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régime dotal. Ce serait violer les dispositions de l'art. 1391, qui veut que chaque régime soit régi par ses principes et par ses règles. Cette indépendance du régime dotal vis-à-vis de la communauté distingue ce régime de toutes les clauses modificatives ou même exclusives de la communauté légale.

3157. Ainsi, nonobstant l'art. 1393 qui fait de la communauté le droit commun de la France, le régime dotal ne saurait être considéré comme un régime exceptionnel, au moins d'une manière absolue. Le titre de droit commun n'établit pas de supériorité en faveur du premier sur le second (V. nos 72, 192, 305), si ce n'est celle résultant de ce que le régime de la communauté légale s'établit sans conventions et à défaut de conventions matrimoniales, ce qui s'explique par cette considération que la constitution de dot ne pouvant avoir lieu sans contrat, un contrat était toujours nécessaire pour l'adoption du régime dotal, tandis qu'il ne l'était pas pour l'adoption du régime de la communauté (V. à cet égard disc. des orat., nos 6 s., 43, 47, 119, 122). En soumettant l'adoption du régime dotal à la condition d'une stipulation et en en dispensant au contraire celle de la communauté, on ne fit donc que consacrer ce qui existait déjà et ce qui était dans la nature des deux régimes (V. à ce sujet la discussion au cons. d'Ét., dans Locré, t. 13, et dans les Conférences du code civil, t. 5).—Mais, comme nous l'avons dit, le régime de la communauté légale formant le droit commun, il a été décidé qu'en cas de nullité d'un contrat de mariage dans lequel la soumission au régime dotal est stipulée, les époux doivent être réputés s'être mariés en communauté légale (Nimes, 9 mars 1846, aff. Croczat, D. P. 49. 2. 83).—Cette décision ne doit pas être toutefois aveuglément adoptée dans tous les cas, sans tenir compte de l'intention des parties qui a présidé à la rédaction du contrat de mariage. —Il a été jugé en conséquence que, pour que les biens meubles, donnés à l'un des époux mariés en communauté, soient soustraits à ce régime, il n'est pas besoin d'une declaration expresse du donateur: il suffit que son intention sur ce point soit très-positive; tel serait le cas, par exemple, où le contrat de mariage, qui stipulait le régime dotal au moment de la libéralité, faite directement à la femme, a été depuis déclaré nul sur la demande du mari, à défaut de présence de sa femme à cet acte, et où, par suite, les époux ont été déclarés mariés en communauté légale (Nimes, 16 juill. 1849, aff. Boucarut, D. P. 50. 2. 200).

3158. Quoique distinct des autres régimes d'association conjugale, et quoique régi par des lois qui lui sont propres, le régime dotal n'est pas néanmoins tellement exclusif que ses principes ne puissent pas se concilier, se combiner avec des principes empruntés aux régimes de la communauté légale ou de la communauté conventionnelle. - Ainsi les futurs époux peuvent, en adoptant le régime dotal, adopter des principes empruntés à la communauté, tels que l'aliénabilité des biens dotaux (c. civ. 1557), la société d'acquêts (c. civ. 1581, 1498 et 1499), comme aussi ils

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(1) 1o Espèce: —(Époux Guilhery C. Balloffet-Buffe.) - LA COUR; -Donne défaut contre Balloffet-Buffe, et vu les art. 539 et 540 de la coutume de Normandie; - Attendu que, si le contrat de mariage des épous Guilhery renferme, ainsi que l'arrêt attaqué le déclare, une stipulation de communauté, les clauses qui établissent cette communauté portent qu'elle aura lieu sulement pour les biens meubles et immeubles que les futurs époux acquerront, ensemble ou séparément, avec les économies qu'ils feront sur le produit de leur industrie et sur les fruits et revenus de leurs biens; et que des biens mobiliers et immobiliers desdits futurs époux, il n'entrera, de part et d'autre, aucune chose dans ladite communauté; qu'au contraire, tout ce qui leur appartient, tout ce qui leur adviendra, constant le mariage, en biens meubles et immeubles, succession, donation ou autrement, sera et demeurera propre à chacun d'eux; » — Que l'arrêt ne disant nulle part que le sens de ces clauses, qu'il a copiées littéralement, soit incertain ou équivoque, on doit en conclure que les époux Guilbery n'ont établi qu'une communauté d'acquets; Attendu qu'une pareille communauté n'avait rien d'inconciliable avec le régime dotal du statut normand, et qu'en la stipulant, ces époux n'ont point entendu déroger et n'ont pas dérogé à ce stalut; — Attendu qu'il est constant et non contesté que la rente de 1,650 fr., apportée en mariage par la dame Guilbery, faisait partie de sa dot; -Et attendu que la dot étant inalienable de sa nature, la dame Guilhery, en s'obligeant, solidairement avec son mari, envers les défendeurs, n'a pas pu les subroger et ne les a pas subrogés implicitement dans l'hypothèque qu'elle avait pour sûreté de sa dot;Qu'ainsi, en décidant le contraire et en ordonnant que, par suite, ils seraient, par préférence à elle, colloqués à son bypothèque, du

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peuven1, en adoptant le régime de la communauté, stipuler l'inaliénabilité des biens propres de la femme (V. suprà, noo 180 s.). · Jugé, par suite: 1° qu'en pays de droit écrit, en se soumettant au régime dotal, la société générale de tous biens, stipulée par le contrat de mariage, n'était point un obstacle à la dotalité, surtout quand l'épouse s'était réservé le droit de renoncer à cette société pour s'en tenir à ses propres (Poitiers, 1re ch., 8 décembre 1824, M. Descordes, 1er pr., aff. Forestier C. Rigaut);

