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ment dans les devoirs du fonctionnaire; elles sont les conditions de tout bon service. Pour en assurer l'observation à l'égard de certaines fonctions, notamment à l'égard des juges, des professeurs, des employés des administrations, il a paru nécessaire d'établir quelques règles, telles que l'inscription du nom sur un registre de pointe, la fixation du nombre et de la durée, soit des audiences des tribunaux, soit des leçons des professeurs, la signature de feuilles de présence, la rédaction et la signature de certains actes à des jours et lieux déterminés, et d'autres prescriptions de nature très-diverse. Nous n'avons point à nous occuper ici de ces détails. Quant au repos que cette assiduité, cette exactitude peuvent rendre nécessaire, il y est pourvu soit par des vacances annuelles dans certaines fonctions, soit pár des congés qui peuvent être accordés au fonctionnaire sur sa demande. 94. Les devoirs dont nous nous sommes occupés jusqu'à présent sont, en quelque sorte, purement matériels; il en est d'autres, empreints d'un caractère plus élevé, qui doivent être toujours présents à la pensée du fonctionnaire: ce sont tous les devoirs moraux qu'on désigne sous le nom de probité, d'intégrité. Ne chercher dans les fonctions aucun avantage privé, n'user jamais dans son intérêt propre du pouvoir qu'elles confèrent, résister à toute influence illégitime, ne point faire acception des personnes, mais être également juste pour tous, ne céder jamais à l'entraînement de la passion: tels sont les principaux devoirs qui appartiennent à cet ordre d'idées. Le législateur a donné à ces devoirs une sanction pénale en appliquant une répression plus ou moins sévère aux soustractions, concussions, corruptions, etc., qui peuvent être commises par les fonction naires publics, ainsi que nous le verrons ultérieurement yo Forfaiture. De plus, il a pris diverses précautions à l'effet de prévenir des abus auxquels les fonctionnaires eussent pu se laisser trop facilement entraîner par les suggestions de l'intérêt ou de la passion. C'est ainsi, par exemple, qu'il a défendu aux juges de devenir cessionnaires des procès, droits et actions litigieux qui sont de la compétence du tribunal dont ils font partie (c. civ., art. 1597), et qu'il les a obligés à se récuser toutes les fois que certaines relations de parenté ou d'alliance avec un plaideur, ou d'autres causes définies par la loi, peuvent mettre en péril ou seulement faire suspecter l'indépendance de leur jugement (c. pr., art. 378). C'est ainsi encore qu'il est défendu aux employés des postes et à ceux des contributions indirectes de faire le commerce, de peur qu'ils ne fassent tourner au profit d'une concurrence déloyale les secrets ou le pouvoir dont ils sont dépositaires. 95. Si le fonctionnaire doit être ferme dans l'accomplissement de ses devoirs, s'il ne doit se laisser ni intimider par la menace ni fléchir par la pitié, il doit toutefois apporter, dans ses rapports avec les particuliers, toute la modération, la douceur, la tolérance même compatibles avec ces devoirs mêmes. Il doit surtout s'interdire toute rigueur inutile, toute violence qui ne serait pas nécessitée, et par suite légitimée par une résistance matérielle à l'exécution de la loi. Des violences de cette nature tomberaient sous l'action répressive de la loi pénale, ainsi que nous le verrons y° Forfaiture.

96. Dans la vie privée, le fonctionnaire doit aussi éviter soigneusement tout ce qui pourrait soit jeter la déconsidération sur le corps auquel il a l'honneur d'appartenir, soit le dépouiller luimême de l'autorité morale dont il peut avoir besoin pour remplir utilement sa mission. Aiusi, par exemple, quels résultats attendre de l'enseignement d'un professeur dont les mœurs seraient scandaleuses? Quel respect, quelle confiance pourrait inspirer un magistrat perdu de dettes, etc.? L'autorité supérieure a donc le droit d'exiger de tous ceux qu'elle a admis à concourir avec elle au bien public, une vie honnête, des habitudes régulières, et elle devrait au besoin user de tous les moyens que la loi met à sa disposition, particulièrement de la répression disciplinaire, pour ramener dans la voie du devoir ceux qui s'en seraient écartés. V. Discipline.

97. L'obéissance de l'inférieur au supérieur doit être aussi mentionnée au nombre des devoirs généraux du fonctionnaire. Mais, à cet égard, il y a d'importantes distinctions à faire. On serment devant ce tribunal, lorsqu'il était reconnu qu'il l'avait prêté en la même qualité, avant d'entrer en fonctions, devant le tribunal de première instance du département de la Seine, et en annulant ce procès

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comprend, en effet, qu'entre la position du militaire et celle du magistrat, il y a, sous ce rapport, dissemblance complète. L'obéissance du premier doit être passive, absolue; le second ne relève que de sa conscience; on peut bien lui imposer l'exactitude dans l'exercice de ses fonctions, mais on ne peut lui imposer un jugement; ce ne serait pas pour lui seulement un droit, ce serait un devoir rigoureux de repousser énergiquement toute tentative qui serait faite, même par ses supérieurs hiérarchiques, pour influencer ses décisions. Entre ces deux points extrêmes, le militaire et le magistrat, les autres fonctionnaires sont assujettis à une subordination plus ou moins étroite suivant les circonstances. Dans tous les cas, dit M. Vivien, p. 138, le droit de représentation ou de remontrance leur est accordé : exercé avec convenance et respect, il éclaire l'administration sans l'entraver; mais l'exécution provisoire, s'il y a lieu, est le devoir de l'agent, et la décision souveraine le droit du pouvoir qui a donné l'ordre. Ainsi se concilient les scrupules du fonctionnaire, qui n'est pas une machine aveugle et sans discerne ment, avec les prérogatives du pouvoir responsable, dont les résolutions doivent prévaloir partout et toujours.

