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"Barzev regardoit les dix guerriers qui s'avançoient; il étoit comme un lion errant en cherche de fa proie. Il fe revêtit auffi"tôt de fa cotte de maille, & ceignit ses reins "d'un bandeau d'or. Il plaça fur fa tête un

cafque Turc, & remplit fon carquois de "flèches. Tantôt il demeuroit fufpendu aux "harnois de fon courfier, & tantôt il fe tenoit * ferme & droit fur fa felle comme une mon

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tagne mouvante. Quand, avec fa longue javeline & fon fabre éclatant comme le diamant, il s'avançoit ainfi qu'une nuée qui ἐσ s'élève, on auroit pu dire, c'est le firmament

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qui brille, ou c'eft le jour qui luit, ou c'est "une rivière qui coule dans le printemps. 66 Quand il étendoit fes deux bras comme les "branches du plane, on fe feroit écrié, c'eft un arbre chargé d'acier."

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On trouve auffi dans Ferdufi des defcriptions fort tendres, & auffi belles que touchantes, comme celle de Frankis fille d'Afrafiab, quand elle s'aperçut du complot qu'on avoit fait contre fon bien-aimé Siaveche.

"Elle arracha les hyacinthes de fes cheveux avec une douleur inexprimable, & " meurtrit dans fon défefpoir fon tendre fein. "Elle épandit le mufc de fes treffes fur le "tertre d'ivoire de fon beau front, & baigna "les tulipes de fes joues des fources qui cou

"loient de fes yeux. Ses larmes ruiffeloient "comme une fontaine quand elle méditoit "fur le cruel deffein d'Afrafiab."

A l'égard des expreffions, & des nombres de ce poëme, il est évident que leurs beautés ne peuvent être fenties que par ceux qui entendent l'original. On dira donc feulement, que, dans tout l'ouvrage, elles font hardies & animées, & dans quelques endroits élevées & fublimes au dernier point.

Le poëte Perfan reffemble à Homère dans quelques particularités de plus, comme dans la fréquente répétition des mêmes lignes & des mêmes épithètes. Achille au pied léger, & Agamemnon roi des hommes, ne se trouvent pas plus fouvent dans l'Iliade que Ruftem au cœur de lion, & Caicofrev roi du monde, dans le Chahnamé.

On a plusieurs autres poëmes de Ferdufi, comme les amours de Khofrev & de Chirine; la mort de Ruftem; la vie de Béharan; le règne d'Anouchirvan; les conquêtes d'Ifcander; lefquels ouvrages font écrits avec tout le feu d'une imagination Orientale & toute l'har monie des nombres Perfans.

SECTION III.

De leurs Poefies amoureufes, & de leurs Odes:

Nous voici à préfent à la forte de poëfie dans laquelle les Afiatiques excellent principale

ment.

L'amour a tant de part aux poëmes Arabes, que, fur quelque fujet qu'ils foient, ils font toujours entremêlés de plaintes d'amans, & de defcriptions de beautés chéries.

La nation Arabe partage fon temps, entre les expéditions guerrières & les douces occupations de la vie pastorale. Ils transportent leurs tentes de place en place; & quand leurs chameaux & leurs autres beftiaux ont confumé les pâturages d'un endroit, ils le quittent, pour y revenir quand l'herbe repouffe de nouveau. Dans ces espèces de campemens, les tribus qui fe trouvent proche les unes des autres fe fréquentent familièrement, & les jeunes gens des deux fexes forment des inclinations qui font pour la plupart infortunées, le changement de demeure, & la différence de pofition, caufant des féparations perpétuelles.

De là vient que les poëmes Arabes commencent prefque toujours par les regrets d'un amant fur le départ de fa maîtreffe; fes amis y font représentés comme effayant de le confoler, mais il refuse toute confolation; il décrit la beauté de fa chère Maïa, ou Solima, ou Zeineb, ou Azza; il annonce le deffein qu'il a d'aller la voir dans la nouvelle demeure de fa tribu, dût-il en trouver les paffages défendus par des lions, ou gardés par des archers furveillans. Alors il amène ordinairement la defcription de fon chameau, ou de fon cheval, & en vient par degré à fon principal fujet. On trouvera peu de poëmes Arabes fans cette efpèce d'exorde, foit qu'ils ayent pour objet les vertus militaires, ou la douleur, ou la louange, ou la censure, ou enfin uniquement l'amour. Les fept poëmes qui furent écrits en lettres d'or, & confervés dans la Mosquée de la Mecque, font dans ce goût. L'auteur du premier des fept étoit un jeune prince Arabe nommé Amralkeis, qui ne fut pas moins célébre par le feu & la fertilité de fon imagination que par le malheur dont fa vie fut tiffue. Il débute ainfi :

Kiffa nebki mi’dhirai habibi wamenzili
Befikti'llawi beina ddahuli fahoumeli.

VOL. X.

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"Demeurons; donnons quelques larmes <6 au fouvenir de la demeure de notre bien"aiméedans les vallées fablonneuses qui font 66 entre Dahul & Houmel."

Il regrette enfuite les tentes qu'il a laiffées, & s'afflige de l'absence de fon amante. Ses compagnons effaient d'appaifer fa douleur, en lui rappelant un contretemps qui l'avoit autrefois féparé d'objets chéris. Il réplique :

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"Ma douleur alors ne fut pas moindre qu'à préfent; car, quand celles que j'aimois "furent au point de leur départ, quand leur "fouffle embaumoit l'air d'une douce haleine "de mufc, semblable aux zéphyrs du foir

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qui apportent l'odeur des œillets, agité de la 66 plus ardente paffion, mes yeux ruiffeloient "de larmes; elles couloient le long de mon cou, & trempoient ma ceinture dans leur

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Ses amis, voyant qu'ils n'ont pas pris la vraie méthode pour diffiper fa trifteffe, en emploient une autre. Ils l'exhortent à fe reffouvenir des jours heureux qu'il a paffés avec fa bien-aimée, & lui remontrent qu'il doit s'attendre à quelque portion de peine après tant de félicité. Ce difcours lui donne occafion de leur raconter les avantures de fa jeuneffe, parmi lefquelles il fait le récit fuivant

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