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ubi est frater tuus?Et avant de verser le soufre et le feu sur Sodome et Gomorrhe, deux cités impures, n'avait-il pas dit aussi : Descendam et videbo utrum clamorem qui venit ad me, opere compleve rint. An non est ita, ut sciam.—Il est certain que toutes les nations civilisées, anciennes et modernes, ont pratiqué et honoré la libre défense des accusés. Sans doute, il y eut des époques critiques où la tyrannie ferma la bouche à l'innocence; il y en eut aussi où prévalurent d'aveugles préjugés. — C'est là le sort des choses humaines; mais heureusement ces jours peuvent être❘ comptés, car ils sont en petit nombre chez les peuples d'une ci- | vilisation un peu perfectionnée et ils ont été notés par l'implacable histoire.-Chez les Hébreux, lorsque le condamné marchait au supplice, un héraut le précédait, en criant au peuple : « Le leureux que vous voyez est déclaré coupable, il marche à ja mort; quelqu'un de vous peut-il le justifier, qu'il se présente | et parle. » Et si, du sein de la foule, une voix répondait à cet appel, la loi ordonnait de revenir jusqu'à cinq fois; c'est ainsi que Daniel rencontra Suzanne. Revertimini ad judicium, s'écria-t-il aussitôt, et le prophète confondit les vieillards, et salvatus est sanguis innoxius in die illa.—V. M. Dupin, t. 9, p. 131.

3. Le droit attique fournit encore la preuve de ce que nous avançons; car devant cet aréopage aux formes mystérieuses, jugeant la nuit et dans l'obscurité, de même que devant le tribunal des héliastes qui siégeait sur la place publique, et au soleil, comme l'indique son nom, l'accusé comparaissait libre, escorté de ses témoins, assisté d'un défenseur. Aristide ayant accusé quelques malfaiteurs, les juges allaient prononcer leur sentence sans les entendre, mais le Juste d'Athènes se jeta aux pieds du tribunal en le suppliant de n'en rien faire, parce que ce ne serait pas justice, mais violence. — Cet exemple trouva plus tard un imitateur dans l'orateur Lysias, plaidant contre des marchands de blés prévenus d'accaparement.

4. A Rome, l'accusé ne pouvait être jugé que par des juges, ou plutôt des jurés de son choix (judices jurati).— Neminem voluerunt majores nostri non modo de existimatione cujusquam, sed pecuniaria quidem de re minima, esse judicem, nisi qui inter adversarios convenisset (Cicéron, Pro Cluentio, chap. 43). M. Hélie, Inst. crim., t. 1, p. 76, dépeint ainsi l'accusé, en s'inspirant de Cicéron : « Il se présentait, suivant un antique usage, couvert de vêtements de deuil, la barbe longue et inculte, avec l'extérieur et dans l'attitude d'un suppliant. Ses amis, ses patrons, ses défenseurs prenaient les mêmes vêtements : quid de his tot viris talibus quos videtis veste mutata? C'est qu'il ne demandait pas seulement justice, il implorait la clémence de ses juges; c'est qu'il ne s'adressait pas seulement à des tribunaux investis du pouvoir judiciaire, mais à des juges délégués du pouvoir souverain, et investis euxmêmes de sa souveraineté; c'est, en un mot, qu'à côté de la puissance de faire justice se trouvait la puissance de faire grâce.... La plupart des harangues de Cicéron représentent l'accusé ceint de misérables vêtements, et versant des larmes, in hoc squalore et sordibus; tremblant, rampant même aux pieds de ses juges, horrentem, trementem, adulantem omnes, et, par ses cris, et ses prières, precibus, lacrymis, misericordia, s'efforçant d'émouvoir la pitié plus encore que d'éclairer la justice» (V. Cicéron, Pro Flacco, chap. 42; Pro Sylla, chap. 33; Pro Murena, chap. 41); — Toutefois, l'usage des patrons ou défenseurs ne s'introduisit que vers le sixième siècle de l'ère romaine, lorque la jeunesse eut fréquenté les célèbres académies de la Grèce, et que l'étude de l'éloquence se répandit dans la république; lorsqu'enfin, selon la remarque de Filangieri (Science de la législation, liv. 3, chap. 2), l'élément attique se mêla à l'élément romain; jusque-là, l'accusé s'était défendu lui-même (V. Cicéron, Pro Roscio, chap. 20). Bientôt le préteur en vint à prononcer ces paroles: si non habebunt advocatum ego dabo (L. 1. § 4. ff. De postulando); et l'esclave lui-même dut être pourvu d'un défenseur d'office : Servus etiam per procuratorem domini, æque ac per dominum, defendi potest (L. 11. ff. de publicis judiciis). —Si non defendantur servi a dominis, non utique statim ad supplicium deducuntur, sed permilletur eis defendi vel ab alio, et qui cognoscit debebit de innocentia eorum quærere (L. 19, ff. De pœnis).

5. Quelle était la durée des plaidoiries? D'après la loi des douze tables, elle ne pouvait dépasser l'heure de midi, et toute cause contradictoire ou par défant devait recevoir jugement avant

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le coucher du soleil (V. le travail de M. Giraud sur cette loi, intr. à l'Étude du droit romain, p. 468); mais on ignore comment ce temps était réparti entre l'accusateur et l'accusé, la langue romaine n'ayant aucun terme pour exprimer l'heure entre le lever du soleil et midi, mane ad meridiem (Censorinus, De Die nat. 23, 24). Au surplus, il paraît que l'usage modifia peu à peu la sévérité de cette législation, pour lui substituer la volonté du juge, car le préteur Octavius a été loué par Cicéron de ce qu'il accor dait toujours le temps nécessaire à la défense (Quintilien, Inst, orat., t. 1). On a induit aussi d'un passage où l'illustre orateur se plaint vivement de ce que la défense de Rabirius avait été réduite à une demi-heure, par l'accusateur Labienus, que l'accusateur fixait la durée des plaidoiries, en ce sens que l'accusé ne pouvait parler plus longtemps que l'accusateur, ou que s'il le pouvait, ce n'était que dans une proportion déterminée; mais rien n'est moins certain, comme le démontre M. Grellet Dumazeau (Revue de législation, 1849, t. 1, p. 55). Cicéron lui-même parla pendant quatre audiences en faveur de Cornelius Balbus (Pline, Epist. 1. 20). Quoi qu'il en soit, Pompée, en 701, porta une loi qui accorda deux heures à l'accusation et trois heures à la défense. Enfin, on finit par en revenir au système intermédiaire, et à confier aux tribunaux le soin de régler les plaidoiries; mais on dut toujours, dans les affaires publiques, mesurer le temps dans les proportions de la loi Pompeia, c'est-à-dire donner à la défense un tiers en plus (Fline, Epist. 4. 9). La clepsydre placée devant l'avocat servait à mesurer l'heure.

