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nistère public (procureur général) est complétement libre de donnet ou non suite à la dénonciation, comme lorsqu'il s'agit de toute autre action publique, puisque l'exercice de son ministère est entièrement indépendant. Mais ce n'est pas là que se trouve la difficulté : la question est de savoir si, dans le cas où le ministère public n'a pas jugé convenable de poursuivre, dans le cas où, considérant même avec raison la dénonciation comme un acte dénué de toute espèce de fondement, il déclare qu'il n'agira pas; il s'agit de savoir s'il y a là une décision judiciaire, irréfragable, établissant la fausseté des faits, et susceptible d'autoriser des poursuites contre le dénonciateur et de le faire condamner comme coupable du délit de dénonciation calomnieuse.

Quelque spécieuses que soient ces objections, elles ne peuvent, à nos yeux, infirmer la doctrine qui résulte de l'arrêt ci-dessus. Cet arrêt nous semble avoir parfaitement compris que le refus du procureur général, dans le cas où il s'agit de déférer un magistrat à la cour d'appel, constituait une véritable décision, et que l'importance de la poursuite d'une part, l'autorité et l'élévation du premier agent du parquet de la cour, d'autre part, étaient suffisantes, à tous égards, pour justifier une telle attribution. Autrement et si l'on refuse toute autorité judiciaire à la résolution du chef du parquet, on place le fonctionnaire dénoncé dans une véritable impasse d'où il ne saurait sortir en aucune manière, parce qu'il est évident que le tribunal correctionnel devant lequel il aura recouru en dénonciation calomnieuse sera radicalement incompétent pour apprécier les faits imputés au magistrat poursuivant, autrement que sous le rapport de la bonne ou mauvaise foi du dénonciateur. - Ajoutons que l'interprétation de la cour de cassation doit d'autant mieux être admise, que le refus de poursuite est un indice plus certain de la fausseté de la dénonciation, et que plus la calomnie serait patente, certaine, et plus le magistrat dénoncé se trouverait dénué de moyens de confondre le calomniateur. - On reviendra plus bas sur la preuve des faits dénoncés, quand on parlera du cas où la dénonciation porte sur des faits administratifs.-V., toutefois, ce qui est dit nos 77, 91 et 94.

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93. Du reste, il semble qu'en cette matière, comme lorsqu'il s'agit de questions préjudicielles, le tribunal correctionnel pourrait fixer au dénonciateur un délai dans lequel celui-ci devrait rapporter la preuve de la poursuite intentée contre le dénoncé : ce délai passé sans que cette preuve fût produite, le tribunal procéderait au jugement de l'action en dénonciation calomnieuse. V. Quest. préjud.

94. De ce qui a été dit plus haut, n° 91, à savoir qu'à défaut de poursuites contre le dénoncé, un champ d'appréciation plus vaste s'offrait devant le juge de l'action en dénonciation calomnieuse, il ne faudrait pas conclure que ce juge pourra apprécier les fails dénoncés pour leur infliger une répression quelconque c'est seulement dans l'appréciation de la bonne ou mauvaise foi du dénonciateur que cette carrière plus large nous semble lui appartenir; et la raison sur laquelle cette observation se fonde, c'est que les faits dénoncés n'ayant pas été déjà l'objet d'une appréciation motivée qui en ait fixé le sens et la portée, la mission du tribunal répressif s'accroit nécessairement de cette circonstance : la limite n'existant pas, son allure devient par là même plus facile. En un mot, le procès se juge dans ce cas comme se jugerait un délit de diffamation contre un simple particulier.-V. Presse. outrage.

95. Faut-il relever, en terminant cette observation, une qualification échappée, par inadvertance, aux rédacteurs des arrêts ci-dessus et qui nous semble inexacte? En parlant de la plainte récursoire du magistrat dénoncé contre son dénonciateur, on la qualifie de poursuite en diffamation. L'absence des faits de la cause ne nous permet pas de préciser exactement comment se sont produites les imputations dirigées contre le magistrat dénoncé. Mais il nous suffit de savoir que le procureur général en avait été saisi par une plainte déposée entre ses mains, pour que nous ne voyions plus dans l'imputation qu'une dénonciation calomnieuse, dépoui vue du caractère essentiel de la diffamation, à savoir la publicité. — V. ci-dessus, n° 1, et vo Presseoutrage.

96. 3o cas. Lorsque les faits dénoncés sont imputés à des fonctionnaires publics, la question de compétence se complique

d'un élément nouveau de difficulté. Quelle est, dans ce cas, l'autorité compétente pour statuer sur la question préjudicielle de la vérité ou de la fausseté de ces faits, et par quel acte ou décision la preuve pourra-t-elle en être administrée? D'abord, il faut distinguer les faits imputés au fonctionnaire constituent des crimes ou des délits commis, soit dans l'exercice de ses fonctions, soit hors de ses fonctions. D'un autre côté, la garantie constitutionnelle de l'art. 75 de la loi de l'an 8, qui protége les fonctionnaires publics, c'est-à-dire ceux qui sont placés dans la catégorie des agents du gouvernement, en ne les livrant aux tribunaux qu'après l'autorisation obtenue du gouvernement (disposition qui n'est que la conséquence de la séparation des pouvoirs judiciaire et administratif proclamée par la loi constitutionnelle), doit nécessairement modifier, à leur égard, l'application de la règle générale ci-dessus retracée (V. Fonct. publ.).— Examinons la difficulté.

97. Lorsque les faits imputés au fonctionnaire constituent des crimes ou délits commis hors de ses fonctions, la garantie constitutionnelle ne le couvrant plus, dans ce cas, le fonctionnaire se trouve dans la même position que tout autre citoyen. Il faut donc s'en référer à ce qui a été dit ci-dessus et poser, comme règle, que c'est l'autorité judiciaire qui est compétente pour vérifier la fausseté ou la vérité de ces faits, alors même que la dénonciation aurait été faite entre les mains des officiers de police administrative. Donc, ce qu'il faut considérer, ce n'est ni la qualité des officiers publics entre les mains de qui la dénonciation a été déposée, ni la personne contre qui la dénonciation est dirigée; mais la nature des faits imputés dans cette dénonciation, puisque l'art. 373 permet qu'elle soit faite indistinctement ou à des officiers de justice ou à des officiers de police administrative.

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98. Si les faits dénoncés constituent des crimes ou délits commis par le fonctionnaire public dans l'exercice de ses fonctions, il arrivera, de deux choses l'une ou que celui-ci aura été poursuivi ou qu'il n'aura pas été poursuivi. S'il l'a été, il faut admettre, nécessairement, qu'on aura obtenu, par cela même, l'autorisation du gouvernement, conformément à l'art. 75 de la constitution de l'an 8. Et alors, si, livré à Pautorité judiciaire, le fonctionnaire public est renvoyé de la dénonciation p par une déclaration de non-lieu, il pourra poursuivre, à son tour, son dénonciateur devant le tribunal correctionnel, en vertu de l'art. 373 c. pén., puisqu'il aura entre les mains, au moyen de cette déclaration de non-lieu, la preuve de la fausseté des faits dénoncés. Ici, encore, pas de difficulté.