2° Que la stipulation de communauté réduite aux acquêts n'a rien d'inconciliable avec le régime dotal du statut normand (Cass. 19 décembre 1827; Req. 11 juillet 1838) (1); — 3° Que lorsqu'un contrat de mariage, passé sous l'empire de la coutume de Normandie, contient une stipulation de communauté, mais que les clauses qui l'établissent la restreignent aux acquêts que les époux feront sur les produits de leur industrie ou les revenus de leurs biens, et disposent que toutes les autres propriétés demeureront propres à chacun des époux, une pareille communauté n'est point inconciliable avec le régime dotal du statut normand (même arrêt du 19 déc. 1827); 4° Qu'à supposer que la loi du 17 niv. an 2 ait autorisé les époux à stipuler la communauté dans l'enclave de la coutume de Normandie, il suffit que, dans un contrat de mariage portant que les époux vivront en communauté de biens meubles et acquêts, il soit ajouté que cependant il n'existera aucune jonction ni cumulation de propriété de leurs biens propres, qui sera toujours distincte, de manière qu'aucune partie ne puisse jamais passer de la famille de l'un dans celle de l'autre, et que les valeurs mobilières qui écherront à la femme seront consignées sur les biens du mari, pour qu'il ait pu être jugé que les époux n'ont dérogé à la coutume qu'en ce point qu'ils ont stipulé une société d'acquêts, sans que l'arrêt, qui le décide ainsi par appréciation de la clause contractuelle, tombe sous la censure de la cour de cassation (même arrêt du 11 juill. 1838);— 5° Que la clause du contrat de mariage passé sous la coutume de Normandie avant le code, par laquelle les époux stipulent une communauté d'acquêts, avec déclaration que tout ce qui leur appartient et tout ce qui leur écherra en biens meubles et immeubles leur restera propre, doit être réputée n'avoir rien d'incompatible avec le régime dotal établi par cette coutume qui autorisait une société d'acquêts : peu importe aussi que le contrat ait été passé depuis la loi du 17 nivôse, sous laquelle l'opinion commune était que cette loi autorisait la communauté, la communauté générale étant prohibée par la coutume de Normandie (Cout. de Norm., art. 539, 540); qu'enfin la cour de cassation a le droit de décider, en présence des clauses d'un contrat de mariage rapportées textuellement par un arrêt de cour d'appel, que ce contrat ne stipule qu'une communauté réduite aux acquêts, contrairement à la décision de cette cour qui a vu dans ce contrat la stipulation d'une communauté générale (Cass. 10 fév. 1841) (2). Les arrêts de la cour de

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montant de leurs créances, la cour royale de Rouen a violé les art. 559 et 540 précités de la coutume de Normandie ;- - Casse. Du 19 déc. 1827.-C. C., ch. civ.-MM. Desèze, 1er pr.-Rupérou, rap.Joubert, 1 av. gén., c. conf.-Garnier et Piet, av.

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2o Espèce: (Lherbette C. hérit. de Martainville.)LA COUR; Sur le premier moyen :-Attendu que la cour royale de Rouen a décidé formellement, dans l'arrêt attaqué, que de l'ensemble des dispositions du contrat de mariage des époux de Martainville, à la date du 15 janv. 1799, il résulte qu'il n'a été dérogé au statut normand, en vigueur à la date dudit contrat, que relativement à la communauté d'acquêts qui y est stipulée; - Que cette décision repose sur une interpretation d'acte qui appartient souverainement à ladite cour;- Attendu, qu'en jugeant ensuite, en droit, que la stipulation de communauté réduite aux acquets n'a rien d'inconciliable avec le statut normand, et que l'effet de la clause de consignation stipulée dans ledit contrat a été de frapper d'inaliénabilité ou d'immobiliser les valeurs advenues à la femme pendant le mariage, la cour royale de Rouen, loin de violer les principes sur la matière, et les art. 365, 366 de la coutume de Normandie, en a fait, au contraire, une juste application; -... Rejette.

Du 11 juill. 1838.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Félix Faure, rap.-Hervé, av. gén., c. conf.-Piet, av. (2) Espèce: (Époux Guilhery C. demoiselle Bruno.) Le sieur Guilbery, domicilié en Normandie, a contracté mariage avec la demoiselle Toutain, le 18 vend. an 9, et par conséquent, sous l'empire de la coutume de Normandie.-La demoiselle Bruno ayant fait à la dame Guilhery, sa débitrice, un commandement tendant à l'expropriation d'immeubles à

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stipulation frappe de dotalité les biens qui y sont compris, et les soumet à toutes les conséquences de l'inaliénabilité (Cass. 24 août 1856) (1);—7° Que la femme peut, en se mariant sous le régime de la communauté, soumettre ses immeubles au régime dotal; et spécialement que les immeubles à l'égard desquels la femme commune a déclaré « qu'ils resteront dotaux dans sa ligne, LA COUR; Va les art. 539 et 540 de la coutume de Normandie; Attendu que, des clauses du contrat de mariage, textuellement rapportées dans l'arrêt attaqué, résulte la preuve que les époux Guilbery ont déclaré que les biens personnels à chacun d'eux leur demeureraient propres; - Attendu que vainement l'arrêt altaqué, au lieu de voir dans le contrat une simple communauté d'acquêts compatible avec le maintien du régime dotal résultant du sta'ut normand, l'a interprété comme créant une communauté générale prohibée par la coutume de Normandie; Attendu qu'en induisant ainsi des stipulations du contrat de mariage une dérogation aux dispositions générales de la coutume, l'arrêt attaqué a expressément violé les art. 539 et 540 de la coutume de Normandie; Par ces motifs, casse.

Rouen, cassés par ceux de la cour de cassation, avaient décidé le contraire;-6° Que lorsque les époux, bien que mariés sous la clause générale de la communauté, ont, toutefois, stipulé que les biens apportés en dot par la femme «ne pourront être aliénés ni hypothéqués, pendant le mariage, et seront, en conséquence, frappés de la prohibition portée dans l'art. 1554 c. civ., » cette eile appartenant, celle-ci a prétendu qu'elle était mariée sous le régime dotal résultant du statut normand, et que dès lors ses biens étaient inaliénables. Jugement qui le décide ainsi... Appel. 26 nov. 1856, arrêt infirmatif de la cour de Rouen, ainsi conçu : — « Attendu que par le contrat de mariage des époux Guilhery dont le mari demeurait en Normandie et la femme en Picardie, pays de communauté, il fut stipulé que « dans quelque pays que résident les époux, il y aura entre eux, à compter du jour de leur mariage, communauté, mais seulement pour les biens meubles et immeubles qu'ils acquerront ensemble ou séparément avec les économies qu'ils feront sur le produit de leur industrie et sur les fruits et revenus de leurs biens, et que leur future communauté sera régie, liquidée et partagée conformément à la loi générale; » qu'il fut encore stipulé que « tout ce qui leur appartenait et tout ce qui leur écherrait, constant le mariage, en biens meubles et immeubles, serait et demeurerait propre à chacun d'eux et aux siens de son nom côté et ligne ; »

