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et que cependant, il pourra en être vendu jusqu'à concurrence d'une certaine somme (1,500 fr.) sans remplacement,» ont pu être réputés dotaux, et, par suite, frappés d'inaliénabilité (Caen, 4 juill. 1842, aff, Morand, D. P. 45. 4. 164; et Req. 29 juin 1847, aff. Bourgeois, D. P. 47. 1. 295); -8° Que de ce que les époux ont déclaré adopter le régime de la communauté, il ne suit pas que la femme n'ait pu soumettre au régime dotal ses immeubles présents et à venir (Caen, 11 fév. 1850, aff. Lefortier, D. P. 52. 2.109).

3159. Depuis la promulgation de la loi du 17 niv. an 2, les personnes régies antérieurement par des coutumes qui n'admettaient pas la communauté entre époux, ont-elles pu, par leur contrat de mariage, adopter ce dernier régime, et, par suite, les propres de la femme sont-ils devenus aliénables? La cour de Rouen a adopté l'affirmative relativement à la coutume de Normandie. Ainsi, elle a jugé que la femme qui, après la loi de nivôse an 2, s'est soumise au régime en communauté, est déchue, en cas d'aliénation de ses propres sans remplacement, du recours subsidiaire accordé par les art. 539 et suiv. de la coutume normande; et qu'elle n'a de recours que sur l'actif de la communauté, et, en cas d'insuffisance, sur les biens personnels de son mari (Rouen, 10 mess. an 13, aff. Delamarre; 16 août 1808, aff. Sagniel; 2 avr. 1824, aff. Guilhery). — Jugé encore que le statut dotal normand doit avoir été expressément convenu dans le contrat de mariage passé depuis la loi de niv. an 2, pour qu'il puisse régir les conventions matrimoniales; qu'ainsi, lorsque des époux normands ont déclaré se marier en communauté de biens meubles et acquêts, la constitution d'immeubles en propre ou la stipulation d'un douaire ne font pas présumer que les époux aient entendu adopter le régime dotal et restreindre la communauté aux meubles et acquêts (Rouen, 13 juin 1822, M. Aroux, pr., aff. Lecavelier C. Delabarre). Et après la séparation de biens, la femme normande, mariée sous le régime en communauté, postérieurement à la loi du 17 niv. an 2, ne retombe pas sous l'empire de la coutume; elle continue d'être régie, quant à sa capacité d'aliéner ses propres, par les principes de la communauté: c'est ce qui a été jugé par les motifs suivants : - «< Attendu que les époux Alix ont contracté mariage postérieurement à la publication de la loi du 17 niv. an 2; que, depuis cette loi et avant la promulgation du code civil, la communauté de biens a été stipulée en Normandie dans un grand nombre de contrats de mariage, et que c'est par suite de l'erreur commune que les conventions de communauté rédigées entre époux normands, pendant cet intervalle, ont été validées d'après la maxime error communis facit jus; qu'ainsi, le contrat de mariage signé à Rouen, le 5 fruct. an 8, par les époux Alix, ne peut être annulé comme contenant une stipulation de communauté » (Rouen, 2och., 12 déc. 1822, M. Aroux, pr., aff. Alix C. Roulland).-Ainsi, c'est uniquement parce qu'une erreur commune avait attribué cet effet à la loi de niv. an 2, de permettre la communauté, que les contrats de mariage dans lesquels elle avait été adoptée depuis cette loi avaient été maintenus. Aussi la cour de cassation s'est-elle prononcée dans le sens contraire et a-t-elle décidé que la loi du 17 niv. an 2 n'a dérogé ní à la règle prohibitive de la communauté entre époux, ni au principe de l'inaliénabílité des biens dotaux ou extradotaux des femmes mariées sous l'empire des statuts normands (Cass. 25 nov. 1846, aff. Boulanger, D. P. 47. 1. 48), et que, sous la coutume de Normandie et la loi du 17 niv. an 2, les époux n'ont pu stipuler le régime de la communauté et l'aliénabilité des immeubles de la femme (Req. 3 janv. 1848, aff. Janvier, D. P. 48. 5. 111; V. aussi Cass. 10 fév. 1841, aff. époux Guillery, n° 3158-5o).— V. au reste plus haut no 2562.

3160. Néanmoins, des époux Normands pouvaient stipuler, en se mariant, que leur association serait soumise au régime en communauté, dans le cas où ils iraient s'établir dans une province admettant ce régime; et l'on a jugé aussi que l'individu originaire d'un pays de communauté dans lequel il possédait tous ses biens, qui venait demeurer en Normandie, qui s'y maFinaliénabilité; que l'une de ces conséquences est de rendre les revenus insaisissables de la part des créanciers de la communauté; que l'arrêt attaqué a limité cette aliénabilité aux fonds de la dot, et a déclaré que les revenus avaient pu être saisis; qu'il n'a pas motivé cette décision, en fait et par forme d'interprétation, sur une clause du contrat de ma

