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Ces rapprochements suffisent, à notre sens, pour faire voir qu'au lieu d'aplanir les difficultés et d'éclaircir les points douteux, la distinction des deux domaines de la dot provoquerait plutôt la confusion et les subtilités. Il n'est plus besoin, comme sous l'empire des lois romaines, de recourir à la fiction pour expliquer des antinomies; ces lois, d'ailleurs, portaient plus ou moins l'empreinte de l'ancien système, qui, détermiuant les effets de la tradition à l'égard des choses mancipi, admettait simultanément à leur égard le domaine naturel ou bonitaire et le domaine civil ou quiritaire. Les textes du code civil étant clairs et précis, n'y ajoutons rien de fictif et d'arbitraire, et disons simplement, comme la loi elle-même, que la femme a la propriété des biens dotaux, et que le mari en a l'administration et la jouissance, avec l'exercice de toutes les actions contre les débiteurs et détenteurs.

Ce ne sont toutefois que des notions générales que nous venons d'exposer sur les droits du mari, abstraction faite de la nature des biens dotaux et des stipulations matrimoniales. Mais il y a lieu de distinguer, comme nous le verrons plus loin, entre les diverses espèces de biens; nous aurons notamment à examiner si le mari a un pouvoir absolu sur la dot mobilière (V. n° 3424 et suiv.), et dans quels cas il devient propriétaire de la dot mobilière ou immobilière par l'effet de la convention.-V. no 3388 et suiv.

SECT. 1. – Administration proprement dite des biens dotaux.

3296. L'art. 1549 est ainsi conçu : « Le mari seul a l'administration des biens dotaux pendant le mariage; il a seul le droit d'en poursuivre les débiteurs et détenteurs, d'en percevoir les fruits et les intérêts, et de recevoir le remboursement des capitaux. Les caractères généraux de cette administration ayant été exposés suprà, no 3295, il nous reste à apprécier séparément les divers actes qu'elle embrasse.

3297. Baux. Les baux sont l'acte d'administration le plus simple. Le mari tient à un double titre le droit de les consentir seul, puisqu'il a à la fois l'administration et la jouissance des immeubles dotaux ; quant à la durée de ces baux, on applique sous le régime dotal les art. 1429 et 1430, dont les dispositions, aux termes de l'art. 595, régissent tout usufruitier, et par conséquent le mari (c. civ. 1562; MM. Merlin, Rép., vo Dot, § 11, no 11; Tessier, t. 2, note 852; Troplong, no 3128). Ces dispo. sitions sont expliquées suprà, nos 1365 et suiv. - Jugé que, sous l'ancien droit romain, le bail à locatairie perpétuelle fait par un mari des biens dotaux de la femme, était une aliénation; qu'en conséquence, cet acte était radicalement nul, ce qui entrai

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(1) Espèce (Gabrilhac C. Revel. ) — Le demandeur en cassation prétendait que le bail à locatairie perpétuelle n'était point une aliénation; qu'il n'était pas, en effet, translatif de propriété, puisque le bailleur et ses héritiers conservaient toujours le domaine utile et l'exercice des actions en réintégrande pour usurpation d'un voisin sur le fonds baillé; -Qu'il y avait lieu a résiliation faute de payement de la renie pendant trois ans; enfin qu'il n'y avait pas d'action par le preneur contre le bailleur pour lésion d'outre moitié comme dans la vente ; que ces divers points étaient de jurisprudence constante dans le ressort du parlement de Toulouse, et résultaient notamment d'arrêts rendus en 1781 et 1788; — Qu'il y avait bail de biens dont la femme n'avait aucunement perdu la propriété et que l'acte ne pouvait être annulé.-Jugement. LE TRIBUNAL; Attendu que le bail à locatairie perpétuelle fait par un mari des biens dotaux de sa femme est une aliénation; que le mari, dans l'aliénation qu'il en a faite, ayant agi comme mari et maître des biens dotaux de sa femme a suffisamment indiqué au preneur la nature des biens qu'il lui vendait, pour lui faire connaître que cette aliénation était contraire aux lois sur la matière, et que la promesse de garantie stipulée dans le contrat ne peut pas avoir de valeur, l'obligation principale étant nulle, ce qui excluait toute fin de non-recevoir proposée par l'exposant contre la demande des défendeurs; Rejette.

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Du 29 mess. an 3.-C. C., sect. req.-MM. Lecointe, pr.-Rouget, rap.

(2) (Catois C. les hérit. Cairon.) — LA COUR ; — Considérant, en droit, qu'aux termes de l'art. 1549 c. civ., le mari seul a l'administration des biens dotaux pendant le mariage, et le droit d'en percevoir les fruits et intérêts, et de recevoir le remboursement des capitaux, et qu'il ne peut être tenu, d'après l'art. 1550, de fournir caution pour la réception de la dot, s'il n'y a pas été assujetti par le contrat de mariage; Attendu, en fait, que les sieurs de la Fontaine, de Tournebu et de Grimouville n'ont point été assujettis, par leur contrat de mariage avec

nait la nullité de la garantie stipulée par le mari (Req. 29 mess. an 3) (1).

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3298. Remboursement de capitaux, caution, emploi, rentes, compte de tutelle, prix de vente, compensation, délai, quittance sous seing privé. Le mari a le droit « de recevoir le remboursement des capitaux » (c. civ. 1549); par suite, il peut donner décharge au débiteur, consentir toute radiation d'inscription.— L'art. 1550 contient une disposition particulière pour la réception de la dot, « le mari n'est pas tenu de fournir caution s'il n'y a pas été assujetti par le contrat de mariage. » Le mari diffère à cet égard de l'usufruitier (c. civ. 601) dont la loi, cependant (c. civ. 1562), lui impose en général les obligations. «< Lorsque la femme, dit M. Troplong, no 3134, a suivi la foi de son mari au point de lui livrer sa personne et ses biens, il serait déraisonnable qu'elle exigeàt ensuite la garantie de personnes étrangères, et qu'elle eût plus d'assurance dans la foi d'autrui que dans la foi conjugale. » Avant le mariage, les raisons de décence et d'affec tion s'opposent moins à la stipulation de la caution; stipulation appelée par Balde, gravamen honesto proboque viro. — Dans le droit romain, et à une époque où les mœurs dépravées faisaient des intérêts conjugaux une affaire de spéculation, l'usage s'était établi de fideicommisseurs pour la restitution de la dot (L. 24, § 2, D., Salut. matrim.); mais cet usage fut aboli au quatrième siècle, comme contraire à la dignité du mariage et à l'honneur du mari (L. 2, C., Ne fidejussores).

