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" étoient les bordures des jardins, & les fleurs "de ces bordures? Quand ils étoient enivrés "de plaisirs, & dardoient des œillades amou"reuses; quand leurs années étoient verdoy

antes & parées de la fraîcheur des boutons "dorés; voilà que la mort, échanson fatal,

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verfe le vin de la deftruction dans leurs coupes, &, de fes fleuves débordés, inonde

le jardin de leurs vies. Ils quittent leurs "somptueux palais pour s'abymer dans "d'étroites tombes, préfentant le breuvage "amer de la féparation à leurs compagnons,

qui, éperdus de douleur, déchirent leur fein " & frappent leur poitrine. Ah! fi les vœux "des tribus affligées pouvoient avoir quelque "influence fur la mort, elle leur auroit rendu ces objets de leurs triftes regrets! Mais à

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préfent ils habitent les creux de la terre, & "leur beauté n'eft plus; les vers les dévorent; "la dent du dépériffement les ronge. Ils fe "décompofent par degrés dans les entrailles "de la terre; ils y demeureront jufqu'au mo"ment où ils reprendront une nouvelle vię. "Ceux que l'amour ou l'amitié avoit attachés "à eux vont chaque jour vifiter leurs tom"beaux; ils pleurent; ils fe lamentent; ils

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gémiffent fur les pierres entaffées de leurs

fépulcres; ils fouillent leurs joues de la

pouffière que les ondées ont humectée; ils

"appellent en vain ces princes chéris; ils ne

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' reçoivent de réponse que de l'écho duvide "rocher; aujourd'hui ils vifitent les tombeaux “de leurs compagnons, demain on vifitera "les leurs tels font les décrets & les arrange"mens de la Providence."

SECTION V.

De leurs Poëfies morales

LES nations Orientales ont toujours été renommées pour l'excellente méthode qu'ils fuivent dans leurs pièces de morale, en mêlant ingénieufement l'agréable à l'inftructif. Leurs poëmes font remplis de nobles fentimens, tels que ceux-ci.

"Dis, à celui qui me reproche mon change"ment de fortune: Le fort peut-il abaiffer "celui qui n'avoit pas été élevé ? ne vois-tu les rofeaux flotter fur la furface de la

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pas

mer, tandis que les perles reftent au fond? "vois, comme le vent, qui fouffle de tous "côtés, ne détruit pourtant que les hauts "arbres. De toutes les branches des bocages,

"le paffager ne caffe que celles qui font char

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gées de fruits. Il y a des étoiles fans nombre "dans le firmament, mais le foleil & la lune

"feuls y fouffrent des éclipfes."

On ajoutera à cet exemple les vers fur l'utilité de voyager, dont il eft fait mention, dans les contes Arabes.

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Voyage, & tu trouveras de nouveaux 'plaifirs qui remplaceront ceux que tu perds. "Change de féjour, car il y a des délices dans "le changement; je ne fache rien de plus agréable, ni de plus défirable que de voy

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ager: quitte ton habitation & pars. Ne "vois-tu pas que l'eau qui eft sans mouve"ment croupit, & qu'elle n'eft douce & claire

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que lorfqu'elle coule & fuit fon cours. Si "le foleil demeuroit toujours fixé dans la "même partie des cieux, le genre humain fe "lafferoit de fes bienfaifans rayons. Si la "lune ne fe cachoit pas fous les nuages, elle

ne frapperoit pas agréablement la vue par "fon éclat imprévu. Le lion ne fauroit “déchirer fa proie s'il ne fort pas de fon

antre. La flèche n'atteindroit pas le but "fi elle ne partoit de l'arc. L'or dans fes "mines n'eft pas plus eftimé que la paille, & "le bois d'aloès dans le terrain où il croît n'est "qu'un bois commun."

Il y a plufieurs ouvrages dans toutes les

langues Afiatiques fur des fujets moraux, dont les plus eftimés font le Pendnameh d'Attar & les excellentes œuvres de Sadi.

SECTION VI.

De leurs Satires.

Les poëmes de Gerir, & le cinquième livre du Hamaffa, font les feules remarquables fatires en Arabe; elles reffemblent beaucoup aux ïambes d'Archiloque & aux fragmens que nous avons d'Hipponax; elles respirent le feu de la haine la plus invétérée, & du reffentiment le plus violent, comme on peut le voir dans cette invective contre un lâche commandant.

"Sois à jamais confondu, chef foible & "craintif; puiffe la rofée du matin ne jamais "tomber fur ta demeure: puiffe la pluie ne "jamais arrofer les habitations de ta tribu :

puiffent leurs collines ne reverdir jamais! "Tu t'es couvert de honte ainfi que d'un

manteau, O fils de Bader! & les mauvais "effets qui en réfulteront feront attachés à tes

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pas. Les traits de l'infamic te perceront de "tous côtés, tu feras un fujet de dérifion dans "toutes les affemblées."

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La fatire fuivante eft mife dans la bouche d'une princeffe Arabe, irritée contre Amarah, chef d'une tribu voifine de la fienne & rival de fon favori Antarah célébre héros & poëte. Ceffe, O Amarah! ceffe de troubler nos 'jeunes nymphes par tes vains foupirs, "ceffe de pourfuivre les filles de la beauté ; "Car tu n'as jamais éprouvé les armes de "l'ennemi; tu es fans valeur au jour du "combat.

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"Ne défire point de voir Abelah, crains d'y "rencontrer fon amant femblable au lion "des vallées.

"Ton brillant cimeterre ne te fervira de rien

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pour l'acquérir, non plus que ton obfcure " & tremblante lance.

"Abelah eft une jeune biche qui a captivé le "cœur d'un lion par fes yeux doux & languiffans.

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"Tu perfiftes encore dans ton vain amour

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pour elle; tu remplis tous les lieux "d'alentour de tes plaintes.

"Mais n'approche pas de fa tente, tremble

"qu'Antarah ne t'y prefente le vin

pur de

"la mort;

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