovo.-Que si, au contraire, le demandeur n'a pas réclamé la totalité de ce qui lui est dû, on fait la distinction suivante : ou il s'agit d'une somme réclamée pour un dommage, comme exécution d'une convention, comme réparation d'un délit, d'un quasi-délit; ou il s'agit d'une dette résultant d'un contrat de prêt. Dans le premier cas, il y a chose jugée sur l'action, le demandeur s'est condamné lui-même; mais dans l'autre, il n'a pas perdu pour cela son action; il est, au contraire, fondé à procéder par une instance nouvelle, sans qu'un désistement soit nécessaire. - Cette double solution est aussi enseignée par MM. Pigeau, Comm., t. 1, p. 342, et Chauveau sur Carré, quest. 615 bis. V. au surplus, vo Jugement. 90. Relativement à la question de savoir s'il est possible de se désister d'une demande en dommages-intérêts portée devant les tribunaux civils pour en saisir la juridiction criminelle, question débattue et qui soulève de vives controverses, V. Excep. tion, Inst. crim. (action civ.), Quest. préjudic.

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Dans une instance pour

(2) Espèce: (Guillemin C. Pollemer.) · fait d'usurpation, pendante au tribunal de Saint-Malo, entre Guillemin et Pollemer, le premier notifia au défendeur un acte de désistement. - La veille du jour fixé pour les plaidoiries, et le lendemain, à l'audience, il demanda acte de ce désistement; mais l'avoué de Pollemer conclut à ce que le tribunal statuât sur le fond, le demandeur ne s'expliquant pas sur l'objet du désistement. Ces conclusions furent accueillies, et suivies d'un jugement sur le fond.- Appel par Guillemin, qui soutenait que le tribunal, étant dessaisi par le désistement, ne pouvait juger au fond. L'intimé répondait que ce désistement n'était pas pur et simple, puisqu'on avait soutenu postérieurement qu'il n'emportait pas l'extinction de l'action; qu'il était nul, la copie notifiée n'étant signée ni par le demandeur, ni par un fondé de pouvoir spécial. Arrêt.

LA COUR ;-Considérant, en fait, que le désistement notifié à la requête du sieur Guillemin, le 2 mai 1828, de l'instance introduite par lui devant le tribunal de première instance de Saint-Malo, par demande du 24 déc. précédent, est pur et simple, et qu'il se soumet à payer tous les frais des défendeurs;- Qu'à l'audience du lendemain 3 mai, son avoué a de nouveau demandé acte du même désistement, et dans les mêmes termes; que l'avoué des défendeurs a, de son côté, demandé acte de la notification à lui faite de ce désistement, et, sans élever aucune objection contre cet acte, n'en a pas moins persisté à demander que les conclusions par lui prises sur le fond de la contestation lui soient adjugées ;- Considérant, en fait, que les premiers juges, tout en décernant acte du désistement, et en le reconnaissant valable, ont néanmoins statué au fond sur les coûts des défendeurs;- Considérant, en droit, qu'aux termes des art. 402 et 403, l'effet du désistement est d'éteindre la procédure commencée; que toute partie, maîtresse de ses droits, peut user de cette faculté, pourvu que son désistement soit pur et simple;- Que, dans l'espèce, le désistement notifié était pur et simple; que devant les premiers juges, les défendeurs, au lieu de le critiquer, en ont demandé acte; d'où il suit qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter au vice de forme qu'ils lui ont reproché devant la cour, en ce que la copie notifiée ne portait pas la signature du sieur Guillemin, mais référait seulement sa signature existante sur l'original; - Considérant, enfin, qu'il résulte des faits et des principes ci-dessus énoncés, que les premiers juges se sont mépris en statuant, au fond, sur une instance éteinte par un désistement dont eux-mêmes devaient acte aux parties; Par ces motifs, faisant droit sur l'appel relevé, confirme seulement la disposition dont est appel, en ce qu'elle décerne acte du désistement-Émendant, au surplus, dit qu'il a été mal et nullement jugé en ce qui concerne le fond de la contestation; Maintient la condamnation des dépens en première instance, et condamne les intimés aux dépens de la cause.

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Du 24 déc. 1829.-C. de Rennes, 2 ch.

