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M. Vincens étant commissaire du gouvernement, chargé de sou

moins directe, selon l'époque de la faillite. De là des changements multipliés dans les rouages de l'administration. Aucun parti décisif ne peut être pris qu'après la révolution des delais établis pour la convocation des créanciers les plus éloignés, et ces délais peuvent s'étendre à plus d'une année. Des causes que le code n'a point prévues, telles que des contestations sur les créances, viennent augmenter ces retards. Les frais qu'entraîne la multiplicité des formes absorbent tout l'actif liquide. Aucun créancier ne veut, au risque de les perdre, avancer les fonds nécessaires pour faire marcher la faillite. La faillite s'arrête, et les créanciers demeurent privés tout à la fois de l'exercice de leurs droits individuels et du résultat des poursuites collectives. Les inconvénients pratiques de cette législation ont produit le plus fâcheux de tous les effets, c'est sa fréquente inexécution. Trop souvent les créanciers préfèrent à des poursuites interminables et dispendieuses, tous les arrangements que le failli leur propose, et ces arrangements qui sont des occasions de fraudes échappent à toute surveillance.

3. Le projet de loi a pour objet de remédier à ces inconvénients. Avant tout il faut rendre le règlement des faillites moins onéreux pour les créanciers. Déjà la loi de finances du 24 mai 1834 a notablement diminué les droits du fisc sur les actes qu'entraîne le règlement des faillites. Des dispositions inspirées par le même esprit veulent que les frais de poursuite criminelle ou correctionnelle contre le failli soient, en cas de condamnation, mis à la charge du trésor public. Une autre disposition charge le trésor public, en cas d'insuffisance des deniers appartenant à la faillite, de faire l'avance des premiers frais. Au moyen de cette avance, la mise en faillite sera toujours provoquée, elle sera réalisée, et la loi ne demeurera plus sans exécution. D'un autre côté, le failli, s'il est de bonne foi, sera lui-même intéressé à faire une prompte déclaration de sa faillite. A ce prix il obtiendra d'être affranchi de l'emprisonnement. Des mesures sont prises afin de pourvoir, s'il y a lieu, à la continuation non interrompue du commerce du failli. Une plus grande latitude de pouvoir, conférée au tribunal de commerce, permet de simplifier les rouages de l'administration. Au moyen d'un expédient qui offre toutes les garanties nécessaires aux intérêts des créanciers domiciliés hors du territoire contiDental de la France, on satisfait à l'intérêt commun de tous les créanciers présents ou absents, qui veut que la conclusion de la faillite soit rapprochée. C'en est assez pour vous donner une idée de la tendance et de l'esprit général du projet de loi. En parcourant les diverses parties de ce projet, nous allons avoir l'honneur de vous faire connaitre avec plus de details les améliorations apportées à l'état actuel de la législation, et les amendements, dictés par le même esprit, que votre commission vous propose d'adopter.

De la cessation de payements, de la déclaration de faillite,
et de leurs effets.

4. Le projet de loi conserve la disposition empruntée par le code aux plus anciens statuts des marchands, qui a pour objet de déterminer le caractère auquel on reconnait la faillite. La ponctualité dans l'exécution des engagements commerciaux est si essentielle qu'une maison ne peut cesser ses payements sans que son existence commerciale, privée du crédit qui en est l'âme, ne soit par cela même interrompue. Un résultat si important, qui affecte l'état du débiteur, n'est point sans doute attaché à quelques protêts isolés, et l'art. 441 c. com. a l'inconvénient de présenter, comme des symptômes de la faillite, un certain nombre de circonstances extérieures sur la portée desquelles les tribunaux ont pu quelquefois se tromper. La loi risque d'égarer en cherchant à décomposer, dans ses éléments, le fait complexe de la cessation de payements, qui, sans être absolue, doit être assez générale pour caractériser la situation du commerçant qu'il s'agit de déclarer en faillite. Il vaut mieux laisser le tribunal juge de l'ensemble des circonstances, que son expérience commerciale le met à portée d'apprécier sainement.

5. Proclamer que la cessation des payements caractérise la faillite, c'est avoir implicitement repoussé la proposition de reconnaitre un état de suspension de payements auquel certaines immunités seraient attachées par la loi. Comment, en effet, les tribunaux pourraient-ils distinguer la cessation des payements de leur simple suspension? On voudrait que cette situation nouvelle fût réservée au négociant qui ne serait point insolvable. Mais, pour s'assurer de sa solvabilité, il faudrait se livrer à toutes les vérifications établies par la procédure de faillite, et même aller jusqu'à la vente des biens, qui peut seule faire connaître leur valeur. Autrement, on ne peut apprécier la solvabilité d'un négociant que par son credit, qui a pour mesure la confiance que ses créanciers lui accordent. Il faut donc abandonner au libre consentement des créanciers ces arrangements qui supposent le crédit et la solvabilité du débiteur. Si quelques-uns des créanciers s'y refusent, on ne peut leur imposer des sacrifices qu'après toutes les épreuves qui en démontrent la nécessité. Suspendre les droits individuels des créanciers, sans leur assurer les garanties qui résultent du régime de la faillite, ce serait renouveler les abus des anciennes lettres de répit et des arrêts de surséance.

tenir le projet. La discussion continua les 28, 29, 30 mars, 2,

6. La cessation de payements, par cela même qu'elle caractérise la faillite, confère des droits aux créanciers, ouvre en leur faveur des actions révocatoires, et les autorise à provoquer un ensemble de mesures établies dans leur intérêt. Il s'ensuit que, lorsqu'un négociant est décédé après avoir cessé ses payements, ses créanciers ne peuvent perdre, par l'événement de son décès, la faculté qui leur était acquise de faire déclarer sa faillite, et de réclamer toutes les conséquences attachées à cette déclaration. Votre commission a maintenu la disposition qui consacre leur droit à cet égard; mais elle a pensé qu'il fallait le concilier avec le droit des héritiers du débiteur, qui ont besoin de savoir sous quel régime la succession sera placée, avant de prendre qualité dans cette succession. En conséquence, votre commission vous propose de décider, par une disposition additionnelle, que les créanciers du négociant décédé en état de cessation de payements, auront trois mois, à partir de son décès, pour faire déclarer sa faillite.