98. Enfin, nous ne devons point oublier la discrétion dans cette rapide énumération des devoirs imposés à tout fonctionnaire public. Ce devoir s'applique à des objets très-divers, suivant la nature des fonctions. Ainsi le diplomate ne doit point révéler les secrets dont il est le dépositaire en cette qualité; le militaire ne doit point divulguer des ordres pour lesquels le secret est quelquefois une condition nécessaire du succès; le magistrat ne doit point divulguer le secret des délibérations auxquelles il a participé; enfin, dans toutes les diverses branches du service public, les fonctionnaires, les employés doivent s'interdite de révéler les faits concernant soit les personnes, soit les choses, dont ils ont eu connaissance à raison de leurs fonctions. La violation de cette règle enlève à l'autorité son indépendance et sa force, lui suscite mille difficultés imprévues, détruit la confiance et la sécurité nécessaires pour que chacun se dévoue sans réserve au bien public. Les indiscrétions devraient donc être sévèrement réprimées, même par la révocation du fonctionnaire qui aurait ainsi méconnu l'un de ses premiers devoirs.

99. Certains fonctionnaires sont obligés, soit par la loi, soit par des instructions ministérielles, de rendre des comptes à leurs supérieurs hiérarchiques ou à l'autorité centrale elle-même sur des objets déterminés. Cette obligation a pour but, soit de rendre réelle et efficace la surveillance que les supérieurs ont à exercer sur les inférieurs, la direction qu'ils doivent imprimer à toutes les parties du service, soit de faire parvenir au gouvernement les renseignements qui lui sont nécessaires pour s'éclairer sur la nature et l'étendue des besoins sociaux. C'est ainsi que, par exemple, les officiers du ministère public sont obligés, tous les ans, de rendre compte au ministre de la justice de l'administration de la justice criminelle dans leur arrondissement. Nous n'entrerons ici dans aucun détail sur ces comptes; il en sera plus convenablement parlé vis Organ. adm. et Organ. jud.

100. Nous n'avons point à nous occuper ici de l'ordre de préséance qui, dans les cérémonies publiques, doit exister entre les divers dépositaires et agents de l'autorité. Cet ordre, duquel résultent aussi des devoirs, a été déterminé par plusieurs actes législatifs, notamment par le décret du 24 mess. an 12. Il en sera spécialement traité v° Préséance.

101. Certains fonctionnaires ne peuvent contracter mariage sans avoir préalablement obtenu l'agrément de l'autorité dont ils relèvent. Ainsi, les employés du service actif, dans les contributions indirectes, sont obligés, lorsqu'ils se marient, d'en donner avis à leurs chefs. L'administration examine alors si l'alliance est convenable et si l'employé peut être maintenu dans sa résidence. De même, les officiers de l'armée ne peuvent se marier sans la permission du ministre de la guerre. Ces précautions sont sages. D'un côté, il importe que les fonctionnaires dont il s'agit ne compromettent pas leur propre considération et, par suite, celle du corps auquel ils appartiennent, en contractant une alliance qui ne serait pas honorable; et, d'un autre côté, il importe de s'assuverbal, a créé une nullité, commis un excès de pouvoir, et violé l'art. 7 de la loi du 16 niv. an 9; Casse.

Du 19 fév. 1825.-C. C., sect. crim.-MM. Portalis, pr.-De Bernard, r.

rer, par la comparaison des ressources que le mariage apporte au fonctionnaire avec les charges qui doivent en être la conséquence certaine ou probable, qu'il sera en état de pourvoir dignement aux besoins de sa famille; qu'il ne se trouvera pas entraîné à l'oubli de ses devoirs par l'impossibilité de faire face aux exigences de sa position.

102. Nous devons nous borner à cette simple esquisse des devoirs généraux imposés aux fonctionnaires. Quant aux devoirs particuliers de chaque fonction, ils n'appartiennent point à notre sujet, ils se confondent avec les attributions mêmes de la fonction. Mais nous devons dire quelques mots de la sanction qui garantit la fidèle observation des règles que nous avons indiquées. Il est bien compris que nous n'entendons point parler ici de la sanction que la religion et la morale ont attachée à tous les devoirs imposés à la conscience de l'homme, sauction qui embrasse dans sa généralité toutes les actions humaines, celles de l'homme public aussi bien que celles de l'homme privé, mais seulement de la sanction positive par laquelle le législateur a voulu assurer le respect des règles à l'observation desquelles la société est directement intéressée.

Cette sanction consiste, suivant la gravité des faits, soit en une peine proprement dite, en une peine criminelle, soit dans l'application de mesures disciplinaires. Nous verrons, vo Forfaiture, quelles sont les peines applicables aux divers cas où l'infraction prend les proportions d'un crime ou d'un délit. Quant aux mesures disciplinaires, elles varient suivant les divers ordres de fonctions. Nous nous sommes occupés vo Discipline des mesures applicables aux divers fonctionnaires de l'ordre judiciaire. Il sera traité v° Instruction publ. de la discipline universitaire, et vo Organ. milit., de la discipline militaire. On se borne à parler ici de la discipline administrative.

