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rieures étaient assez exactes, mais les longitudes trop orientales de 8 à 10 minutes. Les latitudes du Spîti et du Ladak, provinces du Tibet occidental, étaient trop fortes de quelques minutes; dans le Balti, elles péchaient par l'excès contraire. L'excès oriental des longitudes, dans ces provinces nord-ouest du Tibet, allait jusqu'à 25'.

Au nord du Tibet, dans le Kouèn-loùn et le Turkestan, nos données astronomiques et orographiques reposaient à peu près exclusivement sur la grande carte de l'Asie centrale de Klaproth, qui elle-même est principalement basée sur les matériaux chinois assujettis aux observations faites dans ces parties par les missionnaires jésuites, au commencement du dix-huitième siècle. De graves erreurs ont été rectifiées tant dans les positions que dans la configuration du pays. Jusqu'à présent la chaîne du Kouèn-loùn était représentée comme formant la ligne de partage des eaux entre le Tibet et le Turkestân; ce rôle appartient en réalité à la chaîne plus méridionale de Karakoroùm 1. C'est ici que les erreurs de longitude allaient jusqu'à 2 degrés; les latitudes y étaient trop fortes d'environ 9'.

Dans son ensemble, le Tibet n'est pas un plateau, mais une grande vallée longitudinale bien définie, vallée très-élevée, à la vérité, surtout dans ses parties centrales 2.

C'est seulement dans la contrée comprise entre la chaîne de Karakoroùm et les monts Kouèn-loûn, particulièrement vers l'extrémité occidentale, que se trouve un véritable plateau, dont la hauteur atteint le chiffre énorme de 16 à 17,000 pieds.

Les observations magnétiques, relevées également avec d'excellents instruments, remplissent la seconde moitié du volume. Elles comprennent la déclinaison, l'intensité horizontale, l'inclinaison, l'intensité verticale et l'intensité absolue; leurs résultats sont réduits graphiquement dans les courbes des trois cartes qui appartiennent à cette partie de l'ouvrage. Celle de ees trois cartes qui représente la courbe d'intensité totale peut offrir surtout un intérêt plus général, parce que les lignes isodynamiques qui y sont tracées (et qui tombent principalement sur les parties septentrionales de la péninsule hindoue) forment une courbe très-remarquable dont la convexité, qui regarde le sud, semble accuser une certaine modification dans la forme du continent. La courbure est trop frappante pour qu'on puisse la regarder comme purement accidentelle. Si cette remarque (qui a pour elle une grande vraisemblance), que l'analogie entre le tracé des courbes isodynamiques et la forme générale du pays n'est pas un pur accident, ce sera la première fois qu'on aura signalé un rapport entre les lignes magnétiques et la configuration géographique d'une grande contrée, et il y aurait là un avertissement pour les futurs explorateurs.

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Depuis l'exploration de MM. Schlagintweit, les Anglais ont mesuré trigonométriquement dans la chaine de Karakoroúm un pic dont la hauteur au-dessus de l'Océan (28,278 pieds anglais 8,619 mètres) égale presque celle du plus haut point connu de l'Himalaya. (Voir la livraison du 28 février de la Revue, p. 630.)

MM. Schlagintweit entendent sûrement ici par plateau une suite de grandes plaines plus ou moins accidentées, et dans ce sens, en effet, le Tibet peut ne pas être un plateau; mais le Tibet et toute la région à laquelle il appartient est bien un plateau, et le plus colossal que présente le relief du globe, si l'on prend ce terme dans sa grande et véritable acception, celle d'un vaste soulèvement dont les faces s'abaissent, par des pentes plus ou moins abruptes, vers les contrées environnantes.

VIVIEN DE SAINT-MARTIN.

PÉRIODIQUES ALLEMANDS.

Mittheilungen de PETERMANN. 1861, No 5.