7. Quoique la cessation de payements ait d'importantes conséquences, ces conséquences ne sont point les mêmes que celles de la déclaration judiciaire de faillite. Votre commission applaudit aux dispositions qui ont pour but de rapprocher l'une de l'autre ces deux époques, soit en intéressant le débiteur lui-même à faire spontanément une déclaration de faillite qui sera récompensée par l'affranchissement du dépôt, soit en punissant celui qui tarde à déclarer sa faillite, soit en faisant cesser l'obstacle qui résultait pour les créanciers de l'absence des fonds nécessaires pour subvenir aux premiers frais. Mais quelle que soit, à cet égard, la sollicitude du législateur, il pourra s'écouler un certain intervalle entre la cessation de payements et le jugement déclaratif de faillite. Durant cet intervalle, quelle sera la position du débiteur, quel sera le sort des actes qu'il aura consentis, des payements qu'il aura faits?

8. Plusieurs membres de votre commission auraient désiré que la cessation des payements qui, dans le systeme du projet, caractérise la faillite, produisit une autre conséquence attachée à la première, savoir: le dessaisissement immédiat et l'incapacité générale du failli. Ils auraient voulu qu'on déclarât nuls de droit tous ses actes, à partir de la cessation de payements, sauf à admettre quelques exceptions en faveur des actes du commerce courant et de deux qui auraient tourné au profit de la masse. La majorité de votre commission a pensé que l'on ne peut, sans s'exposer à commettre de graves injustices, faire remonter le dessaississement du débiteur à une époque où il était encore saisi, de fait, de l'administration de ses biens et de l'exploitation de son commerce. La disposition rétroactive qui placerait à cette époque prématurée le dessaisissement du failli, établirait une fiction de droit en contradiction avec les apparences, avec les faits, et tendrait à la confiance des tiers un véritable piége. S'il importe que les créanciers de la faillite ne restent point désarmés et impuissants contre la fraude, il importe aussi que le respect dù à la bonne foi des tiers, qui est l'âme du commerce, ne reçoive point d'atteinte. Jusqu'au jugement déclaratif, qui donne à la faillite la publicité légale et réalise le dessaisissement, l'état du débiteur peut être ignoré des tiers ou du moins de plusieurs d'entre eux. Aussi, quoique la rédaction du code de commerce semble autoriser à penser qu'il a voulu faire remonter à l'époque de la cessation de payements, et même plus loin encore le dessaisissement du failli, la jurisprudence, d'abord incertaine, a fini par incliner pour une interprétation favorable qui place en dehors de la présomption legale de fraude les actes à titre onéreux antérieurs à la déclaration judiciaire de la faillite. Lorsque l'on a essayé, dans le projet de loi présenté en 1834, de reproduire avec quelques modifications cette présomption légale de fraude contre tous les actes faits par le failli à partir de l'époque où sa cessation de payements serait devenue notoire, la chambre des députés s'est formellement prononcée contre ce système. La plupart des faillites n'ont point, en effet, ce caractère de notoriété générale, universelle, indépendante des lieux et des circonstances, qui seule pourrait justifier, dans ses rapports avec les intérêts des tiers, le principe du dessaisissement du débiteur, avant toute déclaration de sa faillite. La majorité de votre commission, adoptant ces idées, a donné son approbation au système du projet qui ne répute le failii dessaisi de l'administration de ses biens qu'à partir de la date du jugement déclaratif de faillite.

9. Est-ce à dire que la cessation de payements ne produira, par ellemême, aucun effet? Loin de là, messieurs, l'époque de la cessation de payements, et même une époque antérieure de dix jours, sera le point de départ d'une nullité de droit qui frappera tous les actes à titre gratuit, consentis par le débiteur failli ou près de faillir. Il n'est pas nécessaire, pour motiver l'annulation de ces actes, que ceux qui en profitent aient connu la situation du débiteur. Il suffit que les dispositions aient été faites à une époque où le débiteur, hors d'état de payer ses créanciers, ne pouvait consommer en libéralités les biens qui sont leur gage. Ce principe, emprunté au droit civil, qui frappe de nullité tout acte fait en fraude des droits des créanciers, doit être appliqué avec plus d'étendue et de sévérité, dans le cas de faillite, parce qu'il faut le combiner avec cet autre principe, que dans le naufrage commun, le sort de tous les créanciers doit étré égal. Aussi le projet de loi a-t-il étendu la nullité prononcée contre les

3, 4 avril, et le projet fut adopté le 5 tel qu'il a été promulgué, à

actes à titre gratuit, aux payements faits par anticipation, soit en espèces, soit par transport, vente, compensation ou autrement, ainsi qu'aux droits d'hypothèque, d'antichrèse ou de nantissement, constitués depuis la cessation de payements, pour des dettes anciennes et sans versement actuel de deniers. Ce sont là, en effet, sinon dés actes à titre gratuit, au moins des actes de faveur contraires à l'égalité qui doit régner entre tous les créanciers. On doit présumer aussi que celui qui se fait donner une hypothèque, au lieu d'exiger son payement, est dans le secret de la faillite, et, par conséquent, de mauvaise foi. Votre commission a pensé que la mémé présomption doit s'appliquer au créancier qui reçoit en payement tout ou partie des immeubles ou du mobilier du failli: elle a compris, dans l'art. 446, comme empreints du même caractère, ces actes de dation en payement. 10. Quant aux payements en espèces et à tous les actes à titre onéreux, sauf les exceptions portées dans l'art. 446, ils ne seront annulés que si, de la part des tiers qui ont reçu du débiteur ou qui ont traité avec lui, ils ont eu lieu avec connaissance de la cessation de ses payements, art. 447. L'annulation des actes et le rapport des sommes payées seront la peine de ce genre de fraude qui consiste à s'affranchir sciemment de l'égalité proportionnelle de perte à laquelle sont soumis tous les créanciers d'un failli. Seulement cette fraude ne sera point légalement présumée, comme si la notoriété de la faillite existait de droit; mais elle pourra être établie par de simples présomptions. L'intention de la loi est que les tribunaux, sans se laisser arrêter par les règles ordinaires sur la preuve, qui ne sont point applicables en pareil cas, puissent toujours démasquer la fraude et la réprimer avec sévérité.

Mais la disposition de l'art. 447, qui autorise à rechercher les payements faits par le débiteur avant la déclaration de sa faillite, reçoit une exception en faveur des tiers porteurs d'effets négociables, qui, n'étant admis par la législation ni à protester contre le payement qui leur serait offert, ni par conséquent à exercer les recours subordonnés à la condition du protêt, ne pourraient, sans injustice, être déclarés responsables de la validité d'un payement qu'ils sont tenus de recevoir. La loi ne soumet au rapport que le tireur de la lettre de change ou le donneur d'ordre qui profite en définitive du payement, et ils ne sont soumis au rapport, conformément à la règle établie dans l'art. 447, que dans le cas où ils ont eu connaissance de la cessation de payements. Le projet de loi laisse indécise la question de savoir à quelle époque cette connaissance doit avoir eu lieu pour obliger au rapport; votre commission a pensé que cette époque qu'il faut préciser, est celle de l'émission du titre; le tireur ou le donneur d'ordre n'est plus maître de ce qui arrive après, et ne doit point être responsable de ce qu'il ne peut empêcher.