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3161. Les futurs époux ne peuvent d'ailleurs insérer dans leur contrat de mariage des clauses empruntées à la fois au régime de la communauté et au régime dotal, qu'autant que ces clauses ne sont pas inconciliables entre elles, et, par exemple, qu'elles n'altèrent pas le principe de l'immutabilité des conventions matrimoniales. Ainsi, jugé qu'il n'est pas permis à la femme mariée sous le régime dotal, avec société d'acquêts, de stipuler la dotalisation de sa part dans les acquêts en cas de dissolution de cette société durant le mariage, les mêmes biens ne pouvant ainsi être successivement communs et dolaux par le fait des époux; qu'en conséquence, la femme est non recevable à faire résulter cette dotalisation de ce qu'elle s'est constitué en dot tous les biens qu'elle recueillerait durant le mariage, par succession, donation, legs ou autrement (Req. 29 juin 1847, aff. Bourgeois, D. P. 47. 1. 295; Conf. M. Troplong, no 1910). 3162. La dot pouvant exister sous les régimes de communauté et exclusif de communauté, aussi bien que sous le régime dotal, « la simple stipulation que la femme se constitue ou qu'il lui est constitué des biens en dot ne suffit pas pour soumettre ces biens au régime dotal, s'il n'y a dans le contrat de mariage une déclaration expresse à cet égard » (art. 1392). A défaut de cette stipulation, et nonobstant la constitution de dot, même comprenant tous les biens, les époux seraient mariés sous le régime de la communauté légale (V. suprà, nos 163 s., et M. Duranton, t. 15, no 323). - D'autre part, le principe du régime dotal étant la séparation des biens des époux, il ne suffit pas, pour qu'il y ait une dot, que les époux aient déclaré qu'ils se marient sous le régime dotal; il convient encore qu'ils déterminent d'une manière précise quels sont les biens de la femme qu'ils entendent revêtir d'un caractère de dotalité (V. no 3191). La loi distingue, en effet, deux espèces de biens, sous le régime dotal. Les uns, appelés biens dotaux, sont administrés par le mari, et frappés, d'après le droit commun, d'inaliénabilité; les autres, connus sous le nom de paraphernaux, sont aliénables et administrés par la femme. Or, tous les biens de la femme qui ne sont pas constitués en dot sont paraphernaux ou extradotaux (c. civ. 1574).

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3163. Soumission au régime dotal, — Deux conditions sont donc nécessaires pour frapper de dotalité les biens de la femme: la soumission au régime dotal, d'une part; la constitution de dot, de l'autre. Mais comment doivent être faites cette soumission et cette constitution? - Quant à la soumission au régime dolal, l'art. 1392 c. civ. semble exiger une déclaration expresse; mais que doit-on entendre par ces mots? et, de ce que l'art. 1392 c. civ. porte que le contrat de mariage doit contenir la déclaration expresse que les époux se soumettent au régime dotal, doit-on conclure qu'il est nécessaire que ces expressions se trouvent sacramentellement dans le contrat? ne peuvent-elles pas, conformément à l'esprit général de la législation, être suppléées par des équivalents? L'affirmative était admise sous la loi romaine et sous l'ancienne jurisprudence (L. 23, ff., De jur. dolium ; Salviat, v⚫ Dot, p. 377; Favre, eod., De Jur. dotium defin., p. 18; Duperrier, Max. du dr. fr.; Merlin, Quest., vo Dot, § 2). — Malgré les termes de l'art. 1392, la même doctrine est suivie sous le code (V. MM. Benoft, Traité de la dot, t. 1, no 4; Duranton, t. 15, no 398, 399; Tessier, t. 1, p. 10 et et suiv.; Rodière et Pont, t. 2, no 375; Bellot des Minières, Régime dotal et société d'acquêts, no 27 et s.). Les équipollents sont donc admissibles; mais on comprend combien les expressions qu'on aura employées devront être précises et exemptes de toute équivoque. Au reste, le système des équivalents nous semble devoir être admis avec plus de facilité suivant qu'il s'agit d'un contrat passé en pays de droit écrit et dans les localités où l'on est encore dans l'usage général de se marier sous le régime dotal. Dans les pays de communauté, il faudra que l'expression soit plus certaine, car

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l'interprétation devra, par une double raison, tendre à faire prévaloir le régime de communauté. - Mais surtout il faudra n'admettre que des équivalents qui n'aient pas pu induire les tiers en erreur (V. suprà, t. 13, no166). De même, on devait autrefois se montrer plus facile pour admettre la soumission au régime dotal, dans les pays de droit écrit, alors que c'était le droit commun, qu'on ne doit l'être aujourd'hui.

3164. Il a été rendu, conformément à ces principes, plusieurs décisions tant pour des contrats de mariages antérieurs au code civil que pour des contrats passés depuis la promulgation de ce code; nous en avons déjà rapporté plusieurs (n° 168 et suiv.); nous en rapporterons ici d'autres pour compléter ce que nous avons dit à ce sujet.—Il a été ainsi jugé: 1° que la clause par laquelle une femme a déclaré, dans son contrat de mariage passé sous l'usance de Saintes, que « pour la recherche, exaction et acquittement de tous ses droits présents et à venir, elle constitue son mari son procureur général et spécial, avec pou- | voir de les exiger, recevoir, traiter et transiger, » équivaut à une soumission expresse de la femme au régime dotal pour tous ses biens; qu'en conséquence, la vente d'un immeuble appartenant à la

de nullité (Grenoble, 4 juill. 1818, M. Anglès, pr., aff. Muraillat) : le contrat de mariage était du 23 fructidor an 3, et, par suite, remontait à une époque antérieure au code civil; 2° Qu'en pays de Saintonge, régi par le droit écrit, la simple déclaration faite par les époux, dans leur contrat de mariage, qu'ils se prenaient en tous leurs biens et droits, avait pour effet de les soumettre au régime dotal, et de rendre les biens de la femme inaliénables (Poitiers, 1re ch., 8 déc. 1824, M. Descordes, 1er pr., aff. Forestier C. Rigaut): le contrat de mariage était encore antérieur au code civil, il avait été passé à la date du 19 germ. an 10;3° Que le fait seul d'avoir, dans son contrat de mariage, institué son mari son procureur irrévocable pour le régime et administration de ses biens présents et à venir, emportait soumission de la femme au régime dotal pour tous ses biens; qu'en conséquence, elle n'a pu, durant le mariage, disposer de ses biens par donation entre vifs (Grenoble, 28 mai 1825, M. Duboys, pr., aff. Monnier): le contrat de mariage avait été passé en l'an 4;— 4° Que, dans le ressort du parlement de Grenoble, la stipulation par laquelle une femme mettait tout ou partie de son patrimoine aux mains du mari, en le constituant son mandataire général quant à ses biens présents et à venir, emportait constitution de dot et soumettait les époux au régime dotal (Grenoble, 11 janv. 1840) (1). — V. aussi nos 3183 et suiv.