99. Mais si, malgré la dénonciation portée contre lui, le fonctionnaire n'est pas poursuivi, ou bien si le gouvernement ou le conseil d'État refuse d'accorder l'autorisation de le poursuivre, le dénoncé aura-t-il, néanmoins, le droit d'actionner son dénonciateur, et comment, dans ce cas, pourra-t-il établir la preuve de la fausseté des faits qui lui étaient imputés ? - S'il n'est pas donné suite à la dénonciation, si le ministre, si le préfet, en un mot, si le supérieur du fonctionnaire public dénoncé, reconnaissant la dénonciation comme mensongère, la négligent, ou déclarent, au moyen d'une lettre, par exemple, qu'elle est sans fondement, y aura-t-il là, pour le dénoncé, la preuve de la fausselé des faits qui lui étaient imputés, et par suite ouverture à son action en dénonciation calomnieuse, ou bien cette preuve ne peut-elle être établie que par l'autorité judiciaire?

Ici se présentent les observations qui ont été faites plus haut, n° 91, et de plus il s'y joint ce motif d'ordre public, que les agents du gouvernement, couverts par la garantie constitutionnelle, ne peuvent être mis en jugement que sur l'autorisation du conseil d'Etat. La question néanmoins est controversée. On établit d'abord une distinction entre les faits qui constituent des délits punis par le code pénal ou de droit commun et les faits administratifs qui ne peuvent donner lieu qu'à une répression en quelque sorte intérieure, et l'on soutient que les premiers doivent nécessairement être déférés à la justice répressive ordinaire, que l'autorité administrative ne saurait y soustraire ses employés; qu'autrement elle enchaînerait la vindicte publique; que la garantie établie par l'art. 75 de la constitution de l'an 8 ne saurait aller jusque-là; qu'enfin, et si telle était l'extension qu'il fallut lui donner, on devrait décider que le refus soit des ministres ou des préfets de livrer à la justice un agent de l'administration, soit

le refus du conseil d'État, place le tribunal de répression dans | l'impuissance de statuer sur le délit de dénonciation calomnieuse à défaut d'une décision préalable qui établisse la fausseté ou le défaut de criminalité des faits qui ont été dénoncés à l'autorité. Relativement aux faits de discipline administrative, on convient que, ne relevant point des tribunaux de répression, mais seulement des supérieurs de l'agent dénoncé, le refus de l'autorité de censurer celui-ci, de le suspendre ou de le destituer, ne saurait arrêter l'action de la justice répressive, puisque les faits révélés peuvent l'exposer à la haine ou au mépris de ses concitoyens.

Mais il faut répondre qu'il y a dans la distinction qu'on vient de rappeler, une véritable logomachie; que la garantie constitutionnelle est générale; qu'elle s'applique à tous les actes qu'un agent peut avoir commis dans l'exercice de ses fonctions, que ces actes (comme la plupart de ceux que les arrêts ont eu à apprécier), constituent un délit de droit commun ou une infraction de discipline administrative (V. à cet égard vo Fonctionn.); qu'à l'égard de ces derniers actes la distinction serait puérile, parce qu'on sait bien qu'ils ne peuvent jamais tomber sous la censure de la justice ordinaire; qu'en droit, c'est le fait administratif que l'art. 75 a entendu soustraire aux regards indiscrets du public; que l'autorité administrative est seule appréciatrice de la question de savoir si elle doit couvrir son agent contre les attaques et les haines de ses ennemis, ou si elle doit le livrer à l'action des tribunaux ; qu'en cas de refus de sa part, la justice répressive doit reprendre son cours et statuer sur la dénonciation calomnieuse, en tenant compte, s'il y a lieu, des difficultés où le dénonciateur peut se trouver placé par suite de ce refus. Du reste,

ne

(1) Espèce: (Jæger C. Wollf, etc.)-8 août 1821, dénonciation adressée au préfet du Bas-Rhin par les sieurs Wollf et Schaubont, dans laquelle ils imputent au sieur Jæger, maire de la commune de Sessenheim, d'avoir commis, dans l'exercice de ses fonctions, des malversations et concussions nombreuses.-18 septembre suivant, nouvelle plainte fondée sur les mêmes faits, et signée par d'autres habitants de la commune.- - 22 novembre, lettre du préfet à Jæger, par laquelle il reconnaît que les imputations dirigées contre lui sont fausses et calomnieuses. Plainte en dénonciation calomnieuse formée par Jæger. Les prévenus répondent qu'aux termes de l'art. 27 de la loi du 26 mai 1819, loi qui est applicable à l'espèce, ils doivent être admis à fournir la preuve des faits imputés; que, dans le cas où on ne les admettrait pas à faire cette preuve, Jæger doit encore être déclaré non recevable dans sa plainte, parce que les faits n'ont pas encore été jugés faux et calomnieux; qu'ils demandent acte de ce qu'ils déclarent dénoncer au procureur du roi les faits par eux précédemment dénoncés au préfet.-8 fév. 1822, jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg, qui donne acte au prévenu de ce qu'ils dénoncent les faits au procureur du roi, et, en vertu de l'art. 15 de la loi du 26 mai 1819, surseoit à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire, seule compétente, ait prononcé sur leur réalité ou leur fausseté. - Appel devant la cour de Colmar.-M. Coslé, avocat général, a conclu à ce qu'il plût à la cour mettre l'appellation et ce dont est appel au néant, en ce que le jugement a accordé un sursis en conformité de l'art. 15 de la loi du 26 mai 1819; émendant, quant à ce, avant faire droit, admettre les intimés à faire preuve par témoins ou par titre des faits contenus en la plainte par-devant tel commissaire qu'il plaira à la cour désigner, pour être statué ensuite ce qu'il appartiendra. Arrêt.