11. Nous nous sommes étendus sur les effets de la cessation de payements, parce qu'il s'agit là de régler une des parties les plus difficiles de la matière. Les effets du jugement déclaratif de la faillite, énumérés dans les art. 444, 445 et 450 du projet, ont été beaucoup moins contestés. Toutefois, quelques personnes ont combattu la disposition de l'art. 444 qui, en cas de faillite du souscripteur d'un billet à ordre, de l'accepteur d'une lettre de change, ou du tireur à défaut d'acceptation, soumet les autres obligés à donner caution pour le payement à l'échéance, s'ils n'aiment mieux payer immédiatement. Il y a une excessive rigueur, a-t-on dit, à contraindre les endosseurs qui ne sont que des débiteurs subsidiaires, soit à rembourser une lettre de change avant son échéance, soit, ce qui est aussi difficile pour eux, à donner caution de son remboursement. Autoriser ces recours anticipés et imprévus, c'est s'exposer, dans les temps de crise commerciale, à augmenter la perturbation. Mais l'on a répondu que l'on ne pourrait, sans détruire les conditions essentielles au crédit de la lettre de change, supprimer, en cas de faillite, les effets de la garantie solidaire à laquelle sont tenus tous les signataires; et que la seule modification qui fût autorisée par les usages du commerce, consistait à restreindre le recours anticipé des tiers porteurs au cas de faillite des débiteurs principaux.

12. L'une des principales conséquences de la déclaration judiciaire de la faillite est de faire cesser les poursuites individuelles contre le failli. Toutefois les créanciers privilégiés et hypothécaires conservent l'exercice des voies d'exécution qui leur appartiennent sur les biens qui leur sont spécialement affectés. Le propriétaire ou locateur, encore plus favorablement traité par la jurisprudence, est considéré comme étant en dehors de la faillite pour tout ce qui tient à l'exercice de son privilége sur le mobilier garnissant les lieux loués. Il peut, sans attendre la vérification et dès le début de la faillite, saisir et faire vendre les effets mobiliers servant à l'exploitation du commerce du failli, et anéantir ainsi les scules ressources qui restent au débiteur et à ses créanciers. Le gouvernement, frappé de cet inconvénient, a pensé que, pour concilier dans une juste mesure les intérêts de la masse avec ceux du propriétaire, on pourrait suspendre, pendant l'espace de trente jours, les voies d'exécution qui lui appartiennent, afin de ménager aux créanciers le temps nécessaire pour se réunir et se concerter sur les moyens de désintéresser le locateur. Mais l'on n'a pas cru pouvoir porter atteinte au droit qui serait acquis, dans certains cas, au propriétaire, de reprendre possession des lieux loués. Si ce cas exceptionnel vient à se réaliser, la suspension des voies d'exécution sur le mobilier du failli perd son utilité. Car le mobilier du failli

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ne peut sortir des lieux loués sans que l'on accorde, tout au moins, au propriétaire le droit de le faire séquestrer pour assurer l'exercice de son privilége. Ce droit occasionnerait à la masse des frais qui seraient en pure perte, puisque l'on ne pourrait éviter l'interruption du commerce du failli. Votre commission a pensé qu'il vaut mieux déclarer franchement que, dans ce cas, les voies d'exécution cesseront d'être suspendues.

Des syndics de la faillite et de leurs fonctions.

13. Le projet de loi a déclaré le failli, à partir du jugement déclaratif de la faillite, dessaisi de l'administration de ses biens. Ce principe salutaire une fois posé, il reste à organiser une autre administration qui présente à tous les intérêts des garanties suffisantes. La difficulté d'en trouver les éléments a fait naître la pensée de créer une classe nouvelle d'officiers sous le titre de curateurs aux faillites. Dans la réalité, a-t-on dit, ce ne sont point des créanciers du failli, ce ne sont point des négociants qui peuvent donner aux affaires de la faillite un temps et des soins que réclament leurs propres affaires; si quelques créanciers recherchaient cette mission, il serait à craindre qu'un si grand zèle ne fût inspiré par leur intérêt personnel en opposition avec l'intérêt de la masse. Mais habituellement la nécessité force de confier l'administration des faillites à des agents qui, n'étant point organisés et soumis à une discipline, ne présentent point une responsabilité suffisante. Ne trouverait-on pas plus de garanties dans des curateurs institués au titre d'office, nommés par l'autorité publique, assujettis à verser un cautionnement, et soumis comme tous les officiers ministériels à la discipline de leur corps et à la surveillance du ministère public?- La majorité de votre commission, messieurs, n'a point accueilli la proposition de créer une classe nouvelle d'officiers publics pour l'administration des biens des faillis. Les faillites sont des accidents heureusement assez rares au moins dans les places de commerce de second ordre. Partout les petites faillites sont de beaucoup les plus nombreuses. Ces affaires ne suffiraient point pour occuper d'une manière assez avantageuse une classe spéciale d'officiers publics. Une corporation réduite à trouver un aliment dans ces affaires, qui sont un malheur pour tout le monde, serait environnée de défaveur, et par suite de cette défaveur elle ne serait peut-être pas assez honorablement composée. Le moindre inconvénient de cette création serait d'exclure de toutes les faillites une gestion gratuite, et de rendre l'administration trop dispendieuse, surtout pour les petites faillites.

14. Mais tout en écartant la pensée de cette institution, votre commission a recherché s'il ne serait pas possible d'introduire plus de simplicité, plus d'unité et d'esprit de suite dans l'administration de la faillite. On reproche généralement au code de commerce d'avoir trop multiplié les rouages en faisant succéder l'une à l'autre trois administrations distinctes. Les auteurs du code de commerce sont partis du principe que les biens du failli appartiennent à ses créanciers, et que si la gestion de ces biens peut, dans les premiers moments et lorsque les créanciers ne sont point encore réunis, être confiée à des agents nommés pas le tribunal, elle doit être remise ensuite à des mandataires de la masse, au moyen d'une délégation plus ou moins directe, selon qu'elle émane de créanciers simplement présumés, ou de créanciers vérifiés et unis. Déjà le projet actuel a remédié au plus grand inconvénient de ce système qui consistait à faire nommer les syndics provisoires sur une liste de candidats imposés au tribunal de commerce par une assemblée de créanciers non vérifiés, assemblée dont la composition incomplète et peu sûre offrait trop de prise à l'influence et aux manœuvres du failli. En ne donnant aux créanciers présumés que le droit de faire entendre au juge-commissaire leurs observations et leurs vœux, et en réservant au tribunal de commerce le choix entièrement libre des syndics provisoires, le projet de loi a introduit une grande amélioration. Votre commission a trouvé là le germe d'une amé lioration nouvelle.