Qu'enfin il fut stipulé que dans le cas où, pendant le mariage, il serait aliéné quelques immeubles ou remboursé quelques rentes propres à l'un ou à l'autre des époux, les deniers en provenant seraient employés en acquisitions d'autres biens et rentes qui appartiendraient au même titre à chacun d'eux; - Que si le remploi n'était pas fait lors de la dissolution de la communauté, les deniers seraient repris sur les biens d'icelle au profit de celui des conjoints à qui les biens aliénés appartenaient, et que si les biens de la communauté étaient insuffisants et que les objets aliénés appartinssent à la femme, le surplus du remplacement serait pris sur les propres ou biens personnels du mari qui y étaient hypothéqués; -Attendu qu'il résulte de toutes ces stipulations que la femme Guilhery, domiciliée en Picardie avant son mariage, s'est mariée sous le régime de la communauté; - Que les mots communauté se rencontrent dans presque tous les articles de son contrat de mariage; - Qu'à l'époque où ce contrat a été rédigé et sept ans après la promulgation de la loi du 17 niv. an 2, l'opinion commune était que cette loi autorisait la communauté;Que la dame Guilhery a si bien reconnu qu'elle contractait sous ce régime, qu'elle a consenti que la communauté qu'elle stipulait fût régie par la loi générale, et qu'il n'a été accordé ni douaire à la femme, ni don mobilier au mari; que seulement les époux se sont fait une donation réciproque, et qu'ils ont même prévu, par l'art. 6 de leur contrat, l'aliénation des biens propres de la femme; Attendu qu'en vain la dame Guilhery oppose que son contrat de mariage porte que les biens meubles et immeubles appartenant ou devant échoir aux deux époux seraient propres à chacun d'eux, ce qui ne présente rien d'exclusif en sa faveur et s'applique aux deux époux comme en pays de communauté; - Que, sous J'empire des coutumes de communauté, les biens qui appartenaient aux époux avant leur mariage ou qui leur advenaient, constant icelui, étaient considérés comme leur étant propres, mais qu'il n'en résultait nullement que les époux ne fussent pas mariés sous le régime de la communauté, et que la femme ne pût pas aliéner ou hypothéquer ses biens propres et personnels avec l'autorisation de son mari, sauf son recours sur les biens de la communauté, et en cas d'insuffisance sur ceux de son mari, ce que la dame Guilbery a stipulé formellement dans l'une des clauses de son contrat de mariage; Que, par ce contrat, rien n'est constitué dotal, qu'elle s'est mariée, non sous le régime dotal, mais sous celui de la communauté, qu'elle ne pourrait profiter à la fois des deux régimes, qui sont exclusifs l'un de l'autre, qu'autant que le contrat l'aurait exprimé; - Que les clauses de ce contrat ne présentent ni incertitude ni équivoque, et que sainement interprétées d'après toutes les dispositions qu'il contient, il en résulte que les époux Guilhery n'ont pas voulu se marier sous le régime dotal, mais sous celui de la communauté, et que les biens de la femme, quoique stipulés propres, ce qui avait iieu en pays de communauté, ne peuvent être considérés comme dotaux et inaliénables dans le sens de la coutume de Normandie; -Que les magistrals ne peuvent substituer le mot dot au mot propre, ni les expressions régime dotal à celles régime de la communauté; — Qu'il est donc évident que, d'après la volonté des époux Guilhery et les stipulations de leur contrat de mariage, ils ont voulu déroger et ont effectivement dérogé au régime dotal normand, surtout lorsqu'on considère que la femme Guilbery, lors de la liquidation de ses droits, par suite de sa séparation de biens, a elle-même interprété les clauses de son contrat, et déclaré qu'elle était mariée sous le régime de la communauté;-Qu'admettre le système de la dame Guilhery, ce serait tromper la bonne foi des tiers et jeter l'alarme dans les familles. »

Pourvoi en cassation de la dame Guilhery, pour violation des art. 539 et 540 de la coutume de Normandie, en ce que l'arrêt attaqué a considéré la stipulation d'une simple communauté d'acquêts, comme la stipulation d'une communauté générale défendue par le statut normand, et en a induit que les parties avaient voulu déroger à ce statut. - Arrêt (après dél. en ch. du cons.).

Du 10 fév. 1841.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Thil, rap.Delangle, av. gén., c. conf.-Garnier et Scribe, av.

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(1) Espèce :-(Veuve Laurent C. Revérard.) Les époux Laurent, par leur contrat de mariage, adoptèrent le régime de la communauté ; mais, par l'art. 12 de ce même contrat, il fut convenu entre eux « que les immeubles présents et à venir que la future s'était constitués en dot et qui lui appartenaient, ne pourraient être aliénés ni hypothéqués pendant le mariage et se trouveraient, en conséquence, frappés, dès le jour de la célébration du mariage, de la prohibition portée en l'art. 1554 c. civ. » · Cependant les époux Laurent se reconnurent, par obligation notariée, débiteurs communs d'une somme de 10,000 fr. envers le sieur Revérard qui la leur avait prêtée. Pour sûreté du remboursement et du service des intérêts de cette somme, ils consentirent hypothèque sur les biens apportés en dot par la femme de son chef, lesquels étaient expressément désignés dans le contrat de mariage précité. Le sieur Laurent décéda le 1er juill. 1854, laissant une succession obérée de dettes. Dans le mois d'août suivant, Revérard n'ayant pas été payé des intérêts écbus de sa créance, forma une saisie-arrêt entre es mains de neuf locataires des biens immeubles appartenant en propre à la veuve Laurent. - Assignée en validité, cette dernière prétendit que l'opposition était nulle comme frappant les fruits d'immeubles déclarés par son contrat de mariage dotaux et inaliénables, conformément à l'art. 1554 c. civ. Mais le tribunal de Meaux jugea, au contraire, que la saisie arrêt était valable, en se fondant sur ce que si l'affectation hypothécaire était nulle l'obligation personnelle de la veuve Laurent n'en subsistait pas moins, et que, les effets de la dotalité ayant cessé par la dissolution du mariage provenant du décès du mari, les fruits de la femme avaient pu, à partir de cette dissolution, être saisis avec raison. Sur l'appel, la cour de Paris confirma cette décision, par arrêt du 30 mai 1855, dont voici les motifs : - « Considérant que les époux Laurent, par l'art. 1 de leur contrat de mariage, en date du 12 janv. 1825, se sont mariés sous le régime de la communauté, tel qu'il est défini par le code civil; Considérant que si, par l'art. 12 du même contrat, ils ont soumis les immeubles présents et à venir de la femme Laurent à la disposition prohibitive de l'art. 1554 c. civ., ils n'ont entendu qu'apporter une restriction au régime de la communauté en ce qui concernait seulement les immeubles de la femme; qu'il résulte de là que les revenus de ces immeubles ont dù nécessairement tomber dans la communauté; qu'en conséquence la femme Laurent a pu, du consentement de son mari, s'obliger sur ses revenus comme sur les biens de la communauté; que, dès lors, les créanciers ont pu exercer des saisies arrêts sur ces revenus. » — Pourvoi de la veuve Laurent pour violation de l'art. 1554 c. civ., et fausse application de l'art. 1401 du même code, en ce que les fruits des biens dotaux sont inalienables comme eux, et, par suite, insaisissables. Arrêt.