103. Il n'y a pas un pouvoir disciplinaire régulièrement organisé dans chaque service administratif; mais là même où ce pouvoir n'a point été défini et réglé par la loi, l'autorité ne se trouve pas pour cela dépourvue de tout moyen d'action sur ses agents. Et d'abord le supérieur a toujours le droit d'adresser à son inférieur des avertissements et des réprimandes plus ou moins sévères, suivant la gravité de ses fautes; de plus, le droit de révocation, qui appartient à l'autorité supérieure et qui reste incessamment suspendu comme une menace sur la tête des employés, contribue énergiquement à les maintenir dans les limites du devoir. Mais il est des services dans lesquels la prévoyance du législateur a pourvu à l'objet dont nous nous occupons par une sage gradation des peines, savoir les avertissements ou réprimandes prononcés par les chefs intermédiaires, la suspension, et enfin la destitution, ces deux dernières infligées par le ministre seul, après que l'employé a été entendu. Les règlements des ministères de la guerre et du commerce veulent, en outre, avant la suspension ou la destitution, que les faits soient constatés par une commission d'enquête (Vivien, p. 159).

5.- Droits des fonctionnaires publics.

104. Il est juste que ceux qui consacrent au service public leur temps et leurs soins reçoivent de la société, en échange de ce qu'ils lui donnent, un traitement ou salaire proportionne à l'importance de leurs fonctions. Toutefois ce principe, qui paraît incontestable, n'est pas partout et toujours appliqué. Dans les sociétés fondées sur le privilége, là où il existe une aristocratie, toutes les fonctions ne sont pas salariées; les plus élevées, réservées à la classe supérieure, sont ordinairement gratuites. La récompense de ceux qui les remplissent se trouve alors dans l'honneur, dans l'autorité, dans l'influence politique, dans les priviléges qui y sont attachés, souvent même dans de grands avantages matériels qui, sans être le salaire de la fonction, sont en quelque sorte l'apanage du titre. Mais lorsque l'égalité civile et politique forme la base de l'ordre social, le salaire devient alors la règle générale, parce qu'il est la conséquence nécessaire de ce principe; et en effet il est facile de comprendre que, si les fonctions étaient gratuites, elles seraient le privilége de l'opulence; que, par la force des choses, les pauvres en seraient nécessairement exclus, sinon en droit, du moins en fait. En France donc, où l'égalité est devenue un dogme politique, où toutes les constitutions, depuis soixante ans, ont à l'envi proclamé

l'égale admissibilité des tous les citoyens aux emplois publics, la règle du salaire a prévalu dans presque toutes les branches de l'administration. Il n'y a été dérogé que pour les emplois municipaux, pour quelques fonctions consultatives, plus honorifiques que laborieuses, et pour des emplois de suppléants, qui exigent peu de soins, qui, conduisant à une fonction rétribuée, font ainsi l'office d'une sorte de noviciat, et qui même donnent ordinairement droit à une rétribution pour les devoirs accidentels qu'ils imposent.

105. Il est conforme aux principes d'une bonne organisation des services publics que les fonctionnaires reçoivent leur salaire de l'État directement, et non pas des particuliers auxquels ils prêtent leur concours. En effet, s'il en était autrement, la perception de ce salaire pourrait entraîner des abus, et d'ailleurs le conflit d'intérêts qu'elle établirait entre les particuliers et les représentants du pouvoir ne pourrrait que nuire à la considération de ces derniers et jeter sur eux la défaveur. C'est donc avec raison que l'assemblée constituante a substitué un traitement fixe, payé par l'État, aux droits que les juges percevaient autrefois des plaideurs sous le nom d'épices (V. Organ. judic.). Dans un seul ordre de juridiction, les justices de paix, les deux systèmes se trouvaient combinés; ainsi les juges de paix, qui rerevaient de l'État un traitement fixe, prélevaient en outre des vacations pour certains actes qui semblaient plus particulièrement faits dans l'intérêt des particuliers. La loi du 21 juin 1845 a fait cesser cette anomalie (V. Justice de paix). — Cependant les conservateurs des hypothèques et les greffiers des cours et tribunaux perçoivent directement le prix des actes qui leur sool demandés; mais cette exception, dit M. Vivien, Études admin., p. 175, tient à la nature de leurs fonctions, qui constituent un officier ministériel autant qu'un fonctionnaire public, et à la responsabilité directe, personnelle et illimitée qui pèse sur eux. -Parmi les fonctionnaires, il en est un grand nombre qui n'ent qu'un traitement fixe: ce sont notamment les préfets et souspréfets, les magistrats, les officiers de terre et de mer, les ingénieurs des ponts et chaussées et des mines, le corps diplomatique et consulaire. Il en est d'autres dont le traitement se divise en deux parties, l'une fixe et l'autre éventuelle. Ainsi, par exemple, les professeurs des facultés ont une part dans le produit des inscriptions, examens et actes; les proviseurs, censeurs et professeurs des lycées se partagent le dixième de la pension des élèves payants et les deux tiers des frais d'études des élèves externes. On a pensé que le meilleur moyen de stimuler le zèle de ces fonctionnaires, c'était de les intéresser à la prospérité des établissements auxquels ils sont attachés (V. Instruction publique). C'est par des raisons analogues que des traitements proportionnels sont accordés à ceux des employés des finances dont le zèle peut accroître ou assurer les recettes publiques, tels que les receveurs généraux et particuliers, les receveurs de l'enregistrement (V. Finances, Enregistrement), et que les agents char gés de constater les contraventions, les faits de contrebande, les fraudes pratiquées au préjudice du trésor, sont admis partage des amendes, saisies et confiscations (V. Douanes, no 64, Impôts ind.). Ce stimulant, dit M. Vivien, p. 177, est efficace el Décessaire; mais appliqué sans prudence, il pourrait devenir dangereux et immoral. Il y a fort peu de fonctionnaires dont le traitement soit purement éventuel. A cette catégorie appartiennent les chancelleries des consulats, dont la remunération est prise sur les vacations qu'ils perçoivent, ainsi que certains empleis financiers dont le salaire consiste entièrement en remises ou taxations calculées d'après les recettes opérées.

