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consister les plaidoiries, et les parties ou leurs défenseurs pouvant les borner et les bornant souvent à des conclusions motivées, un arrêt n'est pas attaquable par cela qu'il aurait été rendu après avoir entendu les parties seulement par des mémoires, surtout si celui qui propose ce moyen devant la cour de cassation n'a élevé, devant la cour d'appel, aucune réclamation sur la manière dont les parties ont développé leurs défenses (Req., 17 déc. 1807, aff. Lubré); — 3o Que bien qu'un arrêt ait mentionné, par erreur, que l'avocat d'une partie avait été entendu, il n'en résultait pas un déni de justice ou une privation du droit de la défense, alors que la cause, après avoir subi plusieurs remises successives, avait été appelée au jour fixé, et que des conclusions avaient été simplement prises par toutes les parties dans ces termes, vu le défaut d'intérêt, il serait même impossible de prendre la voie de l'inscription de faux contre cette énonciation de l'arrêt (Req., 17 fév. 1818) (1).

199. Quand les parties renoncent à se défendre elles-mêmes, elles ne peuvent, en règle générale, choisir leur défenseur que dans le sein de l'ordre des avocats. Il est cependant deux exceptions à cette règle : la première est consignée dans l'art. 86 c. pr.; la seconde existe en faveur des avoués qui, dans certains cas, partagent le droit de plaider avec les avocats.

200. Disons d'abord qu'en dehors de ces deux exceptions les avocats peuvent seuls être chargés de plaider devant les tribunaux de première instance et les cours d'appel.- En effet, on sait que l'ordre des avocats fut implicitement supprimé par le décret des 2-11 sept. 1790. La loi du 22 vent. an 12 rétablit les écoles de droit, et de plus son art. 24 porta qu'à partir du 1er vend. an 17, nul ne pourrait remplir les fonctions d'avocat près les tribunaux sans avoir justifié d'un diplôme de licencié ou de lettres de licence obtenues dans les universités. Cette loi prescrivit encore la formation d'un tableau des avocats près de chaque tribunal. Le règlement d'administration dont elle contenait la promesse se fit longtemps attendre; mais enfin le décret du 14 déc. 1810 n'a fait que confirmer le privilége dont l'ordre était en possession. De même, l'art. 1 du décret du 2 juill. 1812 et l'ord. du 20 nov. 1822 (V. Avocat, no 50) lui donnèrent une nouvelle consécration. Cependant, malgré ces textes, qui ont eu pour but d'assurer, dans le meilleur intérêt de la justice, une existence convenable aux hommes qui consacrent leurs veilles à l'étude des lois et qui ont dépensé leur patrimoine dans la vue de se procurer les connaissances et les ouvrages nécessaires à l'exercice de cette profession, M. Lepage, Introd. à ses questions, p. 32, pense que la défense d'une partie pourrait être

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parties, et que le ministère public a été entendu ; que, si les avocats ne se sont pas présentés à ces audiences, il ne saurait en résulter aucune ouverture à cassation, les parties ayant pu borner leur défense à la simple audition de leurs avoués, n'apparaissant d'aucune remise par elles demandée, pour faire plaider la cause par des avocats; - Rejette. Du 31 déc. 1834.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, pr.-Jourde, rap. (1) (Daru C. dame Junot.) - LA COUR; Considérant que quand l'énonciation dont se plaignent les demandeurs, « que Me Dupin, avocat de Daru et sa femme a été entendu,» serait fausse ou erronée, il n'en résulterait point que les demandeurs auraient été privés de leur légitime défense; d'où suit que l'inscription de faux à laquelle les demandeurs concluent à être autorisés serait inutile et frustratoire ; Considérant qu'en supposant l'absence de Me Dupin à l'audience du 4 août 1815, les sieur et dame Daru n'auraient pas moins joui de leur légitime défense, et n'en auraient point été privés, puisqu'après arrêt par défaut et opposition, la cause, après avoir été mise au rôle, qualités posées, avait été remise plusieurs fois et définitivement à l'audience du 4 août; qu'audit jour, les mariés Daru ont comparu par Me Deschieu, leur avoué; que la cause ayant été appelée, chacune des parties a pris les conclusions énoncées en l'arrêt, ce qui suffit pour rendre l'arrêt régulier et contradictoire;-Rejette. Du 17 fév. 1818.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Lasaudade, r. (2) (Mereaux C. Mereaux.) — LA COUR; Sur le premier moyen; Attendu qu'aux termes de l'art. 307 du code civil, la demande en séparation de corps doit être intentée, instruite et jugée de la même manière que toute autre action civile; - Attendu que l'art. 85 c. pr., ne permettant qu'aux parties, assistées d'un avoué, de se défendre ellesmêmes, sauf au tribunal la faculté de leur interdire ce droit, l'on ne peut pas reprocher à la cour d'Orléans d'avoir fait une fausse application de cet article, en refusant au père de la demanderesse la permission de plaider dans l'affaire dont il s'agit ; — Rejette.

confiée à une personne qui ne serait pas sur la liste des avocats, sauf au tribunal à exiger la représentation d'une procuration, et à user du pouvoir dont l'investit l'art. 85, s'il ne juge pas le mandataire assez instruit. M. Commaille, t. 1, p. 155, penche vers cette opinion, qui est vivement combattue par MM. Delaporte, t. 1, p. 99, Carré et Chauveau, quest. 420, et Thomine, t. 1, P. 198. Suivant ce dernier auteur, un tuteur ne pourrait même représenter son pupille. Mais c'est aller trop loin, car en ce cas, comme le dit M. Chauveau, la partie est double: il y a le tuteur et le pupille.

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Quoi qu'il en soit, la doctrine de ces derniers auteurs a reçu la sanction d'un arrêt de la chambre des requêtes, qui a décidé qu'un père n'avait pas qualité pour plaider la cause de sa fille, alors même qu'elle est défenderesse à une action en séparation de corps pour cause d'adultère (Req., 22 août 1822) (2). — On ne peut se dissimuler que l'espèce était des plus favorables, car, d'une part, il s'agissait d'un père qui venait défendre l'honneur de sa fille et en quelque sorte le patrimoine de la famille; et, d'autre part, on soutenait que cette action était autant correctionnelle que civile, et que la femme devait jouir de toute la latitude accordée à la loi en matière criminelle. Néanmoins, la cour n'a pas pensé que la loi pût recevoir d'autres exceptions que celle qu'on a rappelée plus haut. Craignant sans doute d'ouvrir aux sollicitations et aux récriminations des issues qui seraient incommodes pour l'administration de la justice, elle a appliqué la loi dans son sens restrictif. Mais la chambre civile, dans une affaire de séparation de corps, a depuis admis, malgré nos observations, le fils de l'un des époux, et qui d'ailleurs était avocat, à présenter devant elle les moyens d'un pourvoi formé par sa mère (Civ., 8 nov. 1830) (3).— La chambre civile a visé les art. 94 de la loi du 27 vent. an 8 et 15 du règlement du 4 prair. an 8.-Mais si l'art. 15 de la loi de ventôse dit que les parties pourront se défendre elles-mêmes, verbalement et par écrit, ou faire proposer leurs défenses par qui elles jugeront à propos, c'est qu'à cette époque les avocats et les avoués avaient été supprimés. Quant au règlement, il tranche encore moins la question, car il porte seulement que les parties ou leurs défenseurs seront entendus s'ils le requièrent. L'arrêt s'est fondé en outre sur ce motif que le fils, dans cette espèce, avait en vue de procurer la réunion des auteurs de ses jours. Or, il est aisé de comprendre tout ce que celle considération devait présenter de respectable aux yeux de la cour; et cependant l'esprit et le texte dé la loi lui ont paru d'une telle évidence, que le président a cru devoir enjoindre au fils de la partie demanderesse, quoiqu'il eût la qualité d'avocat, « de ne point oublier la circonspection et le respect que lui inspirait à

Du 22 août 1822.-C. C., sect. req.-MM. Lasaudade, pr.-Bolton, rap. (5) Espèce: (Montal.) Devant la chambre civile, le sieur Montal fils, avocat, s'étant présenté pour soutenir le pourvoi de sa mère contre son père, avait déjà obtenu la parole de M. le premier président lorsque, Me Dalloz a fait observer qu'aux termes de l'art. 85 c. pr., les défenseurs seuls ou les parties pouvaient être admis à plaider devant les cours et tribunaux, et que celles-ci, même, devaient avoir l'agrément du président; que l'exception contenue dans l'art. 86 même code, en faveur des magistrats et des membres du ministère public auxquels il est permis de défendre leurs parents, n'était pas susceptible d'extension; que, le principe de l'art. 85 était répété par la loi sur l'organisation de la cour de cassation, et par le règlement de 1826, et que ce dernier règlement, sans doute, par la considération de l'usage constamment suivi, ne reproduisait pas même l'exception de l'art. 86; — Qu'en fait, on ne pouvait pas dire que M. de Montal fils fût partie au procès, puisqu'aucun pourvoin'était dirigé par lui, contre l'arrêt de la cour d'Agen ; qu'il était, il est vrai, intéressé assez directement dans le procès; mais qu'il ne sullisait pas d'avoir intérêt à un procès pour être admis à y défendre en personne. Arrêt.

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LA COUR; - Vu l'art. 94 de la loi du 27 vent. an 8, et l'art. 15 du règlement de la cour de cassation du 4 prair. suivant; Attendu quo le pourvoi en cassation tend à faire annuler un arrêt qui a prononcé la séparation de corps entre les deux époux; que le fils de ces époux qui so présente pour plaider la cause de sa mère a pour objet de procurer la réunion des auteurs de ses jours; Permet à Montal fils, de proposer les moyens présentés par sa mère à l'appui de son pourvoi, lui enjoint toutefois de ne point oublier la circonspection et le respect que lui imposent à l'égard de son père, la qualité de fils et le respect filial.

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Du 8 nov. 1830.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Carnot, rap.Nicod, av. gén. c. conf

l'égard de son père sa qualité de fils. » Au surplus, la contradiction n'existe point, en jurisprudence, entre les deux espèces qu'on vient de rappeler. Dans la première, il s'agissait de savoir si l'on devait casser, pour contravention à l'art. 85 c. pr., l'arrêt de la cour d'Orléans qui avait refusé au père la faculté de défendre sa fille, et la chambre des requêtes ne pouvait balancer à proclamer la négative. - Dans la seconde affaire, au contraire, Me Montal se présentait devant la chambre civile de la cour de cassation et non devant une juridiction de premier ou de deuxième ressort. Aucune violation de loi n'était alléguée; on se bornait à réclamer une faveur qu'on prétendait dépendre du pouvoir discrétionnaire du président de la cour de cassation. On voit de suite quelle grande distance se trouve entre ces deux solutions. Aussi la chambre civile, et c'est encore une remarque qui ne doit point être perdue de vue, ne s'est-elle basée que sur les lois spéciales à son institution, et non sur l'art. 85 c. pr. spécial aux tribunaux d'arrondissement et aux cours royales. Les deux arrêts ne sont donc pas en contradiction; et l'on sait que la cour de cassation s'est toujours montrée favorable au droit de défense lorsque son exercice est réclamé par les parties, bien persuadée qu'elle est que, du cercle juridique dans lequel les défenseurs sont obligés de se renfermer devant elle, il n'en peut sortir aucun inconvénient sérieux ni pour le barreau ni pour la société.

201. De ce qui a été dit plus haut, no 198, il suit que le jugement doit, à peine de nullité, constater les conclusions des parties (V. Jugement). — Ces mots parties ouïes, donnés dans un arrêt indiquent-ils que la défense a été complète ? L'affirmative a été adoptée (Req., 15 nov. 1830, aff. Pichery, vo Jugement). 202. Nous avons dit (v° Avocat, no 238) qu'une nomination d'office n'engageait pas, contrairement à ce qui avait lieu sous le droit romain, la liberté de l'avocat dont la conscience était le seul guide. M. Bioche (v° Défense, no 27), estime qu'en cas de refus de l'avocat, la partie devrait pouvoir confier sa défense à qui bon lui semblerait. - Cette hypothèse, on en conviendra, se réalisera fort rarement, car le barreau se fait un devoir de préter son assistance à quiconque la réclame. Mais, en supposant un refus, il ne motiverait pas, à nos yeux, une dérogation aux lois sur l'organisation judiciaire.

203. Revenons aux deux exceptions qui ont été faites à fart, 85 c. pr.—La première se trouve dans l'art. 86 c. pr., qui défend aux parties de charger de leur défense, soit verbalement, soit par écrit, même à titre de consultation, les juges en activité de service, procureurs généraux, procureurs de la république, leurs substituts, même dans les tribunaux autres que ceux près desquels ils exercent leurs fonctions. Ce n'est que dans le cas où il s'agit de causes personnelles oa intéressant leurs femmes, ou deurs parents ou alliés en ligne directe, ou leurs pupilles, que ces magistrats sont autorisés par le paragraphesuivantà présenter une défense.Et non-seulement ils ont alors le droit de plaider, mais encore celui d'écrire, de parler et de consulter que n'ont pas les autres juges. C'est en ce sens qu'ont été faites les observations du tribunat (V. Locré, t. 21, p. 412, no 53).— -« Il faut enfin, disait la section du tribunat, que nous ayons une magistrature; il faut que les juges conservent constamment leur caractère. La profession d'avocat est belle et honorable, mais chaque état a ses règles. » Le tribun Faure tenait le même langage devant le corps législatif (séance du 14 avril 1806). — L'art. 27 de la loi du 27 mars 1791 interdisait également les fonctions de défenseur officieux

