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soient entrées dans les magasins du commissionnaire du failli, et que les cordes des balles y aient été coupées, si, d'une part,

dredi, 6 juin, à midi, ou plutôt à l'adresse de MM. Mérille et Plaisant fils, comme vous paraissez le désirer. » - Le 5 juin, envoi des marchandises; elles arrivent à Caen, le 6, chez ces derniers.

A cette époque, Nourry ne se trouvait déja plus dans cette ville; il l'avait quittée, après avoir donné l'ordre aux sieurs Merille et Plaisant de lui expédier les papiers pour le Havre, à l'adresse de la dame Grégoire et fils; ce qui fut effectivement exécuté. - Instruit de ce départ, le sieur Durand se met en route, le 1er juin, pour le Havre; il trouve Nourry à Honfleur, et en obtient, le 11, une autorisation de reprendre ses marchandises qui étaient déposées chez la dame Grégoire, en attendant le moment où elles devaient être embarquées; mais celle-ci refuse de les rendre, sous prétexte qu'elle a fait des avances à Nourry. Le même jour, 11 juin, jugement du tribunal de commerce de Caen, qui déclare la faillite de Nourry, et en reporte l'ouverture au 5.

Dans cet état, le sieur Durand assigne la dame Grégoire devant le tribunal de Caen, pour obtenir la restitution de ses papiers. Celle-ci ne s'y oppose pas; mais les syndics de la faillite interviennent dans l'instance, et prétendent que la revendication est inadmissible, soit parce que la vente a été parfaite dès le 4 juin, époque à laquelle le sieur Durand a écrit qu'il acceptait la commission et qu'il allait faire l'envoi, soit parce qu'au moment de sa reclamation, les marchandises étaient déjà entrées dans les magasins du failli, ou, ce qui revient au même, dans ceux de son commissionnaire, où elles ont été déballées.

Le sieur Durand répond d'abord que la vente n'a jamais été parfaite, puisque, le 5, époque à laquelle l'envoi a eu lieu, Nourry était en faillite et se trouvait dessaisi de l'administration de ses biens; qu'en supposant que Nourry ait pu contracter après sa faillite (V. M. Pardessus, Droit comm., . 3, p. 232, et M. Locré, Esprit du code de comm., sur l'art. 442, § 3, n° 2), on doit admettre qu'il a pu résilier le contrat qu'il avait formé; que, sous ce rapport, l'ordre donné par lui, le 11, de restituer les marchandises au vendeur, est à l'abri de toute critique de la part de ses créanciers, dont la position n'est nullement changée, et qui, dans ce cas, ne sont que les ayants cause du failli; que, d'ailleurs, les marchandises ne sont jamais entrées dans les magasins de ce dernier ou de ses commissionnaires pour y être vendues.

Le 12 juin 1819, jugement qui accueille la revendication des papiers. Ce jugement porte, en substance, qu'encore bien que les marchandises, une fois sorties des magasins du vendeur, voyagent aux risques et périls de l'acheteur (art. 100 c. com.), la vente n'en est cependant parfaite, lorsqu'elles ne sont point vendues en bloc, mais au poids, au compte, à la mesure, qu'après que l'acheteur a été a même d'en faire la vérification (c. civ., art. 1585); que cela est tellement vrai, que si, à l'arrivée, il reconnaît que les marchandises ne sont pas de la qualité qu'il a demandée ou qui lui a été annoncée, il a le droit de les laisser pour le compte du vendeur; qu'elles ne lui appartiennent donc que du moment où elles lui sont délivrées; que, de ce principe et de l'art. 577 sainement entendu, il s'ensuit que toutes les marchandises dont le prix n'a pas été payé, qui se trouvent en route, et qui, au moment de la déclaration de faillite, ne sont point entrées dans les magasins du failli ou dans ceux des commissionnaires chargés de les vendre, ne font point partie de son actif; que l'apposition des scellés ayant dû être faite immédiatement après la déclaration de faillite, il ne peut plus y avoir de confusion, et les syndics n'ont nullement le droit de s'attribuer pour la masse, des objets qui ne sont pas encore le propre du failii; que ces principes sont si bien consacrés, que toutes les maisons honnêtes qui se trouvent dans la nécessité de cesser leurs payements, ont grand soin, du moment de cette cessation, de séquestrer et de tenir à la disposition des envoyeurs toutes les valeurs qui leur arrivent, venant de personnes qui ne leur doivent point; que les papiers expédiés ne sont arrivés que le 6 juin; qu'ils n'étaient donc pas acquis le 5 à la masse des créanciers de Nourry; que, dès lors, la remise qu'il en a consentie le 11 ne leur a point préjudicié, et ne peut être qualifiée d'acte fait en fraude de leurs droits; qu'il serait hors de raison de prétendre qu'un failli ait le droit de faire des marchés dans les dix jours qui ont précédé le jour de sa faillite, et qu'il n'ait pas celui de résilier ces mêmes marchés; que, d'ailleurs, les papiers expédiés n'étaient pas entrés dans les magasins du failli ou de ses commissionnaires, dans le sens de l'art. 577, puisqu'ils étaient destinés à être embarqués; que s'il est vrai que ces papiers aient été déballés, ç'a été par une sorte de prevarication de la part des commissionnaires, indépendante de la volonté de Nourry.

Appel de la part des syndics. Ils font remarquer que la vente, pour être parfaite, n'exige que le consentement des parties sur la chose et sur le prix ; qu'ainsi, on ne peut rien conclure contre sa perfection de ce que, dans l'espèce, l'acheteur aurait eu le droit de refuser les marchandises si elles n'avaient pas eu les conditions requises; qu'on ne peut tirer aucun argument de l'art. 15. 5, parce que, dans l'espèce, les papiers du sieur Durand ont été comptés par lui, ainsi que cela résulte de sa lettre, désignant le nombre de rames qu'il envoyait, et que la loi ne dit pas qu'elles aient dû être comptées par l'acheteur plutôt que par le vendeur; que, d'un

cette section des cordes n'est qu'un acte abusif du commissionnaire, et si, d'autre part, les marchandises ont été placées chez

autre côté, l'art. 1585 n'exprime pas d'une manière absolue que, tant qu'aucune vérification n'a eu lieu, la vente est nulle; mais seulement qu'elle est imparfaite, c'est-à-dire que les marchandises restent toujours aux risques du vendeur; - Qu'il n'existe aucune disposilion de loi de laquelle il résulte que les marchandises arrivées après l'ouverture de la faillite doivent être gardées pour être remises à l'envoyeur; qu'il est, au contraire, certain que les syndics doivent les recevoir, parce qu'il pourrait arriver que les marchandises venant à se déteriorer, le vendeur aurait plus d'intérêt à se présenter devant la faillite, comme créancier du prix, qu'à exercer la revendication; que, dans ce cas, la masse serait lésée par la faute des créanciers; qu'en fait, c'est le 4 juin, et non le 5, que les marchandises ont été chargées; mais qu'en admettant que l'expédition ait eu lieu seulement le 5, c'est-à-dire postérieurement à la faillite, il ne s'ensuivrait pas que l'ordre donné le 11 de remettre les marchandises ait pu résilier l'engagement formé par le failli; qu'en effet, cette prétendue résiliation est frappée d'une présomption de fraude à l'égard des créanciers par l'art. 447 c. com., et que, de ce que le failli a contracté un engagement valable, parce qu'il n'y a eu aucune fraude de sa part, il serait déraisonnable de prétendre qu'il ait pu également revoquer cet engagement, puisqu'il rentrait dès lors sous l'empire de l'art. 447, qui porte: « Tous actes ou payements, faits en fraude des créanciers, sont nuls. » Arrêt.