aucune difficulté: celui où le désistement est pur et simple et où le défendeur n'est pas devenu demandeur incident. - Évidemment en présence de l'aveu solennel que fait une partie de la témérité et de l'injustice de ses prétentions, il importe peu à son adversaire que la procédure soit parvenue à telle ou telle phase, puisque le désistement lui accorde à jamais gain de cause, sauf à lui à procéder ainsi qu'il a été dit, no 52, contre les motifs injurieux, les imputations diffamatoires, et d'en réclamer la suppression.Mais, dans le cas où, profitant de l'occasion de cette lutte engagée contre lui, le défendeur aura lui-même saisi les juges de ses griefs personnels, le désistement du demandeur ne sera pas recevable, ou du moins l'acceptation n'en sera point forcée, et le défendeur se gardera bien de l'accepter, car l'instance, en disparaissant, entraînerait avec elle ses propres conclusions. En conséquence, il a été jugé: 1o que le désistement, signifié par le demandeur après que son adversaire a formé une demande incidente, ne peut dessaisir le tribunal, alors surtout que ce désistement est conditionnel; « Attendu, porte l'arrêt, qu'il (le demandeur) a dù d'autant moins dessaisir le tribunal par un désistement d'ailleurs conditionnel, puisqu'il portait la réserve de se pourvoir devant les juges civils, qu'alors déjà son adversaire avait formé une demande incidente >> (Colmar, 2 mars 1840, 2° ch., aff. Hommel C. Zeug);-2° Qu'il suffit qu'une demande reconventionnelle en règlement de compte de tutelle ait été formée par le défendeur à une demande en payement d'une somme déterminée, pour que le désistement de la demande principale ne puisse avoir lieu sans le consentement du défendeur, alors surtout qu'il n'a pas été signé du désistant, ou qu'il a été signifié par un autre avoué que le sien (Req., 17 nov. 1819) (1); —3° Que le désistement pur et simple de la demande principale ne rend point le défendeur non recevable à suivre sur la demande incidente qu'il avait formée, si cette demande n'est point une défense à l'action principale (Orléans, 21 nov. 1834) (2).

93. De même, le désistement ou la renonciation d'une partie à se servir d'un acte frauduleux et dont la validité avait été admise par un jugement, n'est pas obligatoire et ne fait pas obstacle

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(1) Espèce: (Michel C. Gautherau.) - Les faits sont conformes à la notice. La cour de Grenoble, en rejetant le désistement par son arrêt du 21 fév. 1818, s'était fondée non-seulement sur le défaut de signature du désistement et sur l'irrégularité de sa signification, mais encore sur ce que le défendeur ayant formé une demande reconventionnelle, le désistement de la demande principale n'était plus admissible. Arrêt. LA COUR; Attendu que l'arrêt ne prononce que sur le désistement des mariés Gautier qu'il déclare irrégulier dans sa forme, et qu'il ne viole à cet égard aucune loi, et qu'au surplus l'arrêt n'est qu'un arrêt préparatoire qui ne peut donner lieu à aucune ouverture à cassation ;- Rejette. Du 17 nov. 1819.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Ménerville, rap. (2) Espèce: (Vanving C. Lecomte.) Le sieur Vanving forme contre Lecomte, son fermier, une demande en résiliation de bail, motivée principalement sur l'insuffisance des meubles garnissant les lieux. Celui-ci soutient que les motifs de la demande ne sont pas fondés, et il se porte reconventionnellement demandeur en dommages-intérêts contre le sieur Vanving pour infractions au bail par lui commises. Jugement qui ordonne une expertise. - Désistement du sieur Vanving. Acceptation de ce désistement par le sieur Lecomte, mais sous la réserve de sa demande incidente. Vanving soutient que la demande incidente se trouve anéantie avec la demande principale, et que, d'un autre côté, le désistement, aux termes de l'art. 405 c. pr., a détruit la procédure qui l'a précédé. — Jugement qui rejette ces moyens et ordonne qu'il sera suivi sur la demande incidente. Appel. Arrêt.

LA COUR ; Attendu que la demande incidente du sieur Lecomte ne peut être considérée comme une défense à l'action principale, puisqu'elle est fondée sur des causes différentes et indépendantes de celles qui ont motivé cette dernière; d'où il suit que, dans le sens de l'art. 403 c. pr., le désistement, en faisant tomber la demande principale, n'a pas pu entraîner de plein droit l'annulation de la demande reconventionnelle du sieur Lecomte; -Attendu, d'ailleurs, que ce désistement est pur et simple, et n'impose pas à Lecomte la condition de renoncer à la demande reconventionnelle; - Ordonne que ce dont est appel sortira effet, etc. Du 21 nov. 1834.-C. d'Orléans.-M. de Beauvert, 1er pr. (3) (Moest C. Janne.)--LA COUR; Attendu qu'en première instance les appelants, alors demandeurs, ont estimé à 3,000 fr. les dommagesintérêts qu'ils réclamaient comme résultant des degradations par eux alléguées; que, dès lors, le mérite du désistement de cette action ne pouvait être jugé qu'en premier ressort; - Attendu qu'une instance n'est point terminée par la signification du désistement du demandeur, mais bien par

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à ce que la partie adverse obtienne des dommages-intérêts, si le désistement ne répare pas suffisamment le préjudice par elle éprouvé (Dijon, 19 mars 1831, aff. Bardot, rapp. avec l'arrêt de la ch. des req. du 13 nov. 1833, v° Chose jugée, no 541-1o).— Il a été jugé, dans le même sens, que, tant qu'un désistement n'a pas été accepté ou déclaré valide par arrêt, la partie peut former une demande reconventionnelle, et notamment réclamer des dommages-intérêts pour le tort causé par l'action (Liège, 6 janv. 1844) (3). — Dans les deux espèces, le désistement, on le remarquera, était intervenu avant la signification des conclusions reconventionnelles : il a cependant été rejeté, et à bon droit, parce que les dommages-intérêts procédaient de l'action même.