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LA COUR; Considérant que tout citoyen a droit de dénoncer à l'autorité tout fait qui, par sa nature, porterait préjudice soit à la société, soit à lui-même, soit à autrui; que, pour que l'exercice de ce droit puisse devenir un délit et prenne le caractère de calomnie, il faut que la dénonciation, portant sur des faits faux ou essentiellement inexacts, soit jugée calomnieuse par l'autorité compétente; que, lorsque les faits imputés sont passibles de peines correctionnelles ou criminelles, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de la déclarer telle; soit que, statuant sur la dénonciation, elle condamne ou absolve la personne inculpée, soit que, statuant sur la plainte en dénonciation calomnieuse, elle reconnaisse par ellemême qu'il y a, ou non, délit de calomnie; Qu'au cas particulier, les dénonciations dont s'agit portent sur des faits de malversations et prévarications qui, s'ils étaient vrais, seraient passibles de peines graves établies par le code pénal; que, dès lors, le préfet du Bas-Rhin, en appréciant ces faits par sa lettre du 22 nov. 1821, n'a pu le faire que dans les limites de ses attributions, c'est-à-dire qu'il a pu, après examen, destituer ou maintenir dans ses fonctions le maire inculpé, lui retirer ou lui continuer la confiance du gouvernement; qu'il pouvait encore, à son égard, remplir les fonctions de police judiciaire qui sont attribuées aux préfets par l'art. 10 c. inst. crim.; mais qu'il ne pouvait, dans aucun cas, ni le juger, ni le condamner, ni l'absoudre; Que le système de l'appelant conduirait à ce résultat, que tout fonctionnaire de l'ordre ad

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perdons pas de vue que cette latitude d'appréciation ne doit jamais aller, comme on en a vu un si déplorable exemple, dans l'affaire Gisquet contre Foucault, jusqu'à autoriser les tribunaux à se livrer à une sorte d'enquête administrative, et à mettre la conduite des simples employés en parallèle et en opposition même avec celle de leurs supérieurs : c'est là le renversement des règles fondamentales qui ont établi la démarcation des pouvoirs, et le retour à une prérogative parlementaire que la révolution de 1789 a heureusement abolie parmi nous (V. nos 77, 91). — Arrivons à la jurisprudence.

100. Il a été décidé, d'une part: 1o que lorsqu'un maire, par exemple, est dénoncé au préfet, comme coupable, dans l'exercice de ses fonctions, de prévarications et concussions, lesquelles, si elles étaient prouvées, seraient de nature à attirer sur lui les peines portées par le code pénal, l'action en dénonciation calomnieuse ne peut être valablement intentée qu'après que l'autorité judiciaire aura prononcé sur la vérité ou la fausseté des faits dénoncés, et que, dans ce cas, l'autorité administrative n'a pas caractère pour juger ces faits (Colmar, 19 mars 1823) (1);

101. 2° Que la lettre émanée, même d'un ministre (le ministre de l'intérieur), qui approuve la conduite d'un sous-préfet contre lequel il y avait eu une dénonciation adressée au ministère public, ne peut avoir le caractère d'une décision administrative statuant sur cette dénonciation, ni être assimilée à un jugement qui aurait déclaré la dénonciation calomnieuse; qu'en conséquence, et malgré cette lettre, il a pu être sursis jusqu'à ce que l'autorité compétente eût prononcé (Crim. rej., 25 fév. 1826) (2).

102. Il a été encore jugé, contre notre opinion: 1° qu'à supposer même (ce qui n'est pas) que la lettre d'un préfet à un ministratif, dénoncé au préfet comme coupable d'un crime quelconque, de vol ou de faux par exemple, et déclaré par lui injustement inculpé, ne pourrait plus être poursuivi par l'autorité judiciaire; et encore que la dénonciation étant ainsi irrévocablement déclarée calomnieuse, il ne resterait plus aux juges que l'appréciation morale du fait de calomnie, et la simple application de la peine édictée par l'art. 373 c. pén.; or il suffit d'énoncer un pareil résultat pour détruire le système qui devrait y conduire; Que, d'ailleurs, il n'y a pas lieu d'appliquer à la cause, ainsi que l'ont fait les premiers juges, les lois des 17 et 26 mai 1819, qui n'envisagent le délit de calomnie, diffamation, injure, qu'en tant qu'il serait accompagné de publicité; Par ces motifs, met l'appellation au

néant.

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Du 19 mars 1823.-C. de Colmar.-M. Jacquot, pr.

(2) (Min. pub. C. Allix.) LA COUR;- Statuant sur le pourvoi du procureur du roi près le tribunal correctionnel de Nevers; Attendu que

le délit de dénonciation calomnieuse, prévu et puni par l'art. 373 c. pén., est essentiellement différent du délit de calomnie prévu et puni par les art. 367 et suiv., jusqu'à l'art. 572 du même code, et du délit de diffamation prévu et puni par les art. 1, 15 et 15 de la loi du 17 mai 1819;-Que les dispositions de ces divers articles, sur la calomnie ou la diffamation, ne sont point applicables à la dénonciation calomnieuse; - Que l'art. 373, auquel les lois des 17 et 26 mai 1819 n'ont nullement dérogé, prévoit une espèce particulière de calomnie; - Qu'il suppose qu'il a été fait, devant les officiers de police administrative ou judiciaire, une dénonciation de faits passibles, par leur nature, d'une répression judiciaire ou administrative, et que ces faits ont été reconnus faux ou non prouvés, et qu'en conséquence, la personne dénoncée a été déclarée irréprochable sur ces faits par l'autorité dont cette dénonciation avait provoqué les poursuites; Que c'est sur cette déclaration de l'autorité, qui avait été saisie de la dénonciation, que l'art. 375 établit une action publique et privéo contre les dénonciateurs; Que les tribunaux correctionnels, juges de cette action, ont alors à examiner, non la vérité ou la fausseté des faits dénoncés, déjà appréciée et jugée par l'autorité compétente, mais seulement le caractère moral de la dénonciation; - Que, par conséquent, ce n'est qu'après ce jugement ou cette décision de l'autorité, compétente sur la vérité, la fausseté ou le défaut de preuve des faits dénoncés, qu'il peut s'ouvrir une action en dénonciation calomnieuse devant les tribunaux correctionnels;

Et attendu que, dans l'espèce, les faits imputés par le général Allix au maire de Courcelles et au sous-préfet de Clamecy, comme des prévarications dans leurs fonctions administratives, avaient été par lui dénoncés au procureur du roi près le tribunal correctionnel de Clamecy; - Que, sur cette dénonciation, le procureur du roi a intenté contre le général Allix une poursuite en dénonciation calomnieuse; - Qu'il n'apparaît point qu'auparavant l'autorité judiciaire eût rendu une décision sur la vérité, la fausseté ou le défaut de preuve des faits dénoncés ; — Que si, par la lettre du 25 avril 1825, adressée au préfet du département de la Nièvre, le ministre de l'intérieur a déclaré, après avoir examiné les renseignements

maire déclarant qu'il reconnaît la fausseté de la dénonciation, fût un acte administratif, une telle lettre est entièrement insuffisante pour prouver la fausseté des faits dénoncés, du moment que ces faits étaient de nature, si leur existence eût été prouvée, à rendre le dénoncé passible des peines portées par le code pénal; qu'en conséquence, le tribunal saisi de la plainte récursoire en dénonciation calomnieuse doit surseoir à condamner le dénonciateur jusqu'à ce que l'autorité judiciaire ait statué sur la fausseté des faits dénoncés (Nîmes, 27 nov. 1829) (1); 2° Que lorsque la dénonciation par écrit, prétendue calomnieuse, contre un fonctionnaire, et adressée au ministre, ne porte pas sur les faits relatifs aux fonctions du premier, il n'est pas nécessaire que, pour statuer sur la plainte dirigée contre le dénonciateur, les tribunaux renvoient à l'autorité administrative, s'agissant alors de