3299. Ce n'est pas seulement la femme qui est non recevable, d'après l'art. 1550, à demander au mari la caution non stipulée par le contrat de mariage; il en est de même du débiteur de la dot, et peu importe que, s'agissant de deniers de succession, il ait été dit dans le contrat de mariage, que le mari s'obligeait à faire constater par inventaire et à restituer à la femme le mobilier qui lui écherrait par succession, donation ou legs (Caen, 27 juin 1825) (2).

3300. A plus forte raison, le mari n'est-il pas tenu à caution, s'il a reçu le pouvoir, par le contrat de mariage, d'aliéner les biens dotaux de sa femme (Req. 22 mai 1832) (3).

3301. On a jugé aussi que le mari ne peut être contraint par le débiteur de donner caution pour les sommes dues à son épouse, soit lorsqu'il les reçoit comme maître de la dot, soit en vertu du mandat qui lui en a été donné par le contrat de mariage, à moins que le bail de caution n'ait été convenu dans ce contrat, ou que le mari n'ait dissipé les biens qu'il possédait à l'époque où le mariage a eu lieu (Nîmes, 2 mai 1807, aff. Foriel, V. no 1384). 3302. Il semble résulter des dernières expressions de cet arrêt, que le mari devenu insolvable pourrait être soumis à la les demoiselles de Cairon, à fournir caution pour la réception de tout ce qui, pendant la durée du mariage, écherrait à leurs épouses, en biens meubles, par successions, donations, legs ou autrement; que la seule charge imposée auxdits sieurs de la Fontaine, de Tournebu et de Grimouville, par l'art. 3 des contrats, a été de le faire constater par inventaire qui en contiendrait la prisée à juste prix; qu'à la vérité les maris ont déclaré s'obliger et obliger leurs biens à la restitution, le cas échéant, de tous les biens dotaux de leurs épouses, mais qu'une telle obligation, qui intéresse personnellement les époux, n'ajoute rien à celle que la loi a établie en faveur des femmes, en leur accordant hypothèque légale sur les biens de leur mari, pour toutes leurs reprises dotales; - Attendu qu'en supposant que les maris des demoiselles de Cairon, ou l'un d'eux, n'aient pas de biens suffisants pour assurer la restitution de leurs biens dotaux mobiliers, et que, sous ce rapport, lesdites demoiselles de Cairon, ou l'une d'elles, eussent à craindre la perte de tout ou partie de leur dot mobilière, elles ont le droit de recourir à la voie de la séparation civile, aux termes de l'art. 1565 c. civ., sans que pour cela les cours et tribunaux soient autorisés à imposer aux maris des obligations de garantie auxquelles ils n'ont point été assujettis par leur contrat de mariage;

Confirme.

Du 27 juin 1825.-C. de Caen, 1re ch.-M. Régnée, pr.

(3) (Cluchier C. Fière.) LA COUR; Attendu, en droit, que le mari n'est pas tenu de fournir caution pour la réception de la dot, s'il n'y a pas été assujetti par le contrat de mariage (art. 1550 c. civ.); Attendu, en fait, que loin d'être assujetti à fournir caution pour la réception de la dot, le mari était autorisé par le contrat de mariage à aliéner les biens dotaux de la femme, sans aucune condition ni obligation d'emploi, et qu'il a été fait, dès lors, par l'arrêt dénoncé, une juste application de la loi; - Rejette le pourvoi contre l'arrêt de la cour de Nimes, du

17 dec. 1850.

Du 22 mai 1832.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Mestadier, rap.

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3303. La caution, quand elle est exigée du futur époux, est ordinairement son père, qui même peut consentir une hypothè que sur ses biens pour la restitution de la dot. On a demandé si le père qui, lors du mariage, a reçu la dot de sa belle-fille avec cette affectation hypothécaire, est définitivement libéré par le remboursement qu'il fait à son fils pendant le mariage de la somme qu'il a touchée, de telle sorte qu'en cas d'insolvabilité du mari, la femme ne puisse exiger du beau-père la restitution de sa dot. La question a été résolue en sens divers par deux arrêts, l'un qui condamne le beau-père comme caution (Pau, 9 déc. 1820) (1), l'autre qui le déclare libéré (Toulouse, 31 juill. 1833) (2).

La clause qui astreint le futur époux à donner caution pour la réception de la dot est assez peu usitée; mais il en est autrement des clauses qui obligent le mari à faire emploi des deniers dotaux. Quant à l'interprétation et à l'effet de ces clauses, V. ci-après, ch. 6, du Remploi.

3304. Le mari est-il tenu de faire emploi des capitaux, quand le contrat de mariage ne le stipule pas? Non, puisque l'art. 1549 n'apporte aucune restriction ou condition au droit qu'a le le mari de les recevoir. Quand la loi a entendu subordonner ce droit au remploi, elle s'est expliquée formellement, comme dans

(1) (Dame Saint-Gès C. son mari.) LA COUR Considérant que la solidarité ne se présume point; qu'elle doit être expressément stipulée, ou résulter d'une disposition de la loi (art. 1202 c. civ.); que, dans la cause actuelle, on ne peut invoquer aucune disposition légale ni aucune stipulation particulière qui établisse cette solidarité entre Saint-Gès père et son fils;-Considérant que le mari, aux termes de l'art. 1549 c. civ., ayant seal l'administration des biens dotaux pendant le mariage; ayant seul le droit d'en percevoir les fruits et les intérêts, et de recevoir le remLoursement des capitaux, Saint-Gès père a pu valablement se libérer, entre les mains de son fils, de la dot qu'il avait reçue avec lui lors du contrat de mariage, mais qu'il n'en est pas moins vrai qu'il n'a pu diminuer les sûretés qu'il avait données à la dame Durieu en affectant et hypothéquant ses biens pour le remboursement de sa dot; qu'en cas d'insolvabilité ou d'insuffisance des biens de son fils, pour y faire face, il en est resté responsable envers elle, ainsi qu'il l'a reconnu lui-même dans la transaction du 2 sept. 1817;—Considérant que la garantie, incontesTablement par lui due, peut être assimilée à un cautionnement; qu'en qualité de caution, il est fondé, aux termes de l'art. 2021 c. civ., à demander que son fils, principal débiteur de la dot, soit préalablement discuté dans ses biens; que c'est dans ce sens, et pour le faire profiter du bénéfice de la discussion, que les premiers juges l'ont relaxé, quant à présent; que si cette disposition du jugement est juste, et doit être mainaue, il convient de la développer davantage, pour lui donner plus de clarté et en faire mieux sentir toute la justice; Confirme, etc.; · Et éanmoins, expliquant la disposition dudit jugement qui relaxe SaintGespère quant à présent, de la condamnation des 12,000 fr. dotaux.conamne ladite partie à payer à la dame Durieu la partie des 12,000 fr. e celle-ci ne pourra point recouvrer sur les biens propres et disponi

b.es de son mari.

