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pas dans des rêves plus ou moins charmants, mais sur la réalité sévère et impérieuse.

Ce n'est pas à dire qu'il faille s'en tenir à des compositions vulgaires et bornées, où l'esprit s'intéresse médiocrement, et désespérer de l'art parce qu'il ne produit point aujourd'hui d'œuvres grandioses et poétiques. Nous sommes en un temps tourmenté, qui a autre chose à faire que des images. Laissons faire le temps, il va vite, puisqu'il a des ailes (vieux style), et attendons qu'il s'envole jusqu'aux sommets lumineux qu'on aperçoit déjà dans le lointain.

W. BÜRGER.

RECHERCHES

SUR

UN NOUVEL AGENT IMPONDÉRABLE.

L'OD'

PREMIER ARTICLE.

L'étude de ce groupe d'agents que Berzélius appelait si judicieusement des dynamides, agents impondérables et universels, dont nous ressentons constamment les effets, dont parfois nous dirigeons la puissance, mais dont, à vrai dire, nous ignorons la nature et l'origine, cette étude était restée un peu stationnaire. On était satisfait des résultats obtenus, et l'on considérait comme résolues les questions qui s'y rattachaient. Aussi, depuis les magistrales recherches d'Ampère, d'Oersted et de Faraday sur l'électricité et le magnétisme, avait-on laissé les grands travaux se ralentir dans ces régions de la science, lorsque, au calme que nous signalons, une vive émotion succéda tout à coup c'était l'od qui faisait son entrée dans le monde scientifique.

Les recherches dont il est ici question sont si curieuses par elles-mêmes, et ont fait d'ailleurs tant de sensation en Allemagne, que nous avons dû nous empresser d'accueillir ce nouveau travail de notre savant collaborateur, M. Arnold Boscowitz, dont nos lecteurs se rappellent certainement l'intéressante étude sur l'Ame des plantes. Nous devons faire observer toutefois que les études et les découvertes qui vont être exposées n'ont pas encore été sanctionnées par le suffrage universel de la science, et que le nouveau fluide impondérable n'est pas encore définitivement inscrit à l'actif de la physique. C'est au défenseur habile et convaincu d'une cause encore litigieuse que nous donnons la parole

En publiant le résultat de ses longues et laborieuses recherches, M. de Reichenbach venait révéler l'existence d'un agent impondérable, lequel, quoique répandu partout dans la nature, avait néanmoins échappé jusqu'ici aux investigations de la science.

Liebig, le célèbre chimiste, accueillait avec enthousiasme les travaux de Reichenbach.

« Je pense, disait-il à cette époque, que tous ceux qui voudront s'ini» tier à ces recherches en éprouveront le même contentement que » moi. Quoiqu'il y ait certains détails sur lesquels j'aurai de légères » objections à présenter, je reconnais néanmoins que c'est avec la plus > vive satisfaction que j'ai suivi les nouvelles et brillantes expériences. » Aussi me suis-je décidé à leur donner toute la publicité possible. » En effet, Liebig s'empressait de publier dans ses Annales de chimie les premiers fragments sur l'od, et donnait ainsi un immense retentissement aux recherches de Reichenbach.

S'il est juste de dire que ces fragments ont dû leur légitime succès à la nouveauté du sujet et à la richesse de la matière, il n'est pas moins vrai d'ajouter qu'ils empruntaient une nouvelle importance au nom même de celui qui les avait signés. M. de Reichenbach, en effet, avait déjà plusieurs fois appelé sur lui l'attention des savants par de belles études de chimie organique. On avait par conséquent déjà pu apprécier la netteté de la méthode dont l'habile expérimentateur se servait dans ses travaux, méthode qui l'avait conduit à la découverte de la paraffine, de la créosote, de l'eupion et de quelques autres substances. Découvrir les traces de la créosote, la dégager, l'isoler des matières hétérogènes avec lesquelles elle se combine intimement, c'était bien réellement faire preuve d'une grande finesse d'observation et d'une sagacité peu commune. On était dès lors en droit de penser que le naturaliste qui maintenant venait démontrer l'existence d'une force inconnue jusqu'ici devait avoir apporté à ses recherches nouvelles le même soin qu'à ses travaux antérieurs.

Berzélius, l'immortel fondateur de l'électro-chimie, fut un des premiers à reconnaître la base solide sur laquelle reposaient les expériences odiques, et à apprécier la haute signification des découvertes que venait de faire M. de Reichenbach. Dans ses cours publics comme dans ses entretiens privés, il ne cessait d'attirer sur l'od l'attention de ses amis et de ses disciples. « Ces recherches, disait-il un jour en parlant » de l'od, offrent, il faut en convenir, de grandes difficultés; aussi » devons-nous admirer le consciencieux naturaliste qui, voyant qu'il y » avait là de belles découvertes à faire, a marché résolûment vers son but

» et a osé braver les préjugés, la suffisance et la routine de ses contem» porains. On ne doit point abandonner la poursuite d'un objet scien»tifique uniquement parce qu'il est difficile à atteindre, ou parce que » le chemin qui y conduit n'est point celui que suivent la plupart de > nos savants actuels. »

Quoique les articles publiés dans les Annales de Liebig eussent appelé l'attention des savants sur l'od, quoique le grand ouvrage que M. de Reichenbach publia longtemps après fit mieux connaître encore les propriétés de cet agent, ce ne fut néanmoins qu'à partir du moment où la Gazette d'Augsbourg fit paraître les Lettres odiques que le public eut véritablement connaissance des phénomènes remarquables dont nous allons maintenant étudier la nature.