LA COUR: Vu les art. 1554, 1560 et 1571 c. civ.; Attendu, en droit, que l'art. 1554 dispose que les immeubles constitués en dot à la femme ne peuvent être aliénés ni hypothéqués pendant le mariage; que cette disposition ne distingue pas entre les fonds et les revenus; Que la destination des biens dotaux étant de supporter les charges du mariage, leurs revenus doivent être employés à fournir des aliments à la famille; que, si tous ces revenus pouvaient être saisis par les créanciers, envers lesquels la femme s'est obligée, même lorsqu'ils seraient nécessaires à la nourriture et à l'entretien de la famille, la femme serait immédiatement forcée de recourir à la vente de son bien dotal, l'inaliénabilité de ce bien manquerait d'efficacité, et la protection que la loi a voulu lui accorder serait éludée; Attendu, en fait, qu'il est constaté par l'arrêt attaqué que les époux Laurent ont stipulé, par l'art. 12 de feur contrat de mariage, du 12 janv. 1825, que les immeubles présents et à venir, constitués en dot à la future, ne pourraient être aliénés ni hypothéqués, pendant le mariage, et se trouveraient, en conséquence, frappés de la prohibition portée par l'art. 1554 c. civ.;- Que, par cette clause, ils ont imprimé le caractère de dotalité aux biens constitués en dot à la dame Laurent, et les ont soumis à toutes les conséquences de

el que cependant, il pourra en être vendu jusqu'à concurrence d'une | certaine somme (1,500 fr.) sans remplacement, » ont pu être répulés dotaux, et, par suite, frappés d'inaliénabilité (Caen, 4 juill. 1842, aff.Morand, D. P. 45. 4. 164; et Req. 29 juin 1847, aff. Bourgeois, D. P. 47. 1. 295); — 8o Que de ce que les époux ont déclaré adopter le régime de la communauté, il ne suit pas que la femme n'ait pu soumettre au régime dotal ses immeubles présents et à venir (Caen, 11 fév. 1850, aff. Lefortier, D. P.52. 2.109).

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3159. Depuis la promulgation de la loi du 17 niv. an 2, les personnes régies antérieurement par des coutumes qui n'admettaient pas la communauté entre époux, ont-elles pu, par leur contrat de mariage, adopter ce dernier régime, et, par suite, les propres de la femme sont-ils devenus aliénables? La cour de Rouen a adopté l'affirmative relativement à la coutume de Nor mandie. Ainsi, elle a jugé que la femme qui, après la loi de nivôse an 2, s'est soumise au régime en communauté, est déchue, en cas d'aliénation de ses propres sans remplacement, du recours subsidiaire accordé par les art. 539 et suiv. de la coutume normande; et qu'elle n'a de recours que sur l'actif de la communauté, et, en cas d'insuffisance, sur les biens personnels de son mari (Rouen, 10 mess. an 13, aff. Delamarre; 16 août 1808, aff. Sagniel; 2 avr. 1824, aff. Guilhery). — Jugé encore que le statut dotal normand doit avoir été expressément convenu dans le contrat de mariage passé depuis la loi de niv. an 2, pour qu'il puisse régir les conventions matrimoniales; qu'ainsi, lorsque des époux normands ont déclaré se marier en communauté de biens meubles et acquêts, la constitution d'immeubles en propre ou la stipulation d'un douaire ne font pas présumer que les époux aient entendu adopter le régime dotal et restreindre la communauté aux meubles et acquêts (Rouen, 13 juin 1822, M. Aroux, pr., aff. Lecavelier C. Delabarre). Et après la séparation de biens, la femme normande, mariée sous le régime en communauté, postérieurement à la loi du 17 niv. an 2, ne retombe pas sous l'empire de la coutume; elle continue d'être régie, quant à sa capacité d'aliéner ses propres, par les principes de la communauté : c'est ce qui a été jugé par les motifs suivants : — « Attendu que les époux Alix ont contracté mariage postérieurement à la publication de la loi du 17 niv. an 2; que, depuis cette loi et avant la promulgation du code civil, la communauté de biens a été stipulée en Normandie dans un grand nombre de contrats de mariage, et que c'est par suite de l'erreur commune que les conventions de communauté rédigées entre époux normands, pendant cet intervalle, ont été validées d'après la maxime error communis facit jus; qu'ainsi, le contrat de mariage signé à Rouen, le 5 fruct, an 8, par les époux Alix, ne peut être annulé comme contenant une stipulation de communauté » (Rouen, 2och., 12 déc. 1822, M. Aroux, pr., aff. Alix C. Roulland).—Ainsi, c'est uniquement parce qu'une erreur commune avait attribué cet effet à la loi de niv. an 2, de permettre la communauté, que les contrats de mariage dans lesquels elle avait été adoptée depuis cette loi avaient été maintenus. Aussi la cour de cassation s'est-elle prononcée dans le sens contraire et a-t-elle décidé que la loi du 17 niv. an 2 n'a dérogé ni à la règle prohibitive de la communauté entre époux, ni au principe de l'inaliénabilité des biens dotaux ou extradotaux des femmes mariées sous l'empire des statuts normands (Cass. 25 nov. 1846, aff. Boulanger, D. P. 47. 1. 48), et que, sous la coutume de Normandie et la loi du 17 niv. an 2, les époux n'ont pu stipuler le régime de la communauté et l'aliénabilité des immeubles de la femme (Req. 3 janv. 1848, aff. Janvier, D. P. 48. 5. 111; V. aussi Cass, 10 fév. 1841, aff. époux Guillery, n° 3158-5o). V. au reste plus haut no 2562.

