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A.D. 1741. par Mazenderan; ainsi, le fecond du mois Moharrem 1154, les très-glorieuses tentes furent dreffées dans la ftation d'Aliabad Khabouchan.

28 Février.

CHAPITRE V.

Événemens de l'Année de la Poule, répondant á celle de l'Hégire 1154.

LA nuit du Mardi troifième de Moharrem, après la troisième heure, le roi des rois ordonna aux tréforiers de la nature de célébrer l'entrée du foleil dans le figne du Belier, en parfemant d'étoiles d'or l'étendue argentée du firmament.

Les exécuteurs de la volonté divine couvrirent la terre d'un tapis de roses tiffu d'arbuftes & de fleurs, tandis que l'aftre du jour, comme un glorieux fultan, s'appuyoit fur fon nouveau trône. Les bienfaifantes ondées ranimoient les rofes, & leur donnoient une douce fraîcheur. L'haleine du Zéphyr agitoit la tulipe fiégeant fur le trône couleur d'émeraude de fa tige, & fecouoit la rofée dont fes

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feuilles étoient chargées. Le printemps, ainfi A.D. 1741. qu'un habile général, rangeoit en bataille les lis & les anemones; & l'agréable fouffle du vent du couchant chaffoit les tempêtes du mois de Deï.

Cependant l'armée victorieuse dreffoit fes tentes, qui reffembloient aux fleurs printanières, tantôt fur le bord des déferts, tantôt fur le penchant des collines.

Quand les troupes eurent atteint Semelkan, le temps changea, & au befoin de pluie fuccéda la difette de provifions. Pendant fix stations, les plaines arides n'offrirent ni herbes ni fourrages; les beftiaux mouroient de faim, & plufieurs chevaux périrent au paffage des rivières. Enfin, comme à chaque faison rigoureufe en fuccède une favorable, & qu'il n'eft nulle difficulté fans fecours, en arrivant à Cheherec Craili on trouva les bordures des plaines, femblables au giron d'une personne qui cueille des bouquets, remplies d'herbes & d'arbustes fleuris; en ce lieu le camp augufte jouit du bien-être & du repos, après tant de peines & d'inquiétudes.

Sa Majefté, continuant sa marche à petites journées, fit enfuite dreffer fes tentes victorieuses au nord de la rivière Kerkan du côté du défert, où elles reftèrent jufqu'à ce que les animaux fuffent recouvrés de leurs fatigues.

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A. D. 1741. Alors un meffager arriva de la part des commandans envoyés à Giar & à Tellé; il informa fa Majefté que les ferres de la fortune & le puiffant bras de la profpérité avoient totalement châtié les tribus rebelles, & leur avoient ouvert les portes de la deftruction.

Ces rebelles, comme il a été déjà dit, étoient les Lekzies de Giar & Tellé, notés par leurs révoltes & leurs féditions; ils occupoient le côté du midi du mont Alborz, une des plus fameufes montagnes du monde, & dont le fommet frappoit le firmament. Les comman-

dans, envoyés contre eux, étoient arrivés le 10 Février. quinze de Zou'lheggé fur les bords de la rivière Kanik; à leur approche les Lekzies avoient fortifié trois places, Giar, Giarouk, & Agzifer; ils avoient mis dans chacune une garnifon affez confidérable, non feulement pour s'opposer aux Perfans, mais auffi pour pouvoir espérer de les battre.

Les troupes royales avoient d'abord attaqué Giar, & rendu compagnons de la mort plufieurs foldats ennemis; les autres avoient abandonné le fort, & s'étoient retirés à Giarouk. Là, après de perpétuelles efcarmouches pendant plufieurs jours, où un grand nombre des Lekzies périrent, ces malheureux furent contraints à gagner leur troifième refuge, fitué fur la cime de la montagne.

Cette place, prefque inacceffible par la quantité de bois & d'arbres qui l'entouroient, avoit un paffage très-difficile nommé la gorge d'Agzifer, où le foleil voyageur pouvoit à peine monter, & où le léger courfier de la lune ne pouvoit paffer.

Ce fut pourtant de ce côté que les Abdalis. avoient demandé à commencer l'attaque avant l'arrivée du corps de l'armée, & qu'ils avoient combattu depuis le matin jufqu'au foir aux dépens de la vie de plufieurs des deux partis. A minuit les foldats, foutenus d'un courage indompté, avoient commencé d'efcalader les murailles, ainfi qu'une prière exaucée monte à la demeure des cieux. Les Lekzies, fans perdre de temps, faifoient rouler de groffes pierres fur les affiégeans, & laiffoient tomber fur eux une pluie de flèches & de balles, fans pouvoir faire reculer les courageux héros & les empêcher de gagner terrain.

Quoique cent Abdalis euffent été ou tués bleffés, néanmoins, avec l'aide de la Providence, ils avoient pris le fort; & les vaincus, voyant toute iffue fermée pour eux du côté du nord de la montagne, s'étoient en grand nombre précipités du haut des monts dans la caverne du néant. Enfin tous ces malheureux avoient été ou maffacrés, ou faits captifs; leurs ha

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A.D. 1741. bitations, leurs places fortes avoient fubi la violence du vainqueur, & avoient été rafées jufques dans leurs fondemens, de manière que nulle trace d'eux n'étoit reftée.

En récompense d'une telle victoire, fa Majefté envoya deux cents mille roupies, & des robes fplendides, pour être distribuées aux officiers & aux foldats de cette heureuse armée, accompagnant ces dons d'une lettre remplie de bonté.

Quelques jours après les mêmes commandans firent favoir à fa Majefté, qu'ils avoient auffi battu les Lekzies de Tellé; qu'après les avoir pourfuivis jufqu'à la rivière Semour, ils en avoient fait un grand carnage dans un lieu nommé Kaffour, rendant captives leurs fami les, & nettoyant les plaines de Giar & de Tellé de cette féditieuse tribu; mais qu'enfin, à leur retour, par l'ordre du deftin, deux cents Perfans avoient péri dans les neiges.

Après toutes ces nouvelles, l'armée royale quitta les bords du Kerkan, &, paflant par les dehors d'Aftrabad, arriva à Echeref, lieu agréable, où elle fe repofa pendant trois jours, & poursuivant fon deffein, elle continua fa marche par la voie de Sovad.

Dans le nombre des événemens remarquables de cette année fut le danger que fa Ma

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