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au travail. La vue et le tact, l'odorat et le goût pour discerner les objets, l'ouïe pour correspondre; et le plaisir, qui n'est qu'une virgule dans toute cette phrase-là, ne peut aller qu'après le besoin. Le mal général en France est la rénitence au travail; depuis l'urbanité, et les arts, et les quincailleries, et les brevets, et les rubans, les plus sages mêmes ont voulu que les terres fussent comme des rentes, au moyen de quoi l'on plaint les réparations, améliorations et entretien; c'est pourtant assez, et tout ce qu'il faut pour occuper qui doit être propriétaire, qui conséquemment doit sentir qu'il doit justice et présence à des hommes qui sont ses frères, et non des éponges à presser pour aller à l'Opéra, et avoir des roues dorées sur le pavé de Paris.

"Ne manque pas de lui faire lire les Economiques et puis les Ephémérides. Le paquet que j'ai adressé à mon fils contient mon nouvel ouvrage qui était pour toi. C'est un Catéchisme économique. Je lui marque combien il est indispensable pour lui, s'il veut porter mon nom, qu'il sache à fond ma science, sans quoi il se trouverait presque partout un point de ralliement de gens suffoqués des préjugés qui les entourent ; et son ignorance, ou me calomnierait, ou le rendrait méprisable; ordonnelui de s'appliquer à cette science, et de la savoir à fond; tu ne saurais croire combien elle asseoit le cœur, et met l'esprit à l'aise.

"Dis à ton neveu, Echine de loup, qui m'écrit toujours en avant, jamais de côté, à trois bouillons, avec une familiarité de style sur laquelle une antique et superstitiense habitude me rend minutieux, que le jeune prince héréditaire de Bade m'a fait tenir un Résumé économique; et que celui qui succède à mon nom doit se faire baudet ou ministre d'état, ou bien savoir, en ce genre, occuper ma place; qu'il lise les Economiques et l'Avis de l'éditeur qui est à la tête du Précis des Elémens, ouvrage le plus travaillé que j'aie fait, quoique bien malade. Qu'il me fasse sur la culture du bas Limousin et du Périgord les mêmes relevés qu'il a faits en Corse, avec la toise économique qu'il a dû acquérir depuis.” '

There is no need of adding that this excellent science had few attractions for the young Tornado. He regarded its principles as narrow and incorrect, abounding in sophistry and pedantry, and somewhat barren of fruit. Certain doubts as to this high matter which escaped him, fell on the paternal ear like so much blasphemy—and when, in his absence, still more decided opinions against the sect were pronounced, these were always carried to the ancient enthusiast with much aggravation by the spies who surrounded the young officer, just returned from his first campaign. The Bailli still persists in his modest but kind endeavours to soften his brother.

"L'amitié naturelle en moi pour les miens, et peut-être mon amourpropre m'ont-ils séduit? J'ai encore une raison de l'être, et cette raison tu me la rappelles, en me reprochant que je te disais, il y a trente ans, que tu avais du penchant maternel à la pédanterie ; qu'avec cela on ratait tous les hommes à faire, et l'on ennuyait tous les hommes faits, et qu'il fallait d'autant moins désespérer des jeunes, qu'en eux il n'y a guère de

vice qui ne soit une vertu gâtée. C'est que j'ai toujours vu partout que la jeunesse prenait confiance en moi; et j'ai vu des têtes dans la marine et à Malte, dont personne ne pouvait rien faire, dont je suis venu à bout par une ratiocination claire et mêlée de plaisanterie. Cette jeunesse qui voyait que c'était chez moi équanimité, et non faiblesse, qui faisait que je ne me fâchais pas, m'en aimait et m'en croyait mieux. Tout cela, dis-je, peut m'avoir rendu dupe de ce jeune homme; mais je ne le crois pas : pourvu qu'il reconnaisse sincèrement ses fautes, j'aime mieux qu'il ait cherché toujours à exercer sa raison que d'avouer si facilement. Je n'ai pas vu de pires sujets que ceux qui conviennent facilement de leurs torts, étant jeunes; cela marque une indifférence sur le tort, qui est cependant le seul vrai mal moral.

"Cette tête-là est un moulin à pensées et idées, dont plusieurs sont très-neuves; tu trouveras, comme moi, que le fourneau est chaud, trèschaud; mais, cher frère, rappelons-nous cet âge-là, et le salpêtre particulier à notre sang; il est bon qu'il soit à portée d'être connu, car, entendant parfaitement raison, il n'entend que cela, et a une peine horrible à se soumettre à toutes les autres brides de l'humanité."'

At length he succeeds; Pierre Buffiere is suffered to visit Bignon; and is not ill received. After some stay the father relents to an extreme, and, the Bailli thought, unexpected degree, by bestowing upon him a mark of kindness in his own eyes above all price, and the only one, indeed, he ever shewed him. This great act of bounty he had hinted at to the uncle while the young man was still at Mirabeau, in these singular terms- Si tu continues 'et persistes à en être content, je te prépare un grand cadeau à 'lui faire; c'est d'obtenir qu'il reprenne notre nom!' Accordingly, after a week's residence at Bignon, we have this important event thus announced.