Les plaidoiries ne comportaient pas de répliques, mais, comme ce n'était jamais qu'après les plaidoyers que les témoins étaient entendus, chacun des avocats avait le droit de poser à son adversaire des questions, de présenter des arguments, de faire des objections auxquelles celui-ci était tenu de répondre sur-le-champ: ce nouveau débat s'appelait altercatio.—C'était un duel entre les deux patrons, patronorum inter se certamen, un duel suprême, pugnam decretoriam, dit Quintilien, Inst. orat., 6, 4. Aussi, pour ces luttes animées, impitoyables, où la dialectique prodiguait ses ressources, ses finesses, ses péripéties, le peuple romain ne se montrait pas moins passionné que pour les combats du cirque. 6. Un usage respectable permettait à l'accusé de faire entendre ses patrons, ses protecteurs, et ses amis, sur sa probité et ses vertus; ils racontaient sa vie, publiaient ses services rendus à la République, ses blessures reçues, ses victoires, ses triomphes. Aussi, les appelait-on Laudatores.-Leur nombre était ordinairement de dix, et c'eût été une honte insigne que de ne pouvoir atteindre ce nombre judiciis qui decem laudatores dare non potest, honestius ei nullum dare quam illum quasi legitimum numerum consuetudinis non explere. Nos témoins à décharge remplissent une mission qui a quelque analogie avec celle-ci.— Enfin, comme suprême garantie, l'accusé avait, en matière capitale, le droit d'en appeler au peuple.

Cette législation d'une simplicité si mâle, atteinte d'abord par les excès des factions qui se disputèrent le forum, périt avec la liberté romaine. On vit, sous les empereurs, la délation remplacer l'accusation, et la torture, mesure exceptionnelle, jusquelà appliquée seulement à l'esclave, devenir la règle générale. 7. A l'égard du mode de défense, il était abandonné à la discrétion des parties ou de leurs défenseurs. Ce fut par son propre éloge, que Scipion l'Africain répondit à une accusation : « A pareil jour, s'écria-t-il, j'ai vaincu Annibal et les Carthaginois en Afrique; Romains, allons en rendre grâce aux dieux immortels.» Le peuple le suivit au Capitole.-Et Tite-Live remarque avec raison, que ce triomphe fut encore plus glorieux pour lui que celui qui lui fut décerné après sa victoire sur Siphax et les Carthaginois. Celebratior is prope dies favore hominum, et æstimatione veræ magnitudinis ejus fuit, quam quo triumphans de Siphace regeet Carthaginiensibus urbem est ingressus.—Accusé à son tour, Marcus Scaurus se contenta de dire: «Q. Varius, Espagnol de naissance, accuse M. Scaurus, prince du sénat, d'avoir soulevé les alliés.-M. Scaurus le nie.- Auquel des deux, Romains, ajouterez-vous plutôt foi? » L'accusation tomba, car le peuple romain était digne de ces grands hommes.-V. Asconius Podianus, in orat. pro Scauro.

8. En s'implantant dans les Gaules, la rude nationalité franque substitua les usages germaniques à la tradition romaine. L'accu

sation ne fut plus qu'un acte privé, sauf le cas de flagrant délit. L'offense eut un véritable droit de guerre contre l'offenseur, et quand il recourait à la justice des Rachimbourgs, siégeant au Malberg, (lex salica emend. tit. 43) son action ne tendait qu'à une indemnité pécuniaire.—On comprend que tout se réduisant entre les parties aux proportions d'un simple procès civil, l'accusé dut jouir pour sa défense d'une absolue liberté. Aussi, son arrestation n'était-elle possible qu'en cas de flagrant délit, et à charge par la partie qui se prétendait lésée, de conduire l'accusé devant le comte ou le centenier et d'y fournir la preuve du délit; encore l'accusé avait-il droit à sa liberté lorsqu'il possédait des biens ou fournissait caution. Les mesures coercitives n'étaient jamais employées que dans les cas de contumace; elles étaient alors une conséquence du principe que nul, fût-il fugitif, ne pouvait être condamné, sans avoir été entendu : In causa capitali, absens nemo damnatur, neque absens per alium accusatorem accusari potest (Capit., liv. 5, art. 311 et liv. 7, chap. 204).—L'audience était publique. Les preuves se faisaient par témoins, par le serment et par les épreuves, jamais par la question, du moins quand l'accusé était homme libre; l'esclave seul pouvait être torturé (lex salica, t. 42, § 7, lex Burgund., 27, lex Bavar., t. 8, chap. 18. V. M. Faustin Helie, Inst. crim., t. 2, p. 225) —On ne déférait pas toujours le serment à l'accusé, mais seulement quand la preuve du crime n'était pas complète. Ce serment, par lequel il attestait son innocence, devait en outre être fortifié par celui d'un certain nombre de personnes appelées conjuratores et dont le rôle consistait à affirmer que le serment prêté par l'accusé méritait créance.-Il est probable que l'accusé se défendait luimême, comme dans les premiers temps à Rome.

