Page images
PDF
EPUB

A.D. 1742. d'y conftruire des aqueducs, où ils conduiroient

Nad. 55.

19 Mai.

des eaux femblables aux fources de Couffer, d'auffi beaux lacs que le puits de Zemzem, & clairs comme la fontaine de Selfebil. Il fit auffi apporter, dans cette place la mieux fortifiée de l'univers, ce qu'il y avoit dans fon royaume de plus précieux en meubles, robes, ornemens, néceffaires pour fon palais & pour fa glorieuse garderobe; enfin il renferma toutes fes richeffes dans ce féjour auffi délicieux que le paradis & que les jardins

éternels.

Le Mardi, vingt-cinquième de Rabiu❜lavel, lorfque le foleil étoit au milieu des Jumeaux, & que l'air étoit tempéré, l'armée royale fe mit en marche pour punir les révoltés de Tabrifran: elle quitta le défert de Caferi ; &, ayant faccagé, ruiné, & brûlé les maisons des rebelles, elle détruifit leurs champs, & ne laiffa aucune trace d'eux. De là les héros fe répandirent dans les autres districts du Dagheftan, ravageant les villages, les châteaux, les habitations, comme le feu au milieu de coton, les loups parmi les troupeaux, un torrent à travers les ruines.

Le Chemkhal ou prince de Daghestan & Serkhaï furent pendant ce temps presque toujours dans les troupes royales, & fe montrèrent très-ardens à faire le fervice; mais Ahmed

Nad. 55.

Ofmeï, craignant le châtiment dû à fa trahison, A.D. 1742. fe fortifia dans le château de Kereiche, fur le fommet d'un mont très-élevé, dont les défilés étoient de difficile accès, les côtés entourés de forêts & de bois, & qui avoit un seul sentier, fi étroit qu'à peine on pouvoit s'y tenir.

Après que les rebelles du Dagheftan furent réduits, les affaires de ce pays & de celui d'Oar réglées, sa Majesté s'avança elle-même vers ce fort inacceffible d'Ofmeï. Pendant trois jours les champions courageux comme des éléphans, & furieux comme des lions, continuèrent l'attaque, & après de violens affauts & de terribles fecouffes, ils prirent poffeffion de la montagne & du château reffemblant au fir

mament.

Ofmeï, fe voyant dans cette extrémité, s'enfuit du côté d'Oar, laiffant derrière lui fa famille, & plaçant fon pied fur les plaines du péril. La garnison & les habitans de Kerakeitaf tournèrent vers le grand conquérant le visage de la fupplication, & touchèrent de leur front la terre qui étoit fous fes pas. Sa Majefté pardonna leur offenfe, & ordonna feuleleur fortereffe bâtie de pierres & de

ment que briques fût rasée.

On a déjà vu qu'après la conquête du Kharezme & la punition d'Ilbars, Taher Khan avoit été établi Vali de cette principauté. Il

Nad. 55.

A.D. 1742. a été dit que fa Majesté, étant en Daghestan, avoit reçu la nouvelle de la mort de ce prince, caufée par la rebellion d'Abou'l Kheir Khan, joint à Ertouk Eniak, & aux autres mécontens d'Aral, lefquels, après avoir rompu les liens de l'obéiffance, s'étoient choifis pour gouverneur le fils d'Abou'l Kheir Khan; on a raconté comment fa Majefté, irritée de voir payer fes bienfaits & fa clémence de tant d'ingratitude, avoit envoyé Nafralla Mirza son lieutenant général en Khoraffan pour châtier les révoltés, lui ordonnant de conduire toutes fes forces & fon artillerie contre Kharezme, & de s'y rendre pour le jour du nouvel an.

Quand donc Ertouk Eniak, & les autres chefs d'Aral & du Kharezme, furent informés de la marche du prince, & furent revenus de leur ivreffe caufée par le vin de l'ambition, ils se repentirent de leur folie, &, remplis de crainte, fe hâtèrent de fe rendre en Khoraffan; ils recontrèrent Nafralla Mirza près de Mérou, & lui démandèrent pardon & grâce, offrant de rendre les prifonniers & d'enrôler de nouvelle troupes dans fon armée.

Le prince s'arrêtant à Mérou, envoya demander la volonté de l'Empereur, auffi puif fant que Soliman, qui, en confidération de cinq cents fidelles Ouzbegs qu'il avoit dans fon armée, pardonna aux rebelles, & à la re

Nad. 55.

quête de ces vaillans foldats, donna la prin- A.D. 1742 cipauté du Kharezme à Abou'l Mohammed fils d'Ilbars, qui avoit pris refuge fous l'ombre des victorieuses bannières du prince. Sa Majefté voulut auffi qu'Ertouk Eniak remplît un pofte confidérable, & celui-ci fit paffer fon frère & plufieurs chefs dans le fervice de l'armée royale.

Les ordres que le reçut portoient en même temps de choisir un nombre confidérable de foldats d'Aral & de Kharezme, & de les envoyer au camp, de relâcher les prifonniers, & de tranfplanter en Khoraffan les tribus de. Tekki & d'Yemout, qui fe trouvoient alors. en Kharezme.

Les chefs de ces tribus, s'étant foumis au décret royal, reçurent la permiffion de fe retirer, & le prince se mit en marche pour retourner en Khoraffan, où il arriva le vingt-1 deux de Giumadi'lakhri.

14 Juillet.

Nad. 55.

CHAPITRE VII.

Un Impofteur fous l'Habit de Derviche fait foulever Balkbe; Réduction de cette Pro

vince.

A.D. 1742. LORSQUE fa Majefté s'occupoit à mettre ordre aux affaires du Daghestan, elle apprit le foulèvement de Balkhe, qui arriva de la manière fuivante.

Com

mencement

bre.

Vers le milieu du mois Chaval, un homme de Novem- d'origine inconnue, venant d'Oubé & de Chaffilan, & revêtu d'un habit de Derviche, fe rendit à Endekhod, & de là à Balkhe; &, s'arrêtant dans la fainte demeure de Chahmerdan, il prétendit être un Iman, & faire des miracles; auffitôt, Ifmitalla, Saïd Cheiourgali, & plufieurs chefs Ouzbegs, le fuivirent, ainsi qu'une multitude de bas peuple; de manière qu'en peu de jours il raffembla autour de lui dix ou douze mille hommes.

Neïaz Khan, gouverneur de la province, fut d'abord infatué de cet impofteur, &, fe foumettant à lui, frotta de fes paupières les pas qu'il traçoit; mais, voyant fon pouvoir monter au plus haut degré, il craignit pour lui

« PreviousContinue »