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nance du 14 mars 1358, à tous juges d'obéir aux lettres patentes ou cédules ouvertes qui ne seraient scellées que du scel secret. L'ordonnance du 27 janvier 1539, article xxiv, répète cette disposition, et mêmes défenses furent faites pour les ordres scellés du signet, troisième scel de nos rois, qu'ils portaient eux-mêmes, et dont Louis-le-Jeune, dit-on, se servit le premier. (Encyclop. au mot Lettres de cachet.)

La différence du signet au scel secret fut bientôt abolie. (Ordonnance du Louvre, tome III, page 226, 386.) Voici les propres termes d'une ordonnance du 13 mars de cette même année 1359: « Nous voulons et nous défendons étroitement «< (c'est aux présidents du parlement qu'il parle) << que aux lettres patentes ou closes..... Soit èz laz « de cire verte ou jaune..... signées de notre propre « main ou autrement, ne à quelconques mande<«<ments de bouches que nous vous en fassions, << vous n'y obéissiez en aucune manière ; mais icelles «<lettres, comme injustes, subreptices, tortion«< naires et iniques, cassez et annullez sans diffi« culté aucune, et sans de nous avoir, ne attendre << autre mandement sur ce, et nous icelles lettres << audit cas, comme obtenues et impétrées par im

portunité, inadvertance et contre notre con<«< science, les cassons, irritons et annulons par «< ces présentes. » (Ibid. tom. IV, page 726.)

Une ordonnance de 1413 sous Charles VI, qui défend à tous juges, sur les serments qu'ils font au roi, d'obéir aucunement aux lettres obtenues

soit par importunité, inadvertance ou autrement, pour distraire la connaissance de certaines affaires des juridictions ordinaires, quand même ces lettres seraient scellées; cette ordonnance, dis-je, nous apprend que lorsque le chancelier refusait de sceller des lettres iniques et tortionnaires, on obtenait des lettres de commandement qui l'obligeaient d'y apposer le sceau. Charles VI enjoignit et défendit au chancelier et à ses successeurs, « sur le serment qu'ils ont, que pour quelque mandement ou «< commandement qui leur soit fait par gens de quelconque autorité qu'ils soient, ils ne scellent << aucunes lettres de cette espèce, » (Ordonn. du Louvre, tome X, page 123.) Ces dispositions furent renouvelées dans plusieurs ordonnances qui spécifient les lettres tant ouvertes comme closes. (Or don, du Louvre, tome IX, page 695; tome VII, page 290; tome VIII, page 50, etc.)

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L'article LXVI de l'ordonnance de 1453 de Charles VII, défend d'obtempérer aux lettres royaux qui ne seraient civiles et raisonnables, et autorise les juges en certains cas à punir les impétrants. (Fontanon, tom. I, page 610.)

Le bon Louis XII, dans son ordonnance du 14 décembre 1499, ordonne qu'on suive toujours la loi malgré les ordres contraires que l'importunité pourrait arracher du monarque, et ce, sous peine pour les juges d'être eux-mêmes réputés à lui désobéissants et infracteurs d'icelles ordonnances.

L'impérieux François I renouvela les mêmes défenses par l'article v du chap. I de son ordon

nance d'octobre 1535. Enfin, les rois ses successeurs, et nommément Louis XIII et Louis XIV, qui ont renversé les restes de la constitution française, ont répété en différentes occasions les mêmes injonctions. Les édits de juin 1643, mars 1646, septembre 1651, extorqués, il est vrai, par la nécessité où le gouvernement s'était mis par les excès de sa maladresse et de son despotisme, y sont formels.

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La plupart des lois que je viens de citer s'expliquent avec autant de précision sur les lettres closes que sur celles ouvertes ou patentes. L'ordonnance de 1560 rendue sur le vœu des états d'Orléans pendant le règne de François II; celle de Blois et celle de Moulins de 1566, données par Charles IX, sont surtout remarquables. L'article cxi de la première défend aux juges « d'avoir égard aux lettres << de cachet ou closes obtenues par importunité ou plutôt subrepticement, pour faire séquestrer des « filles, et icelles épouser contre le gré et vouloir « des pères et mères, tuteurs et curateurs, chose digne de punition exemplaire. >> Cette disposition, qui offre une preuve bien frappante de ce que l'intrigue peut oser, a été renouvelée par l'article CCLXXXi de l'ordonnance de Blois. L'article LXXXI de l'ordonnance de 1566, a défendu à tous juges d'avoir aucun égard aux lettres closes qui auraient été ou seraient ci-après expédiées et à eux envoyées pour le fait de la justice.

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Je ne crois pas qu'il y ait quelque chose de raisonnable à opposer à l'autorité de la tradition,

dont je viens de tracer aussi succinctement qu'il m'a été possible, la chaîne non interrompue.

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Diverses révolutions du pouvoir judiciaire en France. Jugement par pairs. Comment il se pratique en Angleterre. Réflexions sur cette méthode.

« Il (Louis XIV) ignorait qu'en remontant dans « les fastes de la nation on trouve que tout Fran« çais jugé par ses pairs jouissait du privilége de « ne pouvoir être emprisonné, sous quelque pré« texte que ce fût, à moins d'un crime capital et « notoire. » (Première partie, chapitre 1.)

Je tracerai les différentes révolutions qu'a subies en France le pouvoir judiciaire, et je resserrerai, autant qu'il me sera possible, les réflexions qui naissent en foule à chaque pas que l'on fait dans cette vaste carrière.

Pour se former une idée nette et précise de nos premières institutions, il faut nécessairement en rechercher l'origine dans celles des Germains nos ancêtres. L'admirable ouvrage où Tacite nous a peint leurs coutumes et leurs mœurs, contient en quelque sorte l'histoire politique des Français jusque bien avant dans la seconde race.

Il n'est pas possible de douter de l'esprit d'indépendance que les Germains conservèrent, alors même qu'ils devinrent de grands corps de nation. Les différentes tribus des Francs avaient des lois diverses, rédigées soit avant soit après leur éta

M. II.

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blissement dans les Gaules: ces lois sont toutes animées de cet esprit; et sans entrer dans les détails, c'est en apporter une assez grande preuve que d'observer avec M. de Montesquieu, que toutes ces lois barbares étaient personnelles ; c'est-à-dire qu'elles n'étaient point attachées à un certain territoire. Le Franc était jugé par la loi des Francs; l'Allemand par la loi des Allemands, etc. Quelque différentes qu'elles fussent dans leurs dispositions, elles se réunissaient toutes en ce point.

La jurisprudence des peuples barbares était nécessairement très-simple et très-défectueuse, parce que l'état de leur société était lui-même simple et grossier. Au rapport de César et de Tacite, les chefs ou principaux de chaque district rendaient la justice, et terminaient les différends. « Eliguntur <«< in iisdem conciliis et principes qui jura per pa<< gos vicosque reddunt. » (Mor. Germ. 12.)

On sent bien que les affaires litigieuses ne se multiplient qu'à la suite des progrès de la civilisation. Les Germains ne connaissaient presque pas la propriété des terres. Absolument adonnés à la chasse et à la guerre, « vita omnis ex venationibus atque « in studiis rei militaris consistit. (César.) Quoties bella non ineunt, multum venationibus, plus << per otium transigunt. » (Tacit. 15.) Méprisant et ignorant les arts, ne connaissant que les chants agrestes et militaires qui faisaient partie de leurs jeux, tout les éloignait des occupations sédentaires. Ils menaient cette vie errante et vagabonde qui était sans doute celle des premiers hommes et des

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