9. Vers la fin du règne des Carlovingiens, le duel ou épreuve du champs cloş tend à se substituer aux modes ordinaires de preuve (V. Appel, no39; Duel et Inst. crim.) Dans les 11 et 12o siècles, la défense est orale et publique. Beaumanoir atteste que l'accusé doit toujours paraître en personne; que les épreuves du fer chaud, de l'eau bouillante, le serment de l'accusé sont tombées en désuétude; que celui-ci ne peut témoigner ni pour lui, ni contre lui; qu'il a le choix entre le combat judiciaire et la preuve testimoniale. Cet auteur garde le silence relativement à la question qui souillait encore la procédure criminelle de cette époque.-A côté des justices seigneuriales, fonctionne la justice ecclésiastique, instituée à l'origine pour la défense des droits de l'Église, justice aimée du peuple qu'elle protégeait contre les seigneurs, qui admettait l'instruction écrite et la liberté de la défense, mais qui, malheureusement, à mesure que l'Église se vit menacée par l'hérésie, introduisit pour les causes intéressant la foi, l'instruction secrète, c'est-à-dire l'inquisition.-Bientôt et dans la lutte que le pouvoir royal engage au treizième siècle contre la féodalité, une révolution se prépare dans l'instruction, c'est-à-dire dans les modes d'attaque et de défense. L'ordonnance de 1260 dispose que désormais tel qui prouvait par la bataille prouvera par témoins. C'est le système des enquêtes qui s'établit. Philippe V recommande d'en donner une copie écrite aux parties; mais de même que l'impossibilité où l'on est de discuter les dépositions en présence des témoins, donne naissance à la confrontation secrète qui remplace la communication ecrite, de même les peines qui atteignaient l'accusateur dans ce temps où, sauf les cas de flagrant délit, l'action civile absorbait celle du ministère public, fit naître la dénonciation ou plainte de la partie lésée, sur laquelle le juge se livrait d'office à une enquête secrète dite apprise, suivant la remarque de Beaumanoir, XL, 13 à 16.— Toutefois, ce n'est que dans le quinzième siècle que l'instruction étant devenue tout à fait secrète, la liberté de la défense fut complétement supprimée par l'ordonnance de 1498, qui ne permit la plaidoirie à l'audience publique, c'est-à-dire l'instruction comme procès ordinaire, que dans un cas, celui où, malgré l'emploi de la torture alors usitée, on n'avait pu obtenir de l'accusé l'aveu nécessaire à la condamnation (V. sur ces points divers vis Inst. crim. et Témoins).— Au seizième siècle, l'ordonnance d'août 1559 restreint encore le droit de défense et interdit (art. 162) aux accusés le ministère des avocats. Le chancelier Poyet, auteur de cette impiété (impie Poyete), privé quelques années plus tard de la faculté de débattre les charges et de récuser les témoins produits contre lui, subit le sort qu'il a préparé au mal

heureux Chabot, et mérite que le juge réponde à ses plaintes: patere legem quam ipse tuleris.

Gardons-nous cependant de croire que l'humanité n'ait pas eu çà et là ses défenseurs : un lieutenant-criminel au présidial d'Orléans, Pierre-Ayrault, dans un très-bon traité de l'ordre des Formalités et des Instructions judiciaires, proclamait avec une courageuse indépendance l'impérissable principe de la liberté de la défense : « Cette formalité d'ouyr les parties et principalement l'accusé, premier que leur faire droit, disait-il, sourt d'une loi qui n'est pas des Égyptiens, des Perses, des Macédoniens, des Grecs ou des Romains, ni de quelque nation qui soit, qui ait été ou qui sera oncques à l'avenir, mais loi de nature ou loi des gens (Liv. 1, art. 2, no 1, Lyon, 1642)...... Cette loi d'ouyr l'accusé, ajoute-t-il, est des naturelles lois; conséquemment de celles, dit Platon, qui sont immobiles, et pour cette occasion sacrées et inviolables » (n° 4). C'est encore lui qui émettait ces nobles maximes : « Denier l'audience, c'est vouloir être circonvenu... La défense judiciaire git en la parole... Ce n'est pas tout que les mauvais soient punis justement, il faut s'il est possible qu'ils se jugent et condamnent eux-mêmes. » —Pierre Ayrault enseignait que malgré la défense de l'art. 162 de l'ord. de 1559, l'accusé pouvait se faire aider d'un conseil, non pour plaider puisqu'on n'admettait pas la plaidoirie, mais pour s'orienter; et il paraît qu'on tenait au parlement que les juges pouvaient accorder ou refuser à l'accusé le droit de communiquer et de consulter.

10. Il semble que les réformes que ces doctrines font présager, aient dû être accomplies au milieu des lumières du dix-septième siècle. Il n'en fut pas ainsi, et Pussort l'emporta sur les réclamations généreuses de Lamoignon. En conséquence, l'ordonnance criminelle de 1670 renchérissant sur la rigueur des siècles passés, obligea l'accusé à prêter avant son interrogatoire le serment de dire la vérité (tit. 14, art. 3); elle maintint la question et refusa à l'accusé, de quelque qualité qu'il fût, l'assistance d'un conseil, même après la confrontation, nonobstant tous usages constants. Cependant, on distinguait à cet égard, entre les crimes capitaux, ceux qui entraînaient une peine perpétuelle, telle que le bannissement, les galères ou la réclusion à vie, et les crimes non capitaux. Infailliblement, on s'attend à ce que l'exception profite à l'accusé d'un crime capital, tant il est naturel que la gravité de l'accusation double la bienveillance du législateur. Erreur grossière! c'est l'accusé d'un crime non capital qui pourra communiquer avec un conseil. Une autre exception est formulée, c'est quand il s'agit de péculat, de concussion, de banqueroute frauduleuse, de vol en matière de banque, de fausseté de pièces, de suppositions de part, et autres crimes intéressant l'état des personnes. M. de Lamoignon objecte toujours inutilement « qu'il est vrai que quelquefois le conseil sert aux accusés pour éluder la justice et pour tirer les procès en longueur; mais que si le conseil a sauvé quelques coupables, 证 pourrait arriver aussi que des innocents périraient faute de conseil, et qu'il est certain qu'entre tous les maux qui peuven arriver dans la distribution de la justice, aucun n'est comparable à celui de faire mourir un innocent, et qu'il vaudrait mieux absoudre mille coupables; qu'il fallait considérer aussi que le conseil qu'on a accoutumé de donner aux accusés, n'est point un privilége accordé par les ordonnances ni par les lois; que c'était une liberté acquise par le droit naturel qui est plus ancien que toutes les lois humaines; que les ordonnances ont retranché aux accusés tant d'autres avantages, qu'il est bien juste de leur conserver ce qui leur reste, et principalement le conseil qui en faisait la principale partie.»-M. Pussort répond « que l'expérience faisait connaître que le conseil qui était donné se faisait honneur, et se croyait permis en toute sûreté de conscience de procurer par toutes voies l'impunité de l'accusé; qu'il est vrai qu'il y a des affaires qui sont partie civiles et partie criminelles, comme le péculat, la concussion, le faux, la banqueroute, dans lesquelles on pourrait difficilement se dispenser de permettre à un accusé la communication; mais il y en a d'autres où elle serait trèsdangereuse, comme dans les cas prévôtaux, n'étant ordinairement question dans ces sortes de crimes, que si un accusé a fait un vol ou meurtre, ou s'il ne l'a pas commis, ce qui ne désend que