3165. Mais la cour de Grenoble n'a fait résulter la soumission au regime dotal du titre de mandataire général et irrévocable donné au mari, qu'autant que le contrat de mariage était an(1) (Durolle C. Bernard.) LA COUR; Attendu que, d'après les principes du droit ancien, suivis dans la province du Dauphiné, la puissance maritale n'existait pas, et lorsque les époux se mariaient sans stipulation de dot, la femme restait maîtresse et libre de ses biens, après comme avant le mariage; Attendu qu'elle se trouvait ainsi hors de tont régime, soit de dotalité, soit de communauté; et si on qualifiait cet état de paraphernal ou d'extradotal, ce n'était point pour rendre l'idée d'un régime particulier, mais seulement pour exprimer la négation du régime dotal et la conservation de la liberté quant aux biens; - Attendu que, dans la réalité, dès que la femme confiait ou mettait aux mains du mari tout ou partie de son patrimoine, le régime dotal était présumé de plein droit et formait le droit commun, sans qu'il fût nécessaire ni de stipuler qu'on l'adoptait, ni de constituer les biens à titre de dot; - Attendu que ce point de droit était notamment fondé sur la loi 23, ff., De jure dotium, selon laquelle une stipulation de dot n'est pas nécessaire, et qu'il suffit, au contraire, de la simple livraison au mari: In datione tatumdem dici

mus;

Altenda que les auteurs anciens les plus graves expriment cette doctrine, et la confirment en disant que, si bien la dot tacite n'a lieu, cependant elle n'a pas besoin d'être expresse; que c'est assez qu'il y ait tradition au mari et de simples conjectures; - Attendu que la constitution d'une dot par la femme était très-favorable en droit, comme étant essentiellement consacrée au présent et futur de la famille, tandis que rien n'empêchait la dilapidation des biens restés libres, si ce n'est, dans le seul cas des cautionnements, le faible remèle du senatus-consulte Velléien; qu'il n'est pas étonnant, dès lors, que la présomption de det fût devenue de droit commun, et qu'elle résultat implicitement des clauses dont l'effet était de saisir le mari sans que la future exprimât d'aucune manière que, malgré cette saisine, elle entendait que son bien ne fût pas

térieur au code civil, et elle a décidé, au contraire, que la clause par laquelle la femme investit, dans son contrat de mariage, le futur époux du titre de son procureur général et irrévocable, n'emporte pas soumission au régime dotal, et qu'il en était autrement sous l'ancien droit (c. civ. 1542; Grenoble, 12 fév. 1830, aff. Chastel, n° 170, et 8 déc. 1815, aff. Bouchier, D. P. 49. 5. 125).-Décidé, dans le même sens, que de la stipulation contenue dans un contrat de mariage, que la femme se constitue tous ses biens présents et à venir pour la régie desquels elle établit son mari procureur général et spécial, il ne résulte pas adoption du régime dotal; que les époux doivent être censés avoir adopté le régime de la communauté..., surtout s'il est stipulé entre eux une société d'acquêts, dans laquelle tombent les revenus des biens constitués (Lyon, 20 avril 1831, aff. D..., V. no 173).—Quelque égard que l'on doive avoir pour l'interprétation d'un contrat de mariage, à ce qui est d'usage dans le pays où le contrat est passé (c. civ., art. 1159), il serait difficile de reconnaître dans une clause par laquelle la femme constitue son mari son mandataire général, cette déclaration expresse de soumission au régime dotal qu'exige l'art. 1392, une telle clause pouvant s'appliquer aussi bien au régime sans communauté, ou même de la communauté, qu'au régime dotal, et la jurisprudence ou les usages anciens ayant perdu sar ce point toute autorité. Telle est aussi l'opinion de MM. Rodière et Pont, t. 2, no 374, et de M. Troplong, no 150.

3166. La stipulation que la femme se constitue des biens dotaux et paraphernaux, et que les époux se marient sans communauté, ne suffit-elle pas pour les soumettre au régime dotal? En d'autres termes, cette stipulation n'équivaut-elle pas à la déclaration expresse exigée par l'art. 1392 c. civ., que la femme entend se marier sous le régime dotal? La cour de cassation

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a décidé la négative, en se fondant sur ce que, daus le contrat de mariage, il était dit seulement que la femme se constitue dotaux les biens qui y sont désigués, ce qui ne suffit pas pour que ces biens soient soumis au régime dotal (Req. 11 juill. 1820, aff. Martin, no 172-1o).—Sans doute, s'il n'y eût eu, dans l'espèce, que des biens dotaux, on devrait le décider comme l'a fait la cour de cassation. La question ne présenterait pas de difficultés, car des biens dotaux peuvent exister sous d'autres régimes que le régime dotal. Mais il y avait aussi réserve de certains biens comme paraphernaux. Or il ne peut y avoir coexistence de biens dotaux et de paraphernaux que sous le régime dotal. D'où la conclusion qu'une telle stipulation doit emporter virtuellement soumission au régime dotal. Telle est, en effet, l'opinion de MM. Rodière et Pont, t. 2, n° 376, qui expliquent de la manière suivante la décision de la cour de Grenoble, confirmée par la cour de cassation : « A l'époque déjà reculée, disent-ils, où elle fut rendue, la crainte que la lutte entre les anciens pays coutumiers et ceux du droit écrit dotal; Attendu que, des clauses du contrat dont il s'agit dans l'espèce actuelle, il suit, en premier lieu, que le régime dotal était adopté littéra lement par les époux pour les 600 liv. du trousseau; - Attendu que les clauses suivantes, loin de donner l'idée d'une autre volonté pour le reste des biens, ne font que confirmer celle qui venait de dicter la première clause, et notamment la stipulation relative à l'augment; qu'en effet, un augment est l'accessoire habituel d'une constitution dotale, et surtout ici où son chiffre de 1,000 fr. fait naturellement supposer une dot plus considérable que les 600 liv. du trousseau;-Attendu que la constitution de procureur général et spécial qui termine l'acte, pour recouvrer tant les biens présents de la femme que ses biens à venir, a eu pour effet de les livrer au mari et de les mettre en possession de la totalité du patrimoine, lequel est ainsi devenu dotal, d'après les principes ci-dessus rappelés;— Attendu que ce mandat était de plein droit irrévocable comme toutes autres conventions matrimoniales, car elles ne pouvaient mieux être changées autrefois pendant le mariage qu'elle ne le peuvent aujourd'hui d'après l'art. 1395 c. civ.;- Attendu que la jurisprudence, consacrée par de très-nombreux arrêts, a ainsi apprécié les effets de la clause de constitution de procureur, et que, si des arrêts contraires existent, ils ont été rendus à l'occasion de contrats passés sous l'empire du code civil; Attendu que, d'après les principes du code, qui a étendu partout et rendu de droit commun la puissance du mari sur les biens de la femme, le régime dotal est devenu purement exceptionnel; non-seulement il doit étre stipulé expressément que les futurs l'adoptent, mais de plus, il faut une constitution tout aussi expresse des biens à titre de dot, et la simple dation ou tradition de ces biens entre les mains du mari ne serait point suffisante, en présence surtout de l'art. 1577, qui autorise à nommer le mari procureur général pour les paraphernaux.