15. D'après le système qu'elle vous propose d'adopter, le pouvoir de nommer, de remplacer ou de maintenir les syndics, depuis le commencement de la procédure de faillite jusqu'à sa fin, appartiendrait exclusivement au tribunal de commerce, et le renouvellement du syndicat ne serait que facultatif, il ne serait jamais forcé. Ce principe de permanence, qui maintiendrait dans l'administration de la faillite l'unité, l'esprit de suite, l'expérience acquise, serait toutefois combiné avec le droit qu'il faut laisser aux créanciers, de provoquer toutes les modifications désirables dans la composition du syndicat Non-seulement ce droit pourrait être exercé à toute époque par voie de réclamation et de plainte, mais la masse des créanciers serait, à deux époques décisives, appelée à faire entendre ses observations et ses vœux touchant le maintien ou le remplacement des syndics, savoir les créanciers présumés, quinze jours après le jugement déclaratif de la faillite, et les créanciers vérifiés, immédiatement après le rejet du concordat. L'influence des créanciers, particulièrement à cette dernière époque, sur la direction à donner aux affaires et sur le choix des hommes propres à imprimer cette direction, sera en fait toute-puissante auprès du juge-commissaire et du tribunal de commerce. Mais les changements dans le syndicat ne seront opérés qu'autant qu'ils seront réclamés par les créanciers d'après de justes motifs. Il n'y aura

:

pairs, le 16 avril, le projet fut adopté, sans amendement et sans

plus, comme aujourd'hui, des révolutions nécessaires, périodiques, à des époques fatales. Au lieu d'apercevoir le terme de leur gestion dans une phase rapprochée, les syndics auront la perspective de conserver leurs fonctions jusqu'à la fin, s'ils les exercent d'une manière satisfaisante. C'en est assez pour faire sentir les avantages de la permanence du syndicat combinée avec la faculté de le modifier, toutes les fois que l'intérêt de la masse l'exigera.

Cependant la minorité de votre commission a combattu ce système comme portant atteinte aux droits qui doivent appartenir aux créanciers après la vérification et l'union. Si la loi, a-t-on dit, dessaisit le failli, c'est pour saisir les créanciers de l'administration des biens qui sont pour eux un gage présumé insuffisant. Tant que les créanciers ne sont pas encore vérifiés, et jusqu'à ce que l'on ait vidé la question de savoir si le failli ne sera pas remis par un concordat à la tête de ses affaires, la saisine des créanciers demeure suspendue. Mais après la vérification des créances, et surtout après le rejet du concordat, on ne peut refuser aux créanciers le droit d'intervenir, par des mandataires de leur choix, dans la liquidation qui a pour objet leur payement, afin d'en tirer le meilleur parti possible. Les créanciers sont fondés à dire : nostra res agitur.

On a répondu à ces objections que, même après le rejet du concordat, la propriété des biens ne cesse point d'appartenir au failli, et ne passe point à ses créanciers. Aucun principe de droit ne conduit à les rendre maitres absolus de l'administration et de la liquidation. Au contraire, il ya, même après le rejet du concordat, des intérêts divers à ménager et à concilier. Outre l'intérêt des créanciers présents, il y a celui des créanciers absents, domiciliés à l'étranger; il y a aussi l'intérêt du failli. Sans doute, les créanciers présents, qui seront toujours les plus nombreux, doivent exercer une influence prépondérante. Mais s'il faut leur accorder une juste part d'influence, il ne faut point rendre leur volonté souveraine et indépendante de la justice, qui doit conserver assez de puissance pour protéger tous les intérêts. Il faut que les syndics, à toutes les époques de la faillite, relèvent du tribunal de commerce, et que, tenant de ce tribuleur nomination et leur maintien en fonctions, ils demeurent toujours placés dans sa dépendance.

16. En adoptant le système d'un syndicat permanent, votre commission D'a point entendu effacer les différences qui doivent continuer d'exister entre l'administration qui précède la délibération sur le concordat, et la liquidation qui suit le rejet de ce traité. Dans la première période, et lors que l'on ne sait pas encore si le failli ne sera point rétabli par un concordat à la tête de ses affaires, l'administration doit être bornée à des actes conservatoires et à des opérations nécessaires et urgentes. Elle ne comprend point le pouvoir d'aliéner les biens immobiliers. Toutefois, votre commission a cru devoir admettre une sorte de dérogation à cette règle, en établissant que le pouvoir de transiger accordé par le projet aux syndics provisoires pour les contestations relatives aux biens mobiliers, sera étendu, moyennant certaines précautions, aux contestations qui sont relatives à des droits et actions immobiliers. Les syndics ont, même pendant l'administration provisoire, le droit et le devoir de soutenir les contestations relatives à ces biens. Partout où le pouvoir de plaider existe, il est convenable, il est nécessaire de placer le pouvoir de transiger. Cette autorisation, accordée avant que l'on soit arrivé à la délibération du concordat, aura, pour éclairer et faciliter cette délibération, une utilité toute spéciale, puisqu'elle pourra servir à fixer et à constater les éléments incertains et litigieux de l'actif et du passif de la faillite. Toutefois, votre commission, en accordant à cette époque le pouvoir de transiger sur les droits immobiliers du failli, a cru devoir y mettre une restriction. Comme le failli ne peut être dépouillé de la propriété de ses immeubles, lorsque l'on ne sait pas encore s'il sera remis ou non par un concordat à la tête de ses affaires, l'opposition du failli suffira pour empêcher une transaction qu'il trouverait préjudiciable à ses droits.

De la vérification des créances.

17. De toutes les mesures qu'embrasse la première période de l'administration des syndics, les plus essentielles et les plus urgentes sont celles qui ont pour objet la vocation des créanciers et la vérification de leurs titres. Votre commission applaudit à toutes les modifications introduites pour båter ces préliminaires de la formation de l'assemblée qui devra délibérer sur la question vitale de savoir s'il y a lieu d'accorder un concordat au failli. Le projet de loi n'a pas seulement abrégé le délai général établi par le code de commerce pour la convocation des créanciers; il a supprimé la disposition qui, après l'expiration de ce délai, exigeait une nouvelle mise en demeure par jugement du tribunal et de nouvelles formalités pour en faire parvenir la connaissance aux créanciers. Votre commission a encore abrégé les délais établis par le projet, et les a précisés de manière à ne laisser aucun moyen de les éluder.

