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six à sept cents ans et réduit par conséquent en poussière, pût renaître à la vie tel qu'il existait autrefois. Du reste le christianisme a remplacé la doctrine de la migration des âmes et de l'expiation des fautes commises dans une vie antérieure, par celle de la résurrection et du péché originel qui renferme l'expiation des fautes commises par un autre individu. Toutes deux identifient dans un but moral l'homme actuel à un homme antérieur mais celle de la migration des âmes constitue une identification immédiate, et celle du péché originel, une identification médiate.

La mort est la plus grande leçon que la nature donne à la volonté vitale et à l'égoïsme individuel qui lui est propre; c'est pour ainsi parler un châtiment infligé à notre existence. Elle dénoue douloureusement le nœud mystérieux formé dans l'acte de la génération par le plaisir, et dissipe violemment l'illusion qui constitue l'erreur fondamentale de notre existence. Dans le fond nous sommes ce qui ne devrait pas être : c'est pourquoi nous cessons d'exister. L'égoïsme consiste proprement en ce que l'homme, croyant n'exister qu'en lui et non dans les autres, borne toute la réalité à sa personne. La mort, en lui enlevant sa personnalité, élargit son horizon, et lui enseigne que sa volonté, constituant l'essence de son existence, passe en d'autres individus, tandis que son intelligence, constituant un simple phénomène, une simple représentation des choses, se perd dans le monde objectif. A partir de ce moment, son moi rentre dans ce qu'il a considéré jusqu'alors comme le non-moi, car à la mort cesse toute différence entre le monde externe et le monde interne. Rappelons-nous encore, ainsi que je l'ai exposé dans mon Traité sur le fondement de la morale, que l'homme le plus vertueux est celui qui, bien loin de considérer les autres comme le non-moi absolu, fait le moins de différence entre eux et lui, tandis que l'être vicieux trace entre ses semblables et lui une ligne de démarcation profonde et absolue. Le degré d'anéantissement provoqué par la mort est en raison directe du degré de cette différence. Si donc nous partons du principe que la distinction entre le monde externe et nous n'a rien d'absolu puisqu'elle ne concerne que le phénomène et nullement la chose en soi, nous ne verrons dans la disparition de notre individualité que la perte imaginaire d'un phénomène passager. Quoique cette distinction ait une grande réalité aux yeux de la conscience empirique, les deux propositions suivantes, appuyées sur des principes métaphysiques, sont également vraies Je disparais, mais le monde reste. Le monde disparaît, mais moi je reste.

Mais la mort est avant tout l'occasion qui nous est offerte de ne plus

être moi : heureux celui qui en profite! Pendant toute notre vie nous ne sommes pas libres; nos actions dépendent de notre caractère qui est invariable et sont forcément rivées à la chaîne des motifs. Nous portons tous en nous le souvenir pénible de beaucoup d'actions dont nous sommes mécontents. Si notre vie se prolongeait, nous agirions encore de même, car notre caractère est invariable. Il est donc heureux pour nous que nous cessions d'exister, afin de pouvoir devenir de nouveaux êtres. C'est la mort qui nous délivre de cette chaîne et nous rend libres, car la liberté se trouve dans l'existence et non dans l'action, dans l'esse et non dans l'operari. Finditur nodus cordis, dissolvuntur omnes dubitationes, ejusque opera evanescunt. Tel est un précepte des Védas trèssouvent répété par les auteurs de ces livres sacrés. La mort est le moment où nous brisons les étroites limites de notre individualité qui, bien loin de constituer notre essence propre, n'en est qu'une altération. Notre véritable et primitive liberté apparaît alors de nouveau en cet instant, et l'on peut considérer cet acte comme une espèce de restitution restitutio in integrum. La paix et la sérénité répandues sur le visage de la plupart des morts semblent tirer leur origine de là. La mort de tout homme de bien est ordinairement tranquille et douce; mais celui qui renonce franchement à la volonté vitale a le privilége de mourir avec bonheur et avec joie. Rassasié de vivre, il appelle à lui une mort réelle et non apparente; il veut échanger l'existence que nous connaissons avec celle qui nous paraît être le néant. Les bouddhistes désignent cet état sous le nom de nirvana, qui signifie proprement extinction.

A. M.

RECHERCHES

SUR

UN NOUVEL AGENT IMPONDÉRABLE.

L'OD'.

DEUXIÈME ARTICLE.

L'od, que nous avons vu se dégager de la matière inorganique, va maintenant se révéler à nous dans la nature animée et y produire des phénomènes autrement remarquables que ceux que nous avons rapportés jusqu'ici.

Une réflexion aura sans doute déjà fait présager que l'homme devait être lui-même un véhicule du fluide odique. En effet, lorsque l'on réfléchit que l'organisme humain est resté jusqu'à ce jour l'unique appareil qui nous révèle l'action de l'od, il devient manifeste que cet agent doit pénétrer l'homme de toutes parts, et y être tout aussi accessible qu'ailleurs aux investigations du sensitif.