Du 11 janv. 1840.-C. de Grenoble, 2 ch.-M. de Noaille, pr.

pour la prééminence de leurs systèmes matrimoniaux respectifs ne vint à se produire sur le terrain de l'interprétation des contrats, pouvait frapper encore quelques esprits. Aujourd'hui que le code civil a reçu, depuis plus de quarante ans, une application également impartiale de toutes les cours du royaume, une pareille crainte serait exagérée, et il est juste de s'attacher un peu plus à l'intention des parties » (V. aussi M. Bellot des Minières, no 32). Cette opinion nous paraîtrait devoir être suivie, si, dans le contrat de mariage, il n'y avait, en effet, que cette constitution de biens dotaux d'une part, et cette réserve de paraphernaux de l'autre. Mais dans l'espèce jugée par la cour de Grenoble et la cour de cassation, il y avait aussi une clause par laquelle les époux déclaraient se marier sans communauté, et par là nonseulement n'adoptaient pas le régime dotal (art. 1392); mais l'excluaient formellement en adoptant le régime sans communauté, régime dans lequel peuvent exister tout à la fois des biens dofaux et des biens paraphernaux, sauf le nom de ces derniers (V. no 3100). Et c'est là le motif que fait valoir la cour de Grenoble dans son arrêt, et sur lequel elle appuie sa décision. La plupart des auteurs, par les mêmes motifs et par d'autres beaucoup moins concluants, adoptent cette opinion qui, dans l'espèce jugée par la cour de Grenoble et par la cour de cassation, nous paraît inattaquable. — V. en ce sens MM. Toullier, t. 14. p. 52; Duranton, t. 15, no 332; Tessier, t. 1, p. 7, et suprà, no 172. 3167. La clause par laquelle les époux frappent d'inaliénabilité tout ou partie des biens dotaux, emporte-t-elle soumission au régime dotal? Nous avons déjà examiné quels étaient les effets de cette clause lorsque les époux ont déclaré, par leur contrat de mariage, adopter un régime autre que le régime dotal, le régime de la communauté ou le régime sans communauté(t. 13, n's 180, 3080), et nous avons résolu la question en ce sens que Pinalienabilité des biens dotaux pouvait se combiner avec ces régimes, et, par suite, n'emportait pas soumission au régime dotal pour le tout. La cour de cassation s'est prononcée dans ce sens par plusieurs arrêts déjà cités no 3158-5° et 6°. Mais la question que nous examinons ici et que nous avons indiquée suprà, n° 168, n'est plus la même. Il ne s'agit pas, en effet, de savoir si l'inaliénabilité, qui est un des principes caractéristiques du régime dotal, peut se combiner avec un autre régime, mais bien si, en l'absence de toute stipulation soumettant les époux à un régime quelconque, cette clause d'inaliénabilité n'entraîne pas soumission au régime dotal? Lorsqu'on soutient, avec certains auteurs, que l'inaliénabilité est tellement propre au régime do(1) Espèce:- (Époux Lapouyade C. Lesbarès.) — 19 frim. an 15, contrat de mariage de la demoiselle Julien et du sieur Lapouyade. Un article du contrat porte que a la future épouse se constitue en dot la portion de tous ses biens meubles et immeubles qui lui sont échus et obvenus par décès de feu son père, et qui sont encore indivis entre ses sœurs et frère germains et son frère consanguin, dont l'instance en partage est, en ce moment, pendante au tribunal civil de l'arrondissement, sans nullement en rien excepter ni retenir. » — Par un autre article du contrat, la mère de la future la dote, par avancement d'hoirie, d'une somme de 4,000 fr., payable en deniers ou en biens-fonds, au gré de la constituante et à dire d'experts. L'art. 4 ajoute: « la constitution que s'est faite ladite future épouse et celle qui lui est faite par la dame sa mère lui seront censées, par condition expresse de ce mariage, de nature dotale, pour en conserver les priviléges et prérogatives accordés par la loi, lesquels biens, quoique dotaux, pourront néanmoins être aliénés, d'après la réserve que s'en fait la future, et ce sous l'autorisation et exprès consentement dudit futur, et non autrement. Les époux stipulent, en outre, une société d'acquêts, avec faculté, pour la femme d'y renoncer, et de reprendre, en cas de renonciation, ses apports francs et quittes. 12 mars 1834, les époux Lapouyade marient leur fille au sieur Lesbarès, et lui constituent en dot, et par avancement d'boirie, une somme de 1,000 fr., payable deux années après le mariage, à la sûreté de laquelle ils hypothèquent spécialement tous les immeubles qu'ils possèdent sur les communes d'Arthenac et Saint-Eugène, consistant, etc.-9 fév. 1837, la dot n'étant point payée, le sieur Lesbarès fait saisir immobilièrement les biens hypothéqués, qui étaient la propriété de la femme. - Demande en nullité des poursuites, comme portant sur des immeubles dotaux, frappés d'inaliénabilité par la loi.

