Page images
PDF
EPUB

PHILOLOGIE ET ETHNOGRAPHIE.

Le fleuve Amour. Histoire, géographie, ethnographie. Par C. DE SABIR. - Paris, 1861, grand in-4o de vi-160 pages, avec une carte et 16 planches. Description et histoire du Maroc, par M. L. GODARD, chanoine honoraire d'Alger, professeur d'histoire et d'archéologie au grand séminaire de Langres. — Paris, 1860, 1 vol. in-8°, en 2 parties, de vш-680 pages, avec une grande carte (Tanera).

Boudh el-Kartas. Histoire des souverains du Maghreb et annales de la ville de Fès. Traduit de l'arabe par A. BEAUMIER. Paris, impr. Impér., 1860, in-8o de

XI-576 pages. (Challamel et Duprat.)

[ocr errors]

Annuaire du Sénégal et dépendances pour l'année 1861. Saint-Louis, impr. du gouvernement, in-12 de 286 pages.

L'Alsace romaine. Études archéologiques, par A. COSTE, juge au tribunal civil de Mulhouse, 1859, in-8° de 135 pages, avec 2 cartes. (Mulhouse,

Schelestadt.

Risler.)

Notice historique et topographique sur la ville de Vieux-Brisach, par le même. Mulhouse, 1860, in-8° de 344 pages, avec une vue et un plan (ibid.).

I.

A tout seigneur, tout honneur. Parlons d'abord du bel ouvrage qu'un noble russe, plein de zèle pour la science et d'amour pour sa patrie, vient de publier dans notre langue sur les nouveaux territoires de l'Asie orientale que la Russie a récemment annexés à ses vastes provinces.

Le livre de M. de Sabir se partage en trois divisions principales. Il y trace d'abord un résumé historique des premières entreprises des Russes sur les territoires de l'Amoùr dans la seconde moitié du dix-septième siècle, jusqu'au traité de Nertchinsk du 27 août (8 septembre) 1689, qui a été le point de départ des rapports diplomatiques et commerciaux entre la Russie et la Chine; puis il raconte les incidents qui, après un long intervalle, ramenèrent, il y a quinze ans, l'attention du cabinet de Saint-Pétersbourg sur ces contrées extrêmes, et la suite ininterrompue de reconnaissances et d'explorations qui ont suivi la prise de possession de 1850. Ce résumé ne nous apprend rien d'absolument nouveau, au moins sur la période ancienne, qui déjà nous était assez bien connue par les documents publiés en allemand par Müller dans son précieux Recueil sur l'histoire de Russie, et qui ont été traduits en français sous le titre d'Histoire du fleuve Amur 1; mais comme M. Sabir a travaillé exclusivement sur des matériaux

1 Amst., 1766, 2 vol. in-12. On peut voir aussi un morceau intéressant (écrit principalement sur les notes de M. Stollenwerck) intitulé Notice historique sur les premières entreprises des Russes contre les Chinois, au t. XII de l'Histoire générale de la Chine du P. de Mailla, 1783, in-4°. La Revue germanique, dans son cahier du 31 janvier 1860, a aussi retracé un aperçu trèsrapide des expéditions russes dans les pays de l'Amour, depuis le dix-septième siècle jusqu'à l'époque actuelle.

TOME XV.

russes, et que d'ailleurs son ouvrage porte le cachet d'une entière bonne foi, il y a dans le récit qu'il fait des événements récents plus d'une particularité nouvelle et instructive que l'on ne trouvait pas dans les notices ou les fragments qu'ont publiés depuis quatre ou cinq ans les recueils allemands d'outre-Rhin. Un fait qui a son importance, et qui méritait au moins un mot de rappel, c'est l'expédition scientifique des Pères jésuites de Pékin dans le bassin de l'Amour vers 1717 ou 1718, et la carte du fleuve qui en fut le résultat, carte qui est basée sur des déterminations astronomiques, et qui mérite encore d'être consultée aujourd'hui, ne fùt-ce que pour l'orthographe des noms et le détail des affluents.