LA COUR; Considérant, en fait, que, par jugement du tribunal de commerce de Caen, du 11 juin 1817, Jean Nourry fut déclaré en état de faillite, et l'ouverture de sa faillite fixée au 5 du même mois; Considérant que les marchandises dont Durand réclame la remise lui furent demandées par Nourry le 1er juin, conséquemment dans les dix jours qui précédèrent l'ouverture de la faillite; d'où suit que cette demande est présumée frauduleuse, quant audit Nourry, aux termes de l'art. 445 c. com.; que si l'acte de commerce qui a eu lieu entre Nourry et Durand, en exécution de cette demande, n'est pas nul de plein droit, d'après les dispositions du même article, parce qu'il n'y aurait pas eu fraude dans cet acte de la part de Durand, on doit examiner si ce même acte a reçu le complément d'exécution nécessaire pour que les marchandises qui en sont l'objet puissent entrer dans la masse de l'actif du failli, et que Durand doive, pour raison d'icelles, être déclaré créancier de ladite masse ; · Considérant qu'il est de notoriété publique que Nourry abandonna clandestinement son domicile, le 5 juin au soir, pour se rendre au Havre, où il expédiait un navire pour le Brésil, sur lequel navire il avait chargé tout ce qu'il avait pu reunir de marchandises à crédit, dans lequel il devait s'embarquer, et lequel était au moment de son départ; qu'il résulte d'un certificat délivré par le sieur Betourné, alors commis chez Nourry, dûment enregistré, que ledit Nourry, en partant, le 5 juin 1817 au soir, ne lui laissa aucun ordre pour ses affaires et les lettres qui pourraient lui être adressées; qu'en conséquence toutes les lettres arrivées à l'adresse dudit Nourry, depuis son départ, restèrent sans être décachetées et furent remises en cet état aux agents provisoires; - Considérant qu'il a été soutenu par Durand que la lettre qu'il écrivit à Nourry le 4 juin, en réponse à celle de Nourry du 1er, par laquelle ledit Durand lui annonçait l'envoi de l'assortiment de papiers demandés, et lui en remettait facture, n'est arrivée au domicile de Nourry qu'après son départ, et que cette lettre était du nombre de celles remises cachetées aux agents provisoires; que les syndics n'ont pas méconnu que cette lettre ait été trouvée au domicile de Nourry, mais qu'ils n'ont pas reconnu qu'elle ait été trouvée cachetée; Considérant, en droit, que si l'intérêt du commerce exige que les négociants puissent contracter toute espèce d'engagement par lettres, il faut au moins que les engagements soient parfaits et irrévocables; qu'une demande de marchandises ne peut constituer un acte parfait et irrévocable que lorsque celui auquel cette demande est faite déclare à celui qui la lui fait qu'il consent à faire l'envoi demandé, aux conditions offertes, et que le demandeur est saisi de la lettre contenant le consentement précis et non équivoque; Considérant que tout porte à croire que la lettre de Durand du 4 juin n'est parvenue au domicile de Nourry qu'après le départ de ce dernier, puisque, si elle y fût parvenue auparavant, Nourry n'eût probablement pas manqué de l'emporter avec lui, non-seulement pour vérifier les marchandises qui composaient l'envoi de Durand, sur la facture jointe à cette lettre, mais encore pour sa gouverne, lors de la vente de ces marchandises; que si cette lettre n'a pas été reçue par Nourry, celui-ci n'a pas pu sanctionner, par son acceptation, l'acte de commerce projeté entre lui et Durand; Considérant que les marchandises dont il s'agit ne sont arrivées à Caen que le 6 juin; qu'elles ne furent point déposées dans les magasins de Nourry, mais remises aux sieurs Mérille et Plaisant fils, commissionnaires de roulage, sur l'indication de Nourry, lesquels avaient, à ce qu'il paraît, été chargés de les faire passer par la voie de terre à Honfleur, et de Honfleur au Havre par le passager; Considerant que ces marchandises furent adressées à la veuve Gregoire et fils au Havre, commissionnaires de Nourry, non charges de les vendre pour son compte, mais bien de les faire embarquer; Considérant que la revendication est un acte favorable qui ne peut être restreint que dans les cas déterminés

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ce dernier, non pour y être vendues, mais pour y rester en dépôt jusqu'à l'embarquement que devait en faire le failli (même arrêt), et que, dans ce cas, le navire destiné à transporter ces marchandises peut seul être regardé comme le magasin du failli, dans le sens de la loi commerciale (même arrêt).

1257. D'après un arrêt, le vendeur non payé de marchandises qui sont encore déposées dans un entrepôt réel, lors de la faillite de l'acquéreur, peut les revendiquer, parce que ces marchandises ne sont pas à la libre disposition de l'acquéreur et sont considérées comme étant encore en route (Bruxelles, 25 avril 1810)(1).-Du reste, les objets saisis pour cause de fraude commise par le failli, ne peuvent être revendiqués entre les mains du gouvernement, sous prétexte que le failli n'en a pas eu la possession, et qu'ils ne sont pas entrés dans ses magasins. Il y a ici un fait répréhensible qui doit être puni suivant le mode indiqué par la loi, et qui nécessairement fait cesser le droit de revendiquer (L. 22 août 1791, tit. 12, art. 5; décr. 1er germ. an 13, art. 38). Quid en cas de sequestre pour contumace? — V. D. P. 51. 2. 105.

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1258. Si une partie seulement de la marchandise était entrée dans les magasins du failli, pourrait-on revendiquer la portion non emmagasinée ?— V. no 1244.

1259. Si les marchandises vendues et livrées n'étaient arrivées dans les magasins du failli ou dans ceux de son commis

par la loi; que l'art. 577 c. com. n'interdit la revendication que lorsque les marchandises sont entrées dans les magasins du failli, ou dans ceux du commissionnaire chargé de les vendre pour le compte du failli; qu'ainsi la revendication de Durand pouvant être faite jusqu'au moment de l'embarquement des marchandises par lui envoyées à Nourry, le navire seul destiné à les transporter au Brésil pouvait être regardé comme le magasin dudit Nourry, lors d'ailleurs que l'identité des marchandises n'est pas contestée, et que, si les cordes des balles ont été coupées, ce n'a été que par une action abusive desdits commissionnaires; Considérant que, si Durand était fondé à revendiquer légalement les marchandises dont s'agit, Nourry a pu, le 11 juin, l'autoriser à s'en ressaisir chez ses correspondants au Havre, sans que l'autorisation donnée par ledit Nourry puisse être regardée comme un acte fait en fraude de ses créanciers; qu'ainsi, sous quelque rapport qu'on envisage la demande de Durand, cette demande est fondée, et a dû être accueillie par le tribunal de commerce de Caen; Confirme.