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3160. Néanmoins, des époux Normands pouvaient stipuler, en se mariant, que leur association serait soumise au régime en communauté, dans le cas où ils iraient s'établir dans une province admettant ce régime; et l'on a jugé aussi que l'individu originaire d'un pays de communauté dans lequel il possédait tous ses biens, qui venait demeurer en Normandie, qui s'y maPinaliénabilité; que l'une de ces conséquences est de rendre les revenus insaisissables de la part des créanciers de la communauté; que l'arrêt attaqué a limité cette aliénabilité aux fonds de la dot, et a déclaré que les revenus avaient pu être saisis; qu'il n'a pas motivé cette décision, en fait et par forme d'interprétation, sur une clause du contrat de ma

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ríait, et retournait, peu après son mariage, dans son pays natal, ne pouvait être considéré comme Normand quant à ses conventions matrimoniales (Caen, 2 ch., 14 sept. 1824, M. Le Sauvage pr., aff. Pulsaye C. Coulonges).

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3161. Les futurs époux ne peuvent d'ailleurs insérer dans leur contrat de mariage des clauses empruntées à la fois au régime de la communauté et au régime dotal, qu'autant que ces clauses ne sont pas inconciliables entre elles, et, par exemple, qu'elles n'altèrent pas le principe de l'immutabilité des conventions matrimoniales. Ainsi, jugé qu'il n'est pas permis à la femme mariée sous le régime dotal, avec société d'acquêts, de stipuler la dotalisation de sa part dans les acquêts en cas de dissolution de cette société durant le mariage, les mêmes biens ne pouvant ainsi être successivement communs et dotaux par le fait des époux; qu'en conséquence, la femme est non recevable à faire résulter cette dotalisation de ce qu'elle s'est constitué en dot tous les biens qu'elle recueillerait durant le mariage, par succession, donation, legs ou autrement (Req. 29 juin 1847, aff. Bourgeois, D. P. 47. 1. 295; Conf. M. Troplong, no 1910). 3162. La dot pouvant exister sous les régimes de communauté et exclusif de communauté, aussi bien que sous le régime dotal, « la simple stipulation que la femme se constitue ou qu'il lui est constitué des biens en dot ne suffit pas pour soumettre ces biens au régime dotal, s'il n'y a dans le contrat de mariage une déclaration expresse à cet égard » (art. 1392). A défaut de cette stipulation, et nonobstant la constitution de dot, même comprenant tous les biens, les époux seraient mariés sous le régime de la communauté légale (V. suprà, nos 163 s., et M. Duranton, t. 15, no 323). D'autre part, le principe du régime dotal étant la séparation des biens des époux, il ne suffit pas, pour qu'il y ait une dot, que les époux aient déclaré qu'ils se marient sous le régime dotal; il convient encore qu'ils déterminent d'une manière précise quels sont les biens de la femme qu'ils entendent revêtir d'un caractère de dotalité (V. no 3191). La loi distingue, en effet, deux espèces de biens, sous le régime dotal. Les uns, appelés biens dotaux, sont administrés par le mari, et frappés, d'après le droit commun, d'inaliénabilité; les autres, connus sous le nom de paraphernaux, sont aliénables et administrés par la femme. Or, tous les biens de la femme qui ne sont pas constitués en dot sont paraphernaux ou extradotaux (c. civ. 1574). 3163. Soumission au régime dotal, · Deux conditions sont donc nécessaires pour frapper de dotalité les biens de la femme: la soumission au régime dotal, d'une part; la constitution de dot, de l'autre. Mais comment doivent être faites cette soumission et cette constitution? - Quant à la soumission au régime dotal, Part. 1392 c. civ. semble exiger une déclaration expresse; mais que doit-on entendre par ces mots? et, de ce que l'art. 1392 c. civ. porte que le contrat de mariage doit contenir la déclaration expresse que les époux se soumettent au régime dotal, doit-on conclure qu'il est nécessaire que ces expressions se trouvent sacramentellement dans le contrat? ne peuvent-elles pas, conformément à l'esprit général de la législation, être suppléées par des équivalents? L'affirmative était admise sous la loi romaine et sous l'ancienne jurisprudence (L. 23, ff., De jur. dotium; Salviat, v° Dot, p. 377; Favre, eod., De Jur. dotium defin., p. 18; Duperrier, Max. du dr. fr.; Merlin, Quest., v° Dot, § 2). — Malgré les termes de l'art. 1392, la même doctrine est suivie sous le code | (V. MM. Benoft, Traité de la dot, t. 1, no 4; Duranton, t. 15, nos 398, 399; Tessier, t. 1, p. 10 et et suiv.; Rodière et Pont, t. 2, no 375; Bellot des Minières, Régime dotal et société d'acquêts, no 27 et s.). Les équipollents sont donc admissibles; mais on comprend combien les expressions qu'on aura employées devront être précises et exemptes de toute équivoque. Au reste, le système des équivalents nous semble devoir être admis avec plus de facilité suivant qu'il s'agit d'un contrat passé en pays de droit écrit et dans les localités où l'on est encore dans l'usage général de se marier sous le régime dotal. Dans les pays de communauté, il faudra que l'expression soit plus certaine, car riage qui aurait dérogé au principe général du droit; qu'il contient une violation manifeste des règles posées dans les art. 1554, 1560 et 1571 c. civ.; Casse.

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Du 24 août 1836.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Tripier, rap Laplagne-Barris, 1r av. gén., c. conf.-Moreau et Godart-Saponay, av.

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l'interprétation devra, par une double raison, tendre à faire pré-térieur au code civil, et elle a décidé, au contraire, que la clause valoir le régime de communauté. Mais surtout il faudra n'admettre que des équivalents qui n'aient pas pu induire les tiers en erreur (V. suprà, t. 13, no166). De même, on devait autrefois se montrer plus facile pour admettre la soumission au régime dotal, dans les pays de droit écrit, alors que c'était le droit commun, qu'on ne doit l'être aujourd'hui.