Nous dirigerons d'abord l'attention de nos lecteurs sur un fait observé depuis bien longtemps, mais ignoré d'un grand nombre de personnes. C'est que les corps aimantés exercent une influence trèssensible sur une foule d'individus, influence que beaucoup d'autres ne ressentent point. Si, par exemple, dans une réunion quelque peu nombreuse, on approche tour à tour de chaque personne un aimant d'une grande puissance, on peut être certain qu'une partie de ceux sur lesquels on aura fait l'expérience resteront entièrement indifférents à l'action de l'aimant, tandis que d'autres personnes en ressentiront des effets très-énergiques, quoique passagers. Si on engage celles-ci à préciser les sensations que leur a causées la proximité de l'aimant, les unes diront qu'elles en ont ressenti comme une légère chaleur; les autres, au contraire, affirmeront qu'à l'approche de l'aimant, elles ont senti comme un souffle froid et pénétrant. Ajoutons que ces sensations de froid et de chaud sont accompagnées de fourmillements particuliers, et quelquefois même de violentes douleurs à la tête.

Nous allons citer quelques faits qui peuvent mieux faire saisir l'action énergique exercée par l'aimant sur certaines organisations.

Une jeune fille sujette à la catalepsie était soignée dans un hôpital de Vienne par M. Lippich, un des médecins les plus recommandables de cette ville. Un jour que la malade était dans un état de calme, l'on introduisit dans la salle où elle était couchée un aimant d'une puissance de quarante kilogrammes, que l'on plaça à une distance de plusieurs mètres des pieds de la jeune fille. M. Lippich se tenait debout auprès du lit, en ayant soin de causer avec la malade, dont il voulait distraire l'attention des préparatifs qu'exigeait l'expérience, afin qu'il pût constater bien nettement les effets qui en résulteraient. Au mo

ment même où l'armure fut enlevée des pôles de l'aimant, la jeune fille cessa de parler; ses membres se roidirent, elle perdit connaissance et tomba dans une crise tellement alarmante, que le médecin dut cesser aussitôt l'expérience. Par contre, lorsqu'on se servait d'un aimant beaucoup moins puissant, on obtenait un résultat tout autre la malade en éprouvait chaque fois un grand soulagement. Les crises, quand elles étaient légères, cessaient immédiatement, et l'agitation fiévreuse disparaissait peu à peu sous l'action prolongée et bienfaisante de l'aimant.

Après avoir bien constaté l'influence qu'exercent sur l'organisme humain les substances fortement aimantées, le médecin que nous venons de nommer continuait à se servir de cette influence pour guérir ou soulager le prochain, lorsque M. de Reichenbach, qui avait commencé ses études sur l'od, désira assister le docteur dans le traitement 'de ses malades. On soignait une jeune femme qui souffrait de crampes violentes. Un troisième expérimentateur, muni d'un aimant très-puissant, se tenait dans la pièce voisine à l'insu de la malade, tandis que MM. Lippich et de Reichenbach étaient au chevet du lit. Chaque fois que, sur un signe convenu, on désarmait l'aimant et qu'on en dirigeait les pôles vers le lit, on voyait la femme s'agiter, et le sang lui refluer violemment vers la tête. Elle se plaignait de vagues et insupportables souffrances accompagnées tantôt de chaleur, tantôt d'un grand froid, et suppliait son médecin de la délivrer du mal subit dont elle ignorait la cause. Dès que l'on armait l'aimant, celui-ci cessait d'agir et la malade de souffrir. Cependant ici, comme dans le fait que nous avons cité plus haut, un aimant d'une faible puissance, loin de produire ces mêmes effets alarmants, calmait au contraire les crises et procurait à la jeune femme un soulagement réel.

Quoique ces expériences, répétées dans les hôpitaux de Vienne sur beaucoup d'individus de tout âge et des deux sexes, eussent donné des résultats identiques, elles auraient pu néanmoins paraître insuffisantes pour constater la singulière puissance qui se dégage avec le magné→ tisme des pôles de l'aimant, si d'autres expériences tentées en Angleterre, en Allemagne et en France même, n'étaient venues confirmer les résultats obtenus par le docteur viennois. Ce qui, dans ces expériences, a longtemps entretenu quelque doute sur l'existence de la force agissante, c'est que, si d'une part un grand nombre de personnes en percevaient tous les effets, d'autres, au contraire, restaient insensibles à son action, même lorsqu'on opérait sur elles avec des aimants d'une puissance extrême.

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