Du 7 août 1820.-C. de Caen.-MM. Bazire et Devic, av.

(1) Espèce (syndics Vandenbol C. Vanrossum.)-Les frères Vanrossum, négociants à Amsterdam, avaient envoyé des cotons à Vandenbol, négociant d'Anvers. Ces cotons furent entreposés à Anvers, et ils étaient encore dans l'entrepôt, lorsque Vandenbol, qui n'en avait pas payé le prix, tomba en faillite. Les frères Vanrossum revendiquèrent les cotons, en invoquant les art. 576 et 577 c. com. - Il est vrai que les colons revendiqués n'étaient plus en route, ni par terre, ni par eau; mais les cotons n'étaient pas encore mis à la disposition de l'acheteur.Il existe à Anvers un entrepôt réel, établi en vertu de la loi; les marchandises venant de l'étranger y sont déposées et assujetties à un droit, et doivent en être retirées dans le délai fixé. C'est un dépôt nécessaire, un magasin public; c'est le complément de l'expédition, et tant que les marchandises y restent déposées, elles sont réputées être encore en route. Il est donc permis aux vendeurs de les revendiquer. Le tribunal de commerce d'Anvers a admis la revendication. Appel par les syndics. Arrêt.

LA COUR; Attendu que l'entrepôt réel est établi par la loi comme un dépôt nécessaire des marchandises étrangères, introduites sur le territoire français, jusqu'au moment de l'acquittement des droits; — Que, dans l'espèce, les appelants n'ont ni établi, ni même fait offre d'établir que les cotons dont s'agit n'auraient pas été, au moment de la faillite de Vandenbol, dans un entrepôt réel et nécessaire, et que ledit Vandenbol ne les aurait laissés dans ce dépôt que comme dans un magasin, jusqu'au moment qu'il aurait trouvé bon d'en disposer; Qu'il suit de là que ces marchandises doivent être considérées comme étant encore jusqu'ici en route, et qu'ainsi, d'après l'art. 577 c. com., les intimés ont pu les revendiquer; Met l'appellation au néant, avec amende et dépens. Du 25 avr. 1810.-C. de Bruxelles.

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(2) Espèce (Plonévez C. Ramet père et fils.)-Le 31 mars 1837, les sieurs Ramet père et fils, négociants à Rennes, adressent la facture de diverses marchandises au sieur Plonévez, commerçant à Pontrieux, et expédition en est faite le 7 avril. Sur l'avis donné aux Ramet que Plonévez est sur le point de tomber en faillite, ils le somment, le 24 avril, de leur remettre les marchandises expédiées. Déclaration de Plonévez en ces termes : « Que, s'il avait été chez lui le 17, jour auquel les marchandises lui étaient parvenues, il ne les eût pas acceptées, et qu'il

sionnaire chargé de les vendre, que postérieurement au jugement déclaratif de faillite, la revendication en serait-elle interdite ?— Le texte de la loi ne fait aucune distinction: il prohibe toute revendication par cela seul que les marchandises sont entrées dans les magasins en question. Néanmoins, il n'est pas douteux que la revendication est recevable dans notre hypothèse; car, suivant ce qui a été dit (no 1240), c'est la prise de possession par le failli ou par son mandataire qui empêche la revendication, et cette prise de possession n'est plus possible dès l'instant que la faillite a été déclarée : le vendeur ne peut, en conséquence, être écarté.-Telle est aussi l'opinion de M. Bédarride, t. 2, n° 1151.

1260. Que devrait-on décider dans le cas où les marchandises seraient entrées dans les magasins avant le jugement déclaratif, mais postérieurement à la cessation des payements? - Il a été jugé, dans le sens de la revendication, que les marchandises ainsi expédiées et livrées, bien que la facture en ait été envoyée avant l'époque de l'ouverture, ne peuvent être réclamées par les syndics, si elles n'ont pas été déballées et si le failli lui-même a déclaré, en remettant ces marchandises, qu'il ne les aurait pas reçues s'il s'était trouvé chez lui lors de leur arrivée (Rennes, 5 juill. 1838) (2). Mais il faut remarquer que cet arrêt a été rendu dans une espèce régie par le code de 1807, dont l'art. 442 faisait remonter le dessaisissement du failli

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offre de s'en dessaisir à l'instant, dans l'état où il les a reçues, attendu qu'elles n'ont pas été déballées. »> - 9 mai 1837, déclaration de faillite de Plonévez, dont l'ouverture est reportée au 1er avril précédent.-Demande, de la part des syndics de la faillite, contre les sieurs Ramet, en restitution des marchandises, fondée sur ce qu'elles ne peuvent plus être revendiquées; que la vente a été parfaite par l'envoi de la facture, antérieure à l'ouverture de la faillite. 6 oct. 1837, jugement qui rejette la demande. Appel. — Arrêt.

LA COUR; Attendu que, dans la cause, il ne s'agit pas de la revendication proprement dite énoncée aux art. 576 et suiv. c. com. ; Qu'ainsi, il n'y a pas lieu d'examiner si les conditions exigées pour l'exercice de cette action se rencontrent au procès; Que le jugement de déclaration de la faillite de Plonévez, non entrepris, reporte l'ouverture au 1er avril 1857, et qu'à cette époque les droits des créanciers se trouvaient déterminés et fixés; Que si, à partir de cette époque, on n'a pu diminuer la masse de la faillite au préjudice des créanciers, il n'est pas plus possible d'admettre que, sans droit et contrairement à tout esprit d'équité, on puisse s'enrichir au détriment de tiers de bonne foi auxquels on ne reproche ni dol ni fraude; - Qu'en vain, dans l'espèce, pour obtenir l'annulation de la remise des marchandises, faite aux intimés, on objecte qu'au 31 mars 1837 la vente était devenue parfaite par l'envoi des factures à Plonévez, et qu'ainsi, suivant les appelants, les créanciers de ce dernier étaient en droit d'en exiger la livraison, tout aussi bien que d'en réclamer la restitution envers les vendeurs ; Que, d'abord, en principe, l'art. 447 résume, quant aux faillites, ce que la loi entend annuler, et que ce sont les actes ou payements faits en fraude des créanciers;

Que, d'un autre côté, aux termes de l'art. 1613 c. civ., le vendeur n'est pas obligé à la délivrance, quand même il aurait accordé un délai pour le payement, si, depuis la vente, l'acheteur est tombé en faillite, en sorte que le vendeur se trouve en danger imminent de perdre le prix, à moins que l'acheteur ne lui donne caution de payer au terme, ce qui se rencontre évidemment dans la cause; Qu'il faut en induire qu'en pareil cas les marchandises achetées ne peuvent être considérées comme réellement entrées dans les biens de l'acheteur failli;