18. Toutefois ces délais doivent être nécessairement augmentés d'après le calcul des distances qui séparent le siége du tribunal de la faillite du domicile de chaque créancier. Cette augmentation de délai pour les créaneiers domiciliés hors du territoire continental de la France pourrait s'élendre jusqu'à une année. La formation de l'assemblée qui devra délibé

TOME XXIV.

discussion, le 14 mai 1838, par 107 voix contre 5, après un

rer sur la conclusion de la faillite serait ainsi retardée au delà de toute mesure par l'éloignement de quelques créanciers, si l'on n'avait imaginé, pour sortir d'embarras, un expédient hardi, mais justifié par son utilité.

19. Au moyen de la mise en réserve d'une portion de l'actif correspondante aux créances pour lesquelles les créanciers domiciliés hors du territoire continental de la France seront portés sur le bilan, le projet de loi autorise les créanciers domiciliés en France à passer outre après l'expiration des délais qui leur sont impartis, à la délibération du concordat, et aux autres opérations de la faillite. Si les créanciers absents perdent l'avantage de participer aux délibérations, le tribunal de commerce devra tenir compte de leurs intérêts, lorsqu'il sera appelé à statuer avec les pouvoirs étendus que lui confère l'art. 515 du projet, sur l'homologation du concordat. Au moyen de ces tempéraments, on peut, sans léser les intérêts des créanciers absents, satisfaire à l'intérêt général qui serait blessé par la prolongation de l'administration provisoire et par l'ajournement presque indéfini de la liquidation. Votre commission a hautement approuvé cette innovation importante, qui fait cesser la cause des plus longs retards dans les procédures de la faillite.

20. Il fallait aussi prévoir les retards, quelquefois suscités à dessein, qui résultent, dans l'état actuel, de la nécessité d'attendre que les procès élevés sur certaines créances aient parcouru tous les degrés de juridiction. Pour remédier, autant qu'il est possible, à cet inconvénient, le projet de loi confère au tribunal de commerce des pouvoirs nouveaux. Si la contestation élevée sur une créance n'est point en état de recevoir jugement définitif avant l'expiration des délais fixés pour les personnes domiciliées en France, le tribunal pourra ordonner, selon les circonstances, qu'il sera sursis ou passé outre à la convocation de l'assemblée pour la formation du concordat; et si le tribunal ordonne qu'il sera passé outre, il pourra décider que le créancier contesté sera admis dans les délibérations pour une somme que le même jugement déterminera.

21. Toutefois, si le tribunal de commerce, arbitre des opérations de la faillite, est toujours compétent pour statuer sur la question du sursis à la formation du concordat, l'appréciation de la question de savoir si le créancier contesté doit être admis et pour quelle somme, ne peut appartenir qu'au tribunal saisi de la contestation. Dans le cas où une créance donnerait lieu à une instruction criminelle ou correctionnelle, le tribunal de commerce pourrait également décider s'il sera sursis ou passé outre; mais dans ce cas, le créancier ue pourra prendre part aux opérations de la faillite pour aucune portion de sa créance, tant que les tribunaux compétents n'auront pas statué sur l'action publique qui tient le civil en état. 22. Il est important de faire remarquer que si le projet de loi, dans un intérêt de célérité, permet de passer outre aux opérations de la faillite, sans la participation de certains créanciers, il a, d'un autre côté, par une disposition plus équitable que celle du code, pourvu à la conservation des droits des retardataires dans les répartitions de l'actif. D'après l'art. 503 du projet, les créanciers qui ne se présenteront qu'aux dernières répartitions ouvertes après l'expiration des délais qui lui sont applicables, auront le droit de prélever sur l'actif non encore réparti, les dividendes afférents à leurs créances dans les premières répartitions. Cette disposition nouvelle répare une injustice contre laquelle on s'était avec raison élevé lors de la discussion du code de commerce.

Du concordat, de ses effets, de son annulation et de sa résolution 23. Les conditions établies par le code de commerce pour la formation du concordat n'ont pas été notablement changées par le projet qui vous est soumis. Toutefois, le projet a voulu favoriser cette conclusion de la faillite qui, dans l'alternative où les créanciers se trouvent placés, est ordinairement le parti le plus avantageux. Dirigée par la même intention, votre commission a approuvé la disposition nouvelle qui fait cesser l'exclusion prononcée par le code contre le failli condamné pour banqueroute simple. Que la faveur d'un concordat ne puisse jamais être accordée au banqueroutier frauduleux, l'ordre public l'exige, et l'intérêt des créanciers ne saurait en souffrir. Mais la même indignité doit-elle toujours résulter des actes d'imprudence qui peuvent constituer la banqueroute simple? Ne vaut-il pas mieux laisser aux créanciers et au tribunal de commerce à apprécier si la conduite du failli l'a rendu indigne de toute confiance? N'y avait-il pas de l'inconséquence à laisser au failli condamné pour banqueroute simple les avantages personnels de la cession des biens et de la réhabilitation, et à établir, d'un autre côté, l'interdiction de concorder qui retombe sur les créanciers?

24. Le concordat une fois homologué est obligatoire pour tous les créan ciers portés ou non portés au bilan, vérifiés ou non vérifiés. Il ne faut pas que la jurisprudence demeure plus longtemps incertaine sur les effets du concordat qui sont si importants pour sa stabilité. Admettez que les créanciers qui n'auront point participé aux opérations de la faillite demeurent en dehors du concordat, tous les calculs qui servent de base à ce traité seront faussés et son exécution deviendra impossible. La nécessité, ou du moins l'utilité générale a fait adopter un concordat : il devient pour tous une loi commune, devant laquelle doivent se taire les intérêts par

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rapport très-court présenté le 10 mai 1838 par M. Tripier, au

ticuliers. — Aussi, le principe de l'irrévocabilité du concordat ne reçoitil exception que dans le cas où l'intérêt de la masse a été lésé par le dol du failli. Ce cas est celui d'une banqueroute frauduleuse qui n'aurait été découverte que depuis l'homologation du concordat.