Il est certains services dans lesquels les salaires sont proportionnés, pour le même grade, à la durée des services. Ainsi, dans les écoles militaires, dans quelques corps de l'armée, dans quelques établissements universitaires, les traitements s'accroissent progressivement chaque année après un certain temps de service. Dans les administrations centrales, le traitement de chaque classe a son minimum et son maximum; un titulaire nouveau n'a jamais que le minimum; le temps seti lui procure le reste (M. Vivien, p. 184).— A l'égard des fonc tionnaires militaires, le traitement varie suivant certaines situations déterminées, qui imposent des charges plus ou mes lourdes, des devoirs plus ou moins pénibles. Ainsi la solde der

officiers de l'armée de terre est différente selon que les troupes sont sur le pied de paix, sur le pied de rassemblement ou sur le pied de guerre. De même, les officiers de la marine touchent un supplément lorsqu'ils sont embarqués, et un traitement de table pour la dépense de leur nourriture à bord.

106. Le fonctionnaire public qui touche deux fois le traitement ou salaire auquel il a droit commet un acte d'improbité qui mérite une punition, de plus il se rend indigne de la confiance de l'État. C'est donc avec toute justice que la loi du 16 frim. an 2 lui inflige, outre la destitution de son emploi et la restitution de la somme indûment perçue, le payement du quadruple de cette somme par forme d'amende.

107. Outre le traitement proprement dit, certains fonctionnaires jouissent de certains avantages ou reçoivent de l'État, à des titres divers, des indemnités dout nous ne pouvons nous dispenser de dire quelques mots.-Et d'abord certains fonctionnaires sont logés dans des bâtiments appartenant à l'État ou loués par lui. A l'égard des uns, ce logement par l'État est une nécessité, une conséquence forcée de la nature de leurs fonctions. Ainsi, par exemple, les directeurs des prisons, les administrateurs des colléges communaux et des lycées, obligés à une surveillance continuelle dans ces établissements, ne pourraient habiter en dehors des édifices y affectés; pour d'autres, c'est simplement une convenance: tels sont les ministres, les préfets, sous préfets, etc.; pour d'autres enfin, tels que des professeurs, bibliothécaires, savants ou artistes, c'est une pure faveur. Les officiers de l'armée, lorsqu'ils ne sont pas logés dans les bâtiments de l'État, reçoivent une indemnité en argent. Il est des fonctionnaires que la nature même de leurs charges oblige à une certaine représentation. La loi devait nécessairement leur fournir les moyens de faire face à ces exigences de leur position; elle y a pourvu, dans certains cas, par l'élévation des traitements, dans d'autres, par des allocations spéciales. Il est encore d'autres indemnités, dans le détail desquelles il serait superflu d'entrer ici, mais qui toutes ont généralement pour objet de dédommager le fonctionnaire d'une dépense qu'il a été obligé ou qu'il est obligé de s'imposer pour le service public, telles que frais de premier établissement, frais de déplacement, frais de voyage, indemnités de fourrages, etc.

de fonctions publiques. La perte des fonctions est aussi une conséquence de la dégradation civique. En effet, aux termes de l'art. 34 c. pén., la dégradation civique consiste: 1° dans la destitution et l'exclusion des condamnés de toutes fonctions, emplois ou offi. ces publics... Or la dégradation civique est encourue de plein droit, aux termes de l'art. 28 c. pén., toutes les fois qu'il y a condamnation à la peine des travaux forcés à temps, de la détention, de la reclusion et du bannissement; de plus, dans certains cas, elle est prononcée comme peine principale, soit seule, soit avec une amende. C'est ainsi, par exemple, que l'art. 114 c. pén. punit de la dégradation civique le fonctionnaire, agent ou préposé du gouvernement qui se rend coupable d'un acte attentatoire à la liberté individuelle ou aux droits civiques des citoyens, et que l'art. 177 du même code punit de la dégradation civique et d'une amende tout fonctionnaire, agent ou préposé d'une administration qui s'est laissé corrompre. Les art. 42 et 43 c. pén. disposent en outre que les tribunaux jugeant correctionnellement pourront ou devront, dans les cas déterminés par la loi, interdire, en tout ou en partie, l'exercice de certains droits civiques, civils et de famille, parmi lesquels se trouve mentionné le droit d'être appelé ou nommé aux fonctions de juré ou autres fonctions publiques, ou aux emplois de l'administration, ou d'exercer ces fonctions ou emplois. Comme exemple de l'application de cette disposition, nous pouvons indiquer l'art. 113 c. pén., qui porte que tout citoyen qui aura, dans les élections, acheté ou vendu un suffrage à un prix quelconque, sera puni d'interdiction des droits de citoyen et de toute autre fonction ou emploi public pendant cinq ans au moins et dix ans au plus.—A cela il faut ajouter que, d'après les art. 58 et 59, L. 20 avr. 1810, la cour de cassation peut, surla dénonciation du ministre de la justice, déclarer un magistrat condamné à une peine criminelle, correctionnelle, ou même de simple police, déchu ou suspendu de ses fonctions, suivant la gravité des faits.—Il peut arriver qu'un emploi soit supprimé, soit parce qu'il avait été créé sans nécessité, soit parce que les nécessités en vue desquelles il avait été créé n'existent plus, soit enfin par l'effet d'une réorganisation du service public auquel il se rattachait. Il est clair que, dans ce cas, la suppression de l'emploi rend le titulaire à la vie privée. — Jugé que le chef de pont dont l'emploi a été supprimé n'a droit à aucune indemnité de la part de

108. Nous devons mentionner au nombre des droits des fonc-l'État (ord. cons. d'État, 15 avr. 1842) (1). tionnaires le droit à l'avancement, du moins pour le cas où cet avancement, au lieu d'être conféré par la seule volonté de l'autorité supérieure, a lieu d'après certaines règles préétablies, comme l'avancement à l'ancienneté pour les officiers de l'armée. Mais nous en avons suffisamment parlé ci-dessus, no 82.