94. Un désistement d'action ne serait pas non plus obligatoire s'il était incomplet, comme, par exemple, celui d'une demande en requête civile qui, intervenant après les plaidoiries, ne contiendrait pas l'offre de 150 fr. de dommages-intérêts, ou même une offre supérieure, selon les cas (Gand, 2 fév. 1844, aff. Meessen, no 15).

95. A plus forte raison, le désistement ne sera-t-il pas recevable, sera-t-il en quelque sorte impossible, si les choses, au lieu de n'être pas entières, sont consommées; si, par exemple, un jugement a accordé au demandeur et au défendeur des droits réciproques, et si le désistement est d'ailleurs préjudiciable à la partie adverse, en un mot, s'il a pour effet de détruire un jugement ou s'il n'a pour mobile que le seul intérêt du désistant.

Une administration, notamment, ne serait pas fondée à se désister d'un arrêt passé en force de chose jugée prononçant une expropriation pour cause d'utilité publique, lorsqu'il ne reste plus qu'à fixer l'indemnité, et que le propriétaire exproprié entend qu'il y soit donné droit (Bordeaux, 16 janv. 1832 (4). Tout cela est dans le sens de l'opinion que Denisart, vo Désist., n° 5, exprimait en ces termes : « On n'est plus à temps de se désister d'une demande lorsqu'une fois les juges ont statué sur l'objet de cette demande. Ainsi, lorsqu'une sentence a adjugé le retrait lignager au rétractant, le désistement de ce dernier ne peut pas être admis malgré l'acquéreur. »

l'acceptation faite par le défendeur ou par le décret de validité de ce désistement; que jusqu'alors le défendeur est en droit de former une demande reconventionnelle; » - Déclare l'appel recevable.

Du 6 janv. 1844.-C. de Liége, 3 ch.

(4) Espèce: — (Hospices d'Angoulême C. Gerbeaud. ) — Dans l'espèce, un arrêt passé en force de chose jugée avait ordonné, sur la demande de l'administration des hospices, l'expropriation du sieur Gerbeaud pour cause d'utilité publique: il ne restait plus que l'indemnité à fixer par le tribunal. L'administration demandait une nomination de nouveaux experts; cette demande fut rejetée. - Gerbeaud a sommé l'ad ministration d'assister à l'expertise; alors, celle-ci signifie une délibération par laquelle elle déclare renoncer à l'acquisition du jardin exproprié, ajoutant qu'au moyen de ce désistement, l'expertise devient inutile; elle offre de payer à Gerbeaud, sur estimation préalable, tous dommages-intérêts qui pourraient lui être dus.-Néanmoins, les experts font leur rapport; Gerbeaud en demande l'homologation et conclut au payement de l'indemnité. L'administration s'oppose à l'homologation, et soutient qu'au moyen de ses offres, l'expertise est devenue inutile. Le tribunal d'Angoulême ordonne que les parties plaideront. — Appel par l'administration.-Arrêt.

LA COUR ;-Attendu que l'art. 1 de la loi du 8 mars 1810 porte que l'expropriation pour cause d'utilité publique s'opère par l'autorité de la justice; Que le tit. 3 a pour objet spécial la procédure à faire devant le tribunal pour parvenir à l'expropriation; que l'art. 15 de la loi, qui est le premier de ce titre, dispose qu'à défaut de convention entre les parties, sur le vu de l'arrêté du préfet, et sur le réquisitoire du procureur du roi, le tribunal autorisera le prefet à se mettre en possession, à la charge de se conformer aux autres dispositions de la loi; que l'une de ces dispositions principales est le règlement de l'indemnité prescrit par l'art. 16;

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Que, dans l'économie de la loi, deux choses distinctes sont à considérer l'expropriation qui est à prononcer par le tribunal qui envoie le préfet en possession, et le règlement de l'indemnité qui en est la conséquence;—Que si, jusqu'au payement préalable de l'indemnité, la partie expropriée conserve la possession de fait, la propriété n'en est pas moins dévolue a l'administration; que le règlement de l'indemnité laisse le prix incertain, mais que l'expropriation est consommée;

Attendu que, le 1er fév. 1828, lé tribunal civil d'Angoulême rendit un jugement qui autorisa le préfet à se mettre en possession; que Gerbeaud y ayant formé opposition en fut débouté par un second jugement, du 50 juin 1828; qu'il interjeta appel de ce dernier jugement, qui fut confirmé

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