Expédition de M. de Heuglin à l'intérieur de l'Afrique. Lettre de M. de Heuglin datée d'Alexandrie, 17 mars, sans détails particuliers. A cette lettre en était jointe une autre de M. Steudner, où il rend compte de son excursion à Rosette, du 10 au 12 mars, de compagnie avec MM. Hansal et Schubert. A la lettre de M. de Heuglin sont également jointes deux autres lettres qu'il venait de recevoir des contrées qui bordent l'Abyssinie du côté du sud-ouest : l'une du P. Léon des Avanchers, religieux franciscain qui voyage ou réside depuis 1858 dans les pays gallas, et qui, en ce moment, évangélise dans le Kaffa; l'autre de Mgr Massaïa, vicaire apostolique des Gallas, actuellement en résidence dans le petit pays de Ghéra, qui confine à l'Enaréa. La lettre du P. des Avanchers ne contient pas de données géographiques nouvelles, à part l'opinion avancée par le zélé missionnaire que le Sobat, grande rivière qui vient de l'est et se réunit à la droite du fleuve Blanc vers le 9° degré de latitude N., serait la véritable tête du Nil. Malheureusement cette assertion, par des raisons physiques et historiques dans lesquelles nous ne pouvons entrer ici, est absolument inadmissible. La lettre de Mgr Massaïa est beaucoup plus riche en faits. Elle fournit des indications d'un réel intérêt sur les parties supérieures du bassin du Sobat, aussi bien que sur les pays et les tribus de la même région. Mgr Massaïa exprime le vœu que des rapports suivis s'ouvrent par le Fazokl entre la Nubie égyptienne et les pays qui confinent à l'Abyssinie vers le sud-ouest; ces rapports, doublement avantageux au point de vue du commerce et de la propagation religieuse, seraient, dit-il, faciles, et il travaille de tout son pouvoir à les préparer. Enfin, M. de Heuglin transmet par le même courrier d'importantes nouvelles politiques de l'Abyssinie, qui lui ont été transmises par l'internonce autrichien de Constantinople, où elles étaient arrivées directement 1. — Journal du voyage de Mac-Douall Stuart dans l'intérieur de l'Australie, du 2 mars au 1er septembre 1860 (avec une carte). Document d'une très grande importance pour l'histoire géographique du continent australien. — Huitième recensement des États-Unis de l'Amérique du Nord, 1860, et des nouveaux territoires de Colorado, Nevada et Dakota. - Les récents travaux géodésiques de l'état-major russe. Parmi ces travaux, on remarque les opérations de nivellement entre la mer d'Azof et la mer Caspienne, sous la direction de M. Wilh. de Struve. Le résultat moyen a donné 84,4 pieds anglais (25m72) pour le point culminant de la ligne de partage. Ethnographie du Finmark. Annonce de la publication prochaine d'un travail de M. Friis sur la population de la province norvégienne de Finmark. Dépression progressive du lac d'Aral (d'après le mémoire de M. Borszczoff sur la nature du bassin aralocaspien). Nous devons dire que les observations sur lesquelles cette théorie repose ne nous paraissent pas de nature à justifier pleinement les conséquences qu'on en veut tirer, au moins dans la mesure qu'on leur donne. — Golouboff. Déterminations astronomiques sur la limite russo-chinoise de l'lli et de l'Issikkoul. Documents communiqués par le général Blaramberg, directeur du dépôt

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On peut voir les mêmes nouvelles reproduites dans le journal le Temps du 29 juin.

TOME AU.