109. Plusieurs classes de fonctionnaires jouissent du droit d'inamovibilité, c'est-à-dire, du droit de ne pouvoir être privés de leurs fonctions contre leur volonté, excepté dans certains cas déterminés par la loi; pour d'autres la loi a seulement établi des garanties à l'effet d'empêcher qu'ils n'en pussent être privés arbitrairement et sans causes sérieuses. C'est ce que nous verrons lorsque nous nous occuperons de la cessation des fonctions (V. le paragraphe suivant). C'est également au paragraphe suivant que nous parlerons d'un autre droit fort important pour les fonctionnaires nous voulons parler de la pension que l'État leur paye lorsque l'âge ou des infirmités contractées dans l'exercice de leurs fonctions les ont rendus incapables de les remplir.

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(1) (Héritte.) - LOUIS-PHILIPPE, etc.; - Vu l'ordonnance royale de décembre 1672;- Vu le règlement du 22 juillet 1806;- Vu l'arrêté du ministre des travaux publics, en date du 22 juillet 1840, portant règlement de la navigation de la Sine; Considérant que le sieur Héritte était commissionné pour le passage des bateaux au pont de Melun, moyennant la perception d'un tarif destiné à l'indemniser de son travail personnel et des frais qui lui étaient imposés;- Considérant que l'admiTOME XXIV.

111. Il est des fonctions temporaires qui, par conséquent, cessent à l'expiration du temps pour lequel elles avaient été conférées. Au premier rang de ces fonctions il faut placer celles de président et de vice-président de la République; il faut y mettre également celles de membre du conseil d'État, en vertu de l'art. 72 de la constitution de 1848.

112. Tout fonctionnaire public peut, par une démission volontaire, renoncer à ses fonctions; nulle loi ne l'oblige à les conserver malgré lui. Il ne doit compte à personne des motifs bons ou mauvais qui le déterminent à cette renonciation. Toutefois, à côté de ce droit, absolu en lui-même, la loi a placé un correctif nécessaire. L'art. 126 c. pén. déclare coupables de forfaiture et punit de la dégradation civique les fonctionnaires publics qui auront, par délibération, arrêté de donner des démissions dont l'objet ou l'effet serait d'empêcher ou de suspendre soit l'administration de la justice, soit l'accomplissement d'un service quelconque. - V. Forfailure.

Pour que la démission fasse cesser les fonctions, il ne suffit pas qu'elle ait été donnée par le fonctionnaire, il faut de plus qu'elle ait été acceptée par l'autorité. En effet, lorsque des fonctions publiques sont conférées à un citoyen qui les accepte, il se forme un contrat entre l'État et ce citoyen. La démission est une sorte de résiliation de ce contrat; or le concours des volontés est nécessaire pour la résiliation comme pour la formation d'un contrat. Ces principes sont généralement admis; ils sont de plus consacrés par une pratique constante.

nistration n'avait pas garanti la durée de ce service, qu'il était au contraire subordonné aux besoins de la navigation et qu'aucune indemnité n'avait été stipulée pour le cas où il serait supprimé; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé a réclamer d'indemnité à raison des pertes qu'il aurait éprouvées par suite de la suppression de son emploi ;-Art. 1. La requête du sieur Héritte est rejetée.

Du 15 avril 1842.-Ord. cons. d'Ét.-M. du Berthier, rap..

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En général, le fonctionnaire qui donne sa démission n'a pas le droit de désigner son successeur. Les fonctions publiques proprement dites se distinguent en ce point des offices ministériels à l'égard desquels cette faculté de présentation constitue une sorte de propriété transmissible à prix d'argent (V. Office). Lors donc qu'une fonction se trouve vacante par suite de démission, c'est à l'autorité supérieure qu'il appartient de choisir librement le titulaire nouveau qu'elle juge digne de sa confiance, à moins toutefois qu'il ne s'agisse d'une fonction pour laquelle la loi ait établi des règles qui limitent la liberté du choix. Une exception, toutefois, doit être faite à la règle que nous venons de poser. Les greffiers ont, en donnant leur démission, le droit de présenter leurs successeurs. Cette exception est motivée par la nature même des fonctions de greffier, qui se rapprochent beaucoup, à certains égards, des offices ministériels ( V. Greffier).

Une sérieuse difficulté s'est élevée au sujet de certains trafics dont les démissions ont été plus d'une fois l'objet. Il est arrivé que des personnes qui avaient l'assurance d'être nommées à certaines fonctions, si ces fonctions se trouvaient vacantes, se sont entendues avec les titulaires, et au moyen de certains avantages offerts comme prix du service qu'elles leur demandaient, les ont déterminés à donner leur démission. La question s'est élevée de savoir si les avantages dont il s'agit pouvaient être la matière de contrats valables, si de tels contrats ne devaient point être réputés avoir une cause illicite, s'ils ne devaient point être annulés comme contraires aux lois et aux mœurs. La jurisprudence s'est prononcée diversement sur cette question, qui sera examinée y Obligation, et dont nous n'avons point à nous Occuper ici. Mais, à côté de la question de droit civil qui ne s'élève qu'après que les faits sont accomplis, lorsque la démission de l'ancien titulaire et la nomination du nouveau sont consommées, vient se placer une autre question d'un ordre plus élevé, dont nous ne pouvons nous dispenser de dire un mot ici. Le pouvoir, lorsqu'il connaît ces sortes de transactions, doit-il les tolérer, les ratifier même, y concourir pour sa part en nommant celui qui a ainsi acheté la démission du titulaire qui lui faisait obstacle? Cette question a été agitée, à la chambre des députés, dans une vive et solennelle discussion qui n'a precédé que de quelques jours la révolution de février 1848 (V. le Mon. de février 1848). Bien que cette discussion n'ai eu aucun résultat législatif, son résultat moral, on peut le dire hardiment, a été la condamnation d'un abus qui ne pouvait qu'abaisser le pouvoir et compromettre, vis-à-vis des populations, le respect et la considération qui doivent entourer les dépositaires de l'autorité.