Dès que celui-ci se trouve dans une chambre obscure occupé à faire ses premières observations odiques, un phénomène inattendu vient tout d'abord lui arracher une exclamation de surprise. Longtemps avant qu'il ait vu la lumière polaire se dégager du cristal ou de l'aimant, il voit briller, à l'endroit où vous vous trouvez, un nuage transparent et phosphorescent. C'est à peine s'il peut d'abord distinguer une forme humaine dans l'intérieur du voile lumineux qui vous enveloppe entièrement; mais à mesure que sa pupille se dilate, il voit se dessiner

Voir la livraison du 31 mai 1861.

de mieux en mieux les contours de votre corps, auquel les émanations lumineuses donnent des proportions outrées. Les lueurs odiques qui s'élèvent, blanches et mobiles, au-dessus de votre tête, vous donnent l'aspect d'un géant lumineux qui porterait un casque orné de longues aigrettes. Tous les sensitifs s'accordent à exprimer l'émotion involontaire qu'ils éprouvent lorsque, pour la première fois, ils voient surgir l'étrange apparition. Ils la décrivent tantôt comme un fantôme blanc, difforme, monstrueux; tantôt comme un spectre gigantesque dont la cime est sillonnée de fréquentes et subites lueurs.

Si la personne sensitive dirige ses regards sur elle-même, elle reconnaît que son propre corps est tout imprégné d'une matière lumineuse qui le rend visible même à travers les vêtements, et semble le pénétrer intérieurement, de sorte que le corps tout entier acquiert cette translucidité que présente notre main quand nous la plaçons entre nos yeux et la flamme d'une bougie.

Lorsque le sensitif se remet de l'émotion que lui cause cette première observation, et qu'il commence à examiner avec calme les phénomènes qui se présentent successivement à sa vue, il reconnaît tout aussitôt que la lumière odique n'est point répandue d'une manière égale sur toute la surface du corps. Certains endroits sont d'un éclat plus vif que les autres. Les mains fixeront tout d'abord son attention. Indépendamment de la lumière dont elles sont imprégnées comme toutes les autres parties du corps, on y observe des feux, ou, pour être plus précis, des flammes qui s'échappent avec une certaine véhémence de l'extrémité de tous les doigts. Bientôt après, le sensitif déclare que la lueur odique présente non-seulement un éclat variable, mais aussi des nuances particulières selon les différentes parties du corps où elle brille. La lumière de la main droite, ainsi que les flammes qui se dégagent des doigts de cette main, sont bleues; celles de la main gauche, d'un rouge éclatant. Enfin, après quelques instants, le sensitif s'aperçoit que le corps humain se trouve divisé par l'od en deux moitiés bien distinctes. Tout le côté droit, depuis la tête jusqu'aux pieds, reluit de la lumière odique bleue; tout le côté opposé est recouvert d'une lueur rouge.

Nous nous retrouvons ainsi en présence des deux flammes bleue et rouge que nous avons vues se dégager des cristaux et des aimants. Seront-elles également accompagnées de ces sensations contraires de froid et de chaud, comme les deux flammes du cristal? On peut s'en assurer en approchant les doigts de la main droite du creux de la main gauche du sensitif. Dès que les longues flamines bleues qui sortent de vos doigts atteignent la main sensitive, celle-ci les perçoit comme un

souffle continu, frais, léger et agréable. Par contre, lorsque le sensitif maintient sa gauche dans les flammes rouges qui rayonnent de votre propre main gauche, il en reçoit une sensation de chaleur odique plus prononcée que celle occasionnée par la lumière rouge des cristaux.

Nous venons de voir l'od se dégager de l'organisme humain, et nous envelopper de sa substance lumineuse comme d'une large auréole. Comment se manifestera-t-il dans les autres corps animés?

Si l'on a introduit dans la chambre obscure des plantes de genres et d'espèces différents, le sensitif les voit toutes briller d'une lueur diaphane qu'il reconnaît aussitôt pour de la lumière odique. Qu'on nous permette de rappeler à ce sujet le fait suivant que nous avons déjà eu l'occasion de mentionner ici même.

Endlicher, le célèbre botaniste auquel l'anatomie végétale est redevable de nombreuses et importantes découvertes, avait accueilli avec une certaine défiance la communication qui lui était faite de l'existence de l'od dans le règne végétal, dans cette région de la nature qu'il avait si souvent explorée, qu'il connaissait si bien, et où, cependant, il n'avait point rencontré l'od. Néanmoins, quelques indices ayant révélé que l'illustre botaniste était sensitif, M. de Reichenbach parvint à le retenir, malgré sa nature active et remuante, plusieurs heures dans la chambre obscure où se trouvaient réunies diverses espèces de plantes. Tout à coup Endlicher s'écrie qu'il voit les végétaux comme à travers un voile phosphorescent; puis, à mesure qu'il prolonge son séjour dans la chambre obscure, il discerne les tiges, les branches et les feuilles. Son étonnement augmente lorsqu'il reconnaît que les différentes parties de la plante sont d'un éclat différent; lorsque, surtout, il voit que toutes les fleurs sont entourées d'une auréole lumineuse plus diaphane et infiniment plus brillante que celle qui enveloppe le reste de la plante. Il en distingue la couleur, il reconnaît l'espèce à laquelle appartient le végétal, et s'écrie: « C'est une fleur bleue; c'est une gloxine! »

Le professeur Fenzl, qui occupe aujourd'hui cette même chaire de botanique illustrée naguère par Endlicher, peut témoigner de l'exactitude du fait que nous rapportons, puisqu'il était également présent à l'expérience. A partir de ce jour, Endlicher resta convaincu nonseulement de l'existence de l'od qu'il venait de voir de ses propres yeux, mais aussi de l'influence que cet agent exerce sur l'existence des végétaux, opinion que semble avoir partagée Unger, dont le nom est bien digne d'être cité à côté de celui d'Endlicher.

Au reste, tous les sensitifs sont unanimes à dire que l'od se dégage

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