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de la guerre. Les observations ont été faites en 1859, et la relation historique de la campagne du capitaine Golouboff, publiée en russe dans le Bulletin de la Société de Géographie de Saint-Pétersbourg, a été traduite dans les Archiv d'Erman, t. XX, 1er cahier. (Voyez la Revue du 31 mars, p. 313.) Les points déterminés sont au nombre de dix-sept. L'importance de ces déterminations est de donner aux cartes de cette partie centrale de l'Asie une fixité qu'elles n'avaient pas jusqu'à présent. La moyenne des erreurs en longitude sur les cartes antérieures est d'environ deux degrés, la même erreur précisément que les observations des frères Schlagintweit ont constatée pour le Turkestan chinois. (Voyez ci-dessus, p. 624.) — Expédition de la Chine dans l'Inde par le Tibet. Cette expédition, qui se compose de deux officiers anglais, MM. Sarel et Blakiston, et d'un certain nombre de personnes que ces messieurs se sont adjointes, remonte le Yang-tsé-kiang en partant de Chang-haï, et se propose de gagner le Pendjab par Lhassa 1. Population de Singapore en 1860 (d'après l'Indian Mail d'Allen). Le chiffre constaté est de 81,792, dont 2,445 Européens, 10,888 Malais, 12,971 Indiens, 50,043 Chinois. Le reste se compose de Birmans, de Siamois, etc. — Tripoli et les villes de la Petite-Syrte, par le comte Alex. Krafft-Krafftshagen. M. Krafft regarde comme inexactes les attributions généralement reçues de Tripoli Vecchia pour l'ancienne Sabrata, de Tripoli pour Oēa, et de Lebda pour Leptis Magna; en s'appuyant de l'autorité de Scylax pour les distances, et d'homonymies encore existantes pour les correspondances, il propose trois identifications nouvelles. Nouvelle carte du voyage de M. H. Duveyrier. Cette carte, fruit des dernières courses et des observations du voyageur, embrasse la partie du Sahara algérien comprise entre Ghadamès, Ouergla, El-Ouad, le Djérid et le golfe de Gabès; elle sera publiée dans le prochain cahier des Mittheilungen. - Déterminations géographiques dans le Sénégal. Ces positions, au nombre de vingt, sont tirées de l'Annuaire du Sénégal pour 1860. Expédition suédoise au Spitzberg et à la mer Polaire. Sondages du Grand Océan. Les sondages du lieutenant Brooke dans le Grand Océan, en 1858 et 1859, ont atteint jusqu'à la profondeur de 3,300 fathoms ou brasses (6,000 mètres environ). — Progrès de la production de la canne à sucre. Réception de M. de Heuglin par le vice-roi d'Égypte. Après avoir été reçu par le vice-roi de la manière la plus cordiale à Alexandrie, M. de Heuglin, avec les autres membres de l'expédition, est parti pour Alexandrie, où il est arrivé le 25 mars. Littérature géographique.

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Indische Studien. Beiträge für die Kunde des indischen Alterthums. Im Vereine mit mehreren Gelehrten herausgegeben von Dr ALBRECHT WEBER; t. V, 1er cahier. — Berlin, 1861, p. 1-176.

Ce cahier est rempli tout entier par un mémoire du docteur Weber « sur la question de l'époque où a vécu Pânini ».

On peut voir des détails à ce sujet dans le journal le Temps du 17 de ce mois.

V. S. M.

COURRIER POLITIQUE,

LITTERAIRE ET SCIENTIFIQUE.

Bâle, ce 18 juin.

Il y a eu ces jours-ci à Bâle une grande fête musicale dont il n'est pas hors de propos, ce me semble, d'entretenir vos lecteurs mélomanes. Dans cette même cathédrale où se tint, de 1431 à 4445, le célèbre concile œcuménique qui déposa le pape Eugène IV, rebelle à son autorité, une assemblée nombreuse était réunie le 31 mai dernier, non plus pour déposer un pape, mais pour exécuter et entendre un oratorio de J. S. Bach, la Passion selon saint Jean. Les Bâlois passent pour gens de chiffre et de prose, et cette réputation n'est pas usurpée, que je sache. C'est le paradis des banquiers; fortunes et maisons en pierres de taille; les mœurs à l'avenant! Il n'y a, dit-on, que des Lucrèce à Bâle. Chaque samedi la maison est récurée du haut en bas avec le plus grand soin : propreté hollandaise partout. On soupire après une toile d'araignée. Le marteau des portes reluit comme la vertu des Baloises; tout est sans tache et bâti sur le million. Que dis-je, sur le million? Ce singulier est à Bâle fort mal porté; il n'y a que les pauvres diables qui l'emploient.

Mais il sera beaucoup pardonné aux Balois, parce qu'ils ont beaucoup aimé - la musique. Sous ce rapport, ils ont également le goût du solide, et les œuvres fortement maçonnées leur plaisent. A quoi faut-il attribuer cette prérogative? Je crois que le voisinage du Rhin y est pour quelque chose. Le fleuve roi agit sans doute sur les habitants, à leur propre insu; l'aspect grandiose de son cours rappelle les imaginations à la grande nature. S'il n'y avait pas de Rhin à Bâle, il ne resterait bientôt dans la ville qu'une société de castors millionnaires. Il faudrait procéder à une démolition.