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Que, sans doute, l'action en délivrance peut bien exister, mais qu'elle est subordonnée aux conditions de payement ou de fournir caution du prix; -Que, nonobstant l'expédition des marchandises, faite dans l'ignorance de la faillite, la réclamation de la part du vendeur constitue un refus de délivrance autorisé par l'art. 1613 précité, et auquel ne peuvent équitablement s'opposer les syndics de la faillite; Que le refus de délivrance permis par la loi aux intimés, sans égard à toute prétention contraire, ils ont pu, avec le concours de Plonévez, le faire, le réaliser, le 24 avril 1857, tout aussi bien que dès le jour de l'ouverture de la faillite, au moyen de la remise faite de bonne foi et sans fraude, de marchandises qui ne devaient pas entrer dans l'actif de la faillite; —Que la remise des marchandises n'a réellement rien changé à la position des créanciers de cette faillite, dont les droits avaient été fixés dès le jour de l'ouverture, le 1er avril; · - Que, de ce moment même, les Ramet étaient autorisés par la loi à refuser livraison des marchandises par le seul fait de la déclaration de la faillite; Qu'à cette époque, les marchandises n'étaient point encore expédiées, ni par suite entrees dans l'avoir de Plonévez; Que si, dès le 1er avril, on ne pouvait exiger livraison des Ramet que moyennant payement ou caution, il est juste de dire que les marchandises n'ont pu entrer depuis dans les magasins de Plonévez

au jour de la cessation des payements, disposition qui semblait avoir pour conséquence de rendre le failli incapable d'une prise de possession dès cette époque. Une autre circonstance paraît avoir été prise en considération par la cour, à savoir la déclaration faite par le failli que si, au moment de l'arrivée des marchandises, il se fût trouvé chez lui, il ne les aurait pas reçues. -Quoi qu'il en soit, il ne nous paraît pas douteux, non plus qu'à MM. Renouard, t. 2, p. 359, et Bédarride, nos 1151 et 1152, qu'aujourd'hui la revendication n'est pas admissible lorsque les marchandises sont entrées en magasin avant le jugement déclaratif, quoique l'acheteur eût cessé ses payements au moment où il les a reçues. On a vu en effet (nos 179 et s.) que c'est ce jugement qui dessaisit le failli et qu'en principe jusqu'au moment où il est prononcé, le débiteur reste parfaitement capable. Or, il en résulte qu'il peut acquérir et prendre possession, ce qui suffit pour interdire toute revendication dans notre hypothèse.— Jugé, dans ce dernier sens, qu'il suffit que des marchandises soient entrées dans les magasins de l'acheteur, pour que la revendication ne soit pas admissible, encore bien qu'il fût décédé lors de cette entrée, et que sa succession ait été acceptée sous bénéfice d'inventaire par ses héritiers, qui ont proposé aux créanciers de les désintéresser moyennant une diminution considérable de leurs créances, ou, en d'autres termes, à supposer que l'acheteur doive être considéré comme étant mort en état de faillite: «< Attendu, quant à la revendication, porte l'arrêt, que l'art. 577 c. com. dit, en termes positifs, « qu'elle ne peut avoir lieu que pendant que les marchandises expédiées sont encore en route, et avant qu'elles soient entrées dans les magasins du failli; » attendu que cet article limite évidemment le temps de l'exercice de l'action en revendication; d'où il résulte que, quand même le sieur Lambrechts aurait été failli ou considéré comme tel, les demandeurs auraient agi tardivement en revendication des marchandises dont s'agit; d'où suit que l'arrêt attaqué n'a violé aucun des articles cités par les demandeurs; rejette, etc.» (C. sup. de Bruxelles, 4 janv. 1817, MM. Vaute

qu'aux mêmes conditions, sans lesquelles le droit des intimés sur les marchandises restait entier ; Qu'au 7 avril, jour de leur expédition, les Ramet ne connaissaient nullement la cessation des payements de Plonévez, dont la faillite n'a été déclarée par jugement que plus d'un mois après; Qu'éloignés de Pontrieux, où la faillite a éclaté, ils étaient dans une ignorance absolue de l'état des affaires de Plonévez;-Que, sans aucun doute, les intimés auraient gardé leurs marchandises ainsi qu'ils en avaient le droit (art. 1613), et n'auraient rien expédié le 7 avril, s'ils avaient pu alors connaître la cessation des payements et l'état de faillite de Plonévez, dès le 1er du même mois;

Qu'une fois cette connaissance acquise, ils ont donc pu également se refuser à la délivrance et même reprendre leurs marchandises dont on leur ferait la juste remise, et sur lesquelles la masse n'avait équitablement aucun droit; - Qu'il est d'ailleurs impossible de supposer qu'en les expédiant dans moment où ils ignoraient la faillite, les intimés aient voulu renoncer bénévolement au droit de refus de livraison garanti par la loi, pour se condamner gratuitement à une perte certaine, inévitable en faveur de créanciers qui leur étaient étrangers, et qu'ils ne connaissaient même pas; Qu'il y a donc eu ici, de la part des Ramet, erreur évidente, ignorance entière de la position de Flonévez, par suite, impossibilité absolue de tout consentement, une des conditions essentielles pour la validité des obligations, et qui doit faire repousser la demande des appelants; Que si, de la part des intimés, il n'y a point eu consentement réel de livrer les marchandises à un failli, il n'y a point eu davantage acceptation du côté de Plonévez, qui connaissait dès lors son état de faillite;- Qu'en effet, en remettant les marchandises sur une simple demande, le 24 avril, il a été le premier à déclarer qu'elles lui étaient arrivées en son absence et qu'il ne les aurait pas reçues s'il avait été chez lui;

Que, de plus, il ne les avait ni déballées, ni même touchées, et qu'il ne s'élève aucune contestation sur leur identité; — Qu'enfin Plonévez a lui-même spontanément offert de remettre les marchandises aux intimés, auxquels, tout le premier, il reconnaissait qu'elles appartenaient;-Qu'en cet état de choses, il n'y avait donc point, à vrai dire, d'engagement contracté de part ni d'autre;

Qu'il ne resterait plus au procès qu'une espèce de dépôt fait par les Ramet, qui, aux termes de l'art. 581 c. com., étaient en droit de réclamer et de reprendre les marchandises déposées; - Qu'il est de toute justice que, quand les apparences de solvabilité d'un acheteur, qui ont déterminé la confiance du vendeur, sont démontrées trompeuses et illusoires, comme dans l'espèce, les tribunaux viennent au secours de celui qui a été trompé dans sa bonne foi; - Confirme.

Du 5 juill. 1838.-C. de Rennes, 3 ch.-MM. Dumay, pr.-Fénigan, av. g.

lée, pr. prés., Daniels, pr. gén., c. conf. aff. Hallet, etc., C. héritiers Lambrechts, V. no 1237).