3164. Il a été rendu, conformément à ces principes, plusieurs décisions tant pour des contrats de mariages antérieurs au code civil que pour des contrats passés depuis la promulgation de ce code; nous en avons déjà rapporté plusieurs (no* 168 et suiv.); nous en rapporterons ici d'autres pour compléter ce que nous avons dit à ce sujet.—Il a été ainsi jugé: 1o que la clause par laquelle une femme a déclaré, dans son contrat de mariage passé sous l'usance de Saintes, que « pour la recherche, exaction et acquittement de tous ses droits présents et à venir, elle constitue son mari son procureur général et spécial, avec pouvoir de les exiger, recevoir, traiter et transiger, » équivaut à une soumission expresse de la femme au régime dotal pour tous ses biens; qu'en conséquence, la vente d'un immeuble appartenant à la femme, consentie par le mari, pendant le mariage, est entachée de nullité (Grenoble, 4 juill. 1818, M. Anglès, pr., aff. Muraillat) le contrat de mariage était du 23 fructidor an 3, et, par suite, remontait à une époque antérieure au code civil; 2° Qu'en pays de Saintonge, régi par le droit écrit, la simple déclaration faite par les époux, dans leur contrat de mariage, qu'ils se prenaient en tous leurs biens et droits, avait pour effet de les soumettre au régime dotal, et de rendre les biens de la femme inaliénables (Poitiers, 1 ch., 8 déc. 1824, M. Descordes, 1er pr., aff. Forestier C. Rigaut): le contrat de mariage était encore antérieur au code civil, il avait été passé à la date du 19 germ. an 10;3° Que le fait seul d'avoir, dans son contrat de mariage, institué son mari son procureur irrévocable pour le régime et administration de ses biens présents et à venir, emportait soumission de la femme au régime dotal pour tous ses biens; qu'en conséquence, elle n'a pu, durant le mariage, disposer de ses biens par donation entre vifs (Grenoble, 28 mai 1825, M. Duboys, pr., aff. Monnier): le contrat de mariage avait été passé en l'an 4;4o Que, dans le ressort du parlement de Grenoble, la stipulation par laquelle une femme mettait tout ou partie de son patrimoine aux mains du mari, en le constituant son mandataire général quant à ses biens présents et à venir, emportait constitution de dot et soumettait les époux au régime dotal (Grenoble, 11 janv. 1840) (1). — V. aussi nos 3183 et suiv.

3165. Mais la cour de Grenoble n'a fait résulter la soumission au régime dotal du titre de mandataire général et irrévocable donné au mari, qu'autant que le contrat de mariage était an

(1) (Durolle C. Bernard.)- LA COUR ; Attendu que, d'après les principes du droit ancien, suivis dans la province du Dauphiné, la puissance maritale n'existait pas, et lorsque les époux se mariaient sans stipulation de dot; la femme restait maîtresse et libre de ses biens, après comme avant le mariage; -Attendu qu'elle se trouvait ainsi hors de tout régime, soit de dotalité, soit de communauté; et si on qualifiait cet état de paraphernal ou d'extradotal, ce n'était point pour rendre l'idée d'un régime particulier, mais seulement pour exprimer la négation du régime dotal et la conservation de la liberté quant aux biens; Attendu que, dans la réalité, dès que la femme confiait ou mettait aux mains du mari tout ou partie de son patrimoine, le régime dotal était présumé de plein droit et formait le droit commun, sans qu'il fût nécessaire ni de stipuler qu'on l'adoptait, ni de constituer les biens à titre de dot; - Attendu que ce point de droit était notamment fondé sur la loi 23, f,, De jure dotium, selon laquelle une stipulation de dot n'est pas nécessaire, et qu'il suffit, au contraire, de la simple livraison au mari : In datione tatumdem dicimus;

Attendu que les auteurs anciens les plus graves expriment cette doctrine, et la confirment en disant que, si bien la dot tacite n'a lieu, cependant elle n'a pas besoin d'être expresse; que c'est assez qu'il y ait tradition au mari et de simples conjectures; Attendu que la constitution d'une dot par la femme était très-favorable en droit, comme étant essentiellement consacrée au présent et futur de la famille, tandis que rien n'empêchait la dilapidation des biens restés libres, si ce n'est, dans le seul cas des cautionnements, le faible remède du sénatus-consulte Vel· léien ; qu'il n'est pas étonnant, dès lors, que la présomption de dot fût devenue de droit commun, et qu'elle résultat implicitement des clauses dont l'effet était de saisir le mari sans que la future exprimât d'aucune manière que, malgré cette saisine, elle entendait que son bien ne fût pas

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par laquelle la femme investit, dans son contrat de mariage, le futur époux du titre de son procureur général et irrévocable, n'emporte pas soumission au régime dolal, et qu'il en était autrement sous l'ancien droit (c. civ. 1542; Grenoble, 12 fév. 1830, aff. Chastel, no 170, et 8 déc. 1815, aff. Bouchier, D. P. 49. 5. 125).-Décidé, dans le même sens, que de la stipulation contenue dans un contrat de mariage, que la femme se constitue tous ses biens présents et à venir pour la régie desquels elle établit son mari procureur général et spécial, il ne résulte pas adoption du régime dotal; que les époux doivent être censés avoir adopté le régime de la communauté..., surtout s'il est stipulé entre eux une société d'acquêts, dans laquelle tombent les revenus des biens constitués (Lyon, 20 avril 1831, aff. D..., V. no 173).—Quelque égard que l'on doive avoir pour l'interprétation d'un contrat de mariage, à ce qui est d'usage dans le pays où le contrat est passé (c. civ., art.1159), il serait difficile de reconnaître dans une clause par laquelle la femme constitue son mari son mandataire général, cette déclaration expresse de soumission au régime dotal qu'exige l'art. 1392, une telle clause pouvant s'appliquer aussi bien au régime sans communauté, ou même de la communauté, qu'au régime dotal, et la jurisprudence ou les usages anciens ayant perdu sar ce point toute autorité. Telle est aussi l'opinion de MM. Rodière et Pont, t. 2, no 374, et de M. Troplong, n° 150.

