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d'hostile fracas. Satan, avec moins de fatigue, et bientôt avec aisance, guidé par une douteuse lumière, glisse sur les vagues apaisées, et comme un vaisseau battu des tempêtes, haubans et cordages brisés, il entre joyeusement au port. Dans l'espace plus vide ressemblant à l'air, l'archange balance ses ailes déployées, pour contempler de loin et à loisir le Ciel empyrée : si grande en est l'étendue qu'il ne peut déterminer si elle est carrée ou ronde. I découvre les tours d'opale, les créneaux ornés d'un vivantsaphir, jadis sa demeure natale; il aperçoit attaché au bout d'une chaîne d'or ce monde suspendu, égal à une étoile de la plus petite grandeur serrée près de la lune. Là Satan, tout chargé d'une pernicieuse vengeance, maudit et dans une heure maudite, se hâta.

FIN DU LIVRE 11.

BOOK III

THE ARGUMENT.

God sitting on his throne sees Satan flying towards this world, then newly created; shows him to the Son, who sat at his right hand; foretells the success of Satan in perverting mankind; clears his own justice and wisdom from all imputation, having created man free, and able enough to have withstood his tempter; yet declares his purpose of grace towards him, in regard he fell not of his own malice, as did Satan, but by him seduced. The Son of God Leaders praises to his Father for the manifestation of his gracious purpose iowares man; but God again declares, that grace cannot be extended towards man without the satisfaction of divine justice; man hath offended the majesty of God by aspiring to Godhead, and therefore with all his progeny devoted to death must die, unless some one can be found sufficient to answer for his offence, and undergo his punishment. The Son of God freely offers himself a ransom for man; the Father accepts him, ordains his incarnation, pronounces his exaltation above all names in heaven and earth; commands all the angels to adore him; they obey, and, hymning to their harps in full quire, celebrate the Father and the Son. Meanwhile, Satan alights upon the bare convex of this world's outermost orb; where wandering he first finds a place, since called the Limbo of Vanity; what persons and things fly up thither; thence comes to the gate of heaven, described ascending by stairs, and the waters above the firmament that flow about it; his passage thence to the orb of the sun; he finds there Uriel, the regent of that orb; but first changes himself into the shape of a meaner angel, and, pretending a zealous desire to behold the new creation, and man whom God had placed here, inquires of him the place of his habitation, and is directed; alights First on Mount Niphates.

Hail, holy Light! offspring of heaven first-born,

Or of the Eternal co-eternal beam,

May I express thee unblamed? since God is light,
And never but in unapproached light
Dwelt from eternity; dwelt then in thee,
Bright effluence of bright essence increate.
Or hear'st thou rather pure ethereal stream,
Whose fountain who shall tell? before the sun,

LIVRE III.

ARGUMENT.

Dieu, siégeant sur son trône, voit Satan qui vole vers ce monde nouvellement créé. Il le montre à son Fils, assis à sa droite. Il prédit le succès de Satan, qui pervertira l'espèce humaine. L'Éternel justifie sa justice et sa sagesse de toute imputation, ayant créé l'homme libre et capable de résister au Tentateur. Cependant il déclare son dessein de faire grâce à l'homme, parce qu'il n'est pas tombé par sa propre méchanceté, comme Satan, mais par la séduction de Satan. Le Fils de Dieu glorifie son Père pour la manifestation de sa grâce envers l'Homme; mais Dieu déclare encore que cette grâce ne peut être accordée à l'Homme si la justice divine ne reçoit satisfaction : l'Homme a offensé la majesté de Dieu en aspirant à la divinité; et c'est pourquoi, dévoué à la mort avec toute sa postérité, il faut qu'il meure, A moins que quelqu'un ne soit trouvé capable de répondre pour son crime et de subir sa punition. Le Fils de Dieu s'offre volontairement pour rançon de l'Homme. Le Père l'accepte, ordonne l'Incarnation, et prononce que le Fils soit exalté au-dessus de tous, dans le ciel et sur la terre. Il commande à tous les anges de l'adorer. Ils obéissent, et, chantant en chœur sur leurs harpes, ils célèbrent le Fils et le Père. Cependant Satan descend sur la convexité nue de l'orbe le plus extérieur de ce monde, où, errant le premier, il trouve un lieu appelé dans la suite le limbe de vanité: quelles perscanes et quelles choses volent à ce lieu. De là l'ennemi arrive aux portes du Ciel. Les degrés par lesquels on y monte décrits, ainsi que les eaux qui coulent au-dessus du firmament. Passage de Satan à l'orbe du Soleil. Il y rencontre Uriel, régent de cet orbe, mais il prend auparavant la forme d'un ange inférieur, et prétextant un pieux désir de contempler la nouvelle création et l'Homme que Dieu y a placé, il s'informe de la demeure de celui-ci : Uriel l'en instruit. Satan s'abat d'abord sur le sommet du mont Niphates.

