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"Délivre-moi des foucis de l'abfence, fi tu "veux que le ciel te préferve des regards de “la malignité.

Quand la rofe te fourit, O roffignol! ne foit pas deçu; car on ne doit pas compter “fur la rose, bien qu'elle renferme la beauté "de tout l'univers.

"Au nom du ciel, prends ma vengeance, "ordonnateur du banquet, car ma belle boit "du vin avec les autres, & n'eft réservée "qu'avec moi.

Quel cœur échappe à fes œillades! elle "s'affit en embufcade dans un coin, & ac"commode fes traits à fon arc.

et

Qu'est-il arrivé à la cour de ma bien"aimée, que les plus grands rois en touchent "le feuil avec leurs fronts? Comment ex"cufer ma fortune? Cette aimable nymphe,

dont la beauté excite un tumulte dans la "ville, remplit le cœur d'Hafiz d'amertume quoique fa bouche ait tant de douceur.

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ODE X.

"O DOUX zéphyr! s'il t'arrive de paffer par le féjour de l'objet que mon cœur aime,

que ton haleine me rapporte l'odeur de fes "cheveux ambrés

"Car avec cette haleine mon ame feroit "remplie de volupté, comme recevant un meffage de cet objet chéri.

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"Mais fi tu es trop foible pour foutenir un "tel poids, au moins épands fur mes yeux "de la pouffière que tu recueilles fur le feuil "de fa porte.

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'Je fuis confterné & demeure affis im"mobile en attendant fon retour. Ah! quand

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mes yeux feront-ils charmés par la vue de "cet aimable visage!

"Mon cœur, autrefois haut comme le pin, "tremble à préfent comme le faule par l'ardent "amour qu'allument les grâces de la forme " & de la taille de mon bien-aimé.

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Quoique mon bien-aimé ait peu d'égards . pour moi, je donnerois le monde entier pour un feul regard de fes beaux yeux.

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Quel bien ne feroit-ce pas pour mon cœur, "s'il étoit délivré des entraves des foins de la "vie, puisqu'il est destiné à être le vaffal & "l'efclave de fon bien-aimé ?"

Le poëte Hafiz a donné plufieurs autres ouvrages, dans lefquels on trouve la même beauté d'images & le même charme d'expreffions que dans fes odes, qui font au nombre d'environ fix cents. Le Baron Revizki à l'auteur les deux premières odes envoya des dix qu'on vient de donner: il les avoit

traduites en Latin avec une élégance digne d'un homme de goût auquel les connoiffances les plus étendues, tant dans la littérature Orientale que dans l'Européenne, donnent un rang diftingué parmi les favans du fiècle.

Comme les auteurs Orientaux ne peuvent que perdre dans la traduction, il fe peut qu'on trouvera outrés les éloges qui leur font donnés dans ce traité; mais, que ceux qui penfent ainfi prennent la peine de traduire littéralement les ouvrages d'Horace, d'Anacréon, & de Sapho, & ils ne feront plus choqués de ce qui leur aura paru froid & fec dans quelques ftrophes de ces odes ou chanfons Perfanes. On peut dire à ce propos avec Michel de Cervantes: Celui qui prétendroit juger, de quelque poëme que ce fût, dans une traduction littérale, pourroit auffi raisonnablement espérer de trouver, fur le revers d'une tapifferie, les figures qu'elle représente dans toute leur délicateffe & toute leur fplendeur.

SECTION IV.

De leurs Élégies.

ON ne trouve point d'élégies dans les recueils. des Perfans, & trèspeu dans ceux des Turcs. Le fecond livre du Hamaffa, ou collection de poëmes Arabes, confifte en courtes élégies, écrites, avec toute la majefté de la poësie, comme on en jugera par celle-ci, faite fur la mort d'un guerrier non moins célébre par fa libéralité que par fa valeur.

"Venez, mes compagnons, venez à la tombe

"de Maan, & dites: Puiffent les nuées du "matin te baigner de leurs fréquentes on"dées.

"Mais, O toi, tombe de Maan! qui étois "feulement une des cavités de la terre, "comment es-tu devenue la demeure de la "libéralité ?

"Et comment, O tombe de Maan! renfermestu cette libéralité qui rempliffoit la terre " & les mers?

"Ouï, tu as reçu dans ton fein la libéralité "elle-même; mais, elle eft morte; car

"fi elle vivoit, tu ne pourrois la contenir "fans t'éclater.

“La mémoire du jeune Maan vit après lui, "comme les prés reçoivent une nouvelle "verdure après avoir été arrofés par un "clair ruiffeau.

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Mais, hélas! Maan eft mort, la libéralité a

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difparu de la terre; la belle fleur de la "générofité eft impitoyablement fauchée.” On trouve, dans un excellent poëme d'Abou Arabchah, un endroit qui, féparé du reste, compofe une très-belle élégie fur la mort des fils de Tamerlan. Le voici :

“Où êtes-vous, jeunes héros, dont les vifages refplendiffoient comme les féuillets du "livre facré? Où font-ils, ceux que leurs "richeffes, leur favoir, leurs vertus rendoient "fi célébres, qui éteignoient la lune dans les "cieux, & rendoient les vagues de l'océan "honteufes? Les funeftes bouffées de la de"ftruction les ont chaffés, comme le vent du "couchant disperse le fable. Où font-ils, ces "aimables princes, la lumière & la joie de "tous les cœurs, qui, après que le voile qui "les couvroit eft levé, brillent comme le fo"leil fortant du nuage? Où font ces Ante

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lopes aux larges yeux, ces chevreuils fem"blables aux nymphes du paradis, que la "beauté avoit entourés de la robe fleurie du "contentement, qui étoient les yeux du "monde & la lumière de fes yeux, qui

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