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HISTOIRE

DE

NADER CHAH.

LIVRE VI.

Depuis le Retour de Nader Chah de fon Expédition des Indes jufqu'à fa Mort; & les courts Règnes de fes Neveux, & de fon petit Fils.

CHAPITREL.

Événemens de l'Année du Singe, répondant à celle de l'Hégire 1152.

Nad. 52.

LE rayonnant monarque du monde, le grand A. D.1739. luminaire, s'affit penché fur fon trône du Belier, le Vendredi vingt-un de Zou'lheggé en l'année mil cent cinquante-deux.

Alors le roffignol, qui dans fes tristes chants avoit déploré la perte de fes afiles fleuris, ranima fes notes mélodieufes, & fit réfonner de

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A.D. 1739 nouveau les bois qu'il habitoit. La plaintive tourterelle, après avoir long-temps gémi de voir défolée fa demeure chérie des jardins, déploya avec joie fon cou ondoyé & son éclatant plumage. Le Zéphyr meffager du printemps, arriva devant le palais des jardins, chargé du doux préfent d'une rofée odoriférante; & la rose, semblable à un roi couronné de rubis, s'appuya fur fa tige verdoyante comme fur un trône d'émeraudes. Le mois de Ferourdin, avec le pouvoir de Feridoun, prépara dans le jardin de roses la fête de la nature renaissante. Le bouton de rofe, comme un glorieux Prince, reçut les troupes du printemps dans fa citadelle, admettant leur hommage & leur jufte tribut. Les prés furent enrichis des rofes & des tulipes, comme l'eft une boutique opulente, ornée de pièces d'or. Les régions des jardins furent mises en fujétion par les fleurs victorieufes comme les Perfans. Les Tartares du mois de Deï, qui avoient faccagé les parterres, cachèrent leurs têtes vaincues; les Ouzbegs des boutons inférieurs s'emprefsèrent à fervir la Sultane rofe. Les Turcs des arbuftes & des plantes tournèrent le vifage de la foumiffion vers la cour de la faifon nouvelle.

Depuis que les glorieux rayons du règne de Nader Chah avoient illuminé le monde, fa

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Majefté avoit toujours réduit à l'obéiffance A.D. 1739. ceux qui s'étoient révoltés contre elle; elle avoit auffi toujours accepté leur repentance, & les avoit rétablis dans leurs dignités.

En conféquence de cette générofité, lorsque Khodaïar eut été lié des chaînes du fort, ce monarque, dont la miféricorde s'étendoit fur amis & fur ennemis, divifa en trois parties les provinces de Sind & de Tahta; il donna Tahta & quelques territoires de Sind à Khodaïar, le nommant Chah Kuli Khan : les parties de Sind confinant au Balougeftan furent le partage de Mohebbet Khan, gouverneur de cette province: le gouvernement de Chekaripour, avec la partie haute de Sind, devint celui des Khans de Daoüdpoutré; après ces difpofitions fa Majefté honora ces gouverneurs de magnifiques robes, & de fa bienveillance.

Heiatalla Khan, fils de Zekaria Khan, qui avoit fuivi fa Majefté dans fon expédition de Chahgehanabad, avoit été invefti du gouvernement de Moltan; il fut choifi pour l'accompagner encore: quand les troupes royales quittèrent Amercout, Zekaria fe rendit à la cour, & eut l'honneur de baiser le tapis à jamais fortuné.

Après que le père & le fils eurent présenté leurs requêtes, & reçu plufieurs marques d'honneur, avec les plus fortes injonctions de

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A.D. 1739. se soumettre à Mohammed Chah, ils furent congédiés; Heitalla ayant eu le titre de Chahnovaz Khan.

En ce lieu Nader Chah reçut un message de la part de Mohammed Taki Khan, gouverneur de Fars, qui portoit, que, comme il lui avoit été difficile de paffer par Sind, il s'étoit rendu à Kitche & à Mecran; que, Melek Dinar, qui gouvernoit ces diftricts, s'étant oppofé à lui, il avoit envoyé un détachement qui l'avoit mis en déroute, & fait rentrer dans don devoir; que, craignant enfuite de laiffer écouler la faifon favorable, il avoit envoyé quelques troupes par mer à Bender Abbaffi, & étoit demeuré lui-même en Kitche & en Mecran.

Sur ce rapport, fa Majefté manda au gouverneur de Fars de fe rendre le plus promptement qu'il feroit poffible à la cour, après avoir congédié fes troupes; puifque les affaires de Sind en étoit venues à une conclufion : elle demeura elle-même plufieurs jours dans ces cantons pour y mettre l'ordre néceffaire.

Quoique ce puiffant roi tînt les clefs du jardin de l'univers, il ne fe permettoit pas de fe raffafier des doux fruits des plaisirs, ni de parcourir les bofquets des délices. Cependant, il se plut particulièrement à deux choses. La première fut à une forte de melons, qui

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