de la simple déposition des témoins; que les conseils sont féconds en ouvertures pour former des conflits de juridiction pour faire trouver des nullités dans les procédures et pour faire naître une infinité d'incidents; qu'ils ne servaient qu'aux riches, et pour leur procurer l'impunité. »—M. Talon disait encore: « qu'il était en effet nécessaire d'empêcher l'abus qui se pratiquait sur ce sujet, en accordant conseil dans des limites qui dépendaient purement de la déposition des témoins, et dans lesquels l'accusé ne devait se défendre que par sa bouche; car alors le conseil ne servait qu'à retarder le jugement du procès par des appellations, des enquêtes civiles et autres expédients de chicane » (Procèsverbal des conf., p. 165, 166).—Le projet fut donc maintenu; mais quel moyen l'accusé, ainsi privé des lumières d'un conseil, avait-il de découvrir les nullités qui viciaient la procédure? aucun. Nous nous trompons : la loi chargeait les juges d'y suppléer et de faire eux-mêmes cet examen : les mêmes juges dont émanaient les nullités !

11. Cependant, une réaction allait se faire dans le siècle suivant. Beccaria vante la générosité romaine qui éclate dans sa procédure criminelle, où l'on voit l'accusé discuter les témoins en audience publique, et les mettre aux prises avec son avocat. Filangieri, Voltaire et une foule d'autres parlent en faveur de la publicité de l'instruction, de l'abolition de la torture et de la liberté de la défense (V. Inst. crim.)—En 1789, tous les cahiers remis aux députés pour les états généraux exigeaient ces réformes qui furent en effet consacrées par la loi des 8 et 9 oct. 1789, laquelle disposa même que l'accusé pourrait se faire assister à tous les actes de la procédure, et qu'à défaut par lui d'avoir fait choix d'un conseil, il lui en serait désigné un d'office.

12. Bientôt un nouvel hommage fut rendu au droit de défense: 1° par la loi des 16-24 août 1790 qui consacra le principe du jugement par jurés (art. 15); par celle du 9 oct. 1789, qui voulait que le défenseur de l'accusé pût assister à tous les actes de l'instruction (art. 10); par celle du 19 juill. et celle du 29 sept. 1791, dont l'art. 13 autorisait les conseils à communiquer avec l'accusé après qu'il avait été entendu; enfin, par le code du 3 brum. an 4, dont l'art. 320 exigeait qu'il fût délivré copie gratuite à l'accusé de toutes les pièces de la procédure. — La suppression temporaire de la corporation des avoués et de l'ordre des avocats, et l'institution des défenseurs officieux dont nous avons parlé en commençant cet article (V. n° 1) et au mot Avocat, nos 44 et suivants, furent la conséquence extrême, exagérée, mais bienveillante du principe de la liberté de la défense. On crut bien faire en n'imposant aucune limite au choix de l'accusé, et il en résulta de nombreux scandales; mais aussi le législateur s'empressa de revenir à l'ancien état de choses dès qu'il s'aperçut que ses intentions avaient été méconnues (V. aussi no 35).

13. Une page lugubre se lit cependant dans l'histoire de la tourmente révolutionnaire, celle du 22 prair. au 2. Ce jour-là, Couthon monta à la tribune; il dit que l'ancien ordre judiciaire était aussi favorable au crime qu'oppressif pour l'innocence; mais que la révolution était bien loin d'avoir fait disparaître cet abus. « Comment pourrait-il en être autrement, s'écriait-il, si l'on se rappelle que notre nouveau code criminel est l'ouvrage des conspirateurs les plus infâmes de l'assemblée constituante ?... La vie des scélérats est mise en balance avec celle du peuple... Le délai pour punir les ennemis de la patrie ne doit être que celui de les reconnaître. Il s'agit moins de les punir que de les anéantir... Celui qui veut subordonner le salut public aux préjugés du palais, aux inversions des jurisconsultes, est un insensé ou un scélérat qui veut tuer juridiquement la patrie et l'humanité. Les défenseurs naturels et les amis nécessaires des patriotes accusés, ce sont les jurys patriotes. conspirateurs ne doivent en trouver aucun. » — · La convention vola ces principes; l'art. 16 de la loi du 22 prair. an 2 porte: « La loi donne pour défenseurs aux patriotes calomniés des jurés patriotes: elle n'en accorde point aux conspirateurs. » — Cetle disposition odieuse n'est, au reste, que le corollaire de la procédure établie par cette loi devant le tribunal révolutionnaire, Impie création de quelques hommes en délire, qui ne s'explique que par l'état d'épouvante répandue alors dans les esprits, et quí, sous prétexte d'honorer le droit de défense, l'outrage et l'é

Les

touffe dans l'hypocrite expression d'un prétendu sentiment de justice politique.