Telle est la première partie de l'ouvrage de M. de Sabir. La seconde partie est descriptive; elle nous donne la substance des notions recueillies par les récents explorateurs sur la nature du pays, aussi bien que sur les tribus qui occupent la vallée et le bassin de l'Amour. L'ethnologie et les études d'histoire naturelle sont les côtés les plus neufs des explorations accomplies ou qui se poursuivent encore. Si nous avions un reproche à faire à M. de Sabir, ce serait d'avoir usé ici avec trop de ménagement des documents qu'il avait sous la main.

La troisième partie est spécialement consacrée à l'expédition scientifique de M. Maack, qui a eu lieu en 1855, et dont la relation vient d'être publiée à SaintPétersbourg. M. de Sabir se plaint que cette relation n'ait pas répondu tout à fait à ce qu'en attendaient les amis de la science, et ce regret est fondé, à en juger par le sommaire que nous avons ici de l'ouvrage. Néanmoins, comme la relation de M. Maack est écrite en russe et qu'elle est destinée, par conséquent, à rester à peu près étrangère au reste de l'Europe, il faut savoir gré à M. de Sabir d'en avoir fait connaître au moins les résultats principaux.

Parmi les faits intéressants signalés par les récents explorateurs russes, il faut placer la découverte de monuments chinois sur les bords de l'Amour, non loin de l'embouchure du fleuve. Ces monuments ont un caractère bouddhique. Ce sont des espèces de bornes ou de colonnes tronquées, au nombre de quatre, P'une desquelles domine, dans une situation pittoresque, un promontoire que contourne l'Amoùr. De ces quatre stoùpas, deux portent des inscriptions en chinois et en mongol; malheureusement, la plus longue de ces inscriptions, très-mal copiée par une main malhabile, ne présente qu'un assemblage de traits absolument illisibles. L'inscription la plus courte est seulement en chinois, et indique la proximité d'un couvent lamaïque, dont tout vestige a maintenant disparu. Il n'en reste pas moins prouvé que la propagation bouddhique nonseufement avait pénétré, à une époque plus ou moins ancienne, au milieu de ces contrées sauvages, mais qu'elle y avait fondé des stations permanentes, et sans doute y avait apporté les premiers germes de la civilisation du Sud, dont il est resté des vestiges dans toute la vallée du fleuve.

En somme, la publication de M. de Sabir est pour notre littérature un présent d'un prix réel, en attendant que des traductions complètes, en français ou en allemand, fassent entrer dans la circulation européenne les relations mêmes des explorateurs. Les planches lithographiées qui accompagnent le volume de M. de Sabir représentent ou des sites de la vallée du fleuve, ou les différents objets qui appartiennent à la vie domestique des tribus riveraines, ou enfin les portraits d'un certain nombre d'individus des tribus elles-mêmes. Tous, à l'exception des Ghiliaks (qui appartiennent au type barbu, régulier et presque européen

des Aïnos, prototype de la race japonaise), nous offrent la pure physionomie mongole ou chinoise, à la face glabre, aux traits grossiers, aux yeux bridés, aux larges pommettes. Le seul regret que nous nous permettrons d'exprimer à M. de Sabir, c'est que l'artiste qui a transporté sa carte sur la pierre n'ait pas su donner à ce travail la netteté qui importe à un si haut degré dans cet accessoire important de toute publication géographique.

II.

Des extrémités de l'Asie, l'ouvrage de M. Godard nous transporte à l'extrémité opposée de notre continent. L'auteur avait publié à Alger, il y a deux ans, un aperçu succinct, mais excellent et qui fut très-remarqué, du royaume de Maroc et de ses habitants; il reprend aujourd'hui et développe cette première étude, basée presque entièrement sur des observations personnelles, et il y ajoute une partie historique très-considérable, tant pour le passé que pour les événements contemporains. Ce travail savant et substantiel, plein de faits et d'excellents aperçus, forme pour cette grande région du nord-ouest de l'Afrique, encore peu accessible et si mal connue, un Manuel qui de longtemps sans doute ne sera dépassé. La carte qui est jointe au livre est d'une bonne exécution, et elle a été rédigée sur les meilleurs documents que l'on ait jusqu'à présent.

III.

Les inévitables rapports que la contiguïté de nos possessions algériennes établit entre nous et ce royaume africain, où la barbarie musulmane siége dans toute sa crudité, donnent un double intérêt, un intérêt politique autant que scientifique, aux publications sérieuses dont le Maroc est l'objet. Nulle part cette influence des intérêts politiques sur les études et les investigations savantes n'a produit de plus heureux résultats. Déjà on lui a dù des publications d'une haute importance, telle que l'Histoire des Berbers d'Ibn-Khaldoun, traduite par un savant orientaliste, M. le baron de Slane; un second ouvrage de même nature, non moins important dans son cercle plus restreint, l'Histoire des souverains du Maghreb de l'imam Abd-el-Halfm, traduite de l'arabe par M. Beaumier, vice-consul de France à Salé (Maroc), vient également d'enrichir notre littérature. Cette composition, célèbre dans l'Afrique musulmane, porte en arabe le titre de Roudh el-Kartas, qui signifie littéralement le Jardin des Feuillets, et c'est sous ce titre de Kartas qu'elle est généralement citée par les savants. Elle était déjà connue en Europe par plusieurs traductions en diverses langues. Une version française du laborieux Pétis de la Croix est restée inédite dans notre cabinet des manuscrits de la Bibliothèque impériale. Il y a une traduction allemande de Dombay (1794), où le texte a subi de nombreux retranchements; une traduction portugaise du P. Moura (1828), et enfin une version latine du docteur Thornberg publiée à Upsal en 1846. Mais l'élégante et très-fidèle traduction de M. Beaumier contribuera plus qu'aucune des précédentes à populariser (dans le sens élevé du mot) l'œuvre du saint docteur arabe. Le traducteur en fait très-bien ressortir l'intérêt actuel à un point de vue général : « Écrit par un musulman et pour les musulmans, ce livre, dit-il, dévoile enfin le caractère immuable de cette loi intolérante, qui peut toujours, d'un moment à l'autre, reproduire ces excès de

fanatisme sanglant qui viennent, une fois encore, de faire frémir tout le monde chrétien de cette religion du fatalisme qui paralyse seule l'intelligence incontestable et la bonne nature de l'Arabe africain! Aussi, au risque de sacrifier quelquefois l'élégance du style à l'exactitude de la traduction, nous sommesnous appliqué à reproduire en français le texte arabe de l'imam Ab-del-Halim dans toute son originalité, et mot à mot pour ainsi dire. En lisant cet ouvrage, quiconque a des rapports avec les musulmans reconnaîtra que les Arabes de nos jours pensent, agissent et écrivent comme pensaient, agissaient et écrivaient les Arabes du Roudh el-Kartas il y a mille ans, et ce sera, entre autres enseignements, une observation pleine de conséquences.

[ocr errors]

Le Kartas renferme l'histoire de quatre dynasties maughrébines, les Zénéta, les Almoravides, les Almohades et les Béni-Mérin, depuis l'an 788 de notre ère jusqu'à l'an 1326. Grâce en partie, peut-être, au style facile de la traduction, ce long récit de conquêtes, d'usurpations, de soulèvements et de luttes intérieures se fait lire avec plus d'intérêt que n'en ont d'ordinaire les chroniques orientales, où l'absence habituelle de toute vie sociale, de toute initiative individuelle, de toute impulsion purement intellectuelle et morale, répand tant d'aridité et de monotonie. Les détails fréquents que l'auteur du Kartas a donnés sur les tribus et la topographie du Maghreb ajouteront encore pour nous à l'utilité de son œuvre.

IV.

Nous ne quitterons pas ces parages africains sans mentionner un petit volume bien modeste de forme, mais gros de renseignements, l'Annuaire de notre colonie du Sénégal pour l'année 1861. C'est l'an dernier qu'a commencé cette publication officielle, par l'initiative du gouverneur, M. le colonel Faidherbe, dont l'administration laissera une trace profonde dans l'histoire de la colonie. Un Journal des opérations de guerre au Sénégal de 1854 à 1861 forme, comme appendice, une partie considérable du volume. C'est l'histoire de notre colonie sénégalaise depuis sept ans, c'est-à-dire depuis l'arrivée de M. Faidherbe; il faut remonter de cent cinquante ans en arrière, jusqu'à l'administration de M. Brüe, pour retrouver une période aussi active, aussi riche en événements et aussi féconde en heureux résultats pour l'honneur de la métropole et l'extension de notre

commerce.