Le 21 décembre 1837, jugement du tribunal civil de Jonzac, qui rejette cette demande par les motifs suivants : - «Attendu qu'aux termes de l'art. 1391 c. civ., pour que les biens de la femme soient dotaux et inaliénables, il faut que les époux aient formellement déclaré, dans leur contrat de mariage, qu'ils entendaient se marier sous le régime dotal; que le contrat de mariage des époux Lapouyade ne contient point cette stipulation expresse du régime dotal; qu'il n'y a même pas d'équipollent TOME XIV.

tal qu'elle ne peut exister dans aucun autre régime, pas de difficulté ; l'adoption de cette clause, qui emporte soumission au régime dotal, alors même qu'on a stipulé un autre régime, doit l'emporter, à plus forte raison, lorsqu'il n'y a aucune stipulation de ce genre (V. no 3080).—Mais en admettant même que l'inaliénabilité puisse se combiner avec un autre régime, on peut très-bien soutenir que, en l'absence d'un autre régime, elle entraînera soumission au régime dotal. Lors, en effet, qu'on admet cette combinaison, que fait-on autre chose que déclarer que, en vertu de la clause d'inaliénabilité, les biens dotaux seront, pour partie, soumis au régime dotal (V. Cass. 24 août 1836, aff. Laurent, no 3158-6°), et que, en vertu de la stipulation d'un autre régime, ils seront, pour l'autre partie, soumis à ce dernier? Or cette dernière stipulation, qui limite les effets du régime dotal, n'existant pas, le régime dotal ne doit-il pas régir, pour le tout, les biens dotaux ? C'est toujours l'application du même principe (V. en co sens, outre les auteurs déjà cités, n° 168, M. Bellot des Minières, nos 34, 35 et suiv.). — Jugé dans ce sens 1° que la clause d'un contrat de mariage où il est dit que les biens meubles et immeubles que la femme se constitue en dot seront censés de nature dotale, pour en conserver les priviléges et prérogatives accordés par la loi, avec réserve néanmoins d'aliéner lesdits biens du consentement exprès du futur époux, exprime suffisamment que les époux sont mariés sous le régime dotal, quoique la soumission à ce régime ne soit pas explicite (Poitiers, 17 juill. 1838) (1);-2° Que la soumission au régime dotal résulte de la déclaration que l'immeuble constitué en dot est dotal et inaliénable ( Bordeaux, 8 janv. 1851, aff. Guérin, D. P. 51. 2. 50). — Quelque fondée que puisse être cette opinion, il est certain qu'il n'y a pas, dans une pareille clause, soumission expresse au régime dotal; et cette soumission ne résulte pas nécessairement, de ce que les immeubles dotaux ont été déclarés inaliénables (V. suprà, no168).

Quelle que soit, au surplus, la valeur de la clause d'inaliénabilité relativement au régime auquel les époux seront censés s'être soumis pour leurs biens, on doit recommander aux notaires de ne pas l'employer, surtout si partie des biens est seule déclarée dotale etinaliénable; car alors la première question se compliquera d'une seconde question bien plus délicate, celle de savoir quel sera le caractère des biens à l'égard desquels le contrat ne s'est pas exprimé. Ils seront paraphernaux, suivant M. Bellot des Minières (1.4, p. 510); mais ne devrait-on pas déclarer plutôt qu'ils seront dotaux, à supposer qu'on ne doive pas leur attribuer le caractère de biens communs? Si l'on admet que la clause d'inaliénabilité suffisant; qu'ainsi les biens de la femme Lapouyade n'ont pas le caractère dotal et ont pu être valablement saisis; Attendu que les époux Lapouyade ont offert à Lesbarès de lui abandonner du fonds en payement de sa créance, mais qu'il n'a pas voulu l'accepter; — Attendu qu'aux termes de l'art. 1244 c. civ., les juges peuvent surseoir l'exécution des poursuites, toutes choses demeurant en état; Que le procès a lieu entre le beaupère et le gendre; qu'à raison de cette parenté entre les parties, de la position malheureuse des débiteurs et de la bonne volonté qu'ils ont montrée de se libérer, en offrant à leur créancier des immeubles en payement de sa créance, c'est le cas d'user de la faculté accordée par l'art. 1244 précité; Le tribunal déclare bonne et valable la saisie immobilière, et surseoit pendant six mois aux poursuites, toutes choses demeurant en état. » Appel par les époux Lapouyade. Arrêt.

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LA COUR; - Attendu que, par son contrat de mariage du 19 frim. an 8 (10 déc. 1804), Marie Julien, femme Lapouyade, se constitue en dot tous les biens meubles et immeubles qui lui étaient échus par le décès de son père et qui étaient encore indivis entre elle et ses cohéritiers, ainsi que la constitution que lui fit sa mère d'une somme de 4,000 fr. à titre d'avancement d'hoirie, pour être le tout, et par condition expresse, censé de nature dotale, pour en conserver les priviléges et prérogatives accordés par la loi, avec réserve néanmoins d'aliéner lesdits biens, sous l'autorisation et du consentement exprès du futur époux; Que les termes dans lesquels est conçue cette stipul tion expriment suffisamment l'intention de soumettre au régime dotal les biens que la femme Lapouyade se constituait ou qui lui étaient constitués en dot, et équivalent à une déclaration expresse à cet égard; Que, si cette constitution ne comprend pas ses biens à venir, et que si une société d'acquêts a été établie entre les époux, avec réserve, au profit de la femme, en cas de renonciation, de reprendre franc et quitte de toutes charges, et indépendamment de sa constitution dotale, tout ce qu'elle y aurait porté, de telles conventions, loin d'être inconciliables avec le régime dotal, sont formellement autorisées par les art. 1542 et 1581 c. civ., qui concernent ce régime, etc.

Du 17 juill. 1838.-C. de Poitiers, 2 ch.-MM. Vincent-Molinier, pr.Flandin, av. gén., c. cont.-Béquet et Allard, av.

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frappant les biens dotaux de la femme emporte soumission au régime dotal, et si, en dehors des biens constitués en dot et frappés ainsi d'inaliénabilité, il existe d'autres biens, il faudra nécessairement leur appliquer l'art. 1574 c. civ. et les déclarer paraphernaux. Mais si la femme s'étant constitué en dot tous ses biens, partie seulement a été déclarée inaliénable, l'autre partie sera dotale et aliénable.