Le premier ne peut, dans aucun cas, leur étre enlevé par un acte de bon plaisir de l'autorité supérieure, quels qu'en puissent être d'ailleurs les motifs; ils ne peuvent le perdre, suivant l'art. 24 L. 14 avr."1832, que dans les cas et suivant les formes déterminés par les lois. Les cas dans lesquels cette perte du grade est encourue, et les formes suivant lesquelles elle doit être prononcée, ont été fixés par la loi du 19 mai 1834. Quant à l'emploi, l'officier peut en être privé temporairement ou définitivement par décisions du chef du pouvoir exécutif sur le rapport du ministre de la guerre (V. Org. mil. ).

115. Des décrets impériaux garantissent également contre une révocation arbitraire les membres de l'université et les ingénieurs des ponts et chaussées et des mines : « On a pensé, dit M. Vivien, Études administratives, p. 163, que les longues et pénibles études qui ouvrent l'accès de ces deux carrières ne permettaient point d'abandonner les fonctions qui en sont le prix aux caprices d'une autorité purement discrétionnaire. » Par leur nature, d'ailleurs, ces fonctions n'impliquent aucune solidarité de pensée, aucune communauté de vues entre ceux qui les exercent et les dépositaires suprêmes du pouvoir, ils ne sont pas les agents, les instruments de ces derniers; aucune considération n'exigeait donc que leur nomination ou leur révocation fussent livrées d'une manière absolue au pouvoir discrétionnaire du gouvernement. (V. au surplus Instruct. publ., Ponts et chaussées, Trav. publ.).

116. A part les diverses catégories de fonctionnaires dont nous venons de parler, tous les autres peuvent être révoqués par l'autorité qui les a nommés et dont ils dépendent. Dans certains services, tels que la diplomatie et l'administration départementale, le droit de révocation est absolu et sans condition; il n'en saurait être autrement: en effet, les fonctionnaires dont il s'agit sont les agents directs du pouvoir, les organes de la pensée ministérielle; il est donc de toute nécessité que le gouvernement, s'il n'a point en eux une confiance entière, puisse librement les changer. Mais dans d'autres services qui n'ont pas le même caractère, par exemple dans les services financiers et dans quelques administrations centrales, le droit de révocation est suberdonné à une instruction administrative.

117. Enfin la dernière cause qui fasse cesser l'exercice des fonctions publiques, c'est la mise à la retraite. Lorsque après avoir consacré de longues années au service public le fonctionnaire parvient à un âge avancé, il est naturel qu'il désire le repos. Il arrive d'ailleurs un moment où le déclin de ses forces, l'affaiblissement de ses facultés ne permettent pas, dans l'intérêt même de l'État, de lui conserver un fardeau qu'il est impuissant à porter. Mais, d'un autre côté, la société, qu'il a servie pendant ses années de jeunesse et de force, ne peut pas le laisser dans l'abandon lorsqu'il est devenu incapable de subvenir par son travail à ses besoins et à ceux de sa famille. Alors commence pour ce fonctionDaire une situation nouvelle, qui s'appelle la retraite. Il n'exerce plus ses fonctions, et cependant il reçoit de l'État, non pas son traitement lui-même, mais une pension proportionnelle au tau de ce traitement. Les règles sur l'admission à la retraite ne smi pas les mêmes pour les diverses classes de fonctionnaires. A surplus, il n'est guère, dans notre législation, de matière qui présente plus d'incohérence et de confusion et qui appelle ute revision plus urgente. — V. à cet égard yo Pensions.

113. Une autre cause qui fait cesser les fonctions, c'est la révocation, par l'autorité supérieure, du titulaire qui en était investi. Cette cause, toutefois, n'est pas indistinctement applicable à tous les fonctionnaires. Et d'abord, les juges de tous les degrés, à l'exception toutefois des juges de paix, jouissent du privilége de l'inamovibilité. Cette inamovibilité leur a été conférée pour assurer leur indépendance, pour les mettre à l'abri de tout soupçon de complaisance pour les personnes puissantes, et de servilité envers le pouvoir. Après la révolution de février 1848, elle put paraître un moment ébranlée; en effet, plusieurs atteintes y furent portées par le gouvernement provisoire, un certain nombre de magistrats qui s'étaient associés avec plus ou moins d'écial à la politique qui venait de succomber furent chassés de leurs siéges; de plus on n'a point oublié une circulaire par laquelle le ministre de la justice d'alors, M. Crémieux, déclarait l'inamovibilité de la magistrature incompatible avec le principe du gouvernement républicain. Cette prétendue incompatibilité fut même proclamée par un décret du gouvernement provisoire du 17 avril 1848. Mais à mesure que l'ordre se rétablit dans les idées et dans les faits, on comprit la nécessité de placer les organes de la loi, les dispensateurs de la justice, dans une atmosphère supérieure aux passions et aux intérêts de chaque jour, et pour cela de leur rendre cette inviolabilité qui est à la fois leur force et leur prestige. Et c'est ce principe que la constitution de 1848 a consacré de nouveau dans l'art. 87, V. Organi-raire et les effets qui y sont attachés : ce sont notamment le sation judiciaire.