14. Lorsque le code d'instruction fut discuté, des acquittements scandaleux avaient affligé la justice du pays. Le jury d'accusation, et même le jury de jugement avaient mollement rempli leur mission. On sentit le besoin de rendre au pouvoir social sa force et son prestige. Alors quelques bons esprits, entraînés par la réaction, tournèrent les yeux vers le passé, et le principe du jury même fut menacé dans son existence. Cependant il traversa heureusement cette épreuve, mais l'application subit des modifications commandées par la saine raison; c'est-à-dire que la magistrature fut substituée au jury d'accusation (V. Inst. crim.). - Voici, au surplus, les dispositions fondamentales de ce code, par rapport à la défense. D'abord, l'art. 294 exige qu'il soit pourvu à la défense de l'accusé par la nomination d'un conseil d'office, quand il n'en a pas fait choix d'un. L'art. 295 désigne les avocats et les avoués parmi lesquels le choix de l'accusé ou du président peut être fait, et reconnaît à l'accusé le droit d'appeler à son aide, sauf l'agrément du président, un parent ou un ami; mais il faut combiner l'art. 295 avec l'ord. du 20 nov. 1822 (rapportée vo Avocat, no50).-L'art. 302 permet au conseil la communication avec l'accusé, lorsque la mise en accusation a été ordonnée; à partir de ce moment seulement, la communication des | pièces de l'accusation est autorisée. — Enfin, il est délivré copie gratuite à l'accusé de certaines pièces, les procès-verbaux constatant le délit et les dépositions écrites des témoins. Quant aux antres, à l'exception de l'arrêt de mise en accusation et de l'acte d'accusation dont la signification lui est faite, l'accusé n'en obtient copie qu'à prix d'argent selon le vœu de l'art. 305. Désormais l'instruction sera secrète, et la mission du conseil ne commencera qu'après le renvoi devant les assises. Jusquelà, l'accusé se trouve livré à lui-même; sauf à lui, s'il le peut, à user du bénéfice de l'art. 217, qui lui permet de présenter un mémoire à la chambre d'accusation. Ajoutons que, comme on vient d'en faire la remarque, ce n'est qu'en les payant qu'il peut obtenir les copies de certaines pièces qui intéressent cependant sa défense. Tout cela, au reste, est expliqué avec étendue dans le traité de l'Instruction criminelle.-Au surplus, l'accusé doit comparaître libre devant le jury dont il peut récuser un certain nombre de membres (c. inst. crim. 310, 399, V. Cour d'assises).— L'audience est publique. Il a le droit, ainsi que son conseil, de questionner les témoins et de les récuser (c. inst. cr. 319, 315, 322).— L'art. 335 assure à l'accusé ou à son conseilla parole le dernier.— Après la déclaration de culpabilité, l'accusé ou son conseil a encore le droit de plaider que le fait n'est pas défendu ou qualifié délit par la loi, ou qu'il ne mérite pas la peine dont le procureur général a requis l'application. Ils répondent également aux conclusions prises par la partie civile afin d'obtenir des dommagesintérêts (art. 363).— V. le commentaire de ces articles yo Cour d'assises.

15. En matière de petit criminel, la loi ne prescrit pas la nomination d'un conseil d'office, le choix de se défendre regarde uniquement la partie. Devant les tribunaux de simple police la partie est toujours autorisée à comparaître en personne ou par un mandataire (art. 152 c. inst. crim.). En police correctionnelle, ce n'est qu'en certains cas qu'elle le peut (art. 185). — Devant la première de ces juridictions, l'art. 153 se borne à dire que la partie citée proposera sa défense, et qu'après le résumé du ministère public elle pourra proposer ses observations, sans s'expliquer positivement sur le point de savoir si elle aura la parole la dernière. Devant l'autre juridiction, il est dit également que le prévenu proposera sa défense et pourra répliquer (art. 190). — V. Instr. crim.

Telles sont les dispositions principales du code d'instruction criminelle qui intéressent particulièrement le droit de défense. Il en est nécessairement un grand nombre d'autres qui s'y rattachent aussi plus ou moins directement. Nous citerons, par exemple, l'art. 296 qui accorde cinq jours à l'accusé pour se pourvoir contre l'arrêt de renvoi devant les assises; l'art. 373, aux termes duquel il jouit d'un délai de trois jours pour se pourvoir en cassation contre l'arrêt qui le condamne. En matière correctionnelle et de simple police, des délais sont prescrits, à peine de nuilite, pour la citation. Le droit d'opposition, d'appel

et de pourvoi en cassation lui appartient en thèse générale. On peut même dire qu'aucune des formalités que recommande ce code n'est étrangère à la défense; mais nous n'avons dù nous occuper que de la défense proprement dite. On devra donc chercher le complément de cet aperçu historique vis Appel crim., Cassation, Cour d'assises, Instr. crim., Jugem. par défaut. Nous mentionnerons encore la loi du 9 sept. 1835 sur les cours d'assises (V. Cour d'assises), celles sur la presse (V. Presse).

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16. Il nous reste à jeter un coup d'œil sur la procédure criminelle en Europe.-Jusqu'à la fin du 18° siècle, les mêmes reproches que ceux que nous adressions à la justice française d'alors, peuvent être formulés contre la justice des autres États, à l'exception de celle de l'Angleterre où florissait l'institution du jury avec toutes ses conséquences. Cependant, en 1780, au moment même où Louis XVI abolissait la torture, Naples, la Toscane, la Prusse et l'Autriche avaient pris les devants. De 1795 à 1814 nos codes, où avaient pénétré les principes d'une philanthropie éclairée, régirent à la fois la Belgique, la Hollande, les villes anséatiques, l'Allemagne de la rive gauche du Rhin, et la portion de l'Italie réunie à la France. L'influence française gagna les royaumes d'Italie et de Naples; le grand-duché de Varsovie s'assimila également nos codes.

En 1803, l'Autriche publie un code criminel, mais sans que la défense des accusés y gagne. « Non-seulement, disait M. Dupin dans son discours de rentrée, le 3 nov. 1847, l'institution du jury n'y est pas admise, mais la connaissance entière à donner à l'accusé des charges et des témoignages invoqués contre lui, la nécessité absolue de sa confrontation avec les témoins, la publicité des débats, la défense contradictoire et libre, l'irrévocabilité de la chose jugée, surtout en cas d'acquittement, ces principes élémentaires déjà consacrés et pratiqués en France depuis douze ans furent repoussés de ce code. Ajoutons que le bâton est un mode d'instruction fréquemment employé.