§ 4.-Revente sur facture et connaissement ou lettre de voiture. 1261. L'art. 576 c. com. subordonne la renvendication des marchandises en cours de voyage à la condition qu'il n'existe point de revente de ces marchandises, faite sur facture et connaissement, ou lettre de voiture signée de l'expéditeur. Les droits des tiers de bonne foi doivent être respectés; en traitant avec l'acheteur sur le vu des factures et connaissements, ils ont dû croire que le vendeur s'était bien définitivement dessaisi, qu'il avait investi l'acheteur et l'avait autorisé à vendre des marchandises qu'il n'aurait pas encore reçues. Mais il faut remarquer que la loi exige impérativement que la vente pour être valable ait été faite sur facture et connaissement ou lettre de voiture.Les deux conditions doivent être réunies. Une vente faite sur facture seule ou connaissement seul, ne serait pas parfaite : elle serait suspecte de mauvaise foi; le nouvel acheteur est en faute pour ne pas s'être fait représenter les deux titres qui seuls pouvaient consommer l'opération entre le vendeur originaire et l'acheteur. En effet, la facture constate le droit à la propriété; le connaissement ou la lettre de voiture, le droit à la prise de possession. Le vendeur originaire pourrait donc revendiquer ses marchandises, même dans les magasins du nouvel acheteur. Telle est la doctrine unanime des auteurs, notamment de MM. Pardessus, no 1290; Boulay-Paty, t. 2, p. 341; Renouard, t. 2, p. 357, et Bédarride, t. 2, no 1154. — Il a été jugé ainsi : 1° que le vendeur non payé peut, en cas de faillite de l'acheteur, revendiquer les marchandises vendues et non encore entrées dans les magasins du failli, et ce, même au préjudice d'un tiers auquel l'acheteur les a revendues, si la revente n'a eu lieu que sur facture, et non sur facture et connaissement ou lettre de voiture, et réciproquement (Liége, 26 juill. 1810; Rouen, 29 juill. 1819) (1); 2° Qu'il ne suffirait pas que le revendeur eût eu seulement la facture entre ses mains, ni même qu'il eût

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(1) 1re Espèce: (Everts C. Turpia, etc.) — LA COUR ; Attendu que l'art. 576 c. com. autorise le vendeur, en cas de faillite, à revendiquer les marchandises par lui vendues et livrées, et dont le prix ne lui a pas été payé; que l'ouverture de la faillite de Bletscher a eu lieu avant l'arrivée des tonneaux d'huile dont il s'agit à Cologne ; qu'ainsi, la vente qui a été faite par ledit Bletscher à l'appelant ne lui a pas été faite dans le cas de l'exception prévue par l'art. 578 du même code, qui déclare que les marchandises vendues sans fraude, avant leur arrivée, ne pourront être revendiquées, si elles ont été vendues sur facture, connaissement ou lettre de voiture, et que la loi exige impérieusement, dans ce cas, la réunion de la facture et de la lettre de voiture, et n'admet aucun équipollent; Dit qu'il a été bien jugé. Du 26 juill. 1810. C. de Liége.

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2o Espèce: - (Heliot C. Rouet.) 19 mars 1819, Rouet et Comp. vendent au sieur T..... dix pièces d'eau-de-vie, qu'ils chargent sur le navire le Père-de-Famille. Ces marchandises étaient encore en route, lorsque le sieur T..... les revend sur connaissement au sieur Héliot. Sur ces entrefaites, faillite du sieur T....., Demande en revendication de la maison Rouet. Héliot oppose la vente sur connaissement qui lui a été faite. En vain, dit-il, opposera-t-on que la vente n'a pas été faite sur facture. Il est évident que le connaissement suffirait pour prouver que la propriété résidait dans mes mains. — Le tribunal de commerce de Rouen autorise la revendication. - Appel par Héliot. Arrêt.

LA COUR; Attendu qu'il est établi au procès que Rouet et comp. étaient, au respect de T....., les véritables vendeurs des dix pièces d'eaude-vie qui sont l'objet de la contestation, et que le prix leur en est encore dû; Que Rouet et comp. ont formé la revendication pendant que la marchandise était encore en route, et avant qu'elle fût entrée dans aucun magasin; qu'ainsi elle est légale et parfaitement conforme aux dispositions des art. 576 et 577 c. com.; Attendu qu'une semblable revendication ne pourrait être écartée que par une revente faite dans les termes de l'art. 578;-Attendu que le marché représenté par Héliot énonce bien qu'il a été fait sur connaissement, mais que rien n'établit qu'il l'ait été sur facture; Que le concours de ces deux conditions est impérieusement exigé par l'art. 578, et qu'en cet état il ne peut être opposé au vendeur originaire; - Vu, d'ailleurs, que, contre les usages du commerce, Héliot a réglé et payé en ses effets les dix pièces d'eau-de-vie en question, et par conséquent, lorsqu'elles étaient exposées aux risques de la navigation, et surtout lorsqu'il lui était impossible de savoir si elles avaient le titre et la qualité déclarés par son vendeur; - Met l'appel au néant..... Du 29 juili. 1819.-C. de Rouen, 1o ch.-MM. Eude, pr.-Brière, c. conf.

subrogé l'acheteur à l'utilité de la lettre de voiture remise au voiturier (Toulouse, 19 déc. 1826) (1).— Vainement le second acheteur croirait-il se mettre à l'abri de la revendication en exigeant, au lieu de la remise de la lettre de voiture ou du connaissement, une substitution authentique à l'utilité de ces pièces existant entre les mains des patrons ou des voituriers. Une telle subrogation ne remplirait pas le vœu de la loi ; ce ne serait qu'un moyen de l'éluder. C'est ce qu'ont décidé les deux arrêts de la cour de Toulouse que nous venons de citer.

1262. Il a été décidé dans le même sens : 1° que lorsque l'acte de vente d'un chargement de marchandises désigne celui auquel doivent être expédiées par mer ces marchandises, comme le correspondant de l'acquéreur, et qu'il

(1) 1 Espèce : (Foussac C. Viguerie.) Badin, de Toulouse, avait chargé les frères Foussac, de Bordeaux, de lui acheter une certaine quantité de sucres. 12 avr. 1826, ceux-ci lui donnent avis qu'ils viennent de lui expédier les marchandises par la voie de la Garonne, et lui en envoient une facture très-détaillée. Le 15 avril, avant l'arrivée des marchandises, Badin les revend à Viguerie, négociant; il lui remet la facture qu'il a reçue des sieurs Foussac, et le subroge à tous ses droits aux lettres de voiture dont les bateliers sont porteurs. - Le 19, faillite de Badin. 27, arrivée des sucres à Toulouse. Viguerie en demande

