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L'annexion de Saint-Domingue à l'Espagne, qui a pu s'accomplir sans effusion de sang, est également à porter au bilan de la paix. Ajoutons à ces faits le chapitre des conjectures qui circulent, et dont la liberté et la paix feraient leur profit. On a parlé, de quoi n'a-t-on pas parlé? d'une réforme libérale qui serait prochainement introduite chez nous dans le régime de la presse, - voilà pour l'intérieur; de la réconciliation officielle de la France et du gouvernement italien, laquelle aurait pour corollaire une alliance offensive et défensive entre les cabinets de Paris et de Turin. Enfin, se trouvant en veine d'optimisme, on a même parlé de la cession possible de la Vénétie, moyennant indemnité à l'Autriche en territoire ou en argent.

Les deux premiers faits nous paraissent être dans le sens de la situation et des événements; ils s'offrent avec un caractère de vraisemblance; quant au troisième, celui de l'échange de la Vénétie par l'Autriche, nous avonons ne pouvoir écarter, malgré tout notre désir, le scepticisme dont nous sommes entaché sur ce point. Puissions-nous être converti à la foi! car il est des miracles aussi dans les régions politiques. On en a vu s'accomplir bon nombre depuis deux ans, et si la Providence sans oublier le gouvernement français — veut s'en mêler, nous l'irons dire à Rome quelque jour. Jusque-là, le roi de Naples restera en disponibilité, et, ne pouvant plus être tyran, il se fera conspirateur. Qui le soutient et l'encourage? le saint-siége, les cardinaux, représentants du pouvoir temporel de l'Église. Et qui soutient les cardinaux ?.....

M. Guizot a voulu nous montrer aussi un miracle, après plusieurs autres déjà accomplis par lui. Il nous a fait voir un protestant qui proteste contre le protestantisme, et qui prêche au nom de l'Église sous la forme où elle est le plus contraire tout ensemble à la liberté de conscience et à la liberté civile. Le roi Dagobert retournait sa culotte, M. Guizot met la liberté à l'envers, ce qui lui vaudra un peu moins de popularité qu'à l'innocent monarque dont parle la chanson. Chez M. Guizot, l'erreur n'est pas le fruit d'une distraction, elle est voulue, préméditée, accompagnée de circonstances aggravantes, car c'en est une auprès de maintes autres, et des plus tristes, de profiter de la réunion d'une assemblée religieuse et du titre de président qu'elle vous a conféré, pour tenter de détourner la responsabilité d'une Église au profit des excentricités d'une politique irritée et personnelle. M. Guizot, comme homme politique, n'avait plus qu'une tâche à remplir parmi nous, faire oublier en lui un homme d'État malencontreux. Il a préféré finir comme le général Lamoricière, et livrer, lui aussi, sa bataille de Castelfidardo. M. Guizot orateur a fait dans cette circonstance l'épitaphe définitive de M. Guizot homme politique, et cette fin tient au commencement plus qu'il n'y paraît; car on peut aisément finir par la politique du dépit, quand on a commencé par celle de la résistance et de la présomption.

Détournons les yeux de ce spectacle, l'un des plus misérables que l'époque, en ce genre trop féconde, nous ait encore offerts. Hatons-nous de sortir de ces mesquines visées d'une politique impossible qui s'est corrompue dans le fiel, et reportons notre attention vers les intérêts nationaux, toujours plus grands que les hommes, soit que les hommes les servent ou qu'ils les contrarient. Un de ces intérêts, le plus éminent de tous à notre avis, c'est la formation de conseils généraux capables de vivre et de stimuler la vie. Il ne s'agirait là de rien moins que de constituer la France administrative. Le gouvernement nous

doit de grands progrès sous ce rapport, mais le pays ne saurait mieux lui prouver que ces progrès sont devenus nécessaires qu'en se montrant zélé à participer à l'élection de ces conseils, qui, s'il le veut, sortiront un jour de leur paralysie et deviendront les bases de sa réorganisation.

CHARLES DOLLfus.

Nous annonçons très-volontiers, parce que nous y voyons une chose utile et qui se présente en de bonnes conditions, l'établissement de librairie fondé par M. J. Molini, 5, boulevard Montmartre. M. Molini a annexé à sa librairie, et c'est pour nous le point capital, un vaste salon littéraire; cent dix journaux de tous pays s'y trouvent réunis dans un local confortable. Cette entreprise, pour n'être pas sans précédent, n'en est pas moins opportune : le cosmopolitisme en lecture est devenu un besoin, en même temps qu'un indice du siècle. Pour 10 francs par mois, pour 50 centimes par séance, les appétits de lecture les plus robustes pourront se satisfaire largement à ce banquet de journaux, de revues et de livres.

C. D.

CHARLES DOLLFUS.

PARIS TYPOGRAPHIE DE HENRI PLON, 8, RUE GARANGIÈRE,

L'INDE,

SES ORIGINES ET SES ANTIQUITÉS.

PREMIÈRE PÉRIODE.

LES TEMPS VÉDIQUES.

CHRISTIAN LASSEN, Indische Alterthumskunde. Bonn und Leipzig, 1844-61, 4 vol.

Rig-Véda, ou Livre des Hymnes, traduit du sanscrit par M. LANGLOIS. - Paris, 1848-51, 4 vol.

Rig-Veda-Sañhita, the Sacred Hymns of the Brahmans. Edited by Dr MAX MULLER. Published under the patronage of the H. E. I. Company. London, 1849-54-56, 3 vol. in-4°.

Rig-Veda-Sanhita, a Collection of ancient hindu Hymns, the oldest authority for the religious and social institutions of the Hindus. Translated from the original sanskrit by H. H. WILSON. London, 1850-57, 3 vol. (liv. I à IV).