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(1) Espèce: (Intérêt de la loi. Cour de Nîmes.) « Le procureur général, etc. La cour de Nîmes avait à arrêter, au mois de novembre dernier, en exécution de l'ordonnance du 27 fév. 1822, l'état annuel des tribunaux de première instance de son ressort où les avoués pourraient plaider, concurremment avec les avocats, les causes dans lesquelles ils occuperaient. Le procureur général près cette cour a provoqué, par diverses réquisitions, l'exécution de cette ordonnance, notamment à l'égard du tribunal de première instance de Marvejols; mais, par la délibération dénoncée, la cour royale de Nîmes a déclaré n'y avoir lieu à faire droit à ses réquisitions. Ce refus a été fondé sur ce que l'ordonnance du 27 fév. 1822 étant en opposition avec l'art. 32 de la loi du 22 vent. an 12, et avec le décret du 2 juillet 1812, n'aurait pas pu déroger valablement à ces dispositions législatives; qu'elle serait, en conséquence, inconstitutionnelle et non obligatoire pour les tribunaux, comme ayant été rendue hors des limites du pouvoir exécutif.

TOME XV.

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aux juges et aux commissaires du roi.-Les juges suppléants reçus licenciés se trouvent seuls en dehors de l'art. 86; car, d'une part, il ne fait mention que des juges en activité de service; et, d'autre part, l'ord. de 1822, art. 42, en proclamant l'incompatibilité de la profession d'avocat avec toutes les fonctions de l'ordre judiciaire, excepte celles de juge suppléant (V. Avocat, nos 164 et 204). Cette interprétation, qui d'ailleurs ne saurait faire difficulté, est adoptée par MM. Thomine, t. 1, p. 199; Delaporte, t. 4, p. 101; Carré et Chauveau. Quest. 1, 422. — Au contraire, les juges auditeurs devaient, lorsqu'ils existaient, être considérés comme étant en activité de service.-V. Juge.

204. On comprend dès lors que le caractère du magistrat étant personnel, les juges et les officiers du ministère public ne cessent pas d'être réputés en activité de service par cela seul qu'ils sont en vacances. - On devrait même en dire autant des juges honoraires. Ni les uns ni les autres ne peuvent être chargés de la plaidoirie comme défenseurs des parties.

205. On a vu que l'art. 83 permettait au tribunal d'interdire la parole aux parties, dans certains cas. Cette disposition est-elle applicable à l'égard d'un magistrat plaidant soit sa propre cause, soit celle d'un parent, allié, ou pupille? On pourrait dire que l'art. 86 ne contient pas la restriction dont il est question dans l'art. 85, et qu'on ne saurait admettre que la loi ait appréhendé l'inexpérience ou la passion des magistrats. Cependant il nous semble que si, contre toute probabilité, un magistrat plaidant sa propre cause ou celle de ses parents se laissait emporter par la passion, le président, après l'avoir invité d'abord à se modérer, serait autorisé, en vertu du droit qu'il a de régler la police de l'audience, de lui interdire de continuer lui-même sa défense. En un mot, les devoirs du magistrat, en ce cas, sont les mêmes que ceux de l'avocat, et s'il y manquait, ce ne serait pas impunément.

206. Voyons la seconde exception, c'est-à-dire celle relative aux avoués. De vives et nombreuses réclamations se sont élevées contre l'ord. de 1822. On l'a critiquée comme inconstitutionnelle en ce qu'elle ne pouvait abroger le décret de 1812 qui avait force de loi, puisqu'il n'avait pas été attaqué pour inconstitutionnalité devant le sénat conservateur, décret dont le caractère n'était pas réglementaire, mais attributif de droits. On disait, d'ailleurs, que le pouvoir de faire des règlements pour l'exécution des lois, ne comporte pas celui d'en établir pour l'abrogation de ces mêmes lois (motif du trib. d'Apt. du 7 janv. 1832). Mais cette prétention a été repoussée (V. v° Lois, et les numéros qui suivent); et l'on a vu dans le droit de plaidoirie accordé aux avoués une tolérance transitoire, nécessitée par les besoins des temps, variable avec eux, et tenant à la discipline du barreau, et qui devait par conséquent disparaître dès le jour où l'exercice actif de cette profession ferait sentir le besoin d'avoir un corps spé. cialement livré à l'étude des lois et à l'exercice de la plaidoirie,

207. En conséquence, il a été jugé plusieurs fois par la cour suprême, qui a ramené à sa jurisprudence les cours, d'appel, que l'ord. de 1822 n'est pas inconstitutionnelle, en ce qu'elle enlève aux avoués exerçant près les tribunaux de chefs-lieux d'arrondissement, autres toutefois que ceux qui ont obtenu la licence avant le 2 juill. 1812, le droit de plaider les causes sommaires que le décret réglementaire de 1812 leur avait accordé (Req., 18 mars 1855) (1).

208. A l'égard des avoués exerçant près les tribunaux de

>> Par la nature même des choses, par les principes de notre ancien droit, comme par ceux de notre législation moderne, on a toujours séparé la postulation de la plaidoirie, la plume de la parole, le droit de procéder, pour les parties, aux actes de l'instruction du procès, du droit de les défendre devant les cours et tribunaux le premier de ces droits appartient exclusivement aux officiers ministériels préposés à cet effet; le second appartient aux avocats. Aussi la loi d'organisation judiciaire, constitutive de l'état des avoués, celle du 27 vent. an 8, art. 94, ne leur accordet-elle que « le droit exclusif de postuler et de prendre des conclusions devant le tribunal pour lequel ils seront établis. » --- Si, à des époques transitoires, par suite des besoins momentanés de l'administration de la justice, il a été permis aux avoués de plaider certaines causes, dans certains cas et dans certaines positions données, cette faculté ne leur a été conférée que par des dispositions exceptionnelles, temporaires comme les besoins qui les faisaient naître. Ce fut ainsi que la loi du 22 vent. an 12,

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chefs-lieux de département et qui n'avaient pas acquis la licence avant le décret du 2 juill. 1812, on prétendait nonseulement qu'une ordonnance n'avait pu leur enlever le droit de plaider les causes sommaires, mais on soutenait que celle de 1822 ne contenait aucune disposition qui leur fùt applicable; qu'en un mot, elle les avait complétement laissés de côté.