A la chute de l'empire, une réaction se manifesta nécessairement contre notre législation; mais bientôt la marche ascensionnelle des idées reprit son cours. En 1819, par exemple, la Sicile refondait notre code et y semait quelques-unes des améliorations qu'il était réservé au législateur de 1832 de réaliser chez nous. L'Allemagne s'est associée à ce mouvement. En Prusse, la loi du 17 juill. 1846 a admis la publicité des débats et la défense des accusés, même en matière politique, ainsi qu'on a pu le voir lors du récent procès des Polonais conjurés du duché de Posen. trouvera le complément de cet aperçu vo Instr. crim.

ART. 2.

On

· Des caractères généraux du droit de défense. 17. On a vu que la maxime du droit romain: nemo condemnatus nisi auditus vel advocatus est le fondement de notre législation criminelle. Elle est proclamée par les art. 146, 152, 182, 190, 241, 355, 394 et 465 c. inst. crim. qui prescrivent de donner d'avance connaissance à tout accusé, prévenu ou inculpé, des (1) (Bousten C. min. pub.) - Le tribunal; Vu les art. 162 et 606 c. des dél. et des pein.; Considérant que le prévenu n'a point été cité devant le tribunal de police, ni entendu publiquement, et qu'il ne l'a été que devant le juge de paix, en suite d'un mandat d'amener, ce qui est une violation de l'art. 162 ci-dessus ; · · Casse. Du 7 vend. an 7.-C. C., sect. temp.-MM. Chasle, pr.-Balland, rap. (2) (Min. pub. C. Gilles.) LE TRIBUNAL; Attendu que, d'après l'art. 162, L. 3 brum., dont les dispositions doivent être observées à peine de nullité, la personne citée propose sa défense; que, dans le fait, Thomas Giles était présent lors de la reddition du jugement du tribunal de police du canton de Coulanges, et n'a pas proposé sa défense d'après sa citation; que l'instruction de l'affaire et la preuve du délit pouvaient résulter de l'audition du prévenu, indépendamment du procès-verbal que le tribunal avait cru devoir rejeter du procès; qu'ainsi il a été contrevenu audit art. 162, L. 3 brum., emportant nullité; — Casse.

Du 4 vent. an 7.-C. C., sect. crim.-M. Dutocq, rap. (5) (Intérêt de la loi, aff. Longuer.)- LE TRIBUNAL; Faisant droit' au réquisitoire; Casse et annule la disposition du jugement rendu par le tribunal du district de Guingamp, le 5 août 1792, sur l'appel que Marie Boissy avait interjeté d'une sentence de la police correctionnelle dudit tribunal de Guingamp, par laquelle disposition, jugeant injurieuse une déclaration judiciaire faite par le citoyen Longuer, il a ordonné à ce citoyen, substitut du procureur de la commune de Guingamp, d'être plus circonspect envers le tribunal dans les fonctions de son ministère, et de ne s'y permettre aucune déclamation indécente; enfin que le jugement lui

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poursuites dirigées contre lui, de l'avertir du jour où il sera procédé à son jugement, et d'entendre sa justification (V. Inst. crim., Cour d'assises). Un principe d'un ordre aussi élevé ne souffre aucune exception. Il est un et indivisible, soit que le débat s’agite devant la cour d'assises, la police correctionnelle ou le tribunal de simple police, ou les autres tribunaux de répression, soit qu'il s'agisse du prévenu, ou de la personne civilement responsable. Ainsi, dans l'ordre logique des procédures, l'accusé ou le prévenu est appelé en justice. Cette vocation est indispensable. Cependant, comme il se peut que la partie poursuivie consente à se présenter devant le juge sans opposer, soit le défaut, soit l'irrégularité de la citation, on tient qu'en général il suffit que cette partie ait été librement entendue, ou, en d'autres termes, qu'elle ait été défendue de son plein gré après arrêt de renvoi à la cour d'assises (s'il s'agit de matières de grand criminel), pour que la condamnation, si d'ailleurs elle n'est entachée d'aucun vice d'une autre nature, soit légale. Mais, pour qu'il y ait véritablement défense, des conditions particulières sont encore exigées en matière de grand criminel: il doit être nommé un conseil à l'accusé, s'il n'en a pas choisi un lui-même, ou s'il n'a point déclaré qu'il en avait pris un, et même cette déclaration ne suffirait pas si, au jour du débat, il se présentait seul et sans l'assistance d'un conseil. En cas pareil, le président devrait lui en nommer un d'office à l'audience. V. aussi no 22.

Telles sont les conditions premières d'une véritable défense. L'une manquant, il est exact de dire que la défense n'a pas existé et que l'une des règles les plus absolues de notre législation pénale a été violée. — On verra, toutefois, que la troisième condition qu'on vient de rappeler, celle relative à la nomination d'office d'un conseil, n'est pas requise devant les juridictions inférieures de police simple ou correctionnelle.

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18. Il y a donc nullité du jugement d'un tribunal de police si, dans l'instruction qui l'a précédé, le prévenu n'a été ni cité ni entendu à l'audience, mais seulement interrogé par un juge de paix (sect. temp. cass., 7 vend. an 7) (1).-Peu importe que la condamnation ait été prononcée en présence de la partie, si elle n'a pas été mise à même de proposer sa justification (Crim. cass., 4 vent. an 7) (2). — Et non-seulement une condamnation ne peut être prononcée en pareil cas, mais même uple injonction (Cass., 26 sept. 1793) (3). — De même, toute condamnation portée contre un père, comme civilement responsable des actions de son fils, est radicalement nulle, lorsque le père lui-même n'a été ni appelé ni entendu aux débats (Crim. cass., 21 prair. an 11) (4). De même encore, on doit annuler le jugement de simple police rendu sur la seule lecture des interrogatoires antérieurement subis par les prévenus, sans qu'ils aient proposé leur défense ni qu'ils aient été interpellés de la proposer, et sans qu'aucun témoin ait été entendu à l'audience (Crim. cass., 8 janv. 1807) (5).

19. Ainsi encore, il y a lieu de casser un jugement correcserait notifié à ses frais, disposition qui, prononcée sans que le citoyen Longuet ait été entendu ni appelé, est en contravention à l'art. 14, tit. 2, loi du 24 août 1790.