Original Sanskrit - Texts on the Origin and History of the Peoples of India, their Religion and Institutions. Collected, translated into English, and illustrated by remarks, by J. MUIR. - London, 1858-61, 3 vol.

RUD. ROTH. Zur Litteratur und Geschichte des Weda. Stuttgart, 1846, 1 vol.

Du même : Die höchsten Götter der arischen Völker. 1852.

TOME XV.

11

Akademische Vorlesungen über indische Litteraturgeschichte. Von ALBR. WEBER.Berlin, 1852, 1 vol.

A History of ancient Sanskrit Literature, so far as it illustrates the primitive Religion of the Brahmans. By MAX MULLER. — London, 1859, 1 vol.

Vergleichende Grammatik der Sanskrit, Zend, Griechischen, Lateinischen, Lithauischen, Gothischen und Deutschen. Von FR. BOPP. 2te Aufl. -Berlin, 1858-60, 3 vol.

A. KUHN. Zur ältesten Geschichte der Indogermanischen Völker. — 1850 (dans les Ind. Stud. de Weber, t. I).

Beiträge zur vergleichenden Sprachforschung auf dem Gebiete der arischen, celtischen und slavischen Sprachen. Herausgegeben von A. SCHLEICHER und A. KUHN. 1857-60, 2 vol.

Les origines indo-européennes, ou les Aryas primitifs. Essai de paléontologie linguistique. Par AD. PICTET. Paris, 1859, 1 vol.

I.

L'Inde est un monde à part qui n'a été découvert que de nos jours. Ses antiquités, ses institutions, ses traditions, ses croyances et ses révolutions religieuses, sa littérature nationale, sa langue même aussi bien que ses monuments, tout cela nous était inconnu à la fin du dernier siècle. Le peu que nous savions des anciens temps de l'Inde, nous le devions aux Grecs et aux Romains, qui n'en eurent eux-mêmes qu'une notion très-bornée et très-imparfaite. L'ère des nouvelles études indiennes ne date que de la fondation de la Société de Calcutta en 1784, et de la puissante impulsion que leur donna William Jones. C'est depuis lors seulement que se sont ouvertes pour nous les sources pures de la littérature sanscrite, et qu'on a pu lire dans le passé du peuple brahmanique.

' Un savant jésuite français, le P. Pons, s'était assez familiarisé avec la langue sanscrite, en 1740, par l'intermédiaire de plusieurs brahmanes convertis, pour acquérir une connaissance extrêmement remarquable des principaux monuments antiques de la littérature de l'Inde (Lettres édif., t. XIV de l'édition de 1781); mais cette première tentative resta stérile, parce qu'elle n'eut pas d'imitateurs. On peut voir à ce sujet les intéressantes remarques de M. Ad. Regnier, au cahier d'août 1860 du Journal des savants, p. 482.

Dans cette phase nouvelle où sont entrées les études relatives à l'Inde, quatre hommes, quatre noms illustres entre tous, se montrent au premier rang: William Jones, Colebrooke, James Prinsep, Hayman Wilson. Bien d'autres travailleurs, sans doute, ont pris part à la tâche, et plusieurs y réclament une part considérable. Les uns se sont attachés à la langue des brahmanes, ceux-ci pour en approfondir le savant mécanisme et en faciliter l'étude, ceux-là pour en interpréter et en publier les chefs-d'œuvre. D'autres ont étudié les dialectes locaux ou les langues provinciales, complément important de l'idiome classique. Des archéologues ont scruté les vieux monuments, des artistes en ont reproduit le côté pittoresque et nous ont rendu familières les scènes splendides de cette riche nature. Une armée de voyageurs a exploré le pays dans toutes les directions et nous en a fait connaître la géographie dans ses moindres détails, ainsi que les productions; enfin, pour être la plus récente cette étude n'est ni la moins importante ni la moins féconde, on a voulu connaître les populations incultes qui vivent au fond des forêts et dans les cantons les plus sauvages, on a décrit avec soin leur conformation physique en même temps qu'on a recueilli les éléments de leurs idiomes barbares, et de cette investigation déjà très-étendue on a vu sortir des conséquences d'une immense portée pour l'histoire primordiale de la péninsule.

et

Il y a là un admirable ensemble de travaux, dont l'honneur, il faut le reconnaître, revient en grande partie à l'intelligente initiative des maîtres actuels de l'Inde; mais, dans cette multitude de savants et d'explorateurs, nul ne se détache d'une manière aussi complète, aussi absolue, que les quatre grands noms que j'ai rappelés; nul n'a eu sur les études indiennes une action aussi puissante, nul n'a autant contribué à leur imprimer le vigoureux élan et la direction fructueuse qui les ont amenées au point où nous les voyons aujourd'hui.

Initié le premier, parmi les Européens de l'Inde, à la connaissance approfondie du sanscrit, Williams Jones est aussi le premier qui ait entrevu les trésors de cette littérature inconnue. Chaque pas qu'il faisait dans cette voie nouvelle augmentait son impatience et stimulait son ardeur. Il voyait s'ouvrir des horizons infinis qu'il aurait voulu embrasser à la fois. La poésie, l'histoire, la mythologie, les sciences astronomiques et les sciences naturelles, c'étaient autant de mondes. nouveaux dont l'exploration promettait d'incalculables découvertes. Échauffés par son enthousiasme, des hommes jeunes, instruits, laborieux, se réunirent autour de lui, et la Société Asiatique de Calcutta fut fondée. Ce fut un centre où vinrent se concentrer les travaux scien

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