3168. La cour de Lyon a cru devoir repousser la soumission au régime dotal, alors même qu'il y avait sur ce point déclaration expresse, parce que les époux avaient, en même temps, déclaré adopter le régime de la communauté réduite aux acquêts; elle a décidé, en conséquence, que la clause par laquelle deux époux qui ont dans leur contrat de mariage déclaré adopter le régime de la communauté réduite aux acquêts, ont convenu que les biens personnels de la future seraient assujettis au régime dotal, et qu'elle pourrait en disposer sous l'autorité de son mari, une telle clause doit être considérée comme ayant fait du régime de la communauté la loi matrimoniale des époux (Lyon, 15 avr. 1845, aff. Perrot, D. P. 49. 2. 19).-Cette décision est assez difficile à justifier, comme nous l'avons fait observer, en rapportant cet arrêt; car, d'une part, le vœu de la loi qui exige une déclaration expresse (art. 1372), est rempli, cette déclaration existant formellement dans le contrat de mariage, et, de l'autre, la communauté réduite aux acquêts se concilie très-bien avec le régime dotal. En décidant qu'après avoir adopté une pareille clause dans leur contrat de mariage, les époux avaient fait de la communauté la loi matrimoniale, la cour de Lyon, non-seulement n'a pas tenu compte de la déclaration expresse qui soumettait les biens de la femme au régime dotal, mais encore elle a transformé, pour le besoin de la solution qu'elle a cru devoir adopter, la communauté d'acquêts, en communauté légale, le tout contrairement à l'intention des parties et aux art. 1157 et 1161. V. dans ce sens MM. Rodière et Pont, t. 2, no 377.

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3169. Mais les clauses équivoques, et desquelles ne résulte pas nécessairement, la volonté des parties de soumettre au régime dotal tout ou partie des biens dotaux, telles que les clauses que nous avons examinées ou que nous examinons infrà, ne sauraient suffire pour frapper tous les biens de la femme de dotalité et d'inaliénabilité, et les soumettre au régime dotal, surtout lorsqu'il y a déjà adoption, par stipulation expresse, d'un autre régime. a été jugé en conséquence: 1° que, lorsqu'en déclarant se marier sous le régime en communauté la femme a stipulé qu'elle ne fait entrer dans la communauté, qu'une somme déterminée, et que l'excédant de cette somme et tous les biens qui pourront lui échoir par la suite, seront sa dot ou feront augmentation de dot, celle stipulation, jointe à une clause du contrat qui ne permet au mari d'aliéner, avec le consentement de sa femme, que certains immeubles désignés seulement, ne suffit pas pour faire considérer les autres immeubles de la femme comme ayant été soumis au régime dotal, et comme ne pouvant dès lors être valablement aliénés par la femme après sa séparation de biens, et avec le consentement de son mari (Rouen, 11 ch., 10 juill. 1821, M. Carel, pr., aff. Montgrand, V. suprà, no 168 s.);-2° Que l'adoption du régime dotal, ne se présumant pas, ne peut, à défaut de déclaration expresse, ou tout au moins de stipulations Indiquant d'une manière claire et non équivoque l'intention de se soumettre à un tel régime, s'induire (contre la femme) : - ... Ni de la clause

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que la future se constitue tous ses biens présents et à venir; Ni du mandat irrévocable donné au futur de gérer et administrer les biens constitués; ... Ni de la clause de remploi des immeubles que le futur est autorisé à vendre; - ... Ni de celle par laquelle celui-ci sera tenu d'assurer et reconnaître sur ses biens ce qu'il recevra pour son épouse; -... Ni de celle par laquelle « la future donne pouvoir au futur de vendre et aliéner tous ses biens immeubles, pour le prix des ventes lui devenir dotal; » — ... -... Ni enfin de l'insertion simultanée de toutes les clauses ci-dessus dans le contrat des époux (Nîmes, 22 juill. 1852, aff. veuve Saussine, D. P. 52. 2. 182). Il convient de remarquer que, dans l'espèce jugée par l'arrêt qu'on rapporte, il s'agissait, en réalité, non pas de faire considérer comme soumis au régime dotal les biens de la femme, mais de faire déclarer communs les biens du mari. La cour de laquelle il émane, devait, dans ce cas, hésiter à appliquer contre la femme une règle que la juris

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3170. La seconde condition requise pour que les biens de la femme soient dotaux, et comme tels soumis au régime dotal, c'est, comme nous l'avons dit, qu'ils aient été constitués en dot: «Tout ce que la femme se constitue ou qui lui est donné en contrat de mariage, est dotal, s'il n'y a stipulation contraire. » C'est en ces termes que s'exprime le législateur, art. 1541.

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La constitution de dot, lorsqu'elle est faite par la femme, est une convention synallagmatique par laquelle elle apporte, ou s'oblige d'apporter à son mari, ce qui fait l'objet de la constitution dotale, et de lui en garantir la libre possession, à la charge par lui de supporter tous les frais ou charges de mariage. — Lorsque la dot est constituée par un tiers dans le contrat de mariage, elle a un double caractère: à l'égard du mari, c'est une convention à titre onéreux, par laquelle on s'oblige à lui livrer certains biens à titre de dot et à lui en garantir la jouissance, mais par laquelle il s'oblige aussi à supporter les charges du ménage; dans aucun cas, ce n'est pour lui une donation ou une convention à titre lucratif. Ex promissione dotis non videtur lucrativa causa esse: sed quodam modo creditor aut emptor intelligitur qui dotem petit (L. 19, D., De oblig. et act. V. aussi L. 25, §1, D., Quæ in fraudem cred.). De ce principe découlent plusieurs conséquences importantes relativement aux droits du donateur et de ses créanciers et relativement aux obligations du donateur constituant la dot.—Mais à l'égard de la femme, la constitution de dot émanant d'une autre personne que d'elle même, forme une véritable donation, soumise comme telle à toutes les règles des donations en faveur de mariage. Cette double nature de la dot se trouve signalée dans la loi 23, §1, D., Quæ in fraudem, que nous venons de citer. On y distingue, par rapport aux créanciers, le mari de la femme, et l'on décide que, tandis que la femme est obligée à restitution comme tout donataire, qu'elle ait su ou non que la dot était constituée en fraude, le mari ne l'est, comme tout autre créancier qui a reçu ce qui lui est dû, qu'autant qu'il a été de mauvaise foi (V. Faillite, nos 276 ets., Oblig. [fraude]).- Il a été jugé néanmoins que dans le cas où l'apport matrimonial déclaré par le futur n'est pas réel, la constitution de dot, faite à la femme par son père, a pu être considérée comme prenant, à raison de cette simulation, le caractère de pure libéralité, et a pu, par suite, être révoquée, tant à l'égard de la fille que du gendre, lorsque la dot a été constituée en fraude des créanciers du donateur (c. civ. 1167, 1235, 1540, 1547; c. com. 446, 447. — Req. 6 juin 1844, aff. Loiquand, vo Faillite, no 277-3°).

