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A.D. 1740. alors Ilbars réduit à l'extrémité vint préfenter Nad. 53. bataille avec fes Ouzbegs, fes Turcmans, &

toute fon artillerie.

Dès que le commandement royal fut donné, les Perfans tombèrent avec furie fur l'ennemi, & avec l'aide du Créateur, & l'éternelle prospérité du puiffant conquérant, les Kharezmiens furent défaits. Un grand nombre d'entre eux furent conduits par les guides des cimeterres dans le féjour de la mort, le reste, que le même fort menaçoit, au lieu d'entrer dans la fortereffe, fe mit à fuir à travers les champs; mais la plupart furent tués ou pris avec leurs chefs, par les troupes qui les poursuivirent. Ilbars, avec fes Ouzbegs, fe mit à couvert dans le château,

Cependant, l'infanterie Perfane ayant eu ordre d'attaquer le camp ennemi des quatre côtés, fe faifit à l'inftant de leurs tentes, de leur artillerie, de leurs tréfors, & fit prisonniers plusieurs foldats, qui étoient restés dans les tentes.

Enfuite les foudroyans canons, et les enflammés mortiers jouèrent pendant trois jours contre le château, & confumèrent la fubftance & la patience de ceux qui le défendoient. Les ingénieurs commencèrent en plufieurs endroits à creufer la terre pour faire des mines; les bombes ébranlèrent les murs avec violence,

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& les tours furent prefque fapées. Enfin, les A.D. 1740. hardis guerriers, avec la fureur de Baharem, se préparèrent pour l'affaut.

La garnison, se trouvant entièrement plongée dans le précipice de la calamité, demanda à fe rendre, ainfi que plufieurs chefs des Ouzbegs, & le vingt-quatre du mois, ils vinrent 26 Octobre. humblement fe profterner devant la cour qui défend le monde. Ilbars, voyant le naufrage de fon vaiffeau & les jours de fa profpérité obfcurcis, voulut néanmoins demeurer derrière le rempart de fon obftination, & refufa de fortir.

Le lendemain fa Majefté envoya quelques foldats pour tirer du château, de gré ou de force, ce malheureux ainfi que ceux qui étoient demeurés avec lui.

Le clémence du généreux monarque étoit fi grande, que rarement il tiroit l'èpée du châtiment contre l'ennemi foible ou accablé ; mais Ilbars avoit été encouragé de toutes parts à la foumiffion. Lorsque la royale armée étoit en Bokhara, Chah Abou'l Feiz, roi du Touran, avec le pouvoir d'Afrafiab, lui avoit envoyé plufieurs fidelles meffagers pour l'exhorter à l'obéiffance; quelques-uns, pour le même fujet, lui avoient été dépêchés de Tchargiou: au lieu de profiter de leurs avis, il les avoient tous fait mettre à mort.

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Ces motifs obligèrent fa Majefté de se dé'partir de fa clémence accoutumée & d'ordonner que le fang innocent fût vengé fur Ilbars, & fur vingt des perturbateurs du repos de l'empire, qui, comme lui, méritoient la

mort.

Sa Majesté donna la principauté du Kharezme à Taher Khan Nevadeh Genghizi, coufin du roi du Touran, & fidelle ferviteur de l'empire; les Ataliks & les Itaks furent nommés miniftres de ces contrées.

Dans le nombre des accidens qui arrivèrent alors, fut celui-ci; le bruit s'étant répandu dans le camp que l'ordre avoit été donné pour le pillage, un parti confidérable de foldats fe hâta d'entrer dans le château pour le piller; mais l'Empereur l'ayant appris fit trancher là tête à trente d'entre eux dans la falle des gardes.

Avant fa dé faite, Ilbars ayant envoyé à Kizak & à Aral, pour demander du fecours, Abou'l Kheir Khan, prince de Kizak, s'étoit avancé avec un corps de troupes compofé de Kizakiens, & d'Ouzbegs d'Aral; ilavoit déjà atteint Kheïou, capitale du Kharezme, quand il apprit la fituation des affaires : fur cela il envoya des meffagers de confiance pour porter des paroles de foumiffion & d'obéiffance à la très-haute cour: mais à peine ces meffagers étoient partis, que,

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faififfant la première occafion, il avoit tourné A.D. 1740. le cheval de la fuite vers Kizak.

Quand cette nouvelle parvint à l'oreille facrée, les bannières conquérantes du monde furent déployées fur le chemin de Kheïou, place fameufe pour fes fortifications, & où les Ouzbegs avoient un grand amas de provisions.

Ce château avoit même été entouré d'un profond foffé pour en éloigner les Perfans: mais ceux-ci paffoient à travers des murs de feu avec plus de vîteffe que les eaux, & traverfoient les eaux avec plus de violence qué ne fait la tempête.

Les Ouzbegs, fe repofant donc fur leurs forces, fe réfolurent à la défense. Auffitôt les tentes impériales furent dreffées autour du château, qui fut étroitement bloqué; des foffés furent creufés de toutes parts, & l'eau s'écoula dans la plaine; les ouvriers, retrouffant les pans de la robe de la diligence, mirent en trois jours les tranchées entièrement à fec.

Les puiffantes batteries furent alors dreffécs; &, quatre jour après que les boulets de canons & les bombes eurent inceffamment tombé fur la garnison, ces miférables s'aperçurent qu'au lieu de leurs eaux, ils s'étoient plongés dans des lacs de feu: auffi vinrent-ils dans le milieu de ce quatrième jour apporter les clefs de

Nad. 53.

A.D. 1740 leur fortereffe au camp impérial, & leur foumiffion fut reçue avec bonté & clémence.

Sa Majefté choifit quatre mille jeunes Ouzbegs, &, les enrôlant dans fa victorieuse armée, les envoya au Khoraffan; elle raffembla tous les efclaves qui avoient été pris en Khorassan pendant le cours du dernier règne, & les rendit à ceux de leurs parens que fe trouvoient alors. Comme un grand nombre de Ruffes avoient jadis été faits captifs, elle leur donna auffi leur liberté, les laiffant les maîtres d'aller où il leur plairoit. Il avoit été fait douze mille prifonniers en Khoraffan, dont quatre mille étoient dans la citadelle de Kheïou; à ceux-ci on fournit des chevaux, des bêtes de charge, & des provisions, pour les conduire dans leur propre pays, leur affignant pour habitation une ville à quatre parafanges d'Abiverd dans un lieu nommé Tchechemé Gelengiah, que les architects de fa Majesté avoient bâti, & qui depuis porta le nom de Kheïouabad.

L'Empereur demeura dans le Kharezme pendant plufieurs jours pour en régler les affaires; &, ayant trouvé que, donner une armée furnuméraire au prince de Kharezme, ce feroit un trop pefant fardeau pour les habitans de ce pays, il fe contenta de recevoir

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