Rome n'a pas été bâtie en un jour. La Passion-oratorio n'a pas surgi non plus tout d'un coup. Encore inconnue à la fin du seizième siècle, elle était arrivée peu à peu, au commencement du dix-huitième, à former un drame musical, un drame religieux et chrétien. Dans sa première origine, ce genre de composition sacrée remonte beaucoup plus haut. Aujourd'hui encore, dans l'Église catholique, où l'on conserve volontiers les anciennes traditions, on chante, comme il y a bien des siècles, l'histoire du procès et de la mort du divin Maître. Mais lorsque, la réformation établie, on voulut mettre le culte à la portée de tous les fidèles, lorsqu'on voulut faire réciter la Passion dans la langue du peuple, en allemand, organistes, maîtres de chapelle et compositeurs cherchèrent à lui donner une forme plus complète, et introduisirent dans le drame musical le peuple tout entier pour le faire participer à l'action. Le premier

essai de ce genre se trouve dans le Gesangbuch de Keuchenthal (Wittenberg, 1573). Un chœur à plusieurs voix pour commencer, un autre pour finir, les paroles du peuple juif (turbæ) chantées à plusieurs parties, telle est l'économie de la Passion-oratorio au temps où elle commence à se développer sous des formes complexes. Les mélodies religieuses (le choral) n'y sont pas encore admises. Dans le Gesangbuch de Selneccer (1587), nous trouvons à peu près la même forme; on remarque seulement que le choral (geistliche Lieder), chanté par le peuple entier, en constitue l'introduction. L'évangile mis en musique est celui selon saint Jean. On peut considérer comme un progrès la Passion de Bartholomée Gese, également selon saint Jean. Elle commence par un chœur à cinq voix, après lequel vient le récit de l'évangéliste en forme de choral. Les sentences du Christ sont chautées à quatre voix, les paroles de Pierre et de Pilate à trois voix, celles des servantes et des serviteurs du grand prêtre à deux voix. Le peuple chante à cinq voix. Un choeur, à cinq voix aussi, termine l'ouvrage.

Henri Schütz (1585-1672) donne aux choeurs de l'introduction et de la fin des formes plus modernes, et seize années plus tard (1682), on retrouve dans le Gesangbuch de Vopelius les formes jusque-là usitées. Mais en 1672, le maître de chapelle Johann Sebastian, à Königsberg, introduisit l'usage des mélodies chorales harmonisées, le récitatif libre de l'évangéliste et les premiers accompagnements de violons, de violes et de basses. Le chœur est à quatre voix; mais il ne chante encore que la mélodie supérieure, les trois autres parties sont remplies par les instruments. A la fin seulement, dans le chœur d'actions de grâces pour les souffrances amères de Jésus, la cinquième et dernière strophe est chantée en choeur. Une apparition fort étrange et remarquable est la forme de la Passionoratorio en usage chez les compositeurs du théâtre de Hambourg, au commencement du dix-huitième siècle. Händel, Keiser et Mattheson avaient, en effet, donné à l'oratorio le récit libre, les airs, les duos, des formes galantes enfin que des chanteurs d'école seuls pouvaient exécuter. La parole de l'Écriture avait d'abord été le principal dans leurs libretti, mais en 1704 Hunold Menantes et Reinhold Keiser (1675-1759) donnèrent une Passion toute nouvelle. L'évangéliste y manque, les sentences de l'Écriture et les mélodies de l'Église n'y sont point introduites; on y trouve en revanche trois cantates, soliloquia, semblables à des scènes dramatiques. Cette nouveauté ne fut point goûtée; on la critiqua sévèrement, et à l'occasion de l'essai manqué, le conseiller licencié Brockes, de Hambourg, fit un poëme lyrique qui devait satisfaire les différentes parties. Il ne bannit point l'élément dramatique ni les soliloquia, sortes de monologues en musique, probablement les airs, les réflexions des différents personnages qu participent à l'action. Brockes conserva aussi l'évangéliste, dont le récit servait à relier les différents tableaux du drame. Il ménagea les contrastes par deux personnages allégoriques, la Fille de Sion et l'Ame croyante, chargés de considérations et réflexions pieuses dans les principales situations; il fit entendre aussi, en temps opportun, les strophes de plain-chant, de chorals et d'airs d'église chantées par le chœur entier. Cette Passion fut considérée à Hambourg comme un chef-d'œuvre, et Händel, Mattheson et Teleman la mirent tour à tour en musique. Le premier essai de Händel dans ce genre (1710 ou 1715) vient de paraître dans la nouvelle publication de ses œuvres (Leipzig, Breitkopf et Härtel). Il est plein d'intérêt.

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