209. Néanmoins il a été jugé : 1o que le droit de plaider toutes

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en créant les écoles de droit, par son art. 52, donna, exceptionnellement et par privilége, aux avoués qui seraient licenciés, le droit de plaider et d'écrire, concurremment et contradictoirement avec les avocats, devant le tribunal auquel ils seraient attachés et dans les affaires où ils occuperaient. Mais de pareilles dispositions exceptionnelles n'ont pas pu créer un droit qui se trouverait irrévocablement acquis aux avoués présents et à venir, et même à la profession en général. - Cela est tellement vrai que cette même loi de vent. an 12 ayant disposé qu'il serait pourvu, par des règlements d'administration publique, à son exécution, notamment à la formation du tableau des avocats et à la discipline du barreau, le décret du 18 déc. 1810, qui réalisa cette promesse, proclama de nouveau, en termes formels et impératifs, l'incompatibilité de la profession d'avocat avec celle d'avoué.

>> Cependant, la mise en application de ce principe ne fut pas réglée immédiatement et rigoureusement; il intervint, le 2 juillet 1812, un second décret réglementaire sur la plaidoirie dans les cours impériales et dans les tribunaux de première instance. Ce décret, respectant les dispositions exceptionnelles de la loi du 22 vent. an 12, pour tous ceux en qui l'application de ces dispositions avait pu commencer jusqu'à ce moment, décida, par son art. 9, que les avoués qui avaient obtenu le grade de licencié, depuis la loi du 22 vent. an 12 jusqu'à la publication du nouveau décret, continueraient de jouir, comme par le passé, du droit que cette loi leur avait attribué. Mais, quant à l'avenir, ce décret régla, par de nouvelles dispositions, les cas exceptionnels où la plaidoirie pourrait être permise aux avoués. Ainsi, les dispositions de la loi du 22 vent. an 12, sur le droit de plaidoirie conféré aux avoués licenciés, se trouvèrent maintenues quant aux avoués alors existants, mais abrogées pour les avoués qui viendraient plus tard. Cette abrogation fut l'œuvre du décret de 1812; et, des lors, il ne resta plus, sur Pexercice de la plaidoirie, quant à l'avenir, que les dispositions réglementaires du décret. - L'ordonnance du 27 février 1822 a respecté tous les effets de la loi du 22 vent. an 12 qu'elle a trouvés subsistants, elle n'a modifié que le nouveau règlement établi par le décret; on ne peut donc pas dire qu'elle ait porté atteinte à une loi.

» Prétendra-t-on que le décret du 2 juill. 1812 doit être considéré comme une loi, et qu'aucune de ses dispositions ne pourrait plus être modifiée par d'autre autorité que la puissance législative? Une telle prétention serait directement contraire aux principes de notre droit public. La jurisprudence de la cour de cassation a décidé, il est vrai, que, lorsque des dispositions, qui n'appartenaient qu'au domaine de la loi, ont été établies par de simples décrets non attaqués comme inconstitutionnels, ces dispositions, bien que vicieuses dans leur origine, sont devenues obligatoires, et doivent continuer à recevoir leur exécution. Mais on ne peut évidemment conclure de cette jurisprudence que les décrets soient devenus des lois, et qu'une loi soit nécessaire pour les modifier, même dans leurs dispositions réglementaires. Le droit de rendre des ordonnances, que la charte de 1814 et celle de 1850 ont donné au pouvoir royal, ne peut se trouver, sur toutes les matières qui ont fait l'objet de quelque décret, paralysé par les règlements du pouvoir exécutif antérieur. Un décret eût pu révoquer un autre decret; une ordonnance peut révoquer une autre ordonnance ou un décret, dans les matières réglementaires qui ne sont pas réservées essentiellement au pouvoir législatif. La cour royale de Nimes, en refusant de faire droit aux réquisitions du procureur général tendant à l'exécution de l'art. 3 de l'ord. du 27 fév. 1822, a donc dénié son action dans un règlement d'administration judiciaire, qui lui a été délégué par l'autorité compétente, réglement qui n'est pas de nature à pouvoir être renvoyé d'un tribunal à un autre, mais qui doit être arrêté par elle seulement. Par ce refus d'exercer des attributions dont l'obligation lui est légalement imposée, elle a commis un exces de pouvoir et fait naitre une de ces situations auxquelles la loi du 27 vent. an 8 a voulu pourvoir par son art. 80, etc. Signé Dupin. » - - Arrêt.

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LA COUR ; Adoptant les motifs contenus au réquisitoire du procureur général; Annule, pour excès de pouvoir, la délibération prise en assemblée générale par la cour de Nimes, le 8 janv. 1854; Ordonne, etc.

Du 18 mars 1835.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Hua, rap. (1) 1re Espece : (Avocats de Laon C. avoués de Laon.) - Me Paringault, avoué à Laon, occupant, en cette qualité, dans une affaire sommaire, se présente à l'audience pour la plaider - Le mini-tere public lui fait observer qu'aux termes de l'ord. du 17 fév. 1822, il aurait dû faire plaider la cause par un avocat. Me Paringault répond qu'il a le droit de plaider les affaires sommaires dont il est chargé : les avoués près

les causes sommaires a été retiré aux avoués tant des chefs-lieux de département que d'arrondissement par l'ord. du 27 fév. 1822; ils n'ont que celui de plaider, dans les affaires où ils occupent, les demandes incidentes de nature à être jugées sommairement et les incidents de procédure (Cass., 11 déc. 1826; Req., 11 janv. 1827; Cass., 18 juill. 1827; 23 juin 1855; Ch. réun. Cass., 8 avril 1857 ; Cass., 13 mai 1840) (1); 20 Qu'il n'y a a

le tribunal interviennent et concluent à ce qu'il soit déclaré que ce droit leur appartient dans toutes causes sommaires, en vertu de l'art. 3 du décret du 2 juill. 1812. Le ministère public conclut, de son côté, à ce que le tribunal maintienne l'ordre des avocats dans le droit exclusif qui lui est attribué par l'ord. du 27 févr. 1822, et que le droit de plaider qui compete quelquefois aux avoués soit restreint dans ses limites. Enfin les avocats interviennent aussi et prennent des conclusions conformes.— Le 14 fév. 1825, jugement du tribunal de Laon, en faveur des avocats.