3171. La constitution de dot peut encore être considérée comme un contrat synallagmatique, à un autre point de vue : elle est faite souvent en vue des apports du futur époux, il y a alors obligation des deux côtés (V. l'arrêt précité).

3172. La constitution de dot, étant un contrat onéreux ou une donation, est susceptible de toutes les modalités que peuvent recevoir ces actes. Ainsi elle peut être faite sous condition suspensive ou résolutoire. Il y a même certaines conditions qui sont de plein droit sousentendues. Telle est celle que nous avons examinée plus haut, et la condition qu'il ne naîtra pas d'enfants au donateur (c. civ. 960).

3173. La dot, qui est un accessoire du mariage, qui lui est inhérente, pour nous servir des expressions du jurisconsulte Papinien (L. 16, D., De castrensi peculio), ne peut exister sans le mariage. Elle commence et finit avec lui, ce qui fait dire au jurisconsulte Paul que sa cause est perpétuelle, dotis causa perpetua est (L. 1, D., De jure dotium). Aussi est-elle toujours constituée, quel que soit le constituant, sous la condition tacite que le mariage aura lieu, s'ensuivra. Stipulationem quæ propter causam dotis fiat, constat habere in se conditionem hanc: Si nuptiæ fuerint seculæ et ita demùm ex eá agi posse, quamvis non sit expressa conditio: Si nuptiæ, constat (L. 21, D., De jure dotium, et art. 1540 et 1088). Autrefois, la constitution de dot était aussi censée faite sous la condition du droit de retour en faveur du donateur, en cas de prédécès du donataire et de sa postérité. Cette condition tacite avait les mêmes effets que la condition ex

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presse et faisait retourner les biens entre les mains du constituant libres de toutes charges. Ce droit de retour tacite n'existe plus aujourd'hui, il doit être stipulé et, dans ce cas, il produit les mêmes effets qu'une condition résolutoire, sauf le droit d'hypothèque de la femme (art. 951, 952). Seulement, en l'absence de toate stipulation à cet égard, les ascendants donateurs succédent, à l'exclusion de tous autres, aux choses par eux données à leurs enfants ou descendants décédés sans postérité, mais lorsque les objets donnés se retrouvent en nature dans la succession, c'est-à-dire en respectant toutes les aliénations qui auraient été faites par le donataire (art. 747). Ils succèdent, c'est-à-dire ils reprennent à titre d'héritiers, mais non en vertu d'une condition résolutoire. Le droit de retour devra donc être stipulé lorsque la constitution ne comprendra que des biens présents (c. civ. 1081, V. Dispos, entre-vifs et Success.). Mais si la donation comprend aussi des biens à venir, c'est-à-dire si elle est des biens que le donateur laissera à son décès, ou des biens présents et à venir, en tout ou en partie, la stipulation du droit de retour sera inulile, une telle donation ou constitution dotale devenant caduque par le prédécès du donataire et de sa postérité (art. 1089, V. M. Tessier, t. 1, p. 67).

3174. Si la constitution de dot est faite à la condition ou à la charge que le donataire ne demandera pas au donateur le compte de tutelle, quel sera l'effet de cette renonciation? M. Merlin, Rép., vo Dot, § 2, pense qu'une telle condition doit être réputée non écrite sous le code civil. M. Tessier, t. 1, p. 73 et suiv. et note 120, paraît en admettre la validité en se fondant sur ce qui était admis dans l'ancienne jurisprudence, à savoir que la femme ne pouvait se soustraire à l'exécution de cette charge, tout en retenant les bénéfices de la constitution dotale faite en sa faveur. La femme, dit M. Duranton, t. 15, n° 343, pourrait bien demander, dans ce cas, le compte de tutelle, nonobstant sa renonciation (art. 472), mais elle devrait alors renoncer aux avantages de la donation. Mais ceci est contraire à l'art. 900 qui répute la condition non écrite, et l'opinion de Merlin est la plus exacte. V. Disposit. entre-vils.

3175. Mais serait évidemment nulle et réputée non écrite la condition mise à une constitution de dot, que la fille renoncera à la succession du donateur, et la constitution n'en produirait pas moins tout son effet (art. 791 et 900 c. civ. combinés; V. en ce sens Turin, 10 août 1811, aff. Bal, nos 1252 et 3317; M. Duranton, t. 15, no 343; V. aussi vo Succes.). Autrefois, comme on le sait, une telle stipulation était non-seulement valable, mais très-usitée, même dans les pays de droit écrit. V. Lebrun, Des successions, liv. 3, ch. 8; Ricard, Des donations, part. 3, ch. 8, sect. 3; Roussilbe, De la dot, ch. 32, et Julien, Statuts de Provence, t. 1, p. 433 et suiv. V. d'ailleurs nos 145 et 146.