qu'il avait demandés au sujet des plaintes portées contre l'administration du sous-préfet de Clamecy, en matière de bois communaux, et notamment en ce qui concernait la commune de Courcelles, que ces plaintes n'avaient aucun fondement, et que la conduite du sous-préfet de Clamecy, quant aux faits signalés au ministre, loin d'être blåmable, était au contraire digne d'éloges; il résulte de cette lettre, qui n'a point, d'ailleurs, le caractère d'une décision administrative, et qui ne statue point sur une dénonciation du général Allix, qu'elle a été écrite postérieurement à l'action en dénonciation calomnieuse, puisqu'elle ordonne au préfet d'informer le ministre du résulta! de la poursuite, et qu'ainsi elle ne pouvait servir de fondement à cette poursuite; - Que, dès lors, l'action en dénonciation calomnieuse a été intentée et poursuivie par le ministère public, avant que le tribunal, qui pouvait seul statuer sur la dénonciation adressée au procureur du roi, ou à l'autorité administrative supérieure, statuant sur la même dénonciation qui lui aurait été réellement adressée dans les limites de sa compétence, ait prononcé; - Que, dans cet état des faits, le sursis ordonné par le jugement attaqué jusqu'à ce que cette décision préalable fût rendue, n'a pas été une violation de l'art. 373 c. pén.; Rejelte le pourvoi du ministère public près le tribunal correctionnel de Nevers contre le jugement de ce tribunal du 22 novembre dernier, qui surseoit à faire droit sur l'appel du général Allix du jugement du tribunal correctionnel de Clamecy, du 27 avril précédent, jusqu'à ce qu'il ait été statué par l'autorité compétente sur la dénonciation faite, par ce général, au procureur du roi de Clamecy.

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Du 25 fév. 1826.-C. C., ch. crim.-MM. Portalis, pr.-Ollivier, rap. (1) (Roux C. min. pub. )- LA COUR ; - En ce qui touche la demande de Roux, tendant à son relaxe; Attendu que, fût-il vrai ( ce qui n'est pas constant au procès) que Gasquet eût, en sa qualité de maire, dénoncé Roux, cette dénonciation ne pourrait, dans aucun cas, justifier celle que ce dernier, de son côté, aurait ensuite calomnieusement portée contre Gasquet; — Qu'aux termes de l'art. 327 c. pén., il est bien un cas où une action, même criminelle, peut n'être point répréhensible, celui où, dans la nécessité de sa légitime défense, une personne s'est vue forcée d'attenter aux jours de son semblable; mais prétendre qu'il ait pu entrer dans la pensée du législateur d'autoriser celui qui aurait reçu un outrage de s'en venger ensuite, et avec une sorte de préméditation, par un outrage de même nature, ce serait créer le système de représailles le plus monstrueux, comme le plus subversif de tout ordre social; Quant au sursis subsidiairement demandé, attendu qu'en dénonçant Gasquet au préfet, et ensuite au procureur du roi, en articulant des faits qui, s'ils sont vrais, exposeraient Gasquet à des peines correctionnelles, Roux n'a fait qu'user d'un droit qui, dans certains cas, devient, même pour tout citoyen, un devoir; tandis que, si méchamment, et dans la seule intention de nuire, Roux, au contraire, n'a dénoncé que des faits faux et controuvés, la peine réservée au calomniateur doit lui être infligée; - Que, pour pouvoir, avec une connaissance entière, apprécier dans laquelle de ces deux positions Roux s'est placé; pour savoir précisément s'il a voulu rendre un service à la société, ou bien s'il l'a volontairement offensée, en calomniant l'un de ses membres, il devient indispensable pour les magistrats chargés d'apprécier sa culpabilité, si elle existe, de se fixer préalablement sur la vérité ou sur la fausseté des faits contenus dans sa dénonciation, ce qui, d'ailleurs, est la conséquence nécessaire des dispositions combinées des art. 372 et 373 c. pén. ; - Que, pour établir fausseté des faits articulés par Roux est d'hors et déja justifiée, on exciperait vainement de la lettre écrite, le 21 août 1829, à Gasquet par le préfel, par ce motif que, dans cette lettre, ce magistrat dit à Gasquet, qu'après avoir comparé les explications qu'il lui a fournies avec les pièces qu'il lui a transmises, il a reconnu que la dénonciation de Roux à son égard était sans fondement;-Que cette lettre, qui ne présente aucun caractère officiel, ne peut être nullement considérée comme une décision administrative, et qu'en outre, dès le moment où, parmi les faits dénoncés, il en est qui, si leur existence est prouvée, rendraient le sieur Gasquet passible des peines qu'il appartient aux tribunaux seuls de prononcer; c'est à eux encore qu'appartient le droit de s'assurer de la vérité de ces faits, et, par suite, du caractère moral de la dénonciation ;

TOME XV.

que

la

faits privés de la compétence exclusive des tribunaux (Crim. rej., 7 déc. 1853, aff. Holleaux, V. n° 24);— 3° Que, si, lorsqu'une dénonciation a été adressée contre un maire à l'autorité administrative, celle-ci est seule compétente pour déclarer la vérité ou la fausseté des faits dénoncés, lorsqu'ils ne sont que des actes de gestion, il en est autrement si les faits imputés au maire ont le caractère de crime ou de délit; la dénonciation ne peut, alors, être réputée calomnieuse, qu'autant qu'ils ont été reconnus faux par l'autorité judiciaire (Crim. rej., 7 fév. 1855) (2).

103. Mais il a été jugé, dans notre sens : 1° que le ministre de l'intérieur a caractère pour déclarer si des imputations de prévarication administrative dirigées contre des fonctionnaires administratifs, et, par exemple, contre un maire et son adjoint, sont calomnieuses (Crim. cass., 25 oct. 1816) (3); -2° Que, dans

Attendu, dès lors, qu'en l'état, la plainte de Gasquet ne présente pas des renseignements qui puissent mettre la cour à même de pouvoir porter une décision certaine et définitive; Par ces motifs; - Disant droit à l'appel de Roux, et réformant, quant à ce, le jugement qui en fait l'objet; Faisant ce que les premiers juges auraient dû faire, surseoit à statuer sur la plainte en calomnie portée contre Roux, jusqu'à ce qu'il ait été prononcé sur celle portée par ce dernier contre Gasquet entre les mains de M. le procureur du roi.