Appel de la part des avoués de Laon; et appel incident de la part de M. le procureur général, qui a prétendu que, dans cette matière, les délibérations des cours et tribunaux devaient être rendues en chambre du conseil et soumises à l'approbation du garde des sceaux. Le 23 avril 1825, arrêt infirmatif de la cour d'Amiens ainsi conçu : « En ce qui touche les conclusions du procureur général près la cour, tendantes à ce que la demande des avoués près le tribunal de première instance de Laon soit déclarée nulle, comme irrégulièrement et incompétemment portée à l'audience du tribunal. Considérant que l'art. 3 de l'ord. du 27 fév. 1822 a uniquement chargé les cours royales d'arrêter annuellement l'état des tribunaux de première instance de leur ressort, où les avoués non licenciés et ceux qui ne l'ont été que depuis la publication du décret du 2 juill. 1812 pourront plaider les causes dans lesquelles ils occupent, à cause de l'insuffisance du nombre des avocats et en vertu de l'art. 2 de ladite ordonnance; - Que c'est le seul objet des délibérations que, suivant l'art. 4 de cette ordonnance, elles ont à prendre, et qui sont soumises à l'approbation de monseigneur le garde des sceaux ;-Considérant que la demande des avoués près le tribunal de première instance de Laon, formée incidemment à la demande principale de Delestrées et autres, les conclusions du procureur du roi, et l'intervention des avoués près le tribunal, ont présenté la question de savoir si l'ord, du 27 fév. 1822 a enlevé aux avoués des tribunaux des chefs-lieux de département le droit de plaider les causes sommaires à eux accordé par l'art. 3 du décret du 2 juill. 1812; - Que l'examen et la décision de cette question n'étant point attribués par ladite ordonnance aux cours royales pour en délibérer, les chambres assemblées, cette question a été régulièrement et compétemment soumise au tribunal de première instance de Laon; qu'ainsi il y a lien d'annuler ladite demande; Considérant, sur la seconde question, que le décret du 2 juill. 1812 a distingué les avoués en trois classes, celle des avoués près les cours royales, celle des avoués des tribunaux de première instance des chefs-lieux de département où il y a des cours d'assises et celle des avoués des autres tribunaux de première instance; qu'en faveur de chacune de ces trois classes, ce décret a fait une exception particulière au principe consacré par le décret du 14 déc. 1810, que le droit de plaider appartient aux avocats; Qu'en effet, le décret du 2 juill. 1812 a, par son art. 2, permis aux avoués près les cours royales de plaider les demandes incidentes de nature à être jugées sommairement et tous les incidents relatifs à la procédure; - Que l'art. 5 a attribué le même droit aux avoués des tribunaux des chefs-lieux de département où il y a des cours d'assises, et leur a, en outre, conféré le droit de plaider les causes sommaires; - Qu'enfin, ce même article a autorisé les avoués des autres tribunaux de première instance à plaider les causes dans lesquelles ils occuperont ; Considérant que le préambule de l'ord. du 27 fév. 1822, après avoir rappelé qu'en principe les avocats ont le droit exclusif de défendre les causes devant les cours et tribunaux, reconnait aussi qu'il existe une exception en faveur des avoués licenciés dans l'intervalle de vent. an 12 à juill. 1812; Que le préambule de ladite ordonnance reconnait aussi qu'il existe une autre exception concernant « les avoués qui postulent devant plusieurs tribunaux de première instance, et à qui les règlements permettent de plaider toute espèce de cause dans laquelle ils occupent (dernière disposition de l'art. du décret du 2 juill. 1812): Considérant que les seuls avoués des tribunaux de première instance, autres que ceux des chefs-lieux de département où il y a des cours d'a-sises, sont rangés dans la dernière disposition de l'art. 5 du décret du 2 juill. 1812; que les avoués des tribunaux des chefs-lieux de département sont compris dans une précédente disposition dudit article ; Que l'exception résultant de cette dernière disposition est véritablement abrogée par l'ord. du 27 fév. 1822, mais que celle relative aux avoués des tribunaux des chefs lieux de département, et concernant la plaidoirie des causes sommaires, ne l'est point, puisque l'ordonnance ne parle ui d'elle ni des avoués, soit dans son préambule, soit dans ses articles; - Qu'il suit de là que cette ordonnance n'est point applicable aux avoués, et qu'on ne peut la leur opposer pour leur enlever le droit que l'art. 3 du décret du 12 juill. 1812 leur a accordé;-- Considérant qu'il est de principe que la

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cette règle que deux exceptions: 1° lorsque les avoués ont été licenciés dans l'intervalle de la loi du 22 vent. an 12 au dé

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contrariété formelle de la disposition des lois peut seule faire présumer l'abrogation implicite de la plus ancienne, et donner lieu à l'application de la maxime posteriora derogant prioribus.- Considérant qu'il n'existe pas de contrariété formelle entre la disposition de l'art. 5 de l'ord. du 27 fév. 1822, et l'art. 3 du décret du 2 juill. 1812; Qu'en effet, l'art. 5 de l'ordonnance porte qu'il n'est pas dérogé au droit qu'ont les avoués, de plaider dans les affaires où ils occupent devant les cours ou tribunaux, les demandes incidentes de nature à être jugées sommairement, et tous les incidents relatifs à la procédure; Que l'art. 3 du décret du 2 juill. 1812, indépendamment de ce droit conféré tant aux avoués des cours royales qu'aux autres avoués, avait attribué aux avoués des tribunaux des chefs-lieux de département le droit de plaider les causes sommaires; - Qu'avoir conservé à ces divers avoués un droit qui leur était commun, n'est pas avoir prononcé sur un autre droit particulier aux avoués des chefslieux de département non nommés, soit dans le préambule, soit dans les articles de l'ord. de 1822, et avoir implicitement dérogé à la disposition spéciale de laquelle le droit particulier résulte en leur faveur; - Considérant qu'il n'a pas été dérogé non plus, par l'ord. du 27 fév. 1822, à l'art. 67 du décret concernant le tarif des frais qui, à l'égard des affaires sommaires, dispose qu'il ne sera alloué au honoraire aux avocats dans ces sortes d'affaires; D'où il suit qu'une partie est autorisée à se contenter du ministère de son avoué, et n'est pas tenue, dans lesdites causes, de payer à un avocat un honoraire qu'elle n'aurait pas le droit, en cas de succès, de répéter contre sa partie adverse. »>- Pourvoi des avocats de Laon, pour fausse application de l'art. 3 du décret du 2 juill. 1812, et violation de l'ord. du 27 fév. 1822. Arrêt.

LA COUR ; - Vu les art. 2 et 5 de l'ord. du 27 fév. 1822;-Attenda que cette ordonnance, d'après son préambule et ses dispositions, forme, sur les droits des avocats et les attributions des avoués, un règlement légal et complet d'administration publique, indépendant des règlements antérieurs; Que la plaidoirie a été exclusivement déférée aux avocats par cette ordonnance; Que l'instruction des affaires a été, au contraire, confiée aux avoués; - Que cette ordonnance n'a établi, quant au droit de plaider, que deux exceptions en faveur des avoués; Que l'une de ces exceptions s'applique aux avoués qui ont obtenu des lettres de licence, depuis la loi du 22 vent. an 12 jusqu'à la publication du décret du 2 juillet 1812; Que l'autre exception concerne les avoués, même non licenciés, qui postulent près les tribunaux dans lesquels le nombre des avocats est reconnu insuffisant; - Que l'espèce de la cause ne rentre dans aucune de ces exceptions, puisqu'il ne s'agit ni d'avoués licenciés en vertu de la loi du 22 vent. an 12, ni d'avoués exerçant près un tribunal dans lequel l'insuffisance du nombre des avocats ait été reconnu; qu'il s'agit uniquement de décider si, indépendamment de ces exceptions, les avoués des chefs-lieux de département ont conservé le droit qui leur avait été accordé, quant à la plaidoirie des affaires sommaires, par l'art. 3 du décret ou règlement du 2 juillet 1812;