<"Entre eux tous" (son gendre, M. le marquis du Saillant, alors comte, madame du Saillant, sœur de Mirabeau, et leur famille), " ils m'ont demandé de lui accorder notre nom, et j'y ai consenti: c'est te dire que je m'apprivoise. Il est possible, en effet, qu'un esprit juste, un bon cœur et une âme forte se débattent dans cette enveloppe informe et grossière; mais il faut que tout cela soit pétri, réglé, et macéré. Du rest, nous le déshousarderons quand il aura vu autre chose, et conçu de lui-même, qu'à partir d'Alcibiade jusqu'à son père et son oncle, c'est une qualité, à un homme tant soit peu supérieur, d'avoir une allure pour chaque genre de chose, et de la quitter à la porte en sortant; il est bon que le militaire se croie une existence principale, et presque exclusive, ainsi font les capucins; mais un homme n'est qu'un coupe-chou tant qu'il ignore qu'il ne faut naziller qu'au cloître.” '

Wonderful to tell, such is the force of Aristocratic habit, the Marquess takes his son to Paris, and has him presented at Court, and introduced into the refined society of that gay capital. The following letter is admirable.

"Ton neveu est trois jours par semaine à Versailles ; il n'usurpe rien et atteint tout, attrape les entrées partout. Au fond, puisque c'est un homme à qui l'action est nécessaire, il vaut mieux qu'il se démène là que ici. Tout le monde est son parent: les Guémenée, les Carignan, les Noailles et je ne sais combien d'autres, le portent; il étonne ceux-là même qui ont rôti le balai à Versailles. Ils le trouvent tous fou comme un jeune braque. Madame de Durfort dit qu'il démonterait la dignité de toutes les cours nées et à naître; mais ils trouvent qu'il a plus d'esprit qu'eux tous, ce qui n'est pas habile de sa part. Je n'ai pas du tout l'intention qu'il y vive, et qu'il y fasse, comme les autres, le métier d'arracher ou dérober sa substance au roi, de patrouiller dans les fanges de l'intrigue, de patiner sur les glaces de la faveur; mais il faut, pour mon but même, qu'il voie ce dont il s'agit ; et du reste, quand on me dit pour-quoi moi, qui n'ai jamais voulu m'enversailler, je l'y laisse aller si jeune, je réponds qu'il est bâti d'un autre argile que moi, oiseau hagard dont le nid fut entre quatre tourelles; que là il n'extravaguera qu'en bonne compagnie, soi-disant ; que tant que je l'ai vu gauche, je l'ai caché; sitôt que je le trouve à droite, il a son droit. Qu'au reste, comme depuis cinq cents ans on a toujours souffert des Mirabeau qui n'ont jamais été faits comme les autres, on souffrira encore celui-ci qui, je le promets, ne descendra pas le nom."

These scenes soon give place to others very different.

• Convalescent à la suite d'une maladie assez sérieuse, le marquis venait de recevoir une espèce de fête conçue et dirigée par son fils. "La Providence s'est moquée de moi, en me faisant progénérateur d'un poussin, d'abord et long-temps oiseau de proie, qui se fait à présent canard privé de basse-cour; qui barbotte, jabotte, crie et nage après les mouches. Cet animal s'est institué artisan de fêtes. Aujourd'hui même il m'a mené à une grand'messe à travers des escopétades pour entendre un Te Deum, puis feu d'artifice, illumination; et, au moment où je vous écris, toute la paroisse mange dans la cour, sans fourchettes. Nota que ce ne sont point des paysans grossiers ni pauvres, et ma paroisse est unique dans son genre dans le pays. Pour le coup je trouve in petto l'attrape un peu forte; mais cela marque le bon naturel. Ainsi je vous prierai de vouloir bien, à votre retour, prendre sous votre protection ce bon diable, que je ne gâte pas, mais qui n'en fait ni pis ni moins, et abuse de ma facilité."

Mais bientôt le ton de la correspondance va totalement changer. Mirabeau est retourné à Paris, son père écrit à son sujet: "Du train dont va ton neveu l'Ouragan qui, je crois, aura bientôt sauté la cour et la ville, il pourrait bien arriver que quand la tête sera mûre, la quene soit demeurée et lanières aux buissons. D'un autre côté, la continuelle contention d'esprit où il me tient, d'autant plus forte qu'elle est plus cachée, ne laisse pas d'être chargeante à la fin. Indépendamment de sa fougue particulière, et de ce hachement d'idées qui voit par éclairs, et ne suit rien de ce qui lui est personnel, si vous voyiez ce qui se passe ici, la fermentation où sont toutes les têtes, les matériaux nécessairement et de longue main préparés pour pousser tout à l'extrême de toutes parts, vous

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jugeriez que c'en est assez pour un penseur, d'être sa propre boussole, et que le rôle de modérateur d'un enragé comme celui-ci, est un peu fort." Il prend à tout, et ne tient à rien ; je l'ai sevré de Versailles, je l'ai jeté dans les bibliothèques où il passe les jours entiers avec Gébelin te puis M. de Pompignan en relais; et il travaille et bouquine, comme un forcené qu'il est, comme il fait tout."