Du 27 nov. 1829.-C. de Nîmes, ch. corr.-M. Fajon, pr.

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(2) Espèce (Min. pub. C. Roques, etc.) Quelques habitants de Balaguères avaient dénoncé le maire de leur commune au préfet de l'Ariége; celui-ci adressa au maire une lettre où il lui annonçait que, d'après les renseignements qu'il avait pris, les imputations dirigées contre lui étaient mensongères à ses yeux. Le maire de Balaguères porta alors - Penplainte en dénonciation calomnieuse contre Roques et consorts. dant l'instance, ceux-ci adressèrent une nouvelle dénonciation contre le maire au ministère public. Le tribunal correctionnel de Saint-Girons, puis, sur l'appel du ministère public, le tribunal de Foix, ont sursis à statuer sur la plainte du maire de Balaguères jusqu'à ce qu'une nouvelle information eût été faite par l'autorité judiciaire sur la plainte incidente.— Pourvoi par le ministère public, pour violation des art. 372 et 373 c. inst. crim., en ce que la cour a sursis à statuer jusqu'à ce qu'une nouvelle information sur les faits eût eu lieu par l'autorité judiciaire, lorsque cette information avait été faite par l'autorité administrative compétente pour la faire. - Arrêt. LA COUR; - Attendu qu'une dénonciation ne peut être déclarée calomnieuse qu'autant que les faits dénoncés ont été déclarés faux par l'autorité compétente; Que, lorsqu'il s'agit d'une dénonciation adressée à l'autorité administrative, contre un maire, pour des faits commis dans l'exercice de ses fonctions, il faut distinguer, parmi ces faits, ceux qui ont le caractère de crime ou de délit, de ceux qui ne seraient que des actes de mauvaise gestion; qu'à l'égard de ceux-ci, l'autorité administrative est exclusivement compétente pour en déclarer la vérité ou la fausseté; mais qu'à l'égard de ceux qui ont le caractère de crime ou de délit, l'autorité judiciaire peut seule constater légalement leur vérité ou leur fausseté; - Que, dans l'espèce, les sieurs Roques et consorts, traduits en police correctionnelle comme auteurs d'une dénonciation calomnieuse contre le maire de Balaguères, adressée au préfet de l'Ariége, ont incidemment dénoncé au ministère public les faits de concussion et de détournement par eux imputés au maire; qu'aucune décision de l'autorité judiciaire n'élait intervenue sur ces faits; - Qu'ainsi, le tribunal d'appel de Foix, en ordonnant qu'il serait sursis jusqu'après l'instruction à faire sur la dénonciation adressée au procureur du roi, n'a violé aucune loi; - Rejette. Du 7 fév. 1835.-C. C., ch. crim.-MM. de Bastard, pr.-Vincens, rap.

(3) Espèce: (Maury, etc. C. Labesse, etc.) Le 18 mai 1815, est procédé à l'élection des officiers municipaux de la commune d'Ambazac. Labesse et Rullon, qui remplissaient déjà les fonctions de maire et d'adjoint, sont réélus. Après les élections, Maury, Rigaudier et Chevrier père et fils adressent une pétition au ministre de l'intérieur, dans laquelle ils accusent ces deux fonctionnaires d'avoir employé des manœuvres criminelles pour se faire réélire, d'avoir usurpé une portion de terrain dépendant de la place publique de la commune, et de s'être emparés de deniers communaux.-Plainte en calomnie de la part de Labesse et Rullon. - Jugement du tribunal correctionnel de Limoges, en date du 12 janv. 1816, qui condamne les dénonciateurs, à l'exception de Chevrier fils, à deux mois de prison, 200 fr. d'amende et 200 fr. de dommages et inté16 août 1816, arrêt de la cour de Limoges, qui confirme ce jugement, en réduisant à 25 fr. les dommages et intérêts auxquels Chevrier père avait été condamné, et porte à 300 fr. ceux prononcés contre Maury et Rigaudier. La cour s'est fondée sur l'art. 369 c. pén.

-

rêts.

Pourvoi par Maury et Rigaudier, pour violation des art. 367 et 373 c. pén. Ils ont soutenu d'abord que la dénonciation n'était pas faite dans un acte authentique ; Que celle-la seule est authentique, qui est reçue par un officier public; - Que, hors ce cas, elle n'est qu'un simple écrit 34

le cas où une dénonciation a été faite à un préfet contre un percepteur des contributions, également pour prévarication dans ses fonctious, le tribunal saisi de la plainte en dénonciation calomnieuse

Le mi

privé, quels que soient le nombre et la qualité des personnes qui la signent
et l'autorité devant laquelle elle est portée. La dénonciation n'a, en
outre, été ni affichée, ni distribuée, ni vendue; elle n'a donc point été
rendue publique. D'ailleurs, aux termes de l'art. 572 c. pén., lorsque
les faits imputés sont punissables par la loi, et ont été dénoncés, il doit
être sursis, durant l'instruction des faits, à la poursuite et au jugement
du délit de calomnie. Dans l'espèce, les faits imputés à Labesse et
Rullon étaient dénoncés au ministre de l'intérieur, et l'autorité compétente
n'a point encore même aujourd'hui déclaré la fausseté des faits.
L'art. 573 n'était pas non plus applicable, car il faut que la dénonciation
ait été faite à un officier de police administrative ou judiciaire.
nistre de l'intérieur n'est évidemment pas un officier de police judiciaire,
il n'est pas non plus un officier de police administrative. Le code du 5 brum.
an 4 définit ainsi la police administrative et son objet : « La police admi-
nistrative a pour objet le maintien habituel de l'ordre dans chaque lieu et
dans chaque partie de l'administration générale; elle tend principalement
à prévenir les délits. » Ces fonctions, d'abord confiées au ministre de
l'intérieur, furent attribuées, par la loi du 12 niv. an 4, au ministre de
la police, créé par cette même loi. Depuis cette époque, le ministre de
l'intérieur est donc tout aussi étranger à la police administrative qu'à la
police judiciaire.-Aussi, les art. 8, 9 et 10 c. inst. crim., qui énumèrent ces
deux classes d'officiers, n'ont point rangé parmi eux le ministre de l'inté-
rieur.-Au reste, pour que l'art. 373 pût être appliqué, il faudrait aussi
que les faits dénoncés eussent été préalablement jugés calomnieux. Il ne
faut pas confondre le cas de l'art. 367 et celui de l'art. 573; dans le cas
de ce dernier article, celui qui dénonce a pu avoir un but louable, celui
de provoquer la punition d'un criminel: la haine et la passion ont seules
dirigé la conduite de celui qui se trouve dans le cas de l'art. 567.- La
cour royale, pour pouvoir prononcer les peines portées par l'art. 373, de-
vait donc juger préalablement que les faits étaient calomnieux. Non-sea-
lement elle ne l'a pas fait, mais elle n'avait pas le droit de le faire.
L'appréciation des faits dénoncés appartenait à l'autorité administrative
scule. Arrêt (ap. délib. en ch. du cons.).