3166. La stipulation que la femme se constitue des biens dotaux et paraphernaux, et que les époux se marient sans communauté, ne suffit-elle pas pour les soumettre au régime dotal? En d'autres termes, cette stipulation n'équivaut-elle pas à la déclaration expresse exigée par l'art. 1392 c. civ., que la femme entend se marier sous le régime dolal?— La cour de cassation a décidé la négative, en se fondant sur ce que, daus le contrat de mariage, il était dit seulement que la femme se constitue dotaux les biens qui y sont désigués, ce qui ne suffit pas pour que ces biens soient soumis au régime dotal (Req. 11 juill. 1820, aff. Martin, no 172-1o).-Sans doute, s'il n'y eût eu, dans l'espèce, que des biens dotaux, on devrait le décider comme l'a fait la cour de cassation. La question ne présenterait pas de difficultés, car des biens dotaux peuvent exister sous d'autres régimes que le régime dotal. Mais il y avait aussi réserve de certains biens comme paraphernaux. Or il ne peut y avoir coexistence de biens dotaux et de paraphernaux que sous le régime dotal. D'où la conclusion qu'une telle stipulation doit emporter virtuellement soumission au régime dotal. Telle est, en effet, l'opinion de MM. Rodière et Pont, t. 2, n° 376, qui expliquent de la manière suivante la décision de la cour de Grenoble, confirmée par la cour de cassation : « A l'époque déjà reculée, disent-ils, où elle fut rendue, la crainte que la lutte entre les anciens pays coutumiers et ceux du droit écrit dotal; - Attendu que, des clauses du contrat dont il s'agit dans l'espèce actuelle, il suit, en premier lieu, que le régime dotal était adopté littéralement par les époux pour les 600 liv. du trousseau; - Attendu que les clauses suivantes, loin de donner l'idée d'une autre volonté pour le reste des biens, ne font que confirmer celle qui venait de dicter la première clause, et notamment la stipulation relative à l'augment; qu'en effet, un augment est l'accessoire habituel d'une constitution dotale, et surtout ici où son chiffre de 1,000 fr. fait naturellement supposer une dot plus considérable que les 600 liv. du trousseau;-Attendu que la constitution de procureur général et spécial qui termine l'acte, pour recouvrer tant les biens présents de la femme que ses biens à venir, a eu pour effet de les livrer au mari et de les mettre en possession de la totalité du patrimoine, lequel est ainsi devenu dotal, d'après les principes ci-dessus rappelés;Attendu que ce mandat était de plein droit irrévocable comme toutes autres conventions matrimoniales, car elles ne pouvaient mieux être changées autrefois pendant le mariage qu'elle ne le peuvent aujourd'hui d'après l'art. 1395 c. civ.;- Attendu que la jurisprudence, consacrée par de très-nombreux arrêts, a ainsi apprécié les effets de la clause de constitution de procureur, et que, si des arrêts contraires existent, ils ont été rendus à l'occasion de contrats passés sous l'empire du code civil; Attendu que, d'après les principes du code, qui a étendu partout et rendu de droit commun la puissance du mari sur les biens de la femme, le régime dotal est devenu purement exceptionnel; non-seulement il doit être stipulé expressément que les futurs l'adoptent, mais de plus, il faut une constitution tout aussi expresse des biens à titre de dot, et la simple dation ou tradition de ces biens entre les mains du mari ne serait point suffisante, en présence surtout de l'art. 1577, qui autorise à nommer le mari procureur général pour les paraphernaux.

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Du 11 janv. 1840.-C. de Grenoble, 2 ch.-M. de Noaille, pr.

pour la prééminence de leurs systèmes matrimoniaux respectifs ne vint à se produire sur le terrain de l'interprétation des conirats, pouvait frapper encore quelques esprits. Aujourd'hui que le code civil a reçu, depuis plus de quarante ans, une application également impartiale de toutes les cours du royaume, une pareille crainte serait exagérée, et il est juste de s'attacher un peu plus à l'intention des parties » (V. aussi M. Bellot des Minières, n° 32). Cette opinion nous paraîtrait devoir être suivie, si, dans le contrat de mariage, il n'y avait, en effet, que cette constitution de biens dotaux d'une part, et cette réserve de paraphernaux de l'autre. Mais dans l'espèce jugée par la cour de Grenoble et la cour de cassation, il y avait aussi une clause par laquelle les époux déclaraient se marier sans communauté, et par là nonseulement n'adoptaient pas le régime dotal (art. 1592); mais l'excluaient formellement en adoptant le régime sans communauté, régime dans lequel peuvent exister tout à la fois des biens dotaux et des biens paraphernaux, sauf le nom de ces derniers (V. n° 3100). Et c'est là le motif que fait valoir la cour de Grenoble dans son arrêt, et sur lequel elle appuie sa décision. La plupart des auteurs, par les mêmes motifs et par d'autres beaucoup moins concluants, adoptent cette opinion qui, dans l'espèce jugée par la cour de Grenoble et par la cour de cassation, nous paraît inattaquable. V. en ce sens MM. Toullier, t. 14. p. 52; Duranton, t. 15, no 332; Tessier, t. 1, p. 7, et suprà, no 172. 3167. La clause par laquelle les époux frappent d'inaliénabilité tout ou partie des biens dotaux, emporte-t-elle soumission au régime dotal? Nous avons déjà examiné quels étaient les effets de cette clause lorsque les époux ont déclaré, par leur contrat de mariage, adopter un régime autre que le régime dotal, le régime de la communauté ou le régime sans communauté(t. 13, nos 180, 3080), et nous avons résolu la question en ce sens que l'inalienabilité des biens dotaux pouvait se combiner avec ces régimes, et, par suite, n'emportait pas soumission au régime dotal pour le tout. La cour de cassation s'est prononcée dans ce sens par plusieurs arrêts déjà cités no 3158-5° et 6°. Mais la question que nous examinons ici et que nous avons indiquée suprà, n° 168, n'est plus la même. Il ne s'agit pas, en effet, de savoir si l'inaliénabilité, qui est un des principes caractéristiques du régime dotal, peut se combiner avec un autre régime, mais bien si, en l'absence de toute stipulation soumettant les époux à un régime quelconque, cette clause d'inaliénabilité n'entraîne pas soumission au régime dotal? Lorsqu'on soutient, avec certains auteurs, que l'inaliénabilité est tellement propre au régime do(1) Espece : — (Époux Lapouyade C. Lesbares.) 19 frim. an 13, contrat de mariage de la demoiselle Julien et du sieur Lapouyade. Un article du contrat porte que « la future épouse se constitue en dot la portion de tous ses biens meubles et immeubles qui lui sont échus et obvenus par décès de feu son père, et qui sont encore indivis entre ses sœurs et frère germains et son frère consanguin, dont l'instance en partage est, en ce 10oment, pendante au tribunal civil de l'arrondissement, sans nullement en rien excepter ni retenir. » Par un autre article du contrat, la mère de la future la dote, par avancement d'hoirie, d'une somme de 4,000 fr., payable en deniers ou en biens-fonds, au gré de la constituante et à dire d'experts. L'art. 4 ajoute: « la constitution que s'est faite ladite future épouse et celle qui lui est faite par la dame sa mère lui seront censées, par condition expresse de ce mariage, de nature dotale, pour en conserver les priviléges et prérogatives accordés par la loi, lesquels biens, quoique dotaux, pourront néanmoins être aliénés, d'après la réserve que s'en fait la future, et ce sous l'autorisation et exprès consentement dudit futur, et non autrement. » Les époux stipulent, en outre, une société d'acquets, avec facul é, pour la femme d'y renoncer, et de reprendre, en cas de renonciation, ses apports francs et quittes. 12 mars 1834, les epoux Lapouyade marient Jeur fille au sieur Lesbarès, et lui constituent en dot, et par avancement d'hoirie, une somme de 1,000 fr., payable deux années après le mariage, à la sûreté de laquelle ils hypothèquent spécialement tous les immeubles qu'ils possèdent sur les communes d'Arthenac et Saint-Eugène, consistant, etc.- 9 fév. 1837, la dot n'étant point payée, le sieur Lesbarès fait saisir immobilièrement les biens hypothéqués, qui étaient la propriété de la femme. Demande en nullité des poursuites, comme portant sur des immeubles dotaux, frappés d'inalienabilité par la loi.