Salut, Lumière sacrée, fille du Ciel, née la première, ou de l'Éternel rayon coéternel! Ne puis-je pas te nommer ainsi sans être blâmé? Puisque Dieu est lumière, et que de toute éternité il n'habita jamais que dans une lumière inaccessible, il habita donc en toi, brillante effusion d'une brillante essence incréée. Ou préfères-tu t'entendre appeler ruisseau de pur éther? Qui dira ta source? Avant le soleil, avant les cieux, tu étois, et à la voix de Dieu, tu couvris comme d'un

Before the heavens thou wert, and at the voice
Of God, as with a mantle, didst invest
The rising world of waters dark and deep,
Won from the void and formless infinite.

Thee I revisit now with bolder wing,
Escaped the Stygian pool, though long detain'd
In that obscure sojourn; while in my flight
Through utter and through middle darkness borne,
With other notes than to the Orphea lyre,

I sung of Chaos and eternal Night;

Taught by the heavenly Muse to venture down
The dark descent, and up to reascend,
Though hard and rare : thee I revisit safe,
And feel thy sovreign vital lamp; but thou
Revisit'st not these eyes, that roll in vain
To find thy piercing ray, and find no dawn;
So thick a drop serene hath quench'd their orbs,
Or dim suffusion veil'd.

Yet not the more

Cease I to wander where the Muses haunt
Clear spring, or shady grove, or sunny hill,
Smit with the love of sacred song; but chief
Thee, Sion, and the flowery brooks beneath,
That wash thy hallow'd feet, and warbling flow,
Nightly I visit; nor sometimes forget
Those other two equal'd with me in fate,
So were I equal'd with them in renown,
Blind Thamyris and blind Mæonides,
And Tiresias and Phineus, prophets old:
Then feed on thoughts, that voluntary move
Harmonious numbers; as the wakeful bird
Sings darkling, and in shadiest covert hid
Tunes her nocturnal note.

Thus with the year
Seasons return, but not to me returns
Day, or the sweet approach of even or morn,
Or sight of vernal bloom, or summer's rose,
Or flocks, or herds, or human face divine;
But cloud instead, and ever-during dark
Surrounds me, from the cheerful ways of men
Cut off, and for the book of knowledge fair
Presented with a universal blank

Of nature's works, to me expunged and rased,
And wisdom at one entrance quite shut out.

So much the rather thou, celestial Light,
Shine inward, and the mind through all her powers
Irradiate; there plant eyes, all mist from thence
Purge and disperse, that I may see and tell

Of things invisible to mortal sight.

Now had the Almighty Father from above.

manteau le monde s'élevant des eaux ténébreuses et profondes; conquête faite sur l'infini vide et sans forme.

Maintenant je te visite de nouveau d'une aile pius hardie, échappé au lac Stygien, quoique longtemps retenu dans cet obscur séjour. Lorsque, dans mon vol, j'étois porté à travers les ténèbres extérieures et moyennes, j'ai chanté, avec des accords différents de ceux de la ly re d'Orphée, le Chaos et l'éternelle Nuit. Une Muse céleste m'apprit à In'aventurer dans la noire descente et à la remonter; chose rare et pénible. Sauvé, je te visite de nouveau, et je sens ta lampe vitale et souveraine. Mais toi tu ne reviens point visiter ces yeux, qui roulent en vain pour rencontrer ton rayon perçant, et ne trouvent point d'aurore, tant une goutte sereine a profondément éteint leurs orbites, ou un sombre tissu les a voilés!

Cependant, je ne cesse d'errer aux lieux fréquentés des Muses, claires fontaines, bocages ombreux, collines dorées du soleil, épris que je suis de l'amour des chants sacrés. Mais toi surtout, ô Sion, toi et les ruisseaux fleuris qui baignent tes pieds saints et coulent en murmurant, je vous visite pendant la nuit. Je n'oublie pas non plus ces deux mortels, semblables à moi en malheur (puissé-je les égaler en gloire!), l'aveugle Thamyris et l'aveugle Méonides, Tirésias et Phinée, prophètes antiques. Alors je me nourris des pensées qui produisent d'elles-mêmes les nombres harmonieux, comme l'oiseau qui veille chante dans l'obscurité : caché sous le plus épais couvert, il soupire ses nocturnes complaintes.

Ainsi avec l'année reviennent les saisons, mais le jour ne revient pas pour moi; je ne vois plus les douces approches du matin et du soir, ni la fleur du printemps, ni la rose de l'été, ni les troupeaux, ni la face divine de l'homme. Des nuages et des ténèbres qui durent toujours m'environnent. Retranché des agréables voies des humains, le livre des belles connoissances ne me présente qu'un blanc universel, où les ouvrages de la nature sont effacés et rayés pour moi : la sagesse à l'une de ses entrées m'est entièrement fermée.

Brille donc d'autant plus intérieurement, ô céleste lumière! que toutes les puissances de mon esprit soient pénétrées de tes rayons: mets des yeux à mon âme; disperse et dissipe loin d'elle tous les brouillards, afin que je puisse voir et dire des choses invisibles à l'œi mortel.

Déjà le Père tout-puissant, du haut du Ciel du pur empyrée, où il

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