Nad. 56. A.D. 1743. préfens cent & une chaines d'éléphans, grands comme des montagnes : le tout fut confié à Mirza Mohaffen Nichapouri neveu de Saádet Khan; il renvoya avec ces deux ambassadeurs les muficiens & les danfeurs, qu'il avoit aménés de Chahgehanabad pour enfeigner aux Perfans la mufique & la danfe des Indiens. Sa Majefté, ayant résolu d'établir fes quartