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J'ai poursuivi, d'après la même méthode, la recherche des prononciations archaïques de chacune des phonétiques chinoises, mais je dois avouer que, dans plus d'un cas, je suis resté dans l'incertitude sur la valeur des résultats obtenus. Un éminent Sinologue anglais, dont je n'ai pu malheureusement me procurer tous les travaux, le Rev. J. Edkins, a entrepris sur l'ancienne langue chinoise un travail analogue au mien. Faute sans doute de connaître quelques uns de ses savants écrits, j'ai été plus d'une fois à me demander les raisons qui l'avaient porté à admettre certaines prononciations comme véritablement archaïques. Je crois que le son antique de chaque phonétique chinoise en particulier, ne doit être admis qu'après avoir été établi d'une façon définitive, en faisant usage de toutes les ressources de la philologie moderne; et, lorsqu'il s'agit de signaler des affinités de l'ancien chinois avec d'autres langues asiatiques, comme l'a fait M. Edkins, il me parait nécessaire de justifier tout d'abord de la forme qu'on attribue à chacun des mots restitués de la langue antique avec lesquels on veut opérer des comparaisons.

Jusqu'à présent les comparaisons qu'on a tentés du chinois avec d'autres langues de l'Asie orientale, méridionale et centrale, il faut l'avouer, n'ont amené qu'à d'assez maigres résultats. Il ne sera donc pas inutile de déterminer ici dans quelles conditions doivent être faites ces comparaisons pour avoir un caractère vraiment scientifique.

Il s'agit tout d'abord d'établir la forme archaïque des monosyllabes chinois: ce travail n'a pas été accompli, autant que je sache, mais des résultats considérables sont déjà obtenus.

Le problème qui se présente aussitôt après, et qui n'est pas à beaucoup près le plus simple à résoudre, est celui qui repose sur le système d'accentuation tonique et musicale des mots chinois. J'ai dit qu'en ce qui concernait le ton juh ou rentrant, nous étions déjà arrivé aux résultats désirables. Il n'en est pas ainsi des autres tons, notamment du ton ping ou égal, qui nous fournit une foule de monosyllabes ayant dans le Kouan-hoa, pour désinence un son nasal habituellement transcrit par ng. La prononciation des Han (Kanwon), que nous ont conservé les dictionnaire japonais, supprime cette nasale et la remplace par un u long qui se combine avec la voyelle a, o, e, ou i, des monosyllabes affectés du ton ping. L'absence de la nasale parait cependant peu probable dans la langue antique, bien qu'elle dût être moins sentie qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Une autre question, qui se pose immédiatement à coté de celle-ci, se rattache aux changements, non seulement de ton, mais encore de vocables, dont un mot chinois est susceptible, lorsqu'il acquiert une nouvelle nuance de signification, lorsqu'il prend une acception qui, au point de vue de nos langues, le fait passer d'une catégorie grammaticale dans une autre.

J'ajouterai, pour appeler l'attention des sinologues et des linguistes sur une face importante du problème qui me parait être encore fort obscure, qu'un même mot change parfois de ton en passant d'un dialecte dans un autre. Il y a là une loi que je soupçonne, mais que je suis encore loin d'avoir découvert d'une manière satisfaisante. On dit que bien poser un problème, c'est contribuer à le résoudre. Je serais charmé que les spécialistes puissent reconnaître dans les desiderata que je signale rapidement au Congrès, quelques traits de l'esquisse du problème relatif à la condition archaïque, si non absolument primitive de la langue chinoise.

Il est un autre sujet sur lequel je désire appeler tout particulièrement l'attention des sinologues et des linguistes qui me font l'honneur de m'écouter. Je veux parler de l'influence de l'écriture idéographique sur l'ancienne langue parlée du Céleste-Empire.

S'il est vrai de dire que toutes les langues écrites ont subi des altérations en rapport avec la nature des caractères employés pour leur notation, il faut certainement le dire d'une façon toute exceptionnelle pour les langues auxquelles a été adaptée, plus ou moins complètement, l'écriture dite figurative ou idéographique de la Race Jaune. C'est à cette écriture d'ailleurs que les mots chinois doivent leur forme en quelque sorte immutable, stéréotypique, et l'absence de toute agglutination entrainant une modification quelconque dans leurs éléments phonétiques constitutifs. Mais cette influence a été bien autrement considérable, en ce sens qu'elle a empêché la création en chinois d'aucun système de filiation, de dérivation entre les différents mots du langage, de sorte qu'on peut dire de cette langue qu'elle possède autant de racines que de mots, et que tous ses mots sont des racines.

Reste cependant à savoir ce qu'il faut entendre, philologiquement parlant, par un mot chinois. Je crois que faute d'avoir suffisamment élucidé cette question, on a rendu, si non impossible, du moins fort difficile pour le moment, toute comparaison sérieuse du chinois avec les autres langues.