doit s'assurer si le préfet a déclaré la dénonciation fausse; qu'il ne pourrait renvoyer le prévenu, sous le prétexte que les faits n'ont pas été jugés par les tribunaux (Crim. cass., 11 sept. 1817) (1);

non répandue dans le public par le fait de son auteur; que cette dénonciation peut avoir un objet utile à la société; qu'elle peut être faite de bonne foi, et que, si elle peut donner lieu à des dommages-intérêts devant les tribunaux civils, lorsqu'elle a été faite avec trop de légèreté, elle ne peut prendre le caractère de délit, et devenir ainsi passible de la juridiction des tribunaux correctionnels, que lorsqu'elle a été faite méchamment ou à dessein de nuire;

Mais attendu que, dans l'espèce, la pétition renfermant la dénonciation sur laquelle la cour de Limoges a fait l'application dudit art. 375, avait été adressée au ministre de l'intérieur qui avait caractère pour prononcer sur les imputations de prévarications administratives, et pour provoquer des poursuites judiciaires sur les imputations de faits susceptibles de peines du code pénal; - Que, lors de la plainte en calomnie portée par Labesse et Rullon, il n'avait été rien statué par le ministre sur cette dénonciation; qu'il n'y a même été ou pu être statué depuis par lui, puisque cette dénonciation ayant été renvoyée en original aux autorités locales pour en obtenir les renseignements, elle a passé, ainsi qu'il résulte de l'assignation donnée pour l'introduction de l'instance pour les plaignants, dans les mains de Labesse, l'un d'eux ; qu'elle a été par lui produite devant le tribunal correctionnel et la cour de Limoges, à l'appui et comme base de la plainte en calomnic, et qu'elle est, en conséquence, devenue pièce de la procédure, et qu'elle en fait partie; Que, sous le rapport dudit art. 373, cette plainte en dénonciation calomnieuse a donc été prématurément intentée; - Qu'il n'existe aucune décision judiciaire ou administrative, par laquelle il ait été reconnu que les faits dénoncés fussent faux, ou dussent, à défaut de preuve, être réputés faux, et qui puisse ainsi servir de base à la plainte et à l'exercice de la juridiction correctionnelle; Que, dans cet état, la condamnation prononcée par la cour royale de Limoges, d'après ledit art. 375, a donc été aussi une violation directe dudit article; Casse.

Du 25 oct. 1816.-C. C., sect. crim.-MM. Barris, pr.-Aumont, rap.

En

(1) Espèce: (Delambert C. Godefroi.) - Dénoncé par Godefroi au préfet de Saône-et-Loire, comme malversant et prévaricant dans ses fonctions de percepteur, Delambert forma contre Godefroi une plainte en dénonciation calomnieuse. Il soutenait que les faits à lui imputés par Godefroi avaient été reconnus, par le préfet, faux et non prouvés : Godefroi n'alléguait point, ni qu'il se fût pourvu contre cette décision du prefet, ni qu'il eût dénoncé les mêmes faits à des officiers de justice. cet état, avant que de s'assurer si, comme le prétendait Delambert, les faits dénoncés avaient été déclarés faux ou non prouvés par l'autorité administrative, à qui l'on avait porté la dénonciation, le tribunal de Chalons statua sur cette dénonciation, et renvoya Godefroi de la plainte, sur le seul motif que les faits dénoncés n'avaient pas été jugés devant les tribunaux, et qu'ils n'y avaient pas été reconnus dénoncés méchamment et à dessein de nuire. Pourvoi par Delambert. Arrêt (après dél. en ch. du cons.).

LA COUR; Vu l'art. 410 c. inst crim. et les art. 367 et 373 c. pén.; Attendu que Martial Maury a été condamné, par la cour royale de Limoges, comme coupable du délit de calomnie, et sur l'application desdits art. 367 et 373 c. pén. ; Que le fait sur lequel cette condamnation a été prononcée, c'est d'avoir adressé au ministre de l'intérieur, dans le courant de mai 1815, une pétition ayant pour objet de provoquer la révocation de Labesse, de ses fonctions de maire, et celle de Rullon, de ses fonctions d'adjoint, et dans laquelle on imputait auxdits Labesse et Rullon, non-seulement des prévarications administratives, mais encore des malversations qui, si elles étaient prouvées, seraient punissables de peines du code pénal; mais que cette pétition, considérée sous le rapport de l'art. 367 du code, ne pouvait d'aucune manière rentrer dans l'application de cet article ; Que les imputations qui y étaient contenues n'avaient pas été, en effet, consignées dans un acte reçu par un officier public, et conséquemment dans un acte authentique et public; Que la pétition qui renfermait ces imputations n'avait que le caractère d'un écrit privé, et qu'elle n'avait été ni affichée ni distribuée; que lesdites impu-jet des art. 567 et 376; lations n'avaient pas été répandues par leurs auteurs, verbalement, dans des lieux ou réunions publics;- Qu'en leur faisant donc l'application dudit art. 567, la cour royale de Limoges a manifestement violé cet article;

Que, relativement à l'art. 373, il n'était non plus nullement applicable aux faits, tels qu'ils ont été reconnus et tels d'ailleurs qu'ils résultent des pièces du procès ; qu'en effet, cet article suppose qu'il a été fait, devant les officiers de justice ou de police administrative ou judiciaire, une dénonciation de faits passibles, par leur nature, d'une répression judiciaire ou administrative; que ces faits ont été reconnus faux ou non prouvés, et qu'en conséquence, la personne dénoncée a été déclarée irréprochable sur ces faits, par l'autorité dont la dénonciation avait provoqué les poursuites; que c'est sur cette déclaration que l'art. 373 établit une action publique et privée contre le dénonciateur; que le tribunal correctionnel, juge de cette action, n'a point à examiner de nouveau si les faits de la dénonciation sont vrais ou faux; que, sous ce rapport, ils ont été légalement déterminés par l'autorité à laquelle ils avaient été dénoncés ; que le tribunal correctionnel n'a à prononcer que sur la moralité de la dénonciation, et qu'il a à juger seulement si, d'après les circonstances, cette dénonciation doit être réputée avoir été faite de mauvaise foi ou à dessein de nuire; que c'est ce fait de mauvaise foi et d'intention coupable qui peut lui imprimer le caractère de calomnie, et en faire le délit prévu par ledit art. 373; Que cette circonstance d'intention coupable est toujours présumée de droit dans les imputations qui sont l'objet de l'art. 567, et dont on ne rapporte pas la preuve légale, parce qu'aucun motif ne peut les justifier, et que ces imputations répandues dans le public ne peuvent avoir d'autre objet qu'une odieuse et scandaleuse diffamaQu'il en est ainsi d'une dénonciation faite devant l'autorité; et

tion;