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Consi

Du 26 sept. 1793.-C. C., sect. cass.-MM. Thouret, pr.-Bailly, rap. (4) Espèce (Matheron père C. min. pub.)-Le tribunal criminel des Bouches-du-Rhône avait condamné Charles Matheron fils à 2,400 fr. de dommages-intérêts envers Fortuné Amalbert.- Sans avoir fait appeler Matheron, père de Charles, et sans l'avoir entendu, le tribunal avait prononcé contre lui une condamnation solidaire. — Pourvoi.-Jugement. LE TRIBUNAL; Vu l'art. 456 c. des délits et des peines; dérant qu'un des premiers principes de la justice veut que personne ne soit condamné sans avoir été entendu; - Considérant que violer ce principe, c'est usurper un pouvoir qui n'est attribué à aucun juge; - Consi dérant que, dans l'espèce, Pierre Matheron n'a été ni appelé ni entendu aux débats qui ont précédé le jugement annoncé; - Considérant que les poursuites criminelles auxquelles le délit dont est accusé Charles Matheron, fils de Pierre Matheron, a donné lieu, sont complétement achevées; qu'il n'est pas même réclamé contre les dispositions dudit jugement, relatives audit Charles Matheron ; Casse.

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Du 21 prair. an 11.-C. C., sect. crim.-MM. Viellart, pr.-Bauchau, rap. (5) (Min. pub. C. hab. de Dicskerken.) - LA COUR; Attendu que les temoins de la partie publique n'ont point été cités à comparaître à l'audience, et ne s'y sont pas présentés; Que les prévenus n'ont ni proposé leur défense, ni été interpellés de la proposer; Que lecture a été donnée seulement de leurs interrogatoires subis avant le renvoi a la

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tionnel qui a condamné une commune aux dépens, sans qu'elle ait été mise en cause, encore bien que l'individu qui a agi en son nom ait été présent à la condamnation (Crim. cass., 20 juin 1828, aff. Fauvelle, v° Voirie).

20. Qu'on le remarque, non-seulement la loi ne veut pas qu'une condamnation intervienne contre un individu qui n'a pas été cité, mais encore elle exige qu'il lui soit donné connaissance à l'avance du fait incriminé, afin qu'il puisse préparer sa défense. En matière correctionnelle, par exemple, la condamnation d'un prévenu sur un fait dont il n'est fait mention ni dans l'ordonnance de la chambre du conseil, ni dans la citation à lui donnée, est radicalement nulle (Crim. rej., 3 juin 1836) (1). — La même solution résulte d'un arrêt rendu à propos de contraventions en matière de garde nationale (Crim. cass., 30 juin 1836, aff. Fortier, v Garde nationale).-V. aussi no 188.

21. Par une raison d'analogie, l'individu cité en qualité de témoin, n'est passible d'aucune condamnation comme prévenu. D'ailleurs, un tribunal, criminel ou civil, ne se saisit pas luimême. C'est la plainte de la partie publique ou de la partie civile qui le saisit (Crim. cass., 22 mars 1844, aff. Vasseur. V. Inst. crim.).- Par conséquent encore, si, dans le cours du débat, une inculpation s'élève contre le conseil de l'accusé, le président de la cour ne peut ouvrir un débat particulier et entendre des témoins sur cette inculpation, à peine de nullité de ce débat particulier (Crim. cass., 24 janv. 1806) (2).

22. Il a été jugé que « le principe que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou dûment appelé s'applique à la juridiction militaire comme à toute autre juridiction; » qu'en conséquence, un conseil de guerre qui condamne un militaire par défaut et sans que celui-ci ait été préalablement cité, commet une violation du droit de défense et un excès de pouvoir (Crim. cass., 29 juin 1857; Réquisit., aff. Lefèvre, M. Dehaussy, rap.; Crim. cass., 7 déc. 1837, aff. De Lerry, M. Dehaussy, rap.).—Dans la première de ces espèces, Lefèvre, capitaine de cavalerie, prévenu d'escroquerie, avait été mis à la réforme depuis quelques mois, lorsque le conseil le condamna par défaut sans qu'il eût été cité, soit en personne, soit à son domicile qui, à ce qu'il paraît, n'avait pu être découvert. — Devant les conseils de guerre et les tribunaux maritimes, la règle est la même : les accusés doivent être cités ou entendus. Ils doivent même, lorsqu'il s'agit de délits emportant des peines afflictives et infamantes, être assistés d'un conseil ou défenseur. Il a été jugé, en conséquence: 1o qu'il y a violation de la défense, et par conséquent nullité de la condamnation, lorsqu'aucun défenseur n'a été nominativement désigné d'office pour assister un accusé qui, traduit devant un conseil de guerre maritime, a déclaré n'avoir pas pu se pourvoir d'un défenseur, alors même que le jugement constate que l'absence d'un défenpolice, ainsi que des dépositions faites par les témoins à la même époque; qu'en substituant ainsi une instruction écrite à l'instruction essentiellement orale qui doit avoir lieu, en matière de simple police comme en matière correctionnelle et criminelle, le tribunal de police de Robenhausen a manifestement violé les § 3 et 4 du susdit article du code de brum., dont toutes les dispositions sont prescrites à peine de nullité; - Casse. Du 8 janv. 1807.-C. C., sect. crim.-MM. Barris, pr.-Aumont, rap. (1) (Min. pub. C. Dehon.) LA COUR; - Attendu, en premier lieu, que, par l'ordonnance de la chambre du conseil, du 29 mars 1856, du tribunal de Saint-Omer, le nommé Dehon avait été mis en prévention, notamment du délit de mendicité et de vagabondage, mais sans aucune des circonstances prévues par l'art. 277 c. pén. ; - Attendu que, par la citation à lui donnée, en conséquence de cette ordonnance, ledit Dehon n'était pas mis en demeure de se défendre de ce chef de prévention; qu'ainsi le tribunal de police correctionnelie n'a pu s'en saisir, sans porter atteinte au droit de la défense; Attendu que, sur l'appel interjeté par Dehon, l'arrêt attaqué a déchargé le demandeur de ce chef de condamnation, et que le ministère public s'est seul pourvu contre cet arrêt, et seument au chef relatif à l'application refusée de l'art. 277 c. pén.; · Atfendu qu'à ce titre, le pourvoi du ministère public n'est que la conséquence d'une action irrégulièrement intentée, et qu'il ne pourrait être accueilli sans violation de l'art. 182 c. inst. crim.; Que le dispositif de l'arrêt attaqué à ce sujet, quels que soient, d'ailleurs, ses motifs, se trouve justifié par les dispositions de cet article ;- Rejette.

