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Nad. 58.

Les tentes nombreuses comme les étoiles furent A.D. 1745. dreffées en Chekki, où elles demeurèrent près de trois mois enfuite, quittant ce lieu & paffant la rivière Ker, elles s'avancèrent vers Coktché, dans le quartier d'Erivan, par le chemin de Khatchin & Meïanicouh.

Pendant cette marche Nader Chah fut attaqué d'une maladie foudaine, & fut porté plufieurs ftations dans la littière royale; mais enfin, par les foins d'un habile médecin, qui lui donna des remèdes efficaces, il fut entièrement guéri, & reprit fa première vigueur & fanté.

Après cet accident, & le douzième du mois Juillet, Giumadi'lakhri, l'armée atteignit les plaines de Coktché, où elle campa dans de forts retranchemens.

CHAPITRE XVI.

L'Armée impériale arrive à Moradpeté, & prend Poffeffion d'Erivan. Bataille donnée contre Yeken Mohammed Pacha, Général des Turcs: fa Mort:

le

PLUSIEURS avis fucceffifs affuroient que dernier grand vifir, Yeken Mohammed Pacha, nommé généraliffime de l'armée Turque,

Nad 58.

A. D. 1745.s'étant joint à Gelik Pacha, gouverneur d'Idin, & à dix ou douze autres Pachas, s'avançoit avec des troupes innombrables d'Erzeroum, & de Cars; qu'outre ces forces Abdalla Facha Getetchi, avec Ahmed Khan, fils de Sobhan Virdi Khan, Begler Beg d'Ardilan, ainfi que d'autres Pachas, venoient à la tête d'une armée confidérable, &, paffant par la voie de Diarbecr & de Mouffel, fongeoient à donner une bataille décisive.

Sur cet avis fa Majefté envoya le prince Nafralla Mirza pour s'oppofer à ceux qui s'approchoient des frontières de Perfe, & lui donna les légions victorieufes qui avoient été employées fur les confins de Karmanchah, du Loriftan, & du Kiurdeftan.

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Ce fut auffi la volonté de fa Majesté que l'illuftre prince Imam Kuli Mirza se mariât, ainfi qu'Ibrahim Khan, qui, après la mort de fon père, portoit la même nom. En conféquence, de grandes preparations furent faites pour la célébration de ces mariages, & plufieurs jours furent paffés en joie & en divertiffemens près des quartiers de Coktché. Enfuite fa Majefté confia les importantes affaires du Khoraffan à Imam Kuli Mirza, & celles de l'Irak à Ibrahim Khan; & elle les fit partir 24 Juillet. le cinq de Regeb, avec une fuite convenable pour leurs refpectives commiffions.

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Nad. 58.

Sa Majefté, ordonnant que les bagages ref- A.D. 1745. taffent fur les bords de Peugekhan & de Tauris, déploya le même jour ses victorieuses bannières pour donner bataille au général des Turcs, qui avoit déjà quitté Cars; elle étoit réfolue de rencontrer les troupes ennemies dans le voisinage de Cars & d'Erzeroum, lorsqu'elle apprit que le général étoit forcé de s'arrêter dans ce quartier.

Sur cela, le neuf du même mois, l'armée 28 Juillet. royale, laiffant Erivan, vint à fix parafanges de Moradpeté, dans le même lieu où la bataille contre Abdalla Pacha Kiuprili Ogli avoit été donnée.

Le dix, dans l'après-midi, Mohammed Pa- 29 Juillet. cha s'avança avec cent mille hommes de cavalerie, & quarante mille d'infanterie, & campa au pied d'une montagne à deux parafanges de l'armée impériale, où, ayant dreffé ses tentes, il commença de fortifier les endroits foibles, & de préparer fes canons & fes mortiers.

L'onzième, les deux armées étant rangées en ordre de bataille, le feu du combat commença, à flamber, & fes étincelles atteignirent les étoiles. Après plufieurs fucceffifs engagemens, l'armée Ottomane fut mife en déroute par l'interpofition de la Providence.

La

perte fut très-grande du côté des Turcs, leur genéral fe retira dans fes retranchemens,

Nad. 58.

A.D. 1745. &, la nuit devenant obfcure, les troupes conquérantes retournèrent à leur camp.

Alors le vigilant héros envoya un détachement pour obferver les environs de Cars, & pour ôter à l'armée Turque toute poffibilité d'avoir du fourrage & des provifions.

Depuis ce temps, tous les jours quelques partis Turcs étoient taillés en pièces près du camp, & le général fe trouva de plus en plus refferré de tous côtés; enfin, voyant que fes foldats n'étoient en nulle manière accoutumés à l'art de la guerre, il fe retira avec fon armée, marchant environ quatre parafanges chaque jour, jufqu'à ce qu'il fût à neuf parafanges des Perfans, où il campa.

Cette retraite avoit été fi bien conduite, que des Perfans, ayant été détachés pendant la nuit, pour faire une excurfion dans le camp des Turcs, furent étonnés de le trouver abandonné, & remplirent les airs de cris de furprise.

Dans ce même temps le général Turc méditoit le même projet contre le camp des Perfans, ayant trouvé, après une confultation avec les chefs Ottomans, que dans la crise où l'on étoit, il n'y avoit pas d'autre moyen pour contenir fes foldats, prêts à fe mutiner & qui défertoient continuellement.

Dans l'après-midi du même jour, qui étoit

Nad. 58.

9 Août.

un Vendredi, vingt-un du même mois, un A.D. 1745. courrier de Nafralla Mirza apporta la nouvelle, que le général Abdalla Pacha, qui s'étoit avancé par la voie de Diarbecr, avoit premièrement envoyé un de fes officiers à Baban & à Cheherzour, mais que l'entrée de ces villes lui avoit été refufée par le gouverneur de Baban, qui, ayant laiffé fa famille dans la fortereffe de Severdache, & s'étant joint aux chefs des Kiurdes, étoit venu avec eux offrir fes fervices au prince. Ce meffager ajouta que ce général & Ahmed Ardilani avoient affemblé les Kiurdes de Bilbas, & avec une armée complète marchoient à Mouffel; que le prince, ayant déployé ses bannières, s'étoit avancé pour les combattre ; qu'enfin les deux armées s'étant rencontrées près de Mouffel, après un combat furieux les Turcs avoient été défaits, plufieurs d'entre eux tués, ou faits prifonniers; leur général, avec ceux qui avoient échappé, s'étant fauvé par la fuite.

Sa Majefté, après avoir rendu grâce au ciel d'une telle victoire, envoya par un prifonnier Turc les lettres du prince au général ennemi. Celui-ci avoit à peine atteint le camp des Turcs au moment que le flambeau de l'univers répand fa première clarté, qu'un horrible bruit & un violent tumulte fut entendu dans

ce camp, d'où il fortoit des nuées de pouffière. Il fut bientôt découvert que le général, peu

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