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Attendu que l'ordonnance du 27 fév. 1822 n'a conservé aux avoués, hors les deux exceptions ci-dessus, que le droit de plaider, dans les affaires où ils occupent, les demandes incidentes de nature à être jugées sommairement et les incidents de procédure; Qu'il a été, par conséquent, dérogé par l'ordonnance à l'art. 5 du décret du 2 juillet 1812, qui autorisait les avoués des chefs-lieux de département à plaider les affaires sommaires; — Attendu, en outre, que les avoués se prévalent en vain de l'art. 67 du tarif du 16 fév. 1807, qui défend d'allouer des honoraires aux avocats dans les affaires sommaires; Que cette défense, utile aux parties et honorable pour le barreau, se concilie très-bien avec le droit exclusif de plaider, accordé aux avocats par cette ordonnance; par conséquent, en maintenant les avoués près le tribunal civil de Laon dans le droit de plaider toutes les affaires sommaires dans lesquelles ils occupent, la cour royale d'Amiens est contrevenue aux dispositions de celte ordonnance; Casse.

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Que,

Du 11 déc. 1826.-C. C., ch. civ.-MM. Brisson, pr.-Vergès, rap.Cahier, av. gén., c. conf.-Barrot et Isambert, av.

2o Espèce: (Avoués de Charleville C. min. pub.) Sur l'appel d'un jugement du tribunal de paix, deux avoués du tribunal de Charleville, MM. Millart et Goutant se présentent pour défendre les parties. Le tribunal autorise ces avoués à plaider, mais, dit-il, sans tirer à conséquence. L'affaire ayant été remise, Me Tisseron, en qualité de président de la chambre des avoués, est intervenu dans la cause, et a soutenu que les avoués du tribunal de Charleville avaient le droit de plaider dans toutes les affaires sommaires. 30 août 1825, jugement qui refuse aux avoués le droit de plaider. Appel des avoués. - 28 janv. 1826, arrêt confirmatif de la cour de Metz. Pourvoi. - Arrêt (après délib.).

LA COUR; Attendu que l'ord. du 27 fév. 1822 n'a conservé aux avoués, hors deux cas d'exception qui ne se rencontrent pas dans l'espèce, que le droit de plaider, dans les affaires où ils occupent, les demandes incidentes de nature à être jugées sommairement et les incidents de procédure; qu'il a été, par conséquent, dérogé par l'ord. à l'art. 5 du décret

cret du 2 juill. 1812; 2° lorsque le nombre des avocats près un tribunal est reconnu insuffisant (mêmes arrêts).

du 2 juill. 1812, qui autorise les avoués des chefs-lieux de département à plaider les affaires sommaires; qu'ainsi, en refusant aux avoués près le tribunal de Charleville, chef-lieu judiciaire du département de la Meuse la faculté de plaider les affaires sommaires dans lesquelles ils occupent, la cour de Metz a fait une juste application de l'ordonnance; - Rejette. Du 11 janv. 1827.-C. C., ch. req.-MM. Botton, pr.-Hua, rap. 3 Espèce:-(Intérêt de la loi.-M. Massol-d'André.)-18 juill. 1827.Civ. cass.-MM. Brisson, pr.-Vergès, rap.-Joubert, av. gén., c. conf. 4o Espèce : (Avocats d'Orange C. Me Baratier, avoué.) — 23 juin 1835.-Civ. cass.-MM. Dunoyer, rap.-Laplagne, av. gén., c. conf.-Crémieux et Dalloz, av.

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5o Espèce: (Min. pub. C. Massol.) Un arrêt de cassation du 15 déc. 1834, rendu sur pourvoi formé contre un arrêt de la cour d'Aix, du 22 août 1853, avait décidé, sur les conclusions conformes de M. Laplagne-Barris, que l'ordonnance de 1822 avait pu retirer aux avoués le droit de plaider les causes sommaires concurremment avec les avocats. Sur renvoi, la cour de Nimes, par arrêt du 8 déc. 1855, jugea en faveur des avoués. Nouveau pourvoi du ministère public. Nous avons dit dans l'intérêt des avoués: Avant que les lois nouvelles fussent promulguées, c'était une doctrine admise que les avoués avaient droit de plaider les causes sommaires dans lesquelles ils occupaient, et même cette dernière condition n'était pas exigée. Ce droit est consacré par l'art. 4 du tit. 17 de l'ord. de 1667, qui, allant plus loin, permettait même aux parties de plaider en personne les causes sommaires. Les motifs de cette disposition sont faciles à concevoir. Le législateur ne voulait pas imposer aux parties des frais considérables pour des causes d'un intérêt modique, et les autorisait ainsi à s'affranchir du ministère des procureurs et des avocats. C'est ce que nous trouvons consigné dans le répertoire de Guyot (V. Proc. ad listes et avocat.; Denisart, v Proc., no 29). Voudrait-on aujourd'hui se montrer plus sévère et grever les parties des frais d'une double assistance? - La législation intermédiaire, loin de réduire les attributions des procureurs, qu'elle rétablit sous le nom d'avoués, leur en conféra de nouvelles, parmi lesquelles se trouve le droit de plaider dans toutes les causes, concurremment avec les avocats. Vint la loi du 22 vent. an 12, dont l'art. 32 reconnaît expressément aux avoués licenciés le droit d'écrire ou de plaider concurremment avec les avocats, et dont l'art. 58 charge le gouvernement de pourvoir, par un règlement d'administration publique, à la formation du tableau des avocats et à la discipline du barreau; cette loi ne subit aucune modification jusqu'au décret du 2 juillet 1812, qui divisa les avoués en trois catégories qui eurent chacune des droits différents. Ainsi, les avoués près les cours royales ne conservèrent que celui de plaider les demandes incidentes et les incidents de procédure dans les causes où ils postulaient. Les avoués des tribunaux de chefs-lieux eurent le droit de plaider, en outre, les causes sommaires. Enfin, ceux des simples tribunaux de première instance purent plaider toute espèce d'affaires, concurremment avec les avocats; ce décret, n'ayant pas été attaqué dans les délais fixés par les constitutions de l'empire pour faire annuler les actes enlachés d'inconstitutionalité, se trouva acquérir force de loi; il régissait le domaine de la plaidoirie, lorsque fut rendue l'ord. du 27 fév. 1822, dont nous contestons aujourd'hui le sens et la légalité.

