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une femme qui le consolera de la perfidie de Paulina: les bonnes femmes ne sont pas rares, même à Paris. »

CONCLUSION.

Floranville, craignant que son aventure ne fasse du bruit dans la capitale, a pris le parti de voyager. Il est maintenant en Italie, et visite les principales villes de cette partie de l'Europe. Il m'écrit fréquemment, et je remarque dans ses lettres une foule de réflexions qui prouvent que son caractère prend plus de solidité, et que son esprit est occupé de choses sérieuses. Il s'arrêtera long-temps à Rome, et comme il est grand connaisseur en peinture, il se propose de faire une collection précieuse de tableaux.

Kerkabon et Duhamel ont été pareillement obligés de quitter Paris pour des affaires pres

santes. Le premier s'est rendu à Bordeaux, et le second à Grenoble. Ils m'honorent aussi de leurs correspondances; et la différence de leurs opinions et de leurs caractères se montre dans leurs lettres, que je conserve soigneu

sement.

Je me trouve donc presque isolé à Paris. Je n'ai d'autre plaisir que d'aller quelquefois rendre visite à madame Le Sueur, qui me reçoit toujours avec bonté. Son Adoration des Rois a été exposée au Salon, et lui fait honneur dans l'esprit des artistes; elle a un grand talent, mais c'est là son moindre mérite à mes yeux ; elle est bonne, modeste et vertueuse. Il est difficile de la voir sans l'aimer et sans l'estimer.

Depuis le départ de nos amis, j'ai renoncé à écrire. La lecture des bons livres fait toujours ma principale occupation; mais cela ne donne point à mon esprit le même ressort qu'une conversation raisonnable et animée. Il faut << qu'on me pousse, comme Montaià dextre et à senestre, » pour donner du

gne,

mouvement à ma pensée. Je suis donc forcé de m'arrêter. Je crains seulement que le lecteur ne pense que j'aurais dû m'arrêter plus tôt.

MÉLANGES

DE LITTÉRATURE.

SUR MILTON.

ET

LE PARADIS PERDU.

Parmi les productions poétiques qui font le plus d'honneur au talent de l'abbé Delille, dont les dédains des contempteurs de Racine ont accru la renommée, il est juste de placer au premier rang la traduction du Paradis perdu. Ily règne une aisance et une facilité d'expression qui n'appartiennent qu'à un poète d'un

ordre supérieur. L'on ne trouve point dans son poème cet air étranger, cette aspérité de langage qui manquent rarement de rebuter un lecteur français. L'illusion est si complète qu'on croit lire un ouvrage écrit dans la langue même du traducteur. Il est vrai que Delille ne s'attache pas strictement à la pensée de Milton, et qu'il n'a cherché à reproduire ni l'austérité, ni les formes, ni les mouvements de son style. Comme l'auteur anglais n'est pas un de ces écrivains qu'il faut étudier comme modèles, je penche à croire que le poète français ne mérite aucun reproche à cet égard. Le succès de sa traduction est la meilleure réponse qu'on puisse faire aux critiques qui seraient tentés de blâmer comme une licence la liberté qu'il a prise de paraphraser son auteur. il s'est mis à cet égard dans une telle indépendance, qu'on pourrait appeler son ouvrage le Paradis perdu de l'abbé

Delille.

Cette idée a frappé mon esprit, en comparant avec l'original la traduction de l'exorde si connu du troisième chant, où se trouve

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