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la délivrance. Mais déjà les frères Foussac avaient fait défendre aux bateliers de s'en dessaisir, et ils les revendiquent. Viguerie combat cette demande la revendication, dit-il, n'est plus admissible si, avant leur arrivée, les marchandises ont été revendues par l'acheteur, sur facture et lettre de voiture; or c'est ce qui a lieu, car la lettre d'avis de l'expéditeur, contenant le nom du batelier, la marque, le poids des marchandises, leur adresse, leur destination, le prix de la voiture, enfin toutes les conditions d'une lettre de voiture, doit en tenir lieu vis-à-vis de l'acheteur à qui elle a été remise lors de la revente; et qu'on ne dise pas que l'art. 578 a entendu parler de la lettre de voiture dont le batelier était porteur, et non de celle qu'on pourrait induire de la lettre d'avis. Cetie restriction n'est pas dans la loi, et l'usage du commerce la repousse. D'après cet usage, la lettre d'expédition écrite par la poste est la véritable lettre de voiture originale; celle du voiturier n'en est que le duplicata; tel est l'avis de M. Merlin, Répert., v° Lettre de voiture, et Quest., v° Voiture. Au reste, admit-on que l'art. 578 n'ait eu en vue que la lettre du batelier, la revente n'en aurait pas moins été faite sur facture et lettre de voiture; ces deux actes existaient en effet, alors; le premier était au pouvoir de Badin, le second entre les mains de celui qui agissait pour lui, c'est-à-dire du batelier aussi l'acte de vente les mentionne-t-il l'un et l'autre. Il est vrai qu'on prétend que la loi exige qu'ils soient tous deux entre les mains du vendeur lors de la revente; mais si cela était, les ventes à livrer, autorisées par l'art. 578, ne pourraient jamais avoir lieu, car la lettre de voiture ne doit quitter le voiturier qu'à l'arrivée. Il suffit donc que la vente soit fondée sur cetto facture et lettre de voiture dont l'existence est reconnue : c'est ce que laisse entendre la préposition sur dont se sert l'art. 578, ce mot emportant l'idée de rapport avec un objet qui existe, mais qui n'est pas actuellement présent.-7 juill. 1826, le tribunal de commerce de Toulouse admet ce sys

tème.

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Appel des sieurs Foussac. - Ils ont dit: L'art. 578 exige tout à la fois la facture et la lettre de voiture: ces deux actes sont nécessaires; le premier est la preuve de la vente : la délivrance, ou tradition feinte, résulte du second (c. civ. 1583, 1604). On objecte que, dans ce système, les ventes à livrer, dont parle l'art. 578, deviennent impossibles avant l'arrivée du voiturier; c'est une erreur, car rien n'empêche qu'avec la facture on envoie un duplicata de la lettre de voiture. Arrêt. LA COUR; Attendu que, lorsque l'art. 578 a voulu que la vente à livrer fut faite sur facture et lettre de voiture ou connaissement, il a eu pour objet de constater que le vendeur s'était bien dessaisi de ses droits, en avait investi l'acheteur, et l'avait autorisé à vendre une marchandise qu'il n'aurait pas encore reçue; qu'ainsi, on a voulu, et l'envoi de la facture qui, sous ce rapport, est assimilée à un acte de vente, et l'envoi de la lettre de voiture ou du connaissement qui forme une tradition feinte de l'objet vendu; que, dès lors, il est impossible d'admettre le système d'après lequel la facture pourrait quelquefois être aussi l'original de la lettre de voiture que la loi exige deux choses, et que les motifs de cette exigence repoussent l'idée qu'une seule de ces choses puisse suffire; - Attendu, dans l'espèce, que la facture pouvait si peu tenir lieu de lettre de voiture, qu'elle n'est point signée, et qu'elle n'indique pas le prix de la voiture, double formalité exigée par l'art. 102 c. com.; Attendu que le sieur Viguerie a lui-même reconnu que la facture n'était pas la lettre de voiture, lorsque, dans le traité qu'il fit avec le sieur Badin, il exigea, et la remise de la facture, et la subrogation à l'utilité de la lettre de voiture qui était dans les mains des patrons, mais qu'une telle subrogation ne remplit pas le vœu de l'art. 578; Par ces motifs, disant droit sur l'opposition, rétracte l'arrêt de défaut; réforme le jugement du 7 juillet dernier; sans avoir égard à la demande en remise formée par le sieur Vi

est dressé un connaissement que le vendeur endosse à l'ordre de cet acquéreur, en déclarant se référer aux termes de l'acte de vente, et que l'acquéreur endosse à son tour de la même manière, quelles que soient ensuite les diverses négociations dont ce connaissement est l'objet, elles ne peuvent avoir pour effet de transmettre au porteur la propriété du chargement qui ne cesse d'appartenir à l'acquéreur; et, par suite, si ce dernier vient à tomber en faillite pendant que les marchandises sont encore en route, le vendeur est en droit d'exercer la revendication autorisée par l'art. 576 (ancien) c. com., sans que le porteur du connaissement puisse opposer l'art. 578 du même code (Cass., 11 fév. 1840) (2); -2° Que la remise du connaissement par l'acheteur à un tiers ne fait point preuve de revente au profit de ce

guerie, non plus qu'à la vente par lui alléguée, déclare recevable et bien fondée la demande en revendication.

Du 19 déc. 1826.-C. de Toulouse, 3° ch.-M. d'Aldéguier, pr.

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2 Espèce (Double C. Viguerie.) Le 7 avr. 1826; les sieurs Double, de Marseille, annoncent a Badin, de Toulouse, l'achat qu'ils ont fait de vingt caisses de savon, d'après le mandat qu'il leur en a donné; ils lui en envoient la facture, en lui donnant avis que les marchandises ont été adressées à Jordan, commissionnaire à Agde, d'ordre et pour le compte de lui Badin. Le 12, Jordan écrit à Badin qu'il a remis les savons au patron Caussy, pour lui être expédiés par la voie du canal. Le 15, Badin vend ces marchandises à Viguerie, lui en remet la facture, et le subroge à l'utilité du connaissement. Le 19, faillite de Badin; sept jours après, les savons arrivent à Toulouse; Viguerie en demande la délivrance; les sieurs Double s'y opposent, et les revendiquent.

Outre la fin de non-recevoir tirée de l'art. 578 c. com. qu'il faisait valoir, comme dans la cause précédente, Viguerie en puisait une autre dans l'art. 577 portant que « la revendication ne peut avoir lieu que lorsque les marchandises expédiées sont encore en route et avant qu'elles soient entrées dans les magasins du failli, ou dans ceux du commissionnaire chargé de les vendre pour le compte du failli. » Or, disait on dans l'espèce, le sieur Jordan ayant reçu les marchandises le 12 avril, d'ordre et pour le compte de Badin, et le connaissement lui en ayant été remis, les sieurs Double, dès cette époque, ne conservèrent aucun droit sur les savons; la marchandise cessa d'être en route par rapport à eux, et dut être considérée comme entrée dans les magasins de l'acheteur, aux périls duquel elle demeurait. 20 juillet 1826, le tribunal de commerce de Toulouse accueillit ces moyens. Appel par les sieurs Double.- Arrêt.