25. Le code de commerce ne s'expliquait pas et la jurisprudence était indécise sur la question de savoir si la condamnation pour banqueroute frauduleuse intervenue contre le failli depuis l'homologation du concordat, annule ce traité. Le projet de loi se prononce avec grande raison pour l'affirmative. D'après un amendement introduit par la chambre des pairs, les créanciers pourront également faire annuler le concordat pour cause de dol résultant, soit de la dissimulation de l'actif, soit de l'exagération du passif, si ce dol a été découvert depuis l'homologation du traité. Cet amendement ne fait que reconnaître aux créanciers le droit qui leur appartient de préférer à la voie de la plainte en banqueroute frauduleuse, l'exercice séparé de l'action civile. Hors ce cas d'exception, aucune action en nullité du concordat n'est recevable après son homologation. Ouvrir la lice à de pareilles attaques, ce serait autoriser la minorité dissidente à rénouveler le débat que le vote de la majorité et l'homologation du tribunal ont terminé. On a craint même qu'une poursuite en banqueroute simple ne fût un moyen indirect de faire tomber le concordat, et ne devint une arme dangereuse entre les mains d'un créancier qui pourrait, en menaçant de s'en servir, arracher au failli des avantages particuliers. Ces motifs ont dicté la disposition du projet qui décide qu'après l'homologation du concordat, aucune action en banqueroute simple ne pourra plus être intentée contre le failli. L'intérêt de la vindicte public, dans ce cas spécial, n'a pas paru assez grave pour l'emporter sur l'intérêt de la masse des eréanciers du failli.

26. Mais si le maintien du concordat importe aux créanciers, c'est à la condition qu'il recevra envers eux son exécution. Comme tout contrat synallagmatique, il est sujet à l'action résolutoire pour cause d'inexécution de ses conditions. Seulement, ainsi qu'on l'a remarqué avec raison, dans un concordat, chaque créancier ne forme pas une partie distincte et individuelle il n'y a que deux parties contractantes, d'un côté la majorité des créanciers, de l'autre le failli. La chambre des pairs a pensé que l'action en résolution d'un pareil contrat ne doit appartenir qu'à la majorité des créanciers tant en nombre qu'en somme. Votre commission ne s'est point dissimulé toute la difficulté que l'on éprouverait à retrouver et à réunir les membres épars de cette majorité dans un temps postérieur, peut-être de plusieurs années, à l'homologation du concordat; mais elle à été d'avis à la majorité que, la résolution du concordat étant indivisible comme son maintien, on ne peut laisser un créancier arbitre du sort de tous les autres, et lui accorder une action qui va changer la situation et les droits de la masse.

27. L'annulation du concordat pour cause de banqueroute, et sa résoIution pour cause d'inexécution, n'ont point les mêmes effets à l'égard des cautions qui sont intervenues pour le garantir. Dans le premier cas, la nullité de la convention principale entraîne celle du cautionnement. Mais dans le cas où le concordat est résolu pour cause d'inexécution, les cautions, qui se sont engagées dans la prévision de cette inexécution, peuvent-elles s'en faire un moyen de libération? N'aurait-on pas à craindre, dans ce cas, la collusion du débiteur avec ses cautions? Sont-elles en droit de se plaindre de la résolution du concordat, qui ne peut être prononcée qu'après les avoir mises en demeure, et qu'il dépend d'elles d'empêcher en payant la dette qu'elles ont garantie? Votre commission, messieurs, ne l'a pas pensé, et elle a donné son assentiment à la disposition du projet.

28. C'est dans l'intérêt des créanciers qui ont traité avec le failli, que les dispositions nouvelles du projet concernant l'annulation et la résolution du concordat, produiront les effets les plus importants. Dans l'état actuel, le principe de l'annulation et de la résolution du concordat, n'est point absolument contesté, mais on n'admet point son effet qui con siste à faire revivre la faillite. Les créanciers vis-à-vis desquels le concordat n'est point exécuté, n'ont d'autre ressource que de faire déclarer une seconde faillite. Il faut passer de nouveau par toutes les formes et subir toutes les lenteurs d'une procédure entière. Enfin les créanciers primitifs ne sont admis à figurer dans la nouvelle liquidation que pour le dividende promis par le concordat, et ce dividende soumis de nouveau à une réduction proportionnelle, finit par s'anéantir entièrement. Le projet de loi remédie à ces graves inconvénients. Il concilie avec les droits acquis, pendant la durée du concordat, à des créanciers nouveaux, les droits des créanciers primitifs, jusqu'à présent méconnus. En conservant les résultats de la première procédure de faillite, il épargne des procédures inutiles et frustratoires. Votre commission a donné son assentiment à ces heureuses innovations.

De l'union.

29. S'il n'intervient point de concordat, les créanciers seront de plein droit en état d'union. Tout en proposant de retirer aux créanciers la nomination directe des syndics, votre commission n'a point entendu détruire le régime de l'union. C'est dans l'intérêt commun des créanciers unis,

nom d'une commission composée de MM. de Belbeuf, le pré

c'est en leur nom que seront poursuivies la liquidation et la vente des biens du failli. Comme ces biens sont présumés insuffisants pour assurer leur payement, il ne pourra être disposé d'aucune somme à titre de secours pour le failli que de leur consentement. La gestion des syndics sera toujours soumise au contrôle des créanciers, qui seront convoqués au moins une fois par an pour entendre leur compte et donner leur avis sur leur maintien ou leur remplacement. Votre commission à même conservé aux créanciers unis le droit extraordinaire de donner mandat aux syndics pour continuer l'exploitation de l'actif. Ce mandal sort, il faut l'avouer, du cercle des opérations de la liquidation qui est l'objet de l'union. Mais comme la vente précipitée d'une usine, d'un fonds de commerce, pourrait avoir pour résultat de réduire infiniment sa valeur, il a semblé nécessaire de conserver aux créanciers le droit de faire continuer l'exploitation jusqu'au moment où la vente sera devenue opportune. Ce droit, au moyen des précautions dont son exercice est environné, paraît avoir plus d'avantages que d'inconvénients.

30. Le code de commerce n'avait point réglé la fin de l'union, surtout en ce qui concerne le sort du failli. Le projet de loi a comblé cette lacune. Suivant ses dispositions, le tribunal, après un avis des créanciers et sur le rapport du juge-commissaire, prononcera si le failli est ou non excusable. Le failli déclaré excusable demeurera affranchi de la contrainte par corps à l'égard des créanciers de sa faillite, et ne pourra plus être poursuivi par eux que sur ses biens.

31. Ces dispositions permettent de supprimer, à l'égard des débiteurs commerçants, le bénéfice de cession de biens, qui n'avait d'utilité réelle que sous le régime de l'union, en l'absence de toute disposition protectrice du sort du failli. La demande d'admission au bénéfice de cession de biens qui, dans tous les autres cas, ne servait qu'à éluder les règles spéciales établies contre le failli, avait, en outre, l'inconvénient de rendre juge de sa moralité un tribunal civil étranger à l'ensemble des circonstances de la faillite, et dépourvu des renseignements nécessaires pour le mettre à portée d'apprécier son caractère.

De la clôture en cas d'insuffisance de l'actif.