V.

Il me reste encore quelques lignes d'espace; je ne puis mieux les consacrer qu'aux deux savants et consciencieux mémoires de M. Coste sur l'Alsace romaine et sur l'histoire du Vieux-Brisach. Patrie du célèbre Schoepflin, l'Alsace est une terre de prédilection pour l'archéologie locale, comme aussi c'est une des parties de la Gaule où les Romains ont laissé le plus de vestiges de leur passage, où le moyen âge a laissé le plus de ruines et de souvenirs. Sous son titre un peu général, le travail de M. Coste sur l'Alsace romaine se résume en deux points principaux une très-bonne étude, et très-circonstanciée, sur les voies romaines qui traversaient l'arrondissement de Schelestadt, et une discussion étendue sur la position controversée d'une des principales stations de la voie militaire, Argentovaria. M. Coste, abandonnant toutes les opinions antérieures, croit pou

voir placer Argentovaria près de Heidolsheim, à quatre kilomètres ouest-nordouest de Markolsheim, où l'on a récemment déterré des vestiges anciens. Je me borne à énoncer cette opinion, ne pouvant ici en discuter les bases. On sait que l'empereur Gratien remporta en 378 à Argentovaria une victoire signalée sur les hordes germaines. VIVIEN DE SAINT-MARTIN,

PÉRIODIQUES FRANÇAIS.

Nouvelles Annales des voyages. Mars.

Mission scientifique de M. Ernest Renan en Orient. Rapport à l'Empereur, daté d'Amschit, près Gébeïl, 30 janvier 1861. Ce premier rapport du savant académicien, que la Revue germanique s'honore de compter parmi ses collaborateurs, a reçu trop de publicité, par son insertion au Moniteur et sa reproduction dans plusieurs journaux, pour que nous en donnions ici l'analyse; disons seulement que jamais mission scientifique n'aura été conduite avec une plus haute intelligence, et que bien peu ont été préparées par d'aussi profondes études. Le rapport actuel ne comprend encore que le résultat très-sommaire des fouilles de Gébell (Byblos) et de l'exploration des parties avoisinantes de la montagne; et sur ce terrain dévasté comme à plaisir, surtout depuis un demi-siècle, par un vandalisme stupide qui a plus anéanti en cinquante ans que le temps n'avait détruit en vingt siècles, ce que l'ardent explorateur a pu retrouver encore des restes de la vieille civilisation phénicienne dépasse toute attente. L'exposé de M. Renan est, dans sa rapidité, un morceau des plus remarquables; tour à tour archéologue, épigraphiste, philologue et historien, l'auteur y ouvre de larges échappées sur l'ancienne histoire, qui laissent pressentir dès à présent ce qu'il est permis d'attendre de cette expédition féconde pour la restitution d'une des pages les plus obscures et tout à la fois les plus importantes des annales de l'ancien monde. Discours prononcé par M. Petherick au meeting de Liverpool, à propos de sa prochaine expédition aux sources du Nil. — F. Robiou. La question des sources du Nil dans l'antiquité. (Voyez notre remarque ci-après, dans l'analyse de la Revue archéologique de mars.) Analyses critiques. Voyage dans le Haouran, par M. G. Rey.

-

Revue archéologique. Mars.

De Saulcy. L'arc de l'Ecce-Homo à Jérusalem (avec une planche). — F. Robiou. Recherches nouvelles sur quelques périples d'Afrique dans l'antiquité. Néchao. Hannon. Eudoxe. Ces notes sont extraites d'un mémoire présenté à l'Académie des inscriptions pour le concours de 1860 sur les connaissances des anciens dans le nord et le centre de l'Afrique, et qui y a obtenu une mention honorable. Comme l'Académie, dans ce concours, a décerné le prix à un mémoire que nous-même lui avions soumis, on conçoit que cette position respective ne nous laisse pas la liberté d'exprimer toute notre opinion sur celui de notre savant concurrent. Nous en dirons autant d'un autre fragment de son mémoire qu'il a

« PreviousContinue »