"Ce jeune homme a la société laborieuse et fatigante; un entêtement, un décisif, un chaos dans la tête qui ne sera jamais débrouillé, parce qu'il n'a que des aperçus de mémoire, comme tout le reste. Il ne doute de rien, et ne sait seulement pas exactement son propre nom; et comme il lui est défendu d'avoir jamais aucune notion nette, il sera toujours indubitable et insupportable; c'est moi qui vous le dis. Au reste, beaucoup de perspicacité et de grandes parties; mais, au fond, je crains que le calmer et l'éteindre ne soient à peu près tout."

Every thing after this is painful to read, how well written soever. The intrigues of Mirabeau's enemies, and of Madame de Pailly at their head, entirely possess the Marquess's whole judgment, and alienate his heart. All the juvenile follies of the fiery young man are exaggerated; his conduct is condemned in the mass; if he does well, he is charged with caprice; if he errs, it is his diabolical nature that accounts for it. He marries; the match proves an unhappy one. He is kept generally without a shilling of allowance, and expected to live like a noble Provençal. He makes love to Madame le Monnier, and elopes with her; he is denounced as a monster; cited before a court of Provincial justice (as it was termed), and condemned to death in his absence. He flies; he is pursued by his father with inexorable severity, and beset with spies, and even bravoes. Nothing can be more terrible than the excesses of parental fury to which family pride and personal prejudice had wrought up the Marquess's feelings. We abstain from copying any of the furious letters where those violent passions of the old noble break out. The good Bailli tries long and long to mediate and to soften; but at length even he is forced to bend before the storm; and the remainder of the correspondence presents only letters and answers, almost alike violent and determined against him. At length the Marquess succeeds in seizing his person, and he is immured for forty-two months in the fortress of Vincennes; only, after a long time, allowed books, and pen and ink; and never suffered to correspond without his letters being read by the governor, whose affections, as usual, he entirely gained.

On his liberation, he had a painful interview with Madame le Monnier-his Sophie-who had been supposed faithless, and he charged her with the offence; she defended her conduct, and recriminated upon her lover, who, it may be presumed, could not so easily repel the accusation. They parted in mutual dis

pleasure, and the estrangement, unhappily, was eternal. She remained in the monastery where she had taken refuge, until her husband's death; and then continued in an adjoining house, having formed an intimate friendship with the sisters of the convent. An attachment grew up between herself and a most deserving man, but who, unhappily, before their intended marriage could take place, was seized with pulmonary consumption, and died in her arms, after an assiduous and affectionate attendance of many months by his sick couch. An aged and worthy physician and his wife had taken this ill-fated lady under their protection, and vainly endeavoured to console her. She had frequently before contemplated suicide, and always was resolved to seek refuge in it, from her family's and her husband's persecutions. Some days before her last misfortune, an accidental death by the fumes of charcoal had happened in the neighbourhood, and drawn her attention to this mode of self-destruction. She had examined the particulars, and made enquiries of the physician as to the experiment and its conditions. With her wonted decision of mind, she took her resolution prospectively, and in the contemplation of her betrothed's death. With her wonted firmness of purpose, she executed the resolve; and was found dead in an hour after his decease, in her chamber, where she had placed a brasier of live charcoal, and closed the windows and the doors. Such are the facts respecting the end of this noble-minded and ill-fated woman; and they are attested by the evidence of the physician's family, of the nuns, and even of the enquiry judicially instituted by the local authorities. The mere date of the death, however, and the known courtship and intended marriage, are enough to convict of the most glaring falsehood, those reports which soon after were spread by the implacable enemies of Mirabeau; and which, it is painful to think, found their way into works of great credit. Thus, one of the greatest historians of the Revolution says, that on his liberation from Vincennes, he deserted Sophie, who put a period to her existence, leaving it to be inferred that there was no quarrel-but that is comparatively immaterial, for the uncharitable may say, he sought the quarrel to cover his intended desertion— but leaving it also to be inferred, which is absolutely untrue and indeed impossible, that her suicide was caused by his conduct.

We cannot close this very interesting subject, without making a reflection once more upon the truly wretched state of society under the old régime. To the merciless Aristocracy which under, perhaps we should rather say, along with the Despot swayed the country, Mirabeau was indebted for the ill-treatment, nay, the persecution of his father. To the same cause, the Marchioness, his mother, was indebted for her ill-assorted marriage, first

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