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3176. La constitution de dot peut être faite encore à charge d'exécuter ou d'accomplir certaines choses. Ainsi la donation ou constitution peut être faite à la charge de payer une certaine somme, d'arquitter les dettes du constituant (c. civ. 1086), de lui payer une pension viagère (V. Tessier, t. 1, p. 76), d'employer | en acquisitions d'immeubles tout ou partie des biens compris dans la constitution (V. infrà, ch. 6). — Elle peut être faite à terme, mais les intérêts de la dot, sauf stipulation contraire, n'en courent pas moins du jour du mariage (art. 1548; V. n° 3293).

SECT. 1.

Comment et quand la dot peut élre constituée. 3177. La première question à examiner, à propos de la constitution de dot, est celle de savoir comment peut avoir lieu cette constitution. En droit romain, la dot pouvait être constituée de plusieurs manières, par la dictio, la datio et la promissio. Dos aut datur, dit Ulpien, aut dicitur, aut promittitur (Fragm., tit. 6, ch. 1). La dictio dotis paraît avoir été le mode de constitution le plus ancien; c'est celui dont on trouve le plus grand nombre d'exemples dans les classiques. Ce qui le distinguait des autres, c'est qu'il devait avoir lieu avant le mariage, et qu'il n'était admis que de la part de certaines personnes, telles que la femme elle-même on un parent paternel de la fiancée, mulier quæ nuptura est, item parens mulieris virilis sexús, per virilem sexum cognatione junctus (Ulpien, ubi suprà). Mais ce

mode ne paraît pas avoir eu de solennités particulières, c'est là au moins l'opinion la plus générale. On peut toutefois ajouter aux autres conditions de la dictio dotis la présence des parties (V. M. Ginoulhiac, Histoire du régime dotal, p. 68 et suiv.).— Quant à la datio et à la promissio, ces deux modes de constitution pouvaient être adoptés par toute personne étrangère, et les formes qu'on suivait n'étaient autres que celles des donations, c'est-à-dire de la mancipation, de la cessio in jure, de la tradition ou des stipulations. Dare, promittere dotem omnes possunt (Ulpien, ibid.). Ces divers modes de constitution et les formalités qui étaient attachées à chacun d'eux furent abrogés par Théodose et Valentinien dans la loi 6 au Code, De dotis promissione, où ces empereurs déclarent que, pour pouvoir exiger la dot qu'on a voulu donner, il suffit qu'on l'ait promise d'une façon quelconque, par écrit ou sans écrit, quand même il n'y aurait pas eu de stipulation: Ad exactionem dotis quam semel præstari placuit, qualiacumque verba sufficere censemus, sive scripta fuerint sive non, etiamsi stipulatio in pollicitatione rerum dotalium minimè fuerit subsecuta.

3178. La dot devant être constituée par l'un des modes que nous venons d'indiquer, il semble, au premier abord, que cette constitution dût toujours être expresse. Il en était ainsi, sans doute, lorsque la dot était constituée par la dictio, par la promissio, par la mancipation ou par la cessio in jure; mais, comme elle pouvait être aussi constituée par la tradition, il pouvait très-bien se faire qu'elle fût constituée d'une manière tacite. Sans doute, pour qu'il y ait constitution de dot par la tradition, il faut que les choses dotales aient été données ou reçues à titre de dot; mais la simple volonté de les donner ou de les recevoir à ce titre suffit: il n'est pas nécessaire pour la tradition, que celte volonté soit déclarée d'une manière expresse. Théodose et Valentinien dispensèrent de l'emploi des paroles solennelles dans la constitution, déclarant, qualiacumque verba sufficere, qu'il y eût ou qu'il n'y eût pas d'écrit, sive scripta fuerint, sive non (L. 6, C., De dotis promiss.). Un acte quelconque, un contrat, n'était donc pas nécessaire, comme le pense M. Troplong (no 3022); et à la dissolution du mariage, il suffisait à la femme ou à ses héritiers de prouver, par un genre de preuve quelconque, que les biens avaient été reçus à titre de dot, pour pouvoir en réclamer la restitution. Ils n'avaient pas besoin de rapporter l'acte écrit de constitution, soit qu'il eût été égaré, soit qu'il n'en eût jamais existé. Telle est la disposition de la loi 15, C., De jure dotium. Justinien, confirmant les lois précédentes, dit à son tour: Nihil prohibet, etsi sine scriptis dos vel detur, vel promittatur, vel suscipiatur (L. un., Cod., De rei uxor. act., § 1, Et nemo). Mais, non-seulement il n'est pas nécessaire que la constitution de dot soit prouvée par écrit, il ne l'est pas même que, dans la tradition, le nom de dot soit prononcé: Quia autem in stipulatione non est necessaria dotis adjectio, etiam in datione tantumdem ducimus (L. 23, D., De jure dotium). Donc la constitution de dot ne devait pas être expresse; elle pouvait être tacite. Nous trouvons, en effet, dans les lois romaines, plusieurs exemples de ces sortes de constitutions, où le nom de dot n'est pas même prononcé (V. LL. 36, 38, 48, § 1, D., De jure dotium). D'autres où la volonté présumée de l'épouse suffit pour la constitution (V. LL. 39 et 40, ibid.). La loi 1 au Code, De dotis promissione, pas plus que la loi 9, § 2, D., De jure dotium, n'exigeait une constitution expresse. La première de ces lois ne fait que repousser comme insuffisante une constitution dotale par promissio, mais non par tradition, qui ne désignait ni les espèces ni la quantité des choses promises. Comment, en effet, accorder une action au mari dans ce cas? et encore faut-il ajouter que cette désignation n'était pas toujours nécessaire (L. 69, § 4, D., ᎠᎴ jure dotium). Quant à la seconde, elle dit seulement : Dotis autem causa data accipere debemus, ea quæ in dotem dantur. Nous devons considérer comme transmises à titre ou pour cause de dot les choses qui ont été données en dot, ou livrées pour former la dot. Comment voir là la nécessité d'une constitution expresse? La loi dit bien in dotem data; mais, comme nous l'avons fait observer, la volonté de transmettre et de recevoir à ce titre suffit, et la loi ne dit pas le contraire. M. Troplong invoque, il est vrai, les modes de tradition de la dot usités autrefois; mais ces modes antiques, rapportés autrefois par Suétone et par Juvénal,

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