Du 9 déc. 1820.-C. de Pau.-M. Figarol, 1er pr.

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(2) (Dame Caussé C. Albert père.) 12 mai 1830, jugement du tribunal de Castres, ainsi conçu: -« Considérant que le mari est pendant le mariage administrateur des biens constitués en dot, et qu'il a le droit de percevoir les deniers dotaux, sans en faire emploi et sans en fournir caution, s'il n'y est expressément obligé par le contrat de mariage; que cette obligation ne peut s'induire des circonstances ou des rapprochements des faits; qu'il faut qu'elle soit nommément stipulée; Que, dans l'espèce, on ne trouvait dans le contrat de mariage d'Albert fils et de Félicité Caussé aucune convention qui tendit a gêner le mari dans l'administration et la perception de la somme constituée en dot; qu'il était donc resté, à cet égard, aux termes du droit commun, et, par conséquent, disprosé d'emploi et de caution; —Que la dot avait bien été versée dans les mains d'Albert père qui avait fourni pour sa sûreté une hypothèque spéciale sur ses biens; mais cette sûreté n'était point uniquement pour la femme d'Albert fils, mais dans l'intérêt de celui-ci, à qui, comme admiBistrateur responsable de la somme dotale, il importait qu'elle ne périt point dans les mains de son père; que si les contractants avaient eu le dessein que cette somme restát toujours dans les mains d'Albert père, jusqu'à ce que Félicité Caussé fût dans le cas de la répéter, ou qu'au moins Albert fils ne pût la recouvrer lui-même que moyennant emploi ou caution, ils n'auraient pas manqué de le stipuler; que, puisque cette stipulation

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les cas des art. 1558 in fine, et 1559 (MM. Rolland, t. 6, p. 154, no 162; Duranton, t. 15, no 403; Tessier, t. 2, p. 127). Le mari, d'ailleurs, dit M. Troplong, no 3118, agit ici en maître, suæ rei moderator et arbiter. On verra plus loin, en effet, n° 3427, que le mari, d'après la nouvelle jurispudence, a même la libre disposition des créances dotales. Jugé que le tiers débiteur de sommes dotales ne peut point exiger l'emploi de la part du mari, si celui-ci n'y a pas été assujetti par le contrat de mariage (Toulouse, 2 janv. 1818, aff. N... C. N...; Cass. 25 janv. 1826, aff. Chabas, V. no 3519-3°).

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3305. Remarquons toutefois, que, dans le silence même du contrat de mariage, les débiteurs poursuivis par le mari seraient autorisés à exiger l'emploi, la caution ou toute autre sûreté, si, d'après le titre constitutif de leurs dettes, ils n'étaient tenus de payer que moyennant telle garantie (Conf. M. Tessier, t. 2, n° 830). Et spécialement, lorsqu'il a été stipulé dans une vente que le prix serait payé au futur époux de la fille du vendeur pour la dot de celle-ci, l'acquéreur peut, avant de se libérer entre les mains de la fille ou de son mari, exiger que les sûretés stipulées dans le contrat de mariage, pour garantie de la dot, telle qu'affectation hypothécaire, soient fournies....., bien qu'il n'ait pas été partie à ce contrat....., si, d'ailleurs, il lui a été rendu commun par la signification qui lui en a été faite (Caen, 18 fév. 1828) (3).-M. Tessier cite, dans le même sens, un arrêt du parlement de Bordeaux, du 17 nov. 1727.

3306. D'après les termes généraux de l'art. 1549, le rem

n'avait pas été faite, il était impossible de la suppléer et de créer contre le mari une sorte d'interdiction qui était contraire à la liberté légale d'administrer la dot sans condition aucune;-Que toutes les circonstances annonçaient que la bonne foi avait présidé de toute part à cette transaction et que le dessein de sacrifier les intérêts de Félicité Caussé était loin de toutes les pensées; qu'un événement malheureux, la faillite d'Albert fils, qui était hors de la prévision des contractants, avait, il est vrai, dérangé leurs plans et détruit leurs espérances pour la sûreté de la dot, mais que cet événément devait être sans influence sur la validité du payement; - Que, d'après ce qui vient d'être dit, il était constant qu'Albert père n'était pas obligé de conserver la dot de sa belle-fille, et qu'il n'était pas interdit à Albert fils de la recevoir sans emploi et sans caution; que, par conséquent, le payement que le père en avait fait au fils avec le concours de Caussé père, était valable en droit; qu'il avait, d'ailleurs, été fait légalement et de bonne foi; qu'Albert père ne pouvait donc être tenu de payer de nouveau à Félicité Caussé ce que déjà il avait payé légitimement.»-Appel.-Arrêt. LA COUR; Allendu que les motifs des premiers juges justifient pleinement leur décision, a démis et démet de l'appel.

Du 31 juill. 1833.-C. de Toulouse, 1r ch.-M. de Faydel, pr.

(3) Espèce (Pigeon de Saint-Pair C. Mathan.) — En 1825, les époux d'Héricy vendent au sieur Pigeon de Saint-Pair un immeuble de la dame d'Héricy: il est stipulé que, sur le prix, 80,000 fr. seront payés au futur époux de la demoiselle d'Héricy, fille des vendeurs. Depuis, celle-ci épouse le marquis de Mathan : le régime dotal est adopté par les époux : 120,000 fr. sont constitués à la future avec déclaration que, sur cette somme, 80,000 fr. seront payés par le sieur Pigeon de Saint-Pair: il est dit, en outre, dans le contrat, que, lors du payement de la dot, le futur époux donnera une hypothèque sur ses biens personnels. Pour éviter les frais de signification de ce contrat, à de Saint-Pair, celui-ci appose sa signature au bas d'un extrait du contrat, déclarant qu'il le tient pour signifié. Avant de verser les 80,000 fr. entre les mains du sieur de Mathan, le sieur de Saint-Pair a réclamé l'exécution de la clause du contrat de mariage, relative à l'hypothèque promise pour garantie de la dot. — Mathan oppose que le sieur de Saint-Pair ayant été étranger au contrat, est sans qualité pour exiger cette exécution. Ce dernier répond que, par cela que la somme est dotale, il a droit d'exiger une garantie; qu'au surplus, le contrat de mariage lui est devenu commun par la signification qui lui en a été faite. Le tribunal de Caen rejette cette prétention.Appel.-Arrêt.