114. Les officiers de l'armée jouissent du même privilége que la magistrature, du moins en ce qui concerne leurs grades. La loi, en effet, distingue à leur égard entre le grade et l'emploi.

L'effet naturel et ordinaire de la mise à la retraite, c'est d'enlever au fonctionnaire et le titre dont il était revêtu et le pouvoir que ce titre lui conférait. Il est cependant certains fonctionnaires auxquels le gouvernement peut laisser leur titre comme distinction honorifique; il en est même auxquels il peut laisser, avec leur titre, une partie de leurs attributions. Ce sont les membres des cours et tribunaux. Ainsi, par exemple, un conseiller, un président de cour d'appel peuvent, après avoir été mis à la retraite, être nommés conseiller honoraire, président honoraire. Diverses lois et instructions ministérielles ont déterminé les cunditions auxquelles peut être décerné le titre de magistrat hono

décret du 2 oct. 1807, le décret du 6 juill. 1810 (art. 77), l'instruction ministérielle du 5 avril 1820, et la loi des 16-48 ju a 1824, V. v° Organ. jud. Les magistrats honoraires continuent à faire partie du corps auquel ils appartiennent, et ils sont sou

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que l'électeur ne l'exerce pas par suite d'une délégation de l'antorité publique, mais en vertu de ses droits de citoyen et suivant les conditions exigées par la loi politique. » Aujourd'hui, sous l'empire du suffrage universel, cette observation est plus vraie encore qu'elle ne l'était au moment où les auteurs de la Théorie du code pénal écrivaient; -4° Que celui qui, étranger à la garde nationale, y fait le service sous le nom d'un membre de cette garde, ne se rend pas coupable de l'usurpation d'une fonction

aff. Loyer, V. Garde nationale); 5° Que l'exercice illégal de la profession d'avocat ne constitue pas le délit d'usurpation de fonctions publiques prévu par l'art. 258 c. pén., mais donne lieu à l'application de la peine prononcée par l'art. 259 contre celui qui porte sans droit la robe d'avocat, « attendu, porte l'arrêt, que le ministère d'avocat, si noble qu'il soit, ne confère pas de fonetions publiques » (trib. de la Seine, 24 déc. 1842, aff. L....)..

120. Il ne faudrait pas considérer comme s'étant, dans le sens de l'art. 258, immisce sans titre dans l'exercice de fonctions publiques, le fonctionnaire qui aurait fait incompélemment des actes sortant des attributions à lui déléguées; ces actes pourraient être cassés sans que le fonctionnaire fût passible d'aucune peine. Dans ce cas, en effet, le fonctionnaire public, bien qu'il ait dépassé la limite dans laquelle il était tenu de se renfermer, n'a agi qu'en vertu des fonctions dont il etait réellement investi, it n'a pas usurpé un titre, une qualité qu'il n'avait pas. - V. en ce sens Carnot, sur l'art. 258 c. pén., no 2.

118. L'usurpation des titres ou fonctions publiques est une offense à l'autorité qui seule a le pouvoir de les conférer. La loi ne pouvait point la laisser impunie; elle l'a rangée dans la classe des crimes ou délits contre la paix publique. Deux articles du code pénal, les art. 238 et 259, sont consacrés à ce genre de dé-publique, dans le sens de l'art. 258 (Crim, cass., 7 mai 1824, lit. Le premier concerne spécialement l'usurpation des fonctions; le second, le port illégal d'un costume, d'un uniforme ou d'une décoration qui ne lui appartient pas, ou l'usurpation d'un titre. -L'art. 258 est ainsi conçu : « Quiconque, sans titres, se sera immiscé dans les fonctions publiques, civiles ou militaires, ou aura fait les actes d'une de ces fonctions, sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans, sans préjudice de la peine de faux, si l'acte porte le caractère de ce crime. »> Il s'agit ici du fait d'immixtion dans des fonctions publiques, dégagé de toute circonstance qui en ferait un délit spécial. La loi, en effet, a spécialement incriminé certains cas d'usurpation de fonctions que leur caractère particulier ne permettait pas de confondre avec les cas ordinaires: tels sont notamment l'usurpation du commandement d'un corps d'armée, d'une troupe, etc., d'une place forte, etc. (art. 93), l'immixtion de certains fonctionnaires dans l'exercice du pouvoir législatif (art. 127 et 130), l'exercice de l'autorite publique illégalement anticipé ou prolongé (art. 196 et 197), l'arrestation arbitraire opérée avec le faux costume ou sous le faux nom d'un fonctionnaire public (art. 344).—Une loi du 15-16 sept. 1792 (V. no 36) punissait avec une extrême rigueur le délit dont nous nous occupons : l'art. 2 de cette loi portait que tout citoyen qui serait trouvé revêtu d'une décoration qu'il ne serait point autorisé par la loi à porter serait puni de deux années de fers; et l'art. 3 ajoutait que, si le citoyen trouvé revêtu d'une décoration qu'il n'avait pas le droit de porter était convaincu d'avoir fait des actes d'autorité que l'officier public avait seul le droit de faire, il serait puni de mort. Cette loi, par son excessive sévérité, porte l'empreinte évidente de l'époque à laquelle elle fut rendue. Le code pénal, en conservant l'incrimination, a établi des peines plus douces, mieux proportionnées à la gravité du délit. 119. Pour que le délit existe, il est nécessaire que l'usurpation commise se soit effectivement appliquée à une fonction publique c'est là un élément essentiel de la criminalité. Ainsi, bien que certains actes eussent été faits indùment, en vertu d'une qualité usurpée, l'art. 258 ne serait point applicable, si ces actes ne rentraient pas dans l'exercice d'une fonction publique (Conf. Chauveau et Hélie, t. 4, p. 500). Il a été jugé, en ce sens, 1° que celui qui, sans être officier public, vend des récoltes publiquement et aux enchères, même en présence et du consentement du propriétaire de ces récoltes, se rend coupable d'immixtion sans titre dans des fonctions publiques et passible des peines prononcées par l'art. 258 c. pén. (Rouen, 11 déc. 1840) (1); 2° Que le fait, de la part de clercs de notaire, de procéder, en l'absence de ce notaire et en son lieu et place, à une vente publique de mobilier dont il était chargé, constitue le délit d'immixtion dans des fonctions publiques (Bourges, 19 janv. 1843) (2); 3° Mais que l'exercice, sans titre, des droits électoraux, ne constitue pas l'usurpation de fonctions publiques (Amiens, 26 juin 1822, aff. Guimier, V. Droits politiques). C'est aussi l'avis de MM. Chauveau et Hélie, p. 501. « Il est impossible, disent ces auteurs, sans faire violence au sens littéral de l'art. 258, de ranger le droit d'élire au nombre des fonctions publiques, puis

