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A.D. 1747.

Nad. 60.

Il envoya Nafralla Mirza, Chahrokh Mirza, & les autres princes, ainsi que fes joyaux &

fes meubles précieux, à Kélat, dans l'espoir décevant qu'ils feroient toujours en fureté dans ce château.

Il entra enfuite dans le Khoraffan, &, par le flamboyant cimeterre de fon ire, fit perdre la vie à une multitude d'innocens confondus avec les coupables.

CHAPITRE XIX.

Fin de la Vie de fa Majesté d'heureuse Mémoire: Récit de fa Mort: Maffacre de fes Enfans & de fes Parens.

DEPUIS le commencement du règne de Nader Chah, jufqu'à fon retour du Kharezme & fa marche dans le Dagheftan, il s'étoit entièrement occupé du foin de fon empire & de l'administration de la juftice, de manière que fes fujets de l'Iran auroient donné leurs vies pour fa préservation; mais après ce temps il chanentièrement de conduite.

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A l'instigation de quelque génie ennemi, ce

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malheureux monarque prêta l'oreille à des dé- A.D. 1747. lateurs mal-intentionnés, & fit arracher les yeux à Riza Kuli Mirza, le meilleur & le plus cher de fes fils. Les remords fuivirent de près cette cruauté précipitée, & Nader Chah devint comme furieux. Les mauvaifes nouvelles qu'il reçut fucceffivement des troubles arrivés dans plufieurs endroits de fa domination augmentèrent fa rage.

Dans ce nombre étoit la révolte des habitans de Fars & de Benader. Taki Khan, dont nous avons fait mention, gouvernoit ces pays, & avoit été élevé de la principauté de Chiraz au gouvernement de Fars & d'Omman. Plus Nader Chah l'avoit comblé de bienfaits, plus il fut fenfible à fa trahifon, qui, après lui avoir fait maffacrer Kelbali Khan, lui fit élever l'étendard de la rebellion.

D'un autre côté les habitans de Chirvan, après avoir mis à mort leur governeur Heider Khan, & choifi pour leur chef Mohammed fils de Serkha le Lekzie, avoient commis les plus infolens outrages. Le peuple de Tauris s'étoit déclaré en faveur d'un prétendant d'une obfcure naiffance. Les Kagiars d'Afterabad, joints aux Turcmans, s'étoient auffi révoltés.

Tous ces malheurs, ayant coup fur coup ébranlé l'ame de Nader Chah, déjà troublée par les regrets qu'il donnoit à fon fils, ex

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A.D. 1747. citèrent fa férocité à un point qui n'eut plus de bornes, Il ne fe contenta pas de punir rigoureufement ceux des rebelles qui tombèrent entre fes mains; mais, dans fon aveugle rage, il fit auffi mettre à mort les gouverneurs de plufieurs diftricts qui n'avoient nulle correspondance avec les provinces révoltées.

Le fang le rendant de plus en plus altéré de fang, il fit une profcription, dans laquelle une multitude de noms furent inférés, & les profcrits, mis à la torture, étoient tourmentés de la plus barbare manière; dans ce nombre fe trouvèrent plufieurs des miniftres & des chefs de l'empire. Ceux qui étoient préposés pour tenir cette fatale lifte y mettoient à leur gré & fans motifs tous ceux dont ils se ressouvenoient, ou plutôt ceux dont les richeffes excitoient leur avarice,

Ces inhumanités atroces forcèrent les miférables peuples à fuir, & à fe choisir une habitation avec les hiboux des déferts ; mais s'il arrivoit qu'ils fuffent rencontrés ou atteints, ils étoient ou privés de la vie ou tourmentés cruellement; on leur arrachoit les yeux, on leur coupoit les oreilles & le nez. Les collecteurs des impôts arrêtoient même ceux qui paffoient dans les rues, & ne laiffoient échapper que ceux qui rachetoient leurs vies au

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Thahmafp Kuli, qui n'avoit jamais man- A.p.1747prix de leurs tréfors, au dépens de leur patrimoine. Enfin les cruautés qui étoient exercées font au delà de toute conception. Tous ces actes fanguinaires, loin de fatisfaire la frénéfie de Nader Chah, le mettoient encore plus hors de lui-même. 11 fit mourir plufieurs Indiens, Mahométans, & Arméniens, dans la grande place d'Isfahan; & dans tous les lieux où il paffoit il faifoit empiler des têtes humaines fur le faîte des Mofquées, & en formoit d'effrayantes pyramides.

En ce même temps, la province de Seiftan ayant pris part à la révolte presque générale, Nader Chah envoya Ali Kuli Khan fon neveu pour la réduire, auquel il affocia Thamafp Kuli Khan Gelaïr. Il leur enjoignit de faire un dénombrement exact de ces peuples, & de les mettre à une forte contribution.

Ces ordres furent exécutés ; & des commis inexorables, munis d'une large lifte de condamnés, partirent avec la vîteffe des éclairs pour commencer de tous côtés leurs recherches.

Cependant Ali Kuli Khan, ayant confidéré que rien ne fuffiroit pour appaifer le défordre de l'ame furieufe de Nader Chah, voyant qu'il avoit fans retour fermé fes oreilles à la vérité, se joignit aux Seistaniens, & leva l'étendard d'une nouvelle rebellion.

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A.D. 1747. qué de fidélité, ni porté la tache de la trahifon, ne put d'abord s'empêcher de s'unir à Ali Kuli Khan; mais bientôt fa confcience alarmée fit taire tout autre motif; il tâcha de diffuader fon confédéré, qui, irrité de fa défection, le fit empoisonner.

Juin.

Alors, déployant les bannières de l'indépendance, Ali Kuli Khan fe fit proclamer fouverain dans plusieurs provinces, & attira à lui ceux qui s'étoient retirés & cachés dans la crainte d'éprouver la rage de Nader Chah. De ce nombre furent les Kiurdes de Khabouchan, qui, fecouant entièrement le joug de l'obéiffance, pillèrent plusieurs districts. Nader Chah partit auffitôt pour les châtier, &, un Dimanche au foir, onzième de Giumadi'lakhri, campa à la station de Fathabad à deux parafanges de Khabouchan.

Ce fut en ce lieu que, par le confentement d'Ali Kuli Khan, avec l'affiftance de Mohammed Saleh Khan & de Mohammed Kuli Khan l'Afchar, capitaine des gardes, le fort fatal de ce héros fut décidé. Trois officiers confidérables nommés Mohammed Khan Erivani, Mouffi Beg Taremi, Koutché Beg Gondozlaï, entrèrent dans la tente royale à minuit, tuèrent ce grand roi, & firent une balle de paume de cette tête que l'univers, peu auparavant, étoit à peine capable de contenir.

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