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Les

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ches de l'églantine. Les boutons de rofes, A.D. 1747. d'hyacinthes, d'afphodèles, déployoient leur beauté devant la cour du printemps, qui s'affit comme un monarque environné de plantes vertes & d'arbustes fleuris. Les planes étendoient leurs branches jufqu'au firmament; les nuées répandoient leurs brillantes ondées. La tourterelle avec un collier de couleurs variées, & la colombe avec fes plumes ondoyantes, joignoient le printanier concert. arbres, fermes fur les collines, étoient baignés par les clairs ruiffeaux qui entouroient leurs racines, ainfi que des chaînes d'argent. Toutes les nations se réjouiffoient dans cette renaiffance générale de la nature, &, se parant des plus agréables fleurs, se délectoient à parcourir les bofquets, où le zéphyr fe jouoit avec les feuilles des roses, où les mélodieufes notes du roffignol rempliffoient l'ame de défirs, tandis que les tulipes, les anemones, & les violettes' azurées, bordoient chaque rivage.

Dans ce temps la fête du nouvel an fut célébrée hors de la ville de Kerman avec les marques ordinaires de profpérité & d'heureuse fortune.

De là l'armée impériale fe mit en marche pour Mechehed, où Nader Chah fut fort furpris de voir le trône prefque déferté, & toutes les places en confufion & pleines de révoltes.

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Il envoya Nafralla Mirza, Chahrokh Mirza, & les autres princes, ainfi que ses joyaux & fes meubles précieux, à Kélat, dans l'espoir décevant qu'ils feroient toujours en sureté dans ce château.

Il entra enfuite dans le Khoraffan, &, par le flamboyant cimeterre de fon ire, fit perdre la vie à une multitude d'innocens confondus avec les coupables.

CHAPITRE XIX.

Fin de la Vie de fa Majefté d'heureufe Mémoire: Récit de fa Mort: Majacre de fes Enfans & de fes Parens.

DEPUIS le commencement du règne de Nader Chah, jufqu'à fon retour du Kharezme & fa marche dans le Dagheftan, il s'étoit entièrement occupé du foin de fon empire & de l'administration de la justice, de manière que fes fujets de l'Iran auroient donné leurs vies pour fa préfervation; mais après ce temps il changea entièrement de conduite.

A l'instigation de quelque génie ennemi, ce

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malheureux monarque prêta l'oreille à des dé- A.D. 1747. lateurs mal-intentionnés, & fit arracher les yeux à Riza Kuli Mirza, le meilleur & le plus cher de fes fils. Les remords fuivirent de près cette cruauté précipitée, & Nader Chah devint comme furieux. Les mauvaises nouvelles qu'il reçut fucceffivement des troubles arrivés dans plufieurs endroits de fa domination augmentèrent fa rage.

Dans ce nombre étoit la révolte des habitans de Fars & de Benader. Taki Khan, dont nous avons fait mention, gouvernoit ces pays, & avoit été élevé de la principauté de Chiraz au gouvernement de Fars & d'Omman. Plus Nader Chah l'avoit comblé de bienfaits, plus il fut sensible à fa trahison, qui, après lui avoir fait maffacrer Kelbali Khan, lui fit élever l'étendard de la rebellion.

D'un autre côté les habitans de Chirvan, après avoir mis à mort leur governeur Heider Khan, & choisi pour leur chef Mohammed fils de Serkha le Lekzie, avoient commis les plus infolens outrages. Le peuple de Tauris s'étoit déclaré en faveur d'un prétendant d'une obfcure naiffance. Les Kagiars d'Afterabad, joints aux Turcmans, s'étoient auffi révoltés. Tous ces malheurs, ayant coup fur coup ébranlé l'ame de Nader Chah, déjà troublée par les regrets qu'il donnoit à fon fils, ex

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A.D. 1747. citèrent fa férocité à un point qui n'eut plus de bornes, Il ne fe contenta pas de punir rigoureusement ceux des rebelles qui tombèrent entre fes mains; mais, dans fon aveugle rage, il fit auffi mettre à mort les gouverneurs de plufieurs diftrits qui n'avoient nulle correspondance avec les provinces révoltées.

Le fang le rendant de plus en plus altéré de fang, il fit une profcription, dans laquelle une multitude de noms furent inférés, & les profcrits, mis à la torture, étoient tourmentés de la plus barbare manière; dans ce nombre fe trouvèrent plufieurs des miniftres & des chefs de l'empire. Ceux qui étoient préposés pour tenir cette fatale lifte y mettoient à leur gré & fans motifs tous ceux dont ils fe reffouvenoient, ou plutôt ceux dont les richeffes excitoient leur avarice.

Ces inhumanités atroces forcèrent les miférables peuples à fuir, & à fe choisir une habitation avec les hiboux des déferts; mais s'il arrivoit qu'ils fuffent rencontrés ou atteints, ils étoient ou privés de la vie ou tourmentés cruellement; on leur arrachoit les yeux, on leur coupoit les oreilles & le nez. Les collecteurs des impôts arrêtoient même ceux qui paffoient dans les rues, & ne laiffoient échapper que ceux qui rachetoient leurs vies au

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Thahmafp Kuli, qui n'avoit jamais man- A.D. 1747prix de leurs tréfors, au dépens de leur patrimoine. Enfin les cruautés qui étoient exercées font au delà de toute conception. Tous ces actes fanguinaires, loin de fatisfaire la frénéfie de Nader Chah, le mettoient encore plus hors de lui-même. 11 fit mourir plufieurs Indiens, Mahométans, & Arméniens, dans la grande place d'Isfahan; & dans tous les lieux où il paffoit il faifoit empiler des têtes humaines fur le faîte des Mofquées, & en formoit d'effrayantes pyramides.

En ce même temps, la province de Seiftan ayant pris part à la révolte prefque générale, Nader Chah envoya Ali Kuli Khan fon neveu pour la réduire, auquel il affocia Thamasp Kuli Khan Gelaïr. Il leur enjoignit de faire un dénombrement exact de ces peuples, & de les mettre à une forte contribution.

Ces ordres furent exécutés ; & des commis inexorables, munis d'une large lifte de condamnés, partirent avec la vîteffe des éclairs pour commencer de tous côtés leurs recherches.

Cependant Ali Kuli Khan, ayant confidéré que rien ne fuffiroit pour appaifer le défordre de l'ame furieuse de Nader Chah, voyant qu'il avoit fans retour fermé fes oreilles à la vérité, se joignit aux Seistaniens, & leva l'étendard d'une nouvelle rebellion.

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