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LA COUR; - Attendu, sur la fin de non-recevoir proposée par le sieur Viguerie, qu'il est vrai que la vente d'une marchandise encore en route est valable, et doit prévaloir sur une demande en revendication, si, d'ailleurs, la vente a été faite conformément aux dispositions de l'art. 578 c. com.; qu'il est également vrai qu'une marchandise qui a cessé d'être en route, ne peut pas être revendiquée, et que, d'après l'art. 577 c. com., la marchandise n'est plus en route lorsqu'elle est entrée dans les magasins du failli, ou dans les magasins du commissionnaire charge de la vendre pour le compte du failli; mais que, dans l'espèce, l'arrivée des marchandises à Agde, leur débarquement, la remise du connaissement aux sieurs Jordan et comp., n'ont pas fait que la marchandise ne fût plus en route, et que le sieur Badin ou le sieur Viguerie en fussent saisis, 1° parce qu'il n'est pas prouvé que les savons sont d'ailleurs entrés dans les magasins des sieurs Jordan et comp. ; 2° parce que ceux-ci n'étaient point chargés de les vendre, mais de les réexpédier; 3° parce qu'ils n'avaient point été commis par le sieur Badin, mais par les sieurs Double frères; -Attendu, au fond, que, lorsque l'art. 578 a voulu que la vente à livrer fût faite sur facture et lettre de voiture ou connaissement, il a eu pour objet de constater que le vendeur s'était bien dessaisi de ses droits, en avait investi l'acheteur, et l'avait autorisé à vendre une marchandise qu'il n'aurait pas encore reçue; qu'ainsi, on a voulu, et l'envoi de la facture qui, sous ce rapport, est assimilée à un acte de vente, et celui de la lettre de voiture ou du connaissement qui forme une tradition feinte de l'objet vendu; que, dès lors, il est impossible d'admettre le système d'après lequel la facture pourrait quelquefois être aussi l'original de la lettre de voiture; que la loi exige deux choses, et que les motifs de cette exigence repoussent l'idée qu'une seule de ces choses puisse suffire; - Par ces motifs, déclare recevable et bien fondée la demande en revendication, ordonne, etc.

Du 19 déc. 1826.-C. de Toulouse, 3 ch.-M. d'Aldéguier, pr.

(2) Espèce: - (Rocca frères C. Garavini.) -- En déc. 1855, le sieur Garavini, d'Alger, donna commission au sieur Sieveking, de Marseille, de lui procurer un chargement de blé d'Italie. Sieveking chargea le sieur Peterson, de Naples, d'acheter ce blé et de l'expédier directement à Alger. Peterson chargea lui-même de cette opération les sieurs Falconnet frères et comp., de Naples. Par acte du 5 janv. 1856, la maison Falconnet traita de l'achat du blé avec le sieur Rocca. Par cet acte, ceux-ci s'obligèrent à faire charger la marchandise sur le navire l'Argentina et de la diriger à Alger directement au sieur Garavini, correspondant (portait

tiers, mais constitue un simple mandat (Rouen, 15 juin 1825, aff. Mousset, V. Commission, no 201);-3° Que le jugement ou l'arrêt qui, pour justifier l'application de l'art. 578, se fonde sur un usage qui attribue au simple endos du connaissement l'effet d'une vente de marchandises, n'échappe pas à la censure (même arrêt, du 11 fév. 1840).

1263. Du reste, la loi n'exige pas que la facture et le connaissement ou la lettre de voiture aient été remis en même temps; il suffit que l'acheteur ait reçu l'un et l'autre avant la faillite du

l'acte) du sieur Falconnet et comp., auquel le capitaine en ferait remise pour compte des sieurs Falconnet.

Le 26 février, les sieurs Rocca, après avoir fait signer par le capitaine du navire un connaissement constatant le chargement des blés, endossèrent ce connaissement à l'ordre des sieurs Falconnet, en exprimant que c'était en exécution du contrat passé le 5 janvier, contrat auquel ils déclaraient se référer. Des endossements semblables furent ensuite souscrits par les sieurs Falconnet et Peterson, par celui-ci à Sieveking, et enfin par ce dernier à Garavini.

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Le 23 avril, le navire l'Argentina arriva à Alger. Déjà la faillite des sieurs Falconnet avait été déclarée. Les sieurs Rocca pratiquèrent une saisie-revendication sur le chargement, avant qu'il n'eût été débarqué; cette saisie était fondée sur le défaut de payement intégral du blé aux vendeurs. Mais Garavini demanda la mainlevée de cette saisie, sur le motif que c'était lui qui devait être regardé comme acheteur, et non les sieurs Falconnet qui avaient transmis leurs droits par leur endossement; or il prétendait s'être libéré du prix envers Sieveking, son endosseur, de même que celui-ci s'était libéré envers Peterson, et ce dernier envers les frères Falconnet; d'où il concluait que la revendication était sans fondement. A quoi les sieurs Rocca répondaient que Garavini, d'après l'acte de vente du 5 janv. 1836, auquel se référait le connaissement, n'était que le correspondant et le consignataire des frères Falconnet, et qu'ainsi, comme représentant de ces derniers, il était passible de la revendication. Jugement du tribunal de commerce d'Alger, qui valide la saisie. Appel. 4 juill. 1856, jugement du tribunal supérieur d'Alger, qui infirme, sur les motifs : que les stipulations du contrat de vente du 5 janv. 1836 sont étrangères à Garavini et ne peuvent lui être opposées; qu'elles ont été rectifiées par la correspondance; qu'en réalité Sieveking, Peterson et les frères Falconnet n'ont été que les intermédiaires de Garavini, et qu'ils ont fait l'acquisition pour son compte; que, si le prix des blés n'a été acquitté de la maison Falconnet à Peterson que sur connaissement et par voie d'endossement, il résulte d'un parère délivré par divers négociants de Naples que ce mode de procéder est en usage sur cette place; qu'il est constant, d'un autre côté, que le payement en a été fait de Peterson à Sieveking, sur connaissement et sur facture, et de Sieveking à Garavini, sur facture et connaissement; d'où il suit que Garavini, qui est, d'ailleurs, acheteur de bonne foi, peut toujours repousser la revendication poursuivie contre lui par les frères Rocca, d'après les dispositions textuelles de l'art. 578 c. com. Pourvoi des frères Rocca. Arrêt. LA COUR; Statuant au fond: :- - Vu les art. 576, 577, 578 et 580 c. com.: Attendu qu'il résulte, en fait, du jugement attaqué que, par acte du 5 janv. 1836, les frères Rocca ont vendu un chargement de blé à Falconnet et comp., et pris l'engagement de le diriger à Alger directement à Garavini, correspondant desdits Falconnet; Que le connaissement de ce chargement, fait le 26 février suivant, a été endossé à l'ordre de Falconnet et comp., par les frères Rocca, en exécution, porte l'endossement, du contrat passé entre eux le 5 janvier, auquel ils ont déclaré se référer; - Que Falconnet et comp. ont négocié ce connaissement à Peterson, sans exprimer aucune valeur fournie, et qu'il est ensuite passé successivement et de la même manière aux mains de Sieveking et de Garavini; que, lors de la négociation du connaissement à Peterson, il n'a pas été remis de factures des blés qui en étaient l'objet; Que ces blés étaient encore chargés sur le navire l'Argentina qui les avait transportés à Alger, lorsque les demandeurs, auxquels une partie de leur prix restait due par la maison Falconnet, tombée en faillite, en ont formé la revendication;