32. D'après la législation existante, toute procédure de faillite doit conduire à l'une ou l'autre de ces deux issues, le concordat ou le régime de l'union. Mais en fait il arrive souvent que, sans aller jusque-là, le cours des opérations de la faillite se trouve arrêté par insuffisance de l'actif. Cet état anormal se prolonge, et la faillite, qui n'offre d'intérêt pour personne, reste oubliée jusqu'au moment où le failli, qui s'est livré à do nouvelles opérations de commerce, vient exhumer le jugement déclaratif de faillite, pour s'en faire un rempart contre la contrainte par corps. Il y a même des faillis qui spéculent sur cette position équivoque. Il importe de faire cesser cet abus. On ne peut admettre qu'une procédure sans résultat pour les créanciers s'éternise devant le tribunal de commerce. Le projet de loi met fin à cet état irrégulier, en établissant que le tribunal pourra, sur le rapport du juge- commissaire, prononcer, même d'office, la clôture des opérations de la faillite. Ce jugement fera rentrer chaque créancier dans l'exercice de ses actions individuelles, même contro la personne du failli. Celui qui a laissé se consommer cet anéantissement total de son actif avant de déclarer sa faillite, mérite bien peu de faveur, et s'il a conservé quelques ressources ignorées, il aura intérêt à les faire servir à la reprise des opérations de la faillite.

Des différentes espèces de créanciers, des droits des femmes,
de la revendication.

33. Après avoir dirigé la marche de la faillite dans toutes ses phases, le projet de loi s'occupe de régler les droits des différentes espèces de créanciers. Votre commission a donné son assentiment à toutes les modifications introduites dans cette partie de la loi. Elle a remarqué avec satisfaction que les droits des femmes des faillis, trop méconnus par le code de commerce, ont été réglés d'une manière plus équitable, sans que l'on ait sacrifié les précautions nécessaires pour empêcher que l'actif des faillis puisse être soustrait à leurs créanciers.

34. Le commerce doit applaudir à la disposition qui supprime, en cas de faillite, le privilége et le droit de revendication attribués par l'art. 2102 c. civ. au vendeur d'effets mobiliers. Dans les relations commerciales, la confiance des tiers se mesure sur l'actif apparent qui consiste le plus souvent dans les biens mobiliers du débiteur. Cette confiance serait trompée, si l'exercice d'une revendication imprévue ou d'un privilége occulte, tel que celui du vendeur d'un fonds de commerce, venait tout à coup absorber un actif que les créanciers étaient fondés à considérer comme leur gage. 35. A la différence de la revendication civile, la revendication établie par le code de commerce s'arrête lorsque la marchandise vendue est enirée dans le magasin du failli. La revendication limitée comme elle l'est par le code de commerce doit-elle être maintenue? Pour résoudre sainement cette question, il faut moins s'attacher aux principes abstraits du droit et à leurs déductions rigoureuses qu'aux raisons d'utilité pratique et aux habitudes invétérées chez les commerçants. Des alarmes ont été manifestées par eux lorsque dans son projet primitif, présenté en 1834, le

sident Boyer, Davillier, Félix Faure, Gautier, Siméon, Tripier. Il est devenu la loi du 28 mai 1838, promulguée le 5 mai de la

même année (1). Cette loi, qui formé actuellement le livre 3 c. com., contient le même nombre d'articles que le livre 3 du code

Cet amendement a été présenté comme la conséquence naturelle de la disposition du projet qui autorise les créanciers d'une société en faillite a distinguer entre les associés celui qui aura été malheureux et de bonne foi, et à décharger cet associé de toute solidarité en lui accordant un traité particulier qui ne profitera point à ses coassociés. Si l'on envisage, sous le rapport moral, la position de cet associé concordataire, on est forcé de reconnaitre qu'il est excusable et susceptible d'être réhabilité. Sous le point de vue du droit civil, on est encore forcé de reconnaître qu'il est dégagé de la solidarité par la remise que lui en ont faite les créanciers. En

gouvernement a proposé la suppression entière du droit de revendication. On a craint qu'un débiteur sentant les approches de sa faillite et voulant grossir son actif afin d'obtenir un concordat, né fit par correspondance des achats considérables dans des villes éloignées, et n'enrichit ses créanciers aux dépens des vendeurs privés du droit de revendication. Ces craintes méritent d'être prises en grande considération. L'opinion favorable que les négociants ont d'une garantie suffit pour en faire un élément de crédit qu'il importe de ménager. Déterminé par ces motifs, le gouvernement s'est prononcé pour le maintien de la revendication dans le projet qui vous est soumis. Déjà les deux chambres ont exprimé la même opi-payant sa part sociale il paye toute sa dette. Lui accorder à ce prix sa nion; votre commission croit dévoir s'y ranger.

De la vente des immeubles du failli.

36. Votre commission à regretté, messieurs, que le gouvernement, qui a mis tous ses soins à rendre plus simples, plus rapides et plus éc nomiques tes procédures de la faillite, n'ait point étendu ce bienfait aux formalités qui sont relatives à la vente des immeubles du failli. Profondément convaincue de la nécessité de réformer cette partie de la législation, votre commission aurait elle-même entrepris d'y travailler, si elle n'avait été arrêtée par la réflexion que cette réforme doit faire partie d'un travail d'ensemble qui porterait sur toutes les ventes judiciaires d'immeubles. Mais elle m'a chargé de vous exprimer de la manière la plus énergique le vœu de cette réforme : elle espère que la chambre voudra bien s'y associer, et presser le gouvernement de répondre enfin aux réclamations des justiciables et aux besoins du pays, en présentant aux chambres un projet de loi sur les ventes judiciaires d'immeubles.

Des banqueroutes.

37. La partie du projet qui concerne les banqueroutes nous a paru présenter une distribution des cas de banqueroute simple et de ceux de banqueroute frauduleuse plus complète et plus équitable que celle du code. Mais votre commission a surtout applaudi aux dispositions nouvelles, qui mettent à la charge du trésor les frais de poursuite criminelle ou correcfionnelle, lorsqu'il y a condamnation. Ces frais, d'après la législation actuelle, tombent à la charge de l'actif du failli. Il résulte de cet état de choses que les créanciers et leurs syndics, qui possèdent les renseignements les plus propres à éclairer la justice, dissimulent trop souvent la vérité pour éviter une condamnation qui ferait retomber les frais sur la masse. Grâce aux dispositions généreuses du projet, cette opposition fåcheuse entre l'intérêt de la vindicte publique et celui de la masse des créanciers cessera d'exister désormais.

38. Un chapitre du projet, entièrement nouveau, a pour objet la répression des crimes et délits commis dans les faillites par d'autres personnes que les faillis. L'intérêt de la morale publique et celui des créanciers honnêtes réclamaient depuis longtemps contre l'impunité accordée aux traités par lesquels un créancier vend au failli, pour l'aider à tromper la masse, une adhésion mensongère au concordat, dont il ne subira point la loi. En alteignant cet abus, le projet de loi contribuera, nous l'espérons, à guérir la plaie la plus honteuse des faillites.