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LA COUR; - Vu l'art. 373 c. pén.; Attendu que le délit de calomnie, puni par cet article, est essentiellement distinct de celui qui est l'obQue ce délit ne peut avoir pour base qu'une dénonciation faite, sans publicité, à des officiers de justice, ou de police administrative ou judiciaire, sur des faits qui ont été reconnus faux ou non prouvés par l'autorité à laquelle ils ont été dénoncés ; -- Que cette dénonciation, ainsi reconnue fausse, ne prend le caractère de délit que de l'intention criminelle dans laquelle elle peut avoir été faite; que c'est aux tribunaux correctionnels à juger, d'après les circonstances, cette intention; et s'il leur parait que la dénonciation a été faite sans motif légitime, méchamment ou à dessein de nuire, elle doit être déclarée par eux calomnieuse, et les peines de l'art. 373 doivent être prononcées; Attendu que le tribunal civil de Châlons-sur-Saône avait éte saisi, par la voie de l'appel, d'une plainte en dénonciation calomnieuse formée par Delambert, percepteur, contre Godefroi, prévenu, par cette plainte, de l'avoir dénoncé méchamment au préfet, c'est-à-dire à un officier de police administrative et judiciaire, sur les malversations et prévarications prétendues commises dans l'exercice de ses fonctions; Qu'il était soutenu par Delambert que les faits contre lui dénoncés avaient été reconnus faux ou non prouvés par le préfet, d'après les renseignements par lui recueillis; - Qu'il n'était point allégué par Godefroi qu'il se fut pourvu ainsi que de droit contre cette décision du préfet; Qu'il n'était point allégué non plus par lui qu'il eût aussi dénoncé les mêmes faits à des officiers de justice; Que, dans cet état, le tribunal de Châlons devait d'abord s'assurer si, véritablement, ainsi que le disait Delambert, les faits dénoncés avaient été déclarés faux ou non prouvés par l'autorité devant laquelle la dénonciation avait été portée, sans qu'il eût été formé aucun recours contre sa décision; Que, si ce fait était par lui reconnu, il ne lui restait qu'à apprécier la moralité de la dénonciation, et à juger si elle avait été faite par Godefroi, sans motif légitime, de mauvaise foi, et dans une intention coupable; que, sur cette appréciation, il devait ou renvoyer Go

--

-3° Que, lorsque c'est à des officiers de police administrative que la dénonciation a été adressée, le prévenu n'a pas le droit de demander le sursis sous le prétexte que la chambre du conseil n'aurait pas prononcé; qu'il suffit, dans un cas pareil, que l'autorité administrative, la seule saisie, ait statué sur le peu de fondement de la dénonciation, alors même qu'il s'agissait d'actes de concussion (Rouen, 13 août 1824) (1); -4° Que le ministre de la justice est compétent pour déclarer, conformément à l'art. 373 c. pén., la vérité ou la fausseté des faits qui lui sont dénoncés, faits constituant des prévarications et des abus d'autorité contre des magistrats; et, la fausseté ainsi déclarée, il ne reste plus aux tribunaux qu'à apprécier le caractère de la dénonciation (Crim. cass., 12 mai 1827, aff. Marcadier, et, dans la

defroi de la plainte, ou bien déclarer calomnieuse la dénonciation par lui faite, et prononcer contre lui conformément à l'art. 373 c. pén. ; —Que, néanmoins, ce tribunal a renvoyé de la plainte ledit Godefroi, sur le seul motif que les faits par lui dénoncés n'avaient pas été jugés devant les tribunaux, et qu'ils n'y avaient pas été déclarés avoir été dénoncés méchamment et à dessein de nuire ;-En quoi il a méconnu les règles de la compétence et violé ledit art. 373 c. pén. ; Casse, etc.

--

Du 11 sept. (et non 4 août) 1817.-C. C., sect. crim.-MM. Barris, pr.-Ollivier, rap.

:

(1) Espèce (Tocqueville C. min. pub.) - En 1823, le sieur Tocqueville s'était rendu adjudicataire d'une coupe de bois dans la forêt du Valasse. Ayant eu des démêlés avec l'inspecteur et le garde général, il adressa tant contre eux que contre le conservateur, le sieur de Sezille, deux dénonciations aux administrateurs des eaux et forêts, dans lesquelles il leur imputait des actes de concussion. Enfin il adressa au ministre des finances une troisième dénonciation basée sur les mêmes faits; toutes ces accusations ayant été reconnues fausses, une plainte fut portée contre lui au procureur du roi. Aucune décision de l'administration supérieure ne fut jointe au dossier; on y trouve seulement une lettre du conservateur annonçant à l'inspecteur que les faits injustes ont été reconnus faux, et l'invitant à porter plainte.

Renvoyé en police correctionnelle, Tocqueville fut condamné aux peines de l'art. 373 c. pén., par jugement ainsi conçu : Vu les art. 373 c. pén., et 8, 9, 10 et 29 c. inst. crim. ; - Et attendu qu'il est constant au procès que Pierre Tocqueville a, dans trois dénonciations, en date des 16 mars 1823, 24 juin et 22 juillet même année, adressées, la première, au ministre des finances, et les deux autres, aux administrateurs des eaux et forêts, accusé le conservateur des forêts de Sezille, l'inspecteur Gouthière et le garde général Pichot, et même un simple garde qu'il n'a pas nommé, de crime qui, s'ils étaient vrais, entraîneraient contre eux une poursuite judiciaire et une condamnation à une peine afflictive et infamante; Que, pour savoir si ce fait imputé à Pierre Tocqueville est susceptible d'être puni, il faut chercher, d'après l'interprétation et le texte de l'art. 373 c. pr., si l'accusation portée par Tocqueville a le caractère de dénonciation conformément à cet article, s'il ne doit pas être sursis à la poursuite contre Tocqueville jusqu'à ce qu'il ait été statué sur ladite accusation, et enfin si la dénonciation est calomnieuse; - Attendu, sur la première question, que, d'après l'art. 375 c. pr., pour qu'une dénonciation calomnieuse puisse être poursuivie et punie, il faut qu'elle ait été adressée à un officier de justice, de police administrative ou judiciaire; - Que bien évidemment Tocqueville n'a pas saisi la justice des délits imaginaires dont il s'est plaint; - Que, d'un autre côté, il n'en a pas informé un officier de police judiciaire; qu'en effet, cette qualification ne peut être attribuée qu'à ceux auxquels elle est conférée par les art. 9 et 10 c. inst. crim.; Qu'il reste donc à examiner si le ministre des fiDances et les administrateurs des eaux et forêts peuvent être considérés, dans le cercle de leurs attributions, comme officiers de police administrative; Que toute la difficulté vient de ce que nos codes n'ont pas spécialement défini la police administrative; mais que cette difficulté cesse si P'on veut avoir recours aux lois précédentes dont les dispositions, quoique abrogées, peuvent, dans certains cas, subsister comme point de doctrige, et si l'on compare ces dispositions aux textes formels des lois actuellement en vigueur; Attendu que le code des délits et des peines du 3 brum. an 4 définit la police administrative celle qui a pour objet le maintien de l'ordre public dans chaque lieu et dans chaque partie de l'administration générale; d'où il suit que chaque administrateur, depuis le fonctionnaire inférieur en grade jusqu'aux chefs des administrations, exerce cette police, qui a pour objet le maintien de l'ordre public dans leur ad ministration; Que, d'après le même code, les devoirs des administrateurs sont non-seulement de maintenir l'ordre en prévenant les délits, mais que ce maintien de l'ordre exige également que, dans le cas où la connaissance d'un délit leur parvient, ils en donnent avis aux officiers de police judiciaire chargés d'en poursuivre la punition; - Que, suivant ces explications, la dénonciation de Tocqueville devrait être considérée, d'après le code du 3 brum. an 4, comme adressée à des officiers de police