C'est, en effet, une assez grave question que celle de savoir si cette ordonnance a réellement enlevé aux avoués licenciés des chefs-lieux de département le droit de plaidoirie qu'ils tenaient de la loi du 22 vent. an 12 et du décret législatif du 2 juillet 1812. La négative, admise par les cours royales, repose sur des considérations sérieuses, dont les principales ont leur principe dans le texte même de l'ordonnance, qui ne parle pas spécialement des avoués établis aux chefs lieux de département, dans le silence que garde aussi à leur égard le préambule, quoiqu'il parle spécialement des avoués près des tribunaux d'arrondissement, et enfin, dans l'intérêt des justiciables, qu'on greve d'une double contribution, en les obligeant à employer simultanément le ministère d'un avocat et d'un avoué, c'est-à-dire deux organes pour la défense d'intérêts si minimes que l'ancienne législation les avait même affranchis, pour ces sortes d'affaires, de l'obligation d'en employer un seul.

Mais, admettant avec la jurisprudence de la chambre civile de cette cour, que l'ord. de 1822 ait prétendu abroger dans ses termes l'art. 5 du décret de 1812, nous disons cependant qu'elle n'a pas légalement opéré cette abrogation. Et d'abord, une matière quelconque, fut-elle mème étrangère à celles qui rentrent sous la puissance de l'autorité législative, une fois que le législateur se l'est attribuée et en a fait l'objet d'une loi, peut-elle, par le fait seul du pouvoir exécutif, être replacée dans ses attributions, être réglée désormais par ordonnance, en sorte que lordonnance abroge ainsi la loi? --- Il faut remarquer qu'aucune loi, aueano constitution n'a déterminé ce qui est du domaine de la loi ou du domaine de l'ordonnance. Cette distinction est restée constamment arbitraire. Dans cet état de choses, il n'y aurait plus de base fixe, si l'on ne tenait pour

210. Pareillement il a été jugé qu'il y a excès de pouvoir dans l'arrêt qui décide, par voie de disposition générale et ré

placé définitivement dans le domaine législatif ce qui y est entré une fois. Pourrait-on concevoir que les tribunaux déclarassent qu'une matière qui a été l'objet d'une loi, est cependant de celles qui doivent être réglementées par ordonnance? Pour n'en citer qu'un exemple, I art. 5 c. for. régle des détails qui ont toujours appartenu à l'administration. Admettrait-on cependant une ordonnance de l'administration qui viendrait modifier ces dispositions? Non! les tribunaux n'accepteront pas cette périlleuse doctrine, qui tendrait à jeter l'anarchie dans la plus grande partie de notre législation.

Mais il y a plus c'est qu'ici la matière est essentiellement de celles qui ne peuvent être régies que par le législateur. Il faut d'abord considérer le droit de plaidoirie dans sa relation avec la liberté du droit de défense. Or la liberté du choix d'un défenseur est de droit naturel, et se trouve convertie en droit civil par la restriction que la loi y apporte dans l'intérêt même des plaideurs. Mais, dans l'un comme dans l'autre cas, l'arbitraire de l'ordonnance ne peut venir y porter atteinte. Sous un point de vue secondaire, c'est une sorte d'impôt établi sur le plaideur, qui ne doit encore être réglé que par la loi. Sous un autre rapport, l'institution des offices, la création des titres et le règlement des attributions des officiers ministériels ont toujours appartenu à l'exercice de la puissance souveraine; Loyseau les plaçait au nombre des droits régaliens majeurs. Enfin, la propriété des offices qui est reconnue par la loi ne se compose pas seulement du titre, mais encore des fonctions; il s'ensuit que ces fonctions ne peuvent être modifiées, sans porter atteinte à cette propriété.

Quelques objections ont été faites contre le système que nous défendons. On a dit que la loi de ventôse an 12 était temporaire et transitoire dans la partie de ses dispositions qui s'occupait des avoués licenciés. - Outre que rien, dans les termes de la loi, ne nous autorise à lui attribuer le caractère qu'on veut lui donner, nous répondrons encore que, ne fût-elle que transitoire, cela n'autoriserait pas le pouvoir exécutif à la modifier. -Le décret de 1810, dit-on encore, déclare la profession d'avocat incompatible avec celle d'avoué. Il n'est pas besoin d'expliquer dans quel sens cette incompatibilité doit s'entendre; chacun comprend assez qu'elle ne signifie pas que les avoués ne puissent avoir quelques-unes des attributions des avocats. Cette incompatibilité existait aussi dans l'ancienne jurisprudence, mais elle n'empêchait pas les procureurs de plaider les causes sommaires concurremment avec les avocals; et cette concurrence est aussi formellement autorisée par l'ordonnance du 27 février elle-même pour les den andes incidentes et les incidents de procédure. Enfin, l'on objecte que le législateur, tant dans la loi de l'an 12 que dans le code de procédure (art. 1042), s'en est rapporté au pouvoir réglementaire pour compléter son œuvre. - - Sans examiner jusqu'à quel point serait valable une pareille délégation, il faudrait au moins qu'elle fût formelle pour être admise, et nous n'en trouvons nulle trace ni dans l'art. 58, qu'on oppose, de la loi du 22 vent. an 12, qui, en laissant au pouvoir réglementaire la discipline du barreau, ne lui attribue nullement le pouvoir de modifier la propriété des offices, ni d'enlever aux parties la liberté du choix pour la défense des causes sommaires, ni dans l'art. 1042 c. pr., qui se borne à dire que le tarif des frais et la discipline des tribunaux seront l'objet d'un règlement d'administration publique. C'est une chose étrange que ce soit dans l'intérêt prétendu du barreau qu'une pareille contestation soit soulevée. Quoi! vous prétendez que le droit de plaidoirie appartient à la puissance réglementaire. Vous demandez que l'on consacre l'ordonnance qui est venue en priver les avoués. Mais demain, vous-mêmes, ne pouvezvous pas être frappés par les coups de cet arbitraire dont vous approuvez P'usage? Que demain ce droit soit enlevé aux avocats, ne serez-vous pas impuissants pour le réclamer? Oh! nous comprenons autrement les droits et la dignité de notre profession; l'indépendance en est le premier besoin; nous saurons toujours la défendre, et le pouvoir législatif pourrait seul nous enlever la parole modeste que nous consacrons à la défense du bon droit.