Le 21 décembre 1837, jugement du tribunal civil de Jonzac, qui rejette celle demande par les motifs suivants : « Attendu qu'aux termes de l'art. 1591 c. civ., pour que les biens de la femme soient dotaux et inaliénables, il faut que les époux aient formellement déclaré, dans leur contrat de mariage, qu'ils entendaient se marier sous le régime dotal; que le contrat de mariage des époux Lapouyade ne contient point cette stipulation expresse du régime dotal; qu'il n'y a même pas d'équipollent TOME XIV.

tal qu'elle ne peut exister dans aucun autre régime, pas de difficulté ; l'adoption de cette clause, qui emporte soumission au régime dotal, alors même qu'on a stipulé un autre régime, doit l'emporter, à plus forte raison, lorsqu'il n'y a aucune stipulation de ce genre (V. no 3080).—Mais en admettant même que l'inaliénabilité puisse se combiner avec un autre régime, on peut très-bien soutenir que, en l'absence d'un autre régime, elle entraînera soumission au régime dotal. Lors, en effet, qu'on admet cette combinaison, que fait-on autre chose que déclarer que, en vertu de la clause d'inaliénabilité, les biens dotaux seront, pour partie, soumis au régime dotal (V. Cass. 24 août 1836, aff. Laurent, no 3158-6°), et que, en vertu de la stipulation d'un autre régime, ils seront, pour l'autre partie, soumis à ce dernier? Or cette dernière stipulation, qui limite les effets du régime dotal, n'existant pas, le régime dotal ne doit-il pas régir, pour le tout, les biens dotaux? C'est toujours l'application du même principe (V. en ce sens, outre les auteurs déjà cités, n° 168, M. Bellot des Minières, nos 34, 35 et suiv.). — Jugé dans ce sens 1° que la clause d'un contrat de mariage où il est dit que les biens meubles et immeubles que la femme se constitue en dot seront censés de nature dotale, pour en conserver les priviléges et prérogatives accordés par la loi, avec réserve néanmoins d'aliéner lesdits biens du consentement exprès du futur époux, exprime suffisamment que les époux sont mariés sous le régime dotal, quoique la soumission à ce régime ne soit pas explicite (Poitiers, 17 juill. 1838) (1);— 2° Que la soumission au régime dotal résulte de la déclaration que l'immeuble constitué en dot est dotal et inaliénable ( Bordeaux, 8 janv. 1851, aff. Guérin, D. P. 51. 2. 50). — Quelque fondee que puisse être cette opinion, il est certain qu'il n'y a pas, dans une pareille clause, soumission expresse au régime dotal; et cette soumission ne résulte pas nécessairement, de ce que les immeubles dotaux ont été déclarés inaliénables (V. suprà, no168).

Quelle que soit, au surplus, la valeur de la clause d'inaliénabilite relativement au régime auquel les époux seront censés s'être soumis pour leurs biens, on doit recommander aux notaires de ne pas l'employer, surtout si partie des biens est seule déclarée dotale etinaliénable; car alors la première question se compliquera d'une seconde question bien plus délicate, celle de savoir quel sera le caractère des biens à l'égard desquels le contrat ne s'est pas exprimé. Ils seront paraphernaux, suivant M. Bellot des Minières (t. 4, p. 510); mais ne devrait-on pas déclarer plutôt qu'ils seront dotaux, à supposer qu'on ne doive pas leur attribuer le caractère de biens communs? Si l'on admet que la clause d'inaliénabilité suffisant; qu'ainsi les biens de la femme Lapouyade n'ont pas le caractère dotal et ont pu être valablement saisis; Attendu que les époux Lapouyade ont offert à Lesbarès de lui abandonner du fonds en payement de sa créance, mais qu'il n'a pas voulu l'accepter; Attendu qu'aux termes de l'art. 1244 c. civ., les juges peuvent surseoir l'exécution des poursuites, toutes choses demeurant en état; Que le procès a lieu entre le beaupère et le gendre; qu'à raison de cette parenté entre les parties, de la position malheureuse des débiteurs et de la bonne volonté qu'ils ont montrée de se libérer, en offrant à leur créancier des immeubles en payement de sa créance, c'est le cas d'user de la faculté accordée par l'ari. 1244 précité; - Le tribunal déclare bonne et valable la saisie immobilière, et surseoit pendant six mois aux poursuites, toutes choses demeurant en état. » Appel par les époux Lapouyade. Arrêt.

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LA COUR; Attendu que, par son contrat de mariage du 19 frim. an 8 (10 déc. 1804), Marie Julien, femme Lapouyade, se constitue en dot tous les biens meubles et immeubles qui lui é'aient échus par le décès de son père et qui étaient encore indivis entre elle et ses coleritiers, ainsi que la constitution que lui fit sa mère d'une somme de 4,000 fr. à titre d'avancement d'hoirie, pour être le tout, et par condition expresse, censé de nature dotale, pour en conserver les priviléges et prérogatives accordés par la loi, avec réserve néanmoins d'aliéner lesdits biens, sous l'autorisation et du consentement exprès du futur époux; Que les termes dans lesquels est conçue cette stipulation expriment suffisamment l'intention de soumettre au régime dotal les biens que la femme Lapouyade se constituait ou qui lui étaient constitués en dot, et équivalent à une déclaration expresse à cet égard; Que, si cette constitution ne comprend pas ses biens à venir, et que si une société d'acquêts a été établie entre les époux, avec réserve, au profit de la femme, en cas de renonciation, de reprendre franc et quitte de toutes charges, et indépendamment de sa constitution dotale, tout ce qu'elle y aurait porté, de telles conventions, loin d'être inconciliables avec le régime dotal, sont formellement autorisées par les art. 1542 et 1581 c. civ., qui concernent ce régime, etc.

Du 17 juill. 1858.-C. de Poitiers, 2 ch.-MM. Vincent-Molinier, pr.Flandin, av. gen., c. cont.-Béquet et Allard, av.

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