Attendu, en droit, que l'art. 576 c. com. autorise le vendeur, en cas de faillite de l'acheteur, à revendiquer les marchandises par lui vendues et livrées, et dont le prix ne lui a pas été payé; - Que les blés revendiqués se trouvant à bord du navire l'Argentina, devaient être considérés comme étant en route, sans être précédemment entrés dans les magasins de Falconnet et comp., ni d'aucun commissionnaire chargé de les vendre pour leur compte; qu'ils n'avaient subi aucun changement ni altération et que leur identité était reconnue; qu'ainsi la revendication présentait les conditions prescrites par les art. 577 et 580, et exigées par l'art. 576; Attendu que Garavini ne pouvait repousser cette action à l'aide de l'art. 578, puisque, dans la vente du 5 janv. 1836, il s'était indiqué comme le correspondant de Falconnet et comp., et que le connaissement passé à l'ordre de ces derniers par les frères Rocca rappelait cette vente et s'y incorporait; - Qu'aussi Falconnet et comp. ont fait un simple endossement de ce connaissement à l'ordre de Peterson, et non une vente

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C'est ainsi

revendeur pour que la revendication soit interdite. qu'il a été jugé que, pour qu'il n'y ait pas lieu à revendication de marchandises revendues avant leur arrivée, il suffit qu'avant l'époque de l'ouverture de la faillite du revendeur, l'acheteur se soit trouvé nanti, sans fraude, tout à la fois et de la facture et de la lettre de voiture ou connaissement, encore bien que la remise de ces deux titres n'aurait pas été simultanée, et que le connaissement ou lettre de voiture n'aurait été remis que quelque temps après la facture (Rouen, 2 déc. 1828) (1).

sur facture et connaissement, conformément à l'article 578 précité; Attendu que l'usage allégué devant le tribunal supérieur d'Alger et d'après lequel le seul endossement du connaissement fait à Naples par Falconnet et comp. à Peterson, suffisait pour opérer, au préjudice des demandeurs, la vente des blés par eux expediés, ne peut détruire l'effet des stipulations de la vente du 5 janvier et du premier endossement du connaissement, et ne saurait, d'ailleurs, prévaloir sur l'art. 578, qui exige la réunion de la facture et du connaissement;

Attendu qu'aucune vente réunissant les conditions de l'art. 578 c. com. n'ayant été faite par Falconnet et comp. à Peterson, les négociations qui ont eu lieu postérieurement entre Peterson, Sieveking et Garavini, sur des factures que le jugement attaqué ne déclare pas avoir été délivrées et remises par les frères Rocca, n'ont pu porter atteinte à leur droit de revendication;-Attendu que le tribunal supérieur d'Alger, en s'appuyant sur les négociations et sur le simple endos du connaissement par la maison Falconnet à l'ordre de Peterson, pour rejeter la demande en revendication des demandeurs, a faussement interprété et appliqué l'art. 578 c. com. et expressément violé les art. 576, 578 et 580 du même code; · Casse. Du 11 fév. 1840.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Thil, rap.-Laplagne-Barris, 1er av. gén., c. conf.-Lanvin, av.

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(1) (Rouet C. Beaufils, etc.) - LA COUR; Attendu, en droit, que lés marchandises ne peuvent être revendiquées lorsque avant leur arrivée, elles ont été vendues sans fraude, sur factures et connaissements ou lettres de voiture ;- Attendu, en fait, que les vingt cinq pièces esprit 3/6 ont été vendues, le 25 mars dernier, par Bruneaux frères à Pouchet; que lors de cette vente, Bruneaux remit à celui-ci : 1° une facture relative à cette opération; 2° la facture à lui fournie par Rouet et comp., ses vendeurs, avec l'avis des traites par eux tirées sur Bruneaux pour le montant de cette facture; 3° la police d'assurance faite par Bruneaux ;Que le connaissement a été remis par Bruneaux à Pouchet avec un endossement au profit de ce dernier, le 19 mai, avant l'arrivée des marchandises au Havre et avant toute revendication ou réclamation de privilege, et plus d'un mois avant le jugement du 28 juin, qui a fixé l'ouverture de la faillite de Bruneaux frères au 30 mai précédent, onze jours après la remise du connaissement;

Que, dans l'espèce, l'envoi du connaissement n'a pu être fait à une époque plus rapprochée, à raison du retard occasionné par la navigation de Lunel à Bordeaux; Que si la vente, la remise de la facture et du connaissement eussent été faites le 19 mai, cette vente n'eût pu être contestée;- Qu'elle ne peut pas l'être davantage lorsque, par la remise du connaissement, cette vente a été consommée, au respect des revendiquants, le même jour 19 mai, onze jours avant la faillite, et que la revendication n'a eu lieu que le 21 juin suivant, plus d'un mois après la remise du connaissement;- Que si la loi, pour consommer la vente, à l'égard du revendiquant, exige qu'elle soit faite sur facture et connaissement, elle ne peut s'entendre qu'en ce sens, que la facture seule ne peut porter préjudice aux droits du premier vendeur; qu'ainsi, si, avant l'époque du 19 mai, la revendication eût été exercée, Pouchet n'eût pu s'y opposer, parce qu'alors il n'eût pas été saisi de la facture et du connaissement; mais qu'ayant dans ses mains, le 19 mai, la facture et le connaissement, la vente à lui faite par les frères Bruneaux, était légalement consommée avant toute revendication;-Que, dès lors, Pouchet doit être considéré comme ayant véritablement acheté sur facture et connaissement, la vente ayant été faite sous une condition suspensive, et réalisée par le connaissement réuni à la facture;

Que les arrêts opposés ont bien jugé qu'il ne suffisait pas que le second acheteur, pour s'opposer à la revendication, eût seulement dans les mains la facture, ou que même il eût été subrogé à l'utilité de la lettre de voiture ou connaissement; mais que ces arrêts n'ont pas jugé et n'ont pas pu juger, contre l'esprit de la loi et l'usage du commerce, que la revendication devait être admise au préjudice du second acheteur, porteur tout à la fois de la facture et du connaissement; que ces arrêts ont même considéré que la facture est assimilée à un acte de vente, et que le connaissement établit la tradition faite de l'objet vendu; que, dès lors, la vente et la tradition des esprits vendus étant justifiées lors de la revendication, cette revendication était tardivement faite, sauf le cas de fraude prévu par la loi;

Attendu que si une fraude a été commise par Bruneaux frères, elle ne peut atteindre Pouchet; qu'en effet, les traites tirées par Bruneaux frères pour celle opération, et acceptées par Pouchet, ont été acquittées par ce

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