M. Dupin, procureur général, a dit : « On se méprend sur le véritable caractère de la loi de ventôse, elle n'est venue réglementer ni le barreau ni les écoles, elle les a créés. Quant au règlement, elle l'a abandonné au pouvoir le plus propre à le faire. Aussi quand les décrets impériaux sont venus régler les détails, personne n'a élevé contre eux le reproche d'inconstitutionalité. Dès lors, toutes les dérogations qu'ont apportées les besoins de l'époque, ne sauraient être non plus entachées de ce vice. Le décret de 1812 a pu déroger à celui de 1810, l'ordonnance de 1822 au décret de 1812, l'ordonnance de 1830 à celle de 1822, sans qu'on puisse dire qu'il y a excès de pouvoir.»-Ici M. Dupin, établissant en principe que la plaidoirie est le partage exclusif des avocats, examine les cas où les avoués peuvent y participer. Il établit que le défendeur en cassation ne se trouve dans aucun de ces cas. L'intérêt des deux professions, dit-il en terminant, est que leurs priviléges soient maintenus. Les avocats donnent un bel exemple de ce respect en rayant impitoyablement du tableau ceux d'entre eux qui se mêlent de postuler. La postulation est le partage des avoués, qu'ils la gardent exclusivement, mais qu'ils ne tentent pas d'empiéter sur les attributions essentielles du barreau.-Arrêt (ap. délib.).

glementaire, qu'à l'avenir et dans toutes les affaires sommaires dans lesquelles ils occuperont, les avoués seront admis à plaider

LA COUR;-Vu les art. 2 et 5 de l'ordonnance royale du 27 fév. 1822, et l'art. 38 de la loi du 22 vent. an 12; - Attendu que les fonctions d'a voués établies dans l'ordre judiciaire actuel, par l'art. 95 de la loi du 27 vent. an 8, sont définies par l'art. 94, et sont restreintes formellement par ledit article « au droit exclusif de postuler et de prendre des conclusions dans les tribunaux pour lesquels ils seront établis; »-Attendu que ledit article non-seulement ne leur attribue le droit de plaider ni à titre exclusif, ni à titre de concurrence avec les avocats; mais qu'au contraire il déclare formellement que « les parties pourront toujours se défendre elles-mêmes, verbalement, et par écrit, et faire proposer leur défense par qui elles jugeront à propos;»-Attendu que ces dispositions, constitutives de la profession d'avoué, séparent nettement le droit exclusif de postuler et de conclure, du droit de plaider, qui est resté, après la loi du 27 vent. an 8, susceptible des dispositions réglementaires que le législateur croirait devoir prendre ultérieurement; —Attendu que, si la loi du 22 vent. an 12, relative aux écoles de droit, donne, par son art. 32, aux avoués licenciés, le droit de plaider et d'écrire, dans les affaires où ils occuperont, et ce, concurremment avec les avocals, cette disposition, qui a pour objet d'attribuer une prérogative au grade de licencié, ne doit pas être séparée de l'art. 58 de la même loi qui charge le gouvernement de faire des règlements d'administration publique, afin de pourvoir à l'exécution de ladite loi; Attendu que la méme mission de faire des règlements sur cette matière est conféree, de nouveau, au gouvernement par l'art. 1042 c. pr., promulgué le 9 mai 1806; Attendu que ce droit réglementaire du gouvernement a compris le pouvoir de régler l'exercice de la plaidoirie entre le corps des avocats et celui des avoués, puisque la plaidoirie fait partie nécessaire de la discipline du barreau, et que, d'ailleurs, la faculté de plaider n'avait été attribuée aux avoués par l'art. 32 de la loi de l'an 8, que sauf les modifications et restrictions qui pourraient résulter plus tard des règlements organiques dont l'art. 38 autorisait la confection; Attendu que c'est en vertu de cette mission réglementaire que le gouvernement a successivement pourvu à la taxe des frais par le décret du 16 fév. 1807, à l'organisation du tableau des avocats par celui du 14 déc. 1810, à la régularisation de l'exercice de la plaidoirie par un autre décret du 2 juill. 1812; - Attendu que, si ces divers décrets ont compétemment statué sur les matières qui y sont réglées, il s'ensuit que le gouvernement a pu incessamment en modifier les dispositions, puisque ces matières ayant été une fois dévolues au pouvoir réglementaire par des lois précédentes, n'auraient pu cesser d'être dans la compétence de ce pouvoir, qu'en vertu des lois ultérieures qui les auraient réservées à l'autorité législative;

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Attendu que, d'après l'art. 14 de la charte de 1814, reproduit, quant à ce, par l'art. 13 de la charte révisée en 1850, le roi a le droit de faire les règlements et ordonnances nécessaires pour l'exécution des lois, et que, dès lors, il a pu modifier ou rapporter les décrets et actes émanés des gouvernements précédents, sur les matières à l'égard desquelles les lois leur donnaient mission de statuer; Attendu que, par conséquent, l'ordonnance du 27 fév. 1822 a été constitutionnellement rendue, et a pu modifier le décret du 2 juill. 1812, comme l'ordon. du 20 nov. 1822 a modifié le décret impérial du 14 déc. 1810, organique du tableau des avocats, et a été elle-même modifiée par une ordonnance nouvelle du 27 août 1850; Attendu que cette ordon. du 27 fév. 1822 ne blesse aucun droit acquis, ainsi que le démontrent les considérants qui la précèdent ;-Attendu que la loi des finances du 28 avril 1816, en assujettissant les avoués à un supplément de cautionnement, leur en a donné l'équivalent, en leur attribuant le droit de présenter leurs successeurs, mais n'a pu impliquer ni de la part du gouvernement, ni de la part de la législature, la renonciation au droit inaliénable de l'État, de modifier, dans des vues d'intérêt général, la répartition des fonctions des divers officiers publics; - D'où il suit qu'il est constant, en droit, par la combinaison des art. 2 et 5 de l'ordonnance royale du 27 fév. 1822, et de l'art. 58 de la loi du 22 vent. an 12, avec les art. 1, 2, 3 du décret du 2 juill. 1812, que les avoués, licenciés ou autres, des chefs-lieux de département, n'ont pas le droit de plaider les causes sommaires, et qu'en décidant que ce droit leur appartenait, l'arrêt attaqué a violé l'ordonnance royale du 27 fév. 1822 et l'art. 38 de la loi du 22 vent. an 12; Casse. Du 8 avril 1857.-C. C., ch. réun. MM. Portalis, 1er pr.-Mérilhou, rap.-Dupin, proc. gén., c. conf.-Dalloz, av.

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6 Espèce: (Avocats de Moulins C. avoués de Moulins.) - LA COUR- - Vu les art. 1, 2 et 5 de l'ord. du 27 fév. 1822, l'art. 3 du décret du 2 juillet 1812, l'art. 58 de la loi du 22 vent. an 12, l'art. 1042 c. pr. civ. et l'art. 94 de la loi du 27 vent. an 8; Attendu que la loi du 27 vent. an 8, constitutive de la profession d'avoué, sépare le droit exclusif de postuler et de conclure, du droit de plaider, lequel est demeuré susceptible de toutes les dispositions réglementaires que le législateur croirait devoir promulguer postérieurement; Attendu que la loi du 22 vent. an 12, après avoir donné aux avoués licenciés le droit de plaider et d'écrire dans les affaires où ils occupent, concurremment avec les avo

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