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Du 3 juin 1836.-C. C., ch. crim.-MM. de Bastard, p.-Isambert, rap. (2) Espèce (Baboie C. min. pub.) - Denis Duval a été traduit devant la cour de justice criminelle de Paris, sur une accusation de tentative d'homicide envers Rochet et Cuérin, auxquels il avait vendu s

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seur a eu lieu malgré toutes les démarches faites par le rapporteur pour qu'il en eût un (Crim. cass., 3 janv. 1846, aff. Gravié, D. P. 46. 1. 37); — 2o Que le défaut de nomination d'un défenseur à l'accusé devant un conseil de guerre entache toujours le jugement d'un vice radical, encore bien que le procès-verbal d'interrogatoire constate que l'accusé a comparu devant le conseil, sans être assisté d'un défenseur, par l'impossibilité où l'on s'est trouvé de s'en procurer un (Grim. cass., 2 mai 1846, aff. Pitoux, D. P. 46. 1. 221); — 3o Que la nomination d'un défenseur devant le conseil de révision est également de nécessité absolue (même arrêt); — 4° Toutefois, il a été décidé depuis, contrairement aux conclusions de M. Dupin (t. 8 de ses plaidoyers, p. 280 et 282) à l'égard de la poursuite d'un vol devant un conseil de justice maritime, qu'il n'y a pas violation du droit de défense lorsque le prévenu a été condamné sans être assisté d'an défenseur, s'il n'a élevé aucune réclamation à ce sujet devant le conseil (Crim.rej., 22 janv. 1848, aff. Merieult, D. P. 49. 1.81). La cour se fonde sur ce que le décret du 22 juill. 1806 n'a point imposé au rapporteur près les conseils de justice l'obligation de faire choix d'un conseil pour le prévenu qui n'aurait pas lui-même pourvu à ce soin.

M. Dupin professe, et avec raison, que la même règle serait applicable devant les commissions militaires, s'il en existait encore (V. art. 4 de la const. de 1848); il s'élève, à ce sujet, t. 9, p. 191 de ses plaidoyers, contre la procédure qui fut suivie dans le procès du duc d'Enghien, c'est-à-dire sous l'empire de la loi, encore en vigueur, du 13 brum. an 5, qui s'appliquait aux commissions militaires existantes alors, et dont l'art. 19 est ainsi conçu: << Après avoir clos l'interrogatoire, le rapporteur dira au prévenu de faire choix d'un ami pour défenseur. Le prévenu aura la faculté de choisir ce défenseur dans toutes les classes de citoyens présents sur les lieux; s'il déclare qu'il ne peut faire ce choix, le rapporteur le fera pour lui. »—« Ah! sans doute, dit M. Dupin, le prince n'avait point d'amis parmi ceux qui l'entouraient; la cruelle déclaration lui en fut faite par un des fauteurs de cette horrible scène!.... Hélas! que n'élions-nous présents! Que ne fut-il permis au prince de faire un appel au barreau de Paris! Là, il eût trouvé des amis de son malheur, des défenseurs de son infortune; des soutiens de son bon droit; des avocats qui, comme leurs devanciers et leurs successeurs, se fussent montrés jaloux de l'honneur de déplaire au despotisme, et qui n'eussent pas craint de braver ses coups!...- - Le duc était seul!... mais ne parlons que de la loi : elle a été méconnue en ce point essentiel; l'avertissement qui, au moins pour la forme, eût dû être donné, ne l'a pas été; à défaut d'un défenseur choisi par le prince, on ne lui en a pas désigné un d'office: il n'a pas été défendu! Or un ac. cusé sans défenseur n'est plus qu'une victime abandonnée à l'er

biens à fonds perdu. Hétait défendu par le sieur Baboie. Pendant le cours des débats, les parties plaignantes ont déclaré que ce défenseur leur avait offert de trahir Duval, en leur disant: Vendez-moi son bien aux conditions que vous l'avez acheté : il va être mis en jugement, j'abandonne sa défense, et vous n'entendrez plus parler de lui. - Des témoins ont été entendus sur cette grave inculpation. - Le procès-verbal de la séance de la cour de justice criminelle rappelle les déclarations de ces témoins, et se termine ainsi : « Le condamné sorti de l'audience, le président prend la parole, et s'adressant au défenseur Baboie, lui dit, d'une voix ferme, que les débats de l'affaire n'ont pas donné, de sa délicatesse, l'opinion que ses honorables fonctions semblaient commander; que la justice, les jurés et le public étaient convaincus qu'il avait spéculé sur la position fâcheuse de ce condamné; que le zèle qu'il a paru mettre dans sa défense était l'effet d'une cupidité honteuse; que la proposition faite à Rochet était affligeante pour la morale et la justice; que sa conduite est trop répréhensible, blesse trop la délicatesse, dégrade trop évidemment le plus beau ministère, pour qu'à l'avenir il pût porter l'audace jusqu'à se présenter dans le sanctuaire de la justice.»- Pourvoi. Arrêt (ap. délib. en ch. du cons.).

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LA COUR ; Vu l'art. 456, § 6, c. des dél. et des pein.;- Considérant que, d'après les fonctions attribuées au président de la cour de justice criminelle, il ne peut pas, lors du débat, en introduire d'autre étranger à l'accusé; Et que, dans la séance du débat contre Denis Duval, prévenu, il y a eu un autre débat ne le concernant pas, ouvert contre lo sieur Baboie, l'un de ses défenseurs; d'où il suit une usurpation de pouvoir;-Casse le procès-verbaldes débats et tout ce qui y est relatif. 'Du 24 (et non du 25) janv. 1806.-C. C., sect. crim.-MM. Viellart, pr.Lombard, rap.-Lecoutour, av. gén., c. conf.-Gaschon, av

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