Un mot chinois résulte-t-il de la prononciation affectée à chaque signe de l'écriture idéographique? En d'autres termes, et pour rendre ma pensée plus aisément intelligible,-faut-il voir, dans le dictionnaire de l'empereur Khang-hi notamment, 42,000 mots chinois dans les 42,000 signes environ qu'il renferme. Je ne le crois pas à beaucoup près, et je vais essayer de le prouver.

Si l'on examine la signification donnée par les lexicographes de la Chine aux signes de leur écriture, on trouve qu'une foule d'entre eux représentent des idées essentiellement secondaires ou dérivées, et qui ne sauraient être, chez aucun peuple, de ces idées primitives à l'aide des quelles se produisent les racines du langage. Pour ne citer que peu d'exemples, est-il possible de considérer comme des radicaux des mots qui ont des significations analogues à ceux-ci :

me, choses devenues noires par l'effet d'une pluie continuelle ' Res à pluvia continua denigratæ, BASILE).

li, une liqueur qui se fabrique en la distillant pendant une nuit (A liquor made by being distilled one night, MORRISON).

yen, un animal ressemblant au genre rat, mais qui est grand comme un bœuf et aime à se coucher dans les rivières et à boire de l'eau (An animal resembling the mouse kind, but as large as an ox, loving to lie down in rivers and drink the water, MEDHURST).

Tous les mots techniques, les noms d'animaux, de plantes, de minéraux, d'objets et d'ustensiles de toutes sortes, sont de la même façon représentés par des signes spéciaux dans l'écriture idéographique; mais il n'est guère possible de voir des mots primitifs, des racines dans les monosyllabes suivant lesquels ces signes sont prononcés à la lecture.

L'examen général du vocabulaire chinois m'a amené à conclure à l'existence d'un petit nombre de racines primordiales, des quelles découlait, dans l'écriture, une quantité considérable de dérivés homophones et idéologiques. De la sorte, chaque monosyllabe de la langue chinoise orale représente une ou plusieurs idées premières (le plus souvent moins de cinq), susceptibles, comme toutes les racines des langues connues, de produire une série plus ou moins considérable de modifications ou plutôt de nuances de sens. Pour expliquer ma pensée à cet égard, je prendrai pour exemple la racine monosyllabique TCH, laquelle exprime un mouvement en avant, une tendance vers un but.' Avec ce monosyllabe radical, on a formé :

TCHI atteindre à.

tchi, a, aller à, atteindre; b, le suprème dégré; c, grand, bon (parfait).

Ztchi, aller à.

tchi, aller à un point donné.

tchi, promener.,

tchi, a, se rendre à, faire une visite; b, être à la tête de, gouverner. tchi, choses qui arrivent au même point, qui se réunissent, qui arrivent à être en contact.

tchi, atteindre un objet avec la main; désigner du doigt, etc.

tchi, saisir avec la main, atteindre; pousser à l'extrème. tchi, saisir par violence.

tchi, saisir.

tchi, prendre, saisir.

tchi, montrer du doigt, indiquer un objet éloigné.

tchi, marcher lentement.

tchi, marcher (lentement), flâner.

tchi, marcher (rapidement), courir.

tchi, courir, fuir.

tchi, tendance, inclination, but.

tchi, tendance vers le passé, souvenir, histoire, se rappeler.

tchi, intention, volonté.

Etchi, le but de la vie atteint, bonheur, félicité.

tchi, repos, bonheur.

ttchi, parole qui atteint, qui touche, accuser.

tchi blesser, porter un coup.

tchi, châtier, corriger.

tchi, châtier, corriger.

tchi, châtier, corriger.

TCHI=suprème.

tchi, le plus haut dégré, suprème.

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tchi, désirer atteindre le but, mais éprouver des embarras pour cela (Morrison).

tchi, embarras dans la circulation d'un cours d'eau; congélation, concrétion.

tchi, embarras ou empêchement moral (), désaccord, brouille. 1 tehi, embarrassé, arrêté.

tchi, qui arrive mal au but, fou, esprit dérangé, malade (†). tehi, arrêt, s'arrêter; seulement.

tchi, seulement.

tchi, seulement.

tehi, faire halte.

tchi, halte, faire halte.

tchi, s'arrêter.

atchi, embarras, hésitation.

tehi, qui n'avance pas, qui fait de vains efforts pour avancer.

TCHI=séparé.

tehi, a, séparer, diverger;-b, branche (de bambou).

tchi, eaux qui coulent dans différentes directions (diverging waters).

tchi, id. (diverging streams).

tchi, séparé; disperser, répandre.

tchi, id.

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