même affaire, après un second pourvoi, crim. rej., 22 déc. 1827, V. no 40); et qu'il en est de même de la lettre par laquelle le ministre déclare au préfet que, d'après les renseignements fournis par ce fonctionnaire, il ne donnera pas suite à la dénonciation formulée contre un maire par l'un des administrés; elle constitue la déclaration de fausseté formant, aux termes de l'art. 373 c. pén., l'un des éléments de la dénonciation calomnieuse (Crim. cass., 11 déc. 1847, aff. Joubert, D. P. 48. 5. 97); – 5° Que la décision d'un préfet sur l'existence de faits imputés à un maire dans l'exercice de ses fonctions et constituant des actes de concussion et de malversation, est obligatoire pour un tribunal saisi d'une plainte en dénonciation calomnieuse relative à ces faits; qu'elle l'est même quant à des faits relatifs à la vie

--

administrative; Que, si le code d'instruction criminelle ne retrace pas la définition de la police administrative et ne s'occupe pas de cette police en ce qui concerne les dispositions à prendre pour prévenir les délits, on y retrouve dans l'art. 29 l'obligation imposée aux fonctionnaires de donner avis aux procureurs du roi des délits ou crimes dont la connaissance leur parvient dans l'exercice de leurs fonctions, obligation qui, ainsi qu'il a été démontré plus haut, fait partie de la police administrative; - Que, sous ce rapport, le code d'instruction criminelle a conservé dans toute leur étendue les droits et les devoirs de la police administrative définis par le code des délits et des peines; - Qu'ainsi la dénonciation de Tocqueville a été réellement adressée à des officiers de police administrative; Sur la deuxième question, que Tocqueville demande vainement un sursis jusqu'à ce qu'il ait été statué par les autorités compétentes sur la plainte; Que n'ayant pas saisi de cette plainte la justice ou la police judiciaire, il ne peut exiger la représentation d'une ordonnance de la chambre du conseil, ou de toute autre décision de même nature; - Qu'il a lui-même choisi ses juges; que les officiers de police administrative sont obligés, lorsqu'un délit parvient à leur connaissance, d'en informer le procureur du roi, mais qu'ils ne sont pas forcés de transmettre à ces magistrats des dénonciations absurdes et dont la fausseté serait reconnue; Que, pour éclairer leur religion, ils doivent recueillir des renseignements, dresser ou faire dresser des enquêtes et procès-verbaux; - Que si le délit ne leur paraît pas imaginaire, l'instruction doit être par cux provoquée; mais que si tout se réunit pour leur prouver qu'il n'y a ni coupable ni délit, alors ils ne doivent avoir aucun égard à la dénonciation mensongère qui leur aurait été faite; - Que les administrateurs des eaux et forêts, après avoir ordonné une enquête administrative, ont prononcé sur la plainte de Tocqueville, et ont reconnu la fausseté des faits par lui articulés ; Que Tocqueville n'ayant pas renouvelé cette plainte par une dénonciation adressée aux officiers de justice ou de police judiciaire, ne peut avoir un motif de demander un sursis;

Sur la troisième question, que la loi, qui impose aux citoyens l'obligation de dénoncer les délits qui parviennent à leur connaissance, ne punit pas ceux qui ont rempli ce devoir, uniquement parce que ce délit n'est pas prouvé; que la dénonciation non reconnue vraie ne peut entrainer de peine que lorsqu'elle est calomnieuse et faite à dessein de nuire; - Que la triple dénonciation de Tocqueville doit être jugée calomnieuse; qu'il a d'abord été forcé de reconnaitre dans son interrogatoire que les faits par lui imputés au conservateur de Sezille et à l'inspecteur Goutbière sont de toute fausseté; que, de plus, tous les autres faits, à l'appui desquels aucune preuve n'est même indiquée, sont tellement peu concordants entre eux, que leur invraisemblance résulte de la manière dont ils sont exposés;

Qu'aucune erreur probable, aucun fait atténuant n'a été allégué par Tocqueville pour sa justification; qu'ainsi la calomnie et l'envie de nuire ont pu seules dicter les dénonciations dont il se reconnait l'auteur.

Appel. Devant la cour, Tocqueville objectait que le code de brumaire an 4 élant abrogé, on ne pouvait avoir recours à ses dispositions pour reconnaître quels sont les officiers de police administrative, et que d'ailleurs aucune de ses dispositions n'attribuait ce caractère soit aux ministres, soit aux administrateurs supérieurs des eaux et forêts. En second lieu, il soutenait que, d'après les art. 372 et 375 c. pén., il doit être, préalablement à toute action en calomnie, statué par les tribunaux compétents sur les faits dénoncés, et que dans l'espèce aucune décision semblable n'étant représentée, aucune condamnation légale ne pouvait intervenir. Arrêt.

-

LA COUR; - Attendu que les chefs d'une administration publique ont nécessairement l'exercice de la police administrative sur les personnes et les choses qui en dépendent, et sont, par conséquent du nombre des officiers de police administrative dont parle l'art. 375 c. pén.; qu'il a été statué sur le fond des dénonciations par l'administration supérieure à qui il appartenait d'approfondir si elles avaient une consistance suffisante pour en déférer la matière à l'autorité judiciaire; que d'ailleurs le prévenu a rétracté lui-même ses dénonciations en presque tous leurs points dans l'interrogatoire par lui prêté en première instance: - Adoptant les autres motifs du jugement de première instance; - Confirme, etc.

Du 15 août 1824.-C. de Rouen, ch. corr.-M. Eude, pr.

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