-

(1) (Icard, etc. C. Riberprey, etc.) LA COUR; Attendu qu'il résulte de l'instruction et des débats: 1° que le 28 juin dernier le sieur Riberprey, ancien buissier, accompagné de la dame Dépinay et du sieur Gu bout, a procédé, dans l'intérêt de celui-ci, publiquement et par enchères, à une vente de récoltes, qu'on tenait note des enchères, et qu'une rétribution de 5 cent. par franc était stipulée au profit de Riberprey; 2o que le lendemain 29 juin Riberprey a, de la même manière et aux mêmes conditions. procédé à pareille vente dans l'intérêt de la dame Dépinay, quoique cette dame ne fût pas présente; - Attendu qu'il résulte de l'art. 1 de la loi du 22 pluv. an 7 que des ventes de cette espèce ne peuvent être faites qu'en présence et par le ministère d'officiers publics; qu'il suit de là que Riberprey s'est, sans titre, immiscé dans des

121. Après avoir indiqué la peine applicable à l'usurpation des fonctions publiques, l'art. 258 ajoute : « Sans préjudice de la peine de faux, si l'acte porte le caractère de ce crime. » Ainsi, si les actes faits par un individu sans titre constituaient le crime de faux, ce ne serait pas l'art. 258 qui devrait être appliqué, ce seraient les art. 147 et suiv. c. pén. Pour que le faux existe, il faut, comme nous l'avons vu précédemment, y° Faux, nos 1, 103 et suiv., que trois éléments se trouvent réunis: 1° altération matérielle de l'écriture; 2° intention de nuire; 3° possibilité d'un préjudice. A défaut de l'un de ces éléments, le faux n'existerait pas et l'on resterait sous l'empire de l'art. 258. On ne saurait faire résulter le crime de faux de la seule circonstance que l'individu se serait qualifié dans ses actes de fonctionnaire public: s'il n'avait pas pris cette qualité, il ne se serait pas immiscé dans des fonctions publiques, il n'aurait fait qu'un acte insignifiant; mais pour que le crime de faux existe, cela ne suffit pas, il faut que l'agent, en prenant une fausse qualité, ait aussi pris un faux nom. Enfin, lors même qu'il a pris le nom d'un fonctionnaire dans les actes qu'il a souscrits en cette qualité, il n'est pas coupable de faux, s'il n'a causé aucun préjudice, soit à l'État, soit à des tiers. C'est ce qu'enseignent aussi MM. Chauveau et Hélie, t. 4, p. 502. V. également Carnot, sur l'art. 258, no 3.

122. Voyons maintenant la seconde espèce d'usurpation prévue et punie par le code pénal. L'art. 259 dispose en ces termes : « Toute personne qui aura publiquement porté un costume, un uniforme ou une décoration qui ne lui appartiendra pas, sera punie d'un emprisonnement de six mois à deux ans, »— Ainsi, un individu, ayant l'intention de commettre une usurpation de fonctions, commence par se revêtir du costume de ces fonctions: au moment où il paraît en public sous ce costume, il n'est point encore passible de la peine prononcée par l'art. 238, mais déjà il a encouru celle que prononce l'art. 259. En thèse générale, lorsque celui qui a pris un costume, une décoration, un titre qui ne lui appartenait pas, a commis, à l'aide de ces artifices, un délit que le code réprime d'une peine plus sévère que celle pro

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fonctions publiques, délit prévu par l'art. 258 c. pén.; Confirme.
Du 11 déc. 1840.-C. de Rouen, 3 ch.-MM. Renard, pr.-Blanche,
subst., c. conf.-Néel et Bagot, av.
(2) (Richard et Chartière.)
LA COUR; Considérant que, des faits

et circonstances de la cause, il résulte que le mai dernier, les sieurs
Richard et Chartière se sont rendus au village des Jeannins; que là, au
lieu et place du notaire N..., ils ont procédé à la vente des effets mobi-
liers dépendant de la succession du nommé Fournier; Qu'en agissant
ainsi, ils se sont, sans titre, immisces dans l'exercice de fonctions pu-
bliques, et en ont fait un des actes, ce qui constitue le délit prévu et puni
par l'art. 258 c. pén.

Du 19 janv. 1845.-C. de Bourges

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