De la réhabilitation..

39. Après les sanctions pénales destinées à réprimer les actes qui donDent un caractère plus ou moins criminel à la faillite, la loi place, en dernier lieu, la sanction rémunératoire destinée à encourager les efforts et les sacrifices au prix desquels le commerçant failli cherche à se relever de cet état de déchéance, et à rentrer en possession de tous ses droits, de toute sa bonne renommée. L'état du failli peut être modifié par le concordat, et même, en cas d'union, par la declaration d'excusabilité qui affranchissent le failli de la contrainte par corps; mais il ne peut être entièrement effacé que par la réhabilition, qui seule fait cesser, pour le failli, les incapacités politiques et l'interdiction de quelques-uns des droits des commerçants. Cette institution agit par le mobile de l'honneur : les avantages qu'elle offre en perspective sont d'une nature toute morale et tirent de l'opinion une grande valeur, parce que l'opinion tient compte des efforts et des sacrifices faits pour les obtenir. Il ne faut point risquer de faire perdre à la réhabilitation ce caractère et ce haut prix en cherchant à la rendre plus facile, comme on est toujours tenté de le faire. Aussi le projet de loi n'a-t-il point introduit de graves changements en celle matière. Seulement, il autorise à reproduire, après l'intervalle d'une année, la demande en réhabilitation rejetée une première fois. Il permet aussi, par un article nouveau, de faire réhabiliter la mémoire du failli décédé. Ce sont là des dispositions conformes au principe de la réhabilita tion, et qui l'étendent et la développent sans altérer son caractère.

Un amendement beaucoup plus grave, qui avait été déjà proposé à la chambre des députés en 1835, a été l'objet d'un examen sérieux dans le sein de votre commission. On a demandé que l'associé d'une maison de commerce tombée en faillite, auquel un concordat particulier aura été accordé conformément à l'art. 531 du projet, puisse obtenir sa réhabilitation, en justifiant du payement de sa part proportionnelle dans la dette sociale.

réhabilitation, c'est réellement servir l'intérêt des créanciers envers lesquels il peut, avec du travail, parvenir à s'acquitter. Mais si vous lo soumettez à la condition impossible d'acquitter intégralement toutes les dettes de la société, vous le jetez dans un profond découragement qui paralyse tous ses efforts.

40. On a répondu que la remise faite à l'associé concordataire étant, comme toute remise faite par un concordat, l'œuvre de la nécessité plutôt que de la volonté des créanciers, ne détruit que le lien de droit civil, et laisse subsister, à titre d'obligation naturelle, la dette originaire dans toute son étendue. Or, la dette sociale est la dette personnelle de chaque associé c'est le payement intégral de cette dette qui lui est imposée par l'honneur, par la conscience, s'il acquiert les moyens de s'acquitter. Lui accorder, sans qu'il ait payé cette dette tout entière, le bénéfice de la réhabilitation, c'est se départir des conditions qui font le mérite et l'honneur de cette institution. Les créanciers de la société pourraient dire : Cet homme a été réhabilité, et cependant il m'a fait perdre la moitié, les trois quarts de ma créance. Il y aurait ainsi deux sortes de réhabilitations dont P'une laisserait subsister dans l'opinion une partie de la tache originelle que la réhabilitation doit complétement effacer. Ces considérations ont déterminé votre commission à ne point vous proposer l'amendement dont il s'agit.

41. Nous avons, messieurs, parcouru dans toutes ses parties le projet soumis à vos délibérations. Quelle que soit l'insuffisance de cet examen, nous espérons qu'il pourra vous convaincre de la supériorité du projet sur la législation existante et de son utilité pratique pour le commerce. Depuis 1834, ce projet a été soumis à plusieurs remaniements qui l'ont successivement amélioré: il n'est plus l'œuvre du gouvernement seul, il est celle des deux chambres qui ont concouru à le perfectionner. Ces travaux préparatoires, ces discussions multipliées doivent enfin porter leurs fruits. Vous ne voudrez pas tarder plus longtemps à faire jouir le commerce des avantages de cette législation nouvelle que ses réclamations ont provoquée et qui répond à ses besoins.

(1) Code de commerce, liv. 3. Des faillites et banqueroutes. (Loi des 28 mai-8 juin 1838. - « Le liv. 3 c. com., sur les faillites ét banqueroutes, ainsi que les art. 69 et 633 du même code, seront remplacés par les dispositions suivantes. Néanmoins les faillites déclarées antérieurement à la promulgation de la présente loi continueront à être régies par les anciennes dispositions du code de commerce, sauf en ce qui concerne la réhabilitation et l'application des art. 527 et 528. ») TIT. 1. DE LA FAILLITE.

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DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

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437. Tout commerçant qui cesse ses payements est en état de faillite. La faillite d'un commerçant peut être déclarée après son décès, lorsqu'il est mort en état de cessation de payements. La déclaration de la faillite ne pourra être soit prononcée d'office, soit demandée par les créanciers, que dans l'année qui suivra le décès. V. Rapp. no 43. CHAP. 1. De la déclaration de faillite et de ses effets. 438. Tout failli sera tenu, dans les trois jours de la cessation de ses payements, d'en faire la déclaration au greffe du tribunal de commerce de son domicile. Le jour de la cessation de payement sera compris dans les trois jours. - En cas de faillite d'une société en nom collectif, la déclaration contiendra le nom et l'indication du domicile de chacun des associés solidaires. Elle sera faite au greffe du tribunal dans le ressort duquel se trouve le siége du principal établissement de la société.-V. n°7. 439. La déclaration du failli devra être accompagnée du dépôt du bilan, ou contenir l'indication des motifs qui empêcheraient le failli de le déposer. Le bilan contiendra l'énumération et l'évaluation de tous les biens mobiliers et immobiliers du débiteur, l'état des dettes actives et passives, le tableau des profits et pertes, le tableau des dépenses; il devra être certifié véritable, daté et signé par le débiteur.

440. La faillite est déclarée par jugement du tribunal de commerce, rendu, soit sur la déclaration du sailli, soit à la requête d'un ou de plusieurs créanciers, soit d'office. Ce jugement sera exécutoire provisoirement.

441. Par le jugement déclaratif de la faillite, ou par jugement ultérieur rendu sur le rapport du juge-commissaire, le tribunal déterminera, soit d'office, soit sur la poursuite de toute partie intéressée, l'époque à laquelle a eu lieu la cessation de payements. A défaut de détermination spéciale, la

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