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LA COUR; - En ce qui touche le fond: - Attendu qu'en vendant à l'avocat général Pigeon de Saint-Pair, par le contrat du 4 janv. 1825, une terre formant un bien dotal de la comtesse d'Héricy, mariée sous l'ancien statut normand, les comte et comtesse d'Héricy ont delégué à leur seconde fille une somme de 80,000 fr. faisant partie du prix de la vente, afin, est-il dit dans le contrat, que ces 80,000 fr. soient versés directement par M. Pigeon de Saint-Pair à son mari; - Que, par le contrat de mariage de la demoiselle Isaure d'Héricy avec le marquis de Mathan, il a été stipulé soumission des époux au régime dotal, et qu'une somme de 120,000 fr. a été constituée en dot à la future, avec déclaration que, sur cette dot, 80,000 fr. étaient dus par M. Pigeon de Saint-Pair, pour prix de la vente du bien dotal de la dame d'Héricy, suivant contrat de vente auquel il est

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qu'on l'a jugé, pour transiger sur ce compte : « Attendu que c'est avec le sieur Gualdy, mari de la majeure, que ce traité a été fait, c'est-à-dire entre personnes capables et jouissant de la p'énitude de leurs droits; que la dame Gualdy, étant mariée sous le regime dotal, et s'étant constitué en dot tous ses biens présents et à venir, le sieur Gualdy, son mari, avait seul qualité pour traiter sur le compte tutelaire, dont le résultat entrait dans la constitution générale de la dot, dont il était administrateur et responsable; qu'ainsi on ne peut puiser aucun moyen de nullité dans la qualité des parties contractantes, ni prétendre que le sieur Gualdy pût rester étranger au traité; démet de l'appel » (Montpellier, 20 janv. 1830, M. Trinquelague, 1er pr., aff. veuve Pailloux C. Gualdy).

boursement des rentes constituées en dot peut être reçu par le mari sans le concours de la femme. Telle était, malgré quelques légères dissidences, la doctrine généralement reçue dans l'ancien droit (V. Guyot et Merlin, Rép., v° Dot, § 7, no 4). Cependant M. Delvincourt, t. 3, p. 104, notes, fait observer que s'il s'agit de rentes foncières, il faudra appliquer la disposition finale de Part. 4, tit. 2 de la loi du 20 déc. 1790, d'après laquelle, lorsque le remboursement de ces sortes de rentes était fait entre les mains d'un tuteur, curateur ou mari, le redevable était garant du remploi du prix du rachat, si mieux il n'aime le consigner; auquel cas il n'est délivré aux tuteurs, curateurs et maris, qu'en vertu d'une ordonnance du juge rendue sur les conclusions du procureur du roi, auquel il doit être justifié du remploi. Mais les termes de l'art. 1549 sont absolus, et repoussent toute distinction (MM. Bellot, t. 4, p. 189; Duranton, t. 15, no 404; Tessier, t. 2, note 831).-Jugé 1° que le remboursement d'une rente foncière constituée en dot est valable, si elle a été faite au mari en vertu de la loi du 18 nov. 1790, qui déclarait ces rentes rachetables; et que l'arrêt qui déclare valable le remboursement d'une semblable rente ne viole aucune loi, bien que le remploi n'en ait pas été fait, surtout s'il réserve aux parties tous moyens de fait et de droit pour l'exiger; qu'en tout cas la nullité du remboursement ne peut être invoquée par le mari, qu'en son nom personnel et sur ses propres biens (Req. 12 août 1812, MM. Henrion, pr.; Lasagni, rap., aff. Voiret C. Arnaud);— 2o Que lorsqu'une rente, créée sous la coutume de Normandie, mobilisée par l'effet du code civil, a été léguée, sous ce même code, à une femme ma riée sous la coutume, le mari en peut recevoir le capital, sans être tenu de donner un remplacement (Rouen, 2 mai 1829) (1); -3° Que le mari a qualité pour recevoir le remboursement d'une rente dotale appartenant à sa femme, même d'une personne qui, sans être débitrice de la rente, est intéressée au rachat (c. civ. 1234, 1549, 1550; Rouen, 1re ch., 15 juin 1841, M. Fercoq, pr., aff. Poubelle C. Bouteiller).

3307. Le mari a aussi, et lui seul, le droit de recevoir le compte de tutelle dû à sa femme, lorsqu'elle s'est constitué tous ses biens (M. Duranton, t. 15, no 405), et il a même qualité, ainsi

renvoyé ; — Que le même contrat porte encore que, lors du payement de ces sommes, le marquis de Mathan donnera une affectation hypothécaire sur des biens immeubles d'une valeur suffisante, sauf la possibilité réservée au grevé de transférer l'hypothèque sur d'autres immeubles de semblable valeur; Considérant qu'il résulte de ces actes, communs à l'avocat général Pigeon de Saint-Pair, à raison de la part qu'il y a prise el de la notification qui lui en a été faite, que les 80,000 fr. susmentionnés ont été transportés à la marquise de Mathan, pour faire partie de sa dot, et qu'elle en est devenue directement et irrévocablement créancière sur ledit avocat général Pigeon de Saint-Pair; - Que le marquis de Mathan investi, par sa qualité de mari, du mandat en vertu duquel seul il a le droit d'exercer les actions de son épouse concernant le recouvrement de la dot, n'a qu'un pouvoir essentiellement subordonné à l'accomplissement des conditions sous lesquelles ce mandat lui a été conféré; que, du moment donc où, pour toucher la somme due par l'avocat général Pigeon de SaintPair, il lui a été imposé l'obligation de fournir une affectation hypothécaire, ce dernier ne doit pas plus se dessaisir de ses fonds sans avoir exigé cette affectation, qu'il ne le devrait sans avoir exigé caution, dans le cas où le marquis de Mathan aurait été astreint à fournir caution suivant l'art. 1550 c. civ.: car la libération du débiteur ne peut jamais être acquise hors des termes du mandat en vertu duquel agit la personne préposée à recevoir le payement; Considérant que les précautions prises dans un contrat de mariage pour la garantie de la dot, existent principalement dans l'intérêt de la femme pour qui elles constituent, comme toute convention matrimoniale légalement arrêtée, un état de choses immuable qu'il n'est donné à personne, pas même à elle, de modifier en aucune manière; qu'il s'ensuit que la mise en cause de la marquise de Mathan serait sans objet, puisque, fût-il dans sa volonté de changer la na. ture des engagements pris par son mari, elle manquerait, à cet égard, de capacité; - Qu'une fois reconnu que l'avocat général Pigeon de SaintPair a intérêt à ce que l'affectation hypothécaire promise par le marquis de Mathan soit consommée, il y aurait de l'inconséquence à lui refuser les moyens de veiller par lui-même à ce que les effets en demeurent assurés par une inscription à requérir de son chef; qu'il n'y a, d'ailleurs, en cela matière à aucun inconvénient réel, par la raison que ladite inscription se confondra nécessairement avec celle que ledit marquis de Mathan convient lui-même ne pouvoir se dispenser d'accorder au comte et à la comtesse d'Héricy, et sera comme elle susceptible d'être changée d'assiette, aux termes de la réserve portée dans le contrat de mariage; - Infirme le

3308. Le mari pourrait-il recevoir seul le prix de vente d'immeubles extra-dotaux sur lesquels reposerait la dot en argent de la femme? On dira qu'il en doit être de ce prix comme de la dot elle-même, et qu'en conséquence le mari a qualité pour recevoir seul de l'acquéreur, jusqu'à concurrence, du moins, du montant de la dot. Mais, toutefois, il nous semble, comme à M. Tessier, t. 2, p. 132, que la femme, étant venderesse, doit intervenir à l'acte de payement.

3309. De ce que le mari a le droit de passer quittance de la dot, il suit qu'il a aussi le droit d'opposer, en compensation d'une dette qui lui est propre, une créance dotale de la femme; car la compensation a le même effet qu'une quittance (M. Tessier, t. 2, p. 133). Dans l'ancien droit, la compensation était admise par quelques auteurs, mais au cas seulement où le mari était ou restait solvable (Duperrier, liv. 3, quest. 5, et son annotateur dont M. Troplong, nos 3235, 3236, rapporte deux longues citations). On assimilait la compensation et la prescription, qui n'est aussi qu'un payement fictif; et l'on invoquait le droit provençal, en reconnaissant toutefois que ce n'était pas une jurisprudence généralement admise, pour établir qu'en cas d'insolvabilité du mari la prescription ne peut pas causer à la femme la perte de la créance dotale. M. Troplong remarque avec raison que la question de prescription n'est plus subordonnée, sous le code civil, à la solvabilité du mari (arg., art. 1561, 1562, 2254), « Or, dit-il, si le

jugement du tribunal civil de Caen; - Déclare que Pigeon de Saint-Pair ne pourra être contraint de payer les 80,000 fr. de constitution dotale, dont il s'agit, sans que les garanties hypothécaires stipulées au contrat de mariage du marquis de Mathan aient été données; autorise, dans le cas où elles seraient fournies, ledit avocat général Pigeon de Saint-Pair à requérir inscription pour le maintien de l'hypothèque qui en résulterait, laquelle ne ferait qu'une seule et même avec celle qui pourrait être prise pour la même cause par le comte d'Héricy, etc.

Du 18 fév. 1828.-C. de Caen, 1re ch.-M. Delhorme, 1er pr.

(1) (Vauquelin C. Le Boullenger.) - LA COUR; -Considérant que,

par les pactions matrimoniales, arrêtées le 26 avril 1793, par les époux Vauquelin devant Me Fossard, alors notaire à Rouen, le quantum de la dot apportée par la dame Vauquelin a été fixé, et qu'aucune clause de ce contrat n'assujettit le futur époux à fournir un remplacement ou donner caution, tant de la somme mobilière apportée, que de ce qui pourrait advenir constant le mariage à la future épouse; Considérant que, si, par le statut normand, les rentes perpétuelles étaient déclarées immeubles, ces rentes ont été mobilisées par les dispositions de l'art. 529 du code civil; Considérant que la rente dont les époux Vauquelin ont demandé le remboursement, n'est point échue à la dame Vauquelin par succession directe ou collatérale ;- Qu'elle ne l'a point recueillie sous l'empire de la coutume de Normandie, et que cette rente n'est devenue sa propriété que par l'effet de la libéralité du sieur Aubé, qui en a disposé en sa faveur par l'acte authentique du 16 déc. 1821; - Que, par son testament, le sieur Aubé a déclaré léguer à la dame Vauquelin tous ses biens, meubles, rentes et choses mobilières, qu'il ne lui a légué aucun immeuble, et que, dès lors, quoique cette rente fût originairement réputée immeuble, elle avait perdu ce caractère par la publication du code civil sous l'empire duquel elle a été donnée et recueillie; Que, dans cette circonstance, le sieur Vauquelin ne peut être contraint à donner un remplacement ou à fournir caution pour le capital de la rente dont il s'agit; Réforme, dit à tort le référé et l'action principale de Boullenger, à bonne cause, la saisie tentée faire; en conséquence, condamne solidairement ledit Boullenger à opérer aux mains des époux Vauquelin, et sans que ces derniers soient tenus de fournir caution ou remplacement, le remboursement en capital, intérêts et frais de la rente de 60 livres dont est question, parce que, à faute de ce faire, autorise les appelants à continuer leurs poursuites; Condamne l'intimé aux dépens.

Du 2 mai 1829.-C. de Rouen, 2o ch.-M. Carrel, pr.

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débiteur peut prescrire contre le mari insolvable, parce que la prescription équivaut à payement, et que le payement est valablement fait au mari insolvable, pourquoi, dans le même cas, la compensation ne serait-elle pas permise? Le mari est bien maître d'employer l'argent dotal à payer ses propres créanciers; qu'est-ce que la compensation, si ce n'est cette même opération réalisée brevi manu? Il n'y a pas lieu, du reste, d'objecter que la compensation est une fiction, et qu'une fiction ne saurait préjudicier aux tiers, car il n'y a pas ici de tiers; et il est de règle, dit encore M. Troplong, n° 3341, que lorsque le mandataire a agi en son propre nom et comme maître de la chose, les débiteurs peuvent compenser avec lui ce qu'ils doivent au mandant. »Il a été jugé: 1o que le mari peut, sous le régime dotal, opposer en compensalion sa propre dette avec les sommes dotales dues à sa femme par celui dont il est débiteur; et que la différence des qualités sous lesquelles il se trouve à la fois débiteur et créancier n'est pas, dans ce cas, un obstacle à la compensation (Grenoble, 13 déc. 1823) (1); -2° Que la dot mobilière d'une femme peut être réclamée par elle, après la dissolution du mariage, sans qu'il y ait lieu à compensation avec des payements que le mari aurait faits pour son épouse, à moins qu'il ne s'agisse de payements de dettes antérieures à la dot ou au détriment de la dot (Toulouse, 29 mars 1827) (2); —3° Que la même compensation est oppo

(1) (Bizet C. Seignoret.) LA COUR; - Attendu que la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs, et que les deux dettes s'éteignent réciproquement à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives; que cette disposition du code civil est conforme aux anciens principes, et clairement établie par la loi 21, ff., De compens, et l. fin., Cod., eod.; Attendu qu'à l'échéance de la promesse de 600 fr., souscrite en faveur de Seignoret par Biz t, la compensation s'opéra au même moment, jusqu'à due concurrence, avec la moitié du legs de 12,000 fr. qui avait été fait à la femme dudit Bizet, dont Étienne Seignoret était débiteur, en sorte que la dette de Bizet fut éteinte par la compensation, et celle d'Étienne Seignoret fut diminuée d'autant; - Attendu qne bien que le legs de 12,000 fr., dont Étienne Seignoret devait la moitié, n'eût pas été fait à Bizet, mais à sa femme, néanmoins celle-ci s'étant fait une constitution générale de tous ses biens présents et à venir, Bizet seul pouvait exiger le payement du legs, seul pouvait en passer quittance valable; la dot étant mobilière, lui seul en était le maître pendant la durée du mariage, et pouvait en disposer à son gré; Attendu que, suivant Roussihe, ce qui est dû à la femme est vraiment du au mari, et que ce dernier peut l'opposer en compensation; Attendu que lorsque, le 10 fruct. an 5, les frères Seignoret payèrent 7,000 fr. assignats, pour solde du legs de 12,000 fr., ce fut sans distraction des 600 fr. qu'É ienne Sej gnoret était censé, par la force de la loi, avoir payés à compte; qu'il paya donc à cette époque 600 fr. de plus qu'il ne devait, et qu'il a le droit de les répéter par l'action condictione indebiti, mais qu'il ne peut pas faire revivre la dette provenant de la promesse du 19 janv. 1792, éteinte par la compensation qui s'était précédemment opérée jusqu'à due concurrence, par la seule force de la loi; - Attendu que Jules-François Seignoret, ca convenant de sa dette vis-à-vis Bizet, a suffisamment justifié de divers objets de compensation qui auraient éteint ladite dette; Donne acte à Bizet de l'offre de faire compte à Étienne Seignoret, de 17 liv. 8 s. tournois, et des intérêts en procédant, pour le montant de la promesse du 19 janv. 1792; el, au moyen desdites offres, a mis ledit Bizet hors d'instance sur les plus amples demandes dudit Seignoret, et pour le surplus, ordonne que le jugement dont est appel sera exécuté.

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Du 13 déc. 1823.-C.de Grenoble, 2 ch.-M. Dubois, pr.

(2) (Odoul C. Panillières et autres.) LA COUR; Attendu qu'il

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est de principe que la dot mobilière, comme la dot immobilière, est essentiellement inalienable; qu'il suit de là qu'après la dissolution du mariage, elle doit revenir entièrement intacte à la femme, et ne peut dès lors entrer en compensation avec des sommes payées pour elle par son mari; que si quelques exceptions ont été apportées à cette règle, elles ne se rencontrent pas dans l'espèce, puisque, d'un côté, les dettes payées par le mari à la décharge de sa femme ont une cause postérieure à la constitution de dot, et que, d'un autre côté, il résulte du contrat de mariage du 6 vend. an 9, entre Jean-Pierre Mauribal fils, et Jeanne Fonsegrives, de la relation de l'expert Arnaldy, du 11 fév. 1811, et de l'accord entre Antoine Mauribal et Marguerite Odoul, mariés, et Jean-Pierre Mauribal, leur fils, en date du 24 sept. 1811, que ladite Marguerite Odoul n'a jamais donné, ni entendu donner audit Jean-Pierre Mauribal, pour son établissement, une portion quelconque de sa dot; - Attendu que le contrat de mariage d'Antoine Mauribal et de Marguerite Odoul, du 8 tov. 1779, porte quittan e de 600 fr. perçus par le futur sur le montant de la dot constituée en faveur de la future; qu'il est convenu que les dotalisses, se portant à 48 fr., furent exactement payées ; que, quant

sable par le débiteur des deniers dotaux, et, en conséquence, que le banquier chez lequel des fonds avaient été déposés par la femme avant le mariage, peut, en cas de faillite du mari, opposer, en compensation, les sommes dont il est créancier envers ce dernier pour avances à lui faites (Rouen, 10 mai 1844) (3). — Il est entendu que la dette propre du mari ne serait pas compensable avec la créance dotale, si, aux termes du contrat de mariage, il était tenu à quelque emploi ou bail de caution; car, sans ces précautions, le mari ne peut pas plus exiger les deniers dotaux que le débiteur de la femme ne peut s'en libérer valablement (M. Tessier, t. 2, p. 134).

3310. Le mari a-t-il le droit d'accorder des délais aux débiteurs de la dot? Oui, mais sous sa responsabilité personnelle, si plus tard ces débiteurs devenaient insolvables (M. Tessier, loc. cit.). V. infrà, chap. 7, sect. 3.

3311. Pour compléter ce qui concerne le remboursement des capitaux dus à la femme, il nous reste à parler de l'autorité des quittances sous seing privé données par le mari: font-elles foi de leur date contre la femme, même séparée, jusqu'à preuve de fraude ou de simulation? Oui, la femme n'étant point un tiers, dans le sens de l'art. 1322 c. civ., mais l'ayant droit du mari, qui a agi comme son mandataire légal (Req. 28 nov. 1833) (4). -Il est vrai que le mari cesse d'être administrateur par la sépa

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aux 1,000 fr. restant, ils étaient encore dus au moment du décès du constituant, par où Marguerite Odoul en devint débitřice envers son mari comme héritière de son pere; que Mauribal se paya de ces 1,000 fr. au moyen des sommes provenant des aliénations qu'il fit des biens paraphernaux de sa femme, puisqu'une compensation légale s'effectua au fur et à mesure de ces ventes, entre leur prix, qu'il devait à sa femme, et le restant de dot que celle-ci lui devait;-Attendu que Marguerite Ódoul étant creancière de la succession de son mari en une somme de 1,648 fr., montant total de sa dot, que rien ne peut ébrécher, d'une manière quelconque, directement ni indirectement, a pu valablement procéder a la saisie immobilière en vertu de son contrat de mariage, et pour les entières sommes formant sa constitution dotale, puisque ces entières sommes lui sont dues, et que son titre, loin d'être éteint, conserve sa force; - Par ces motifs, disant droit sur l'appel, réforme le jugement du tribunal de Moissac; ordonne que les poursuites en saisie immobilière seront reprises; rejette, quant à présent, la demande en garantie, etc. Du 29 mars 1827. C. de Toulouse, 2 ch.-M. de Faydel, pr. (3) (Lecerf, Chedeville et comp. C. Roger.) — La cour; Attendu que les époux Roger, mariés en 1843, ont adopté le régime dotal pour base de leur conventions matrimoniales;-Attendu qu'il résulte de l'art. 1549 c. civ. que le mari seul a l'administration des biens dotaux pendant le mariage, et que seul aussi il a le droit d'en poursuivre les débiteurs et de recevoir le remboursement des capitaux; Attendu que Roger n'a d'ailleurs pas été assujetti à fournir caution pour la réception de la dot; Attendu qu'a l'époque du mariage de la dame Roger une partie de ses capitaux étaient placés entre les mains de Lecerf, Chedeville et comp.; Attendu que, depuis le mariage de Roger, Lecerf, Chedeville et comp. ont fait plusieurs avances de fonds; - Attendu que Roger ayant le droit de poursuivre et de recevoir le remboursement des capitaux dotaux de sa femme, Lecerf, Chedeville et comp. étaient par là même ses débiteurs; Attendu, d'un autre côté, que Roger etait le débiteur de Lecerf, Chedeville et comp., quant aux valeurs qui lui avaient été avancées par ces derniers; Attendu qu'il résulte des art. 1289 et 1291 c. civ., que, lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes, si d'ailleurs il s'agit, comme dans l'espèce, de deux dettes ayant également pour objet une somme d'argent; Attendu qu'aux termes de l'art. 1290 du code précité, la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs; Attendu que c'est donc avec raison que Lecerf, Chedeville et comp. opposent la compensation au syndic de la faillite Roger; - Réforme. Du 10 mai 1844.-C. de Rouen. -M. Benard, pr. (4) Espèce :- (Métra C. Fety, etc.) Le 25 janv. 1831, arrêt infirmatif de la cour de Lyon : : -- a Considérant que le mari est, sous le régime dotal, le mandataire légal de sa femme; qu'il a le droit, aux termes de l'art. 1349 c. civ., de recevoir le remboursement des deniers dotaux, et que les quittances, même sous seing privé, qu'il donne aux tiers débiteurs, ont, suivant l'art. 1322, la même force contre le mari qui les a signées que contre la femme, légalement représentée par lui; - Que la clause du contrat de mariage de la femme Métra, qui confère à son mari l'administration de ses biens dotaux, lui impose en même temps l'obligation « de passer des reconnaissances authentiques et de faire inventaire des sommes capitales et effets mobiliers qu'il recevra d'elle ou pour elle pendant le mariage, afin d'en assurer la restitution à qui de droit; » que l'intention de la famille, en faisant insérer cette clause dans le contrat de

ration de biens, et qu'une simple antidate, toujours difficile à démontrer, pourrait, en résultat, replacer les biens de la femme dans la disponibilité du mari; mais, si cet abus est à craindre, il faut aussi avoir égard à l'intérêt des tiers de bonne foi, et aux difficultés qu'on créerait à l'administration du mari, s'il ne pouvait procéder que par actes enregistrés: lorsque aucune fraude n'est articulée, la présomption naturelle est pour la sincérité de la date apparente (Conf. MM. Tessier, t. 2, p. 127 et note 825 bis ; Troplong, no 3125; Bellot, Rég. dotal, no 596 et suiv.). — La même question s'est élevée et a reçu la même solution quant aux dettes contractées par le mari sous le régime de la communauté, et pour le cas où la femme séparée de biens, ou ses héritiers prétendent que la dette n'ayant pas date certaine est postérieure à la dissolution de la communauté (V. suprà, nos 2494 à 2496, nos observations suivies de divers arrêts).-Il est, du reste, admis pour le mandat ordinaire, que le mandataire étant l'image du mandant, celui-ci ne peut exciper du défaut de date certaine de contre-lettres et de quittances, et que, demandeur en révocation, c'est à lui à prouver que ces actes étaient antidatés et n'avaient été faits qu'après la révocation du mandat (V. dans ce sens plusieurs arrêts, vo Mandat).-Une question analogue s'est encore présentée quant aux actes faits par un individu depuis interdit, ou soumis à un conseil. La jurisprudence décide, en général, qu'ils doivent avoir date certaine avant le jugement qui prive le signataire de ses droits. Mais cette jurisprudence paraît fondée sur l'esprit de l'art. 502 c. civ., et sur des circonstances de fraude. Ajoutons que des arrêts ont admis une exception en faveur des tiers porteurs de lettres de change. - V. Interdiction.

3312. Si la quittance sous seing privé, donnée par le mari au débiteur de la dot, avait été déposée chez un notaire avant la séparation de biens, sans qu'il y eût eu même acte de dépôt dressé, ce serait un motif de plus de la déclarer opposable à la

mariage de la femme Métra, encore mineure, a été de faciliter à la femme, à l'époque de la dissolution du mariage, ou dans le cas de la séparation de biens, la liquidation et le recouvrement de ses créances dotales, en imposant au mari l'obligation d'en faire déterminer d'une manière invariable la date et la quotité; mais qu'une semblable stipulation dans le contrat de mariage, particulière au mari vis-à-vis de sa femme, devient sans objet, quand celle-ci peut etablir d'une autre manière, et par des titres authentiques, le montant de ses reprises; qu'il faut décider, dans ce cas, que des quittances sous seing privé libèrent valablement les débiteurs de la dot; - Attendu que, par l'acte notarié du 2 juil!. 1827, l'adjudication de l'immeuble dont la femme Métra avait une part indivise, a été tranchée, au profit d'Antoine Berthoin, au prix total de 32,100 fr.; qu'à partir de cet acte et de cette époque, la femme Métra a été assurée, par un acte authentique, de ses reprises et de son hypothèque légale ; qu'ainsi le vœu de son contrat de mariage a été accompli; — Attendu que les quittances sous seing privé passées par Berthoin à Métra ne sont suspectes d'aucune fraude; que la femme ne peut en alléguer aucune; qu'il résulte des faits et circonstances de la cause qu'elles ont été passées par le mari, et que leur dépôt a eu lieu chez un notaire, avant la séparation de biens; que Métra étant devenu insolvable, sa femme aurait toujours perdu sa dot, si son mari l'avait touchée sur des reconnaissances authentiques, qu'on ne peut admettre qu'elle la recouvrerait en cas de violation du contrat, et qu'elle la perdrait dans le cas de sa stricte exécution. >>

Pourvoi: 1° pour violation de l'art. 1328 c. civ. et fausse application des art. 1322 et 1549 du même code; 2o Pour violation des art. 1387, 1395, 1989 et 1998, en ce que le contrat de mariage imposait au mari l'obligation de passer reconnaissance authentique de tout ce qu'il recevrait de sa femme ou pour elle; -3° Pour violation des art. 130, 131 c. pr. et 2216 c. civ., en ce que la dame Métra a été condamnée à tous les dépens, bien que l'offre faite par les défendeurs éventuels, poursuivis comme tiers détenteurs, de payer la somme dont ils restaient débiteurs, défalcation faite du montant des quittances par eux représentées, n'avait eu lieu qu'à une époque où les principaux frais de première instance avaient été faits. La demanderesse soutient que tous les frais faits jusqu'à ces offres (par elle refusées) devaient rester à la charge des défendeurs, et qu'elle ne pouvait être condamnée qu'à ceux qui avaient eu lieu depuis. vocat n'a pas insisté sur ce moyen à l'audience. Arrêt.

· L'a

LA COUR; Sur la première branche du premier moyen, tirée de la violation de l'art. 1328 c. civ., et de la fausse application des art. 1322 et 1549 du même code: Attendu que l'arrêt attaqué déclare, en fait, 1° que les époux Métra sont mariés sous le régime dotal; et 2° que les quittances sous seing privé passées à Berthoin par Métra ne sont suspecles d'aucune fraude; que la femme Métra ne peut en alléguer aucune;

femme. L'arrêt ci-dessus (Req. 28 nov. 1833, aff. Métra, no 3311), tout en décidant la question en principe, relève cette circonstance.

3313. Il a même été jugé que la clause contractuelle portant que le mari sera tenu de passer des reconnaissances authentiques de toutes sommes qu'il touchera pour son épouse, afin d'en assurer la restitution à qui de droit, a pu être réputée relative seulement au règlement des intérêts respectifs des époux, et non à ceux des tiers vis-à-vis de la femme; et, par suite, les quittances sous seing privé à eux délivrées par le mari, ont pu être déclarées avoir effet à l'égard de la femme. En tout cas, une telle interprétation échappe à la censure de la cour suprême (Req. 28 nov. 1833, aff. Métra, V. no 3311). M. Troplong, n° 3126, approuve cette interprétation.

3314. Actions en justice.—« Le mari a seul le droit de poursuivre les débiteurs et détenteurs des biens dotaux. » Ces expressions de l'art. 1549, embrassent les actions mobilières et possessoires, et les actions pétitoires immobilières. Disons au reste, préalablement que lorsqu'une action a été intentée par deux époux en leur meilleure qualité, le tribunal a pu tirer de ces expressions la conséquence que le mari agissait non-seulement pour autoriser sa femme, mais encore de son propre chef, alors qu'il s'agissait d'une demande en nullité de l'aliénation de l'immeuble dotal, nullité que le mari seul peut demander durant le mariage (Req. 15 juin 1837, aff. Justamond, V. infrà, n° 3806).

3315. Les actions mobilières et possessoires appartiennent au mari seul pour les propres de la femme, sous le régime de la communauté (V. suprà, nos 1319 et suiv.); à plus forte raison, pour les biens dotaux.-Ainsi, il est investi de toutes les actions relatives à la jouissance de la dot (M. Tessier, t. 2, p. 124). De même, il a l'action en payement de la dot contre ceux qui l'ont constituée, ou qui en sont débiteurs à un autre titre.

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qu'il résulte des faits et circonstances de la cause qu'elles ont été passées par le mari et que leur dépôt a eu lieu chez un notaire, avant la séparation de biens; Attendu, en droit, 1° qu'aux termes de l'art. 1322 c. civ., l'acte sous seing privé a, entre ceux qui l'ont souscrit et entre leurs héritiers et ayants cause, la même foi que l'acte authentique ; qu'ainsi, et entre ces personnes, il fait foi de sa date, aussi bien que les conventions qu'il contient; que le principe différent posé par l'art. 1328, ne concerne que les tiers; 2° qu'aux termes de l'art. 1549 c. civ., et sous le régime dotal, le mari a seul le droit de recevoir le remboursement des capitaux qui font partie des biens dotaux ; que, par l'effet du mandat légal qu'il exerce, lorsqu'il reçoit ces remboursements, le mari agissant pour la femme et en son nom, il s'ensuit que (sauf les exceptions de dol, fraude et collusion) la femme est partie, dans les quittances, par son mari qui la représente, et qu'elle ne peut, dès lors, se prétendre un tiers; Qu'ainsi, et d'après la déclaration formelle qui exclut le dol, la fraude et la collusion, dans l'espèce, c'est avec raison que l'arrêt attaqué a considéré les quittances sous seing privé du mari comme prouvant leur date à l'égard de la femme; Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de la violation des art. 1587, 1595, 1989 et 1998 c. civ.: — Attendu que l'arrêt attaqué s'est borné à déclarer, par interprétation de la clause du contrat de mariage et de l'intention des parties qui figuraient à ce contrat, que les reconnaissances authentiques dont il est parlé dans cette clause n'ont été exigées que comme élément de liquidation entre le mari et la femme ou ses représentants, et non comme limite du mandat légal entre le mari et les tiers; - Qu'une semblable interprétation, qui échappe à la censure de la cour de cassation, place le fait en dehors de l'application des articles invoqués ; -Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des art. 130 et 131 c. pr. et 2216 c. civ.: Attendu que

l'art. 2216 c. civ. est inapplicable à l'espèce, puisque ce n'était pas l'expropriation forcée qu'exerçait la femme Métra, mais seulement le droit de surenchère résultant de son inscription d'office, comme colicitante el créancière de Berthoin adjudicataire, à raison de son prix; Attendu que le procès, entre la femme Métra et les tiers acquéreurs, a eu pour principe et pour base la prétention de ladite femme Métra d'être payée de 16,050 fr., sans tenir compte des 8,000 fr. en quittances de son mari; quittances qu'elle soutenait n'être pas libératoires à son égard; que cette prétention ayant été écartée, les offres des tiers acquéreurs ayant été déclarées valables, et la surenchère de la femme Métra ayant été déclarée nulle, c'est donc ladite femme Métra qui a succombé; qu'ainsi, en la condamnant aux dépens, l'arrêt attaqué, loin d'avoir violé les art. 130 et 131 c. pr., s'est au contraire conformé à leurs dispositions; Rejette, etc.

Du 28 nov. 1833.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-De Broé, rap.Tarbé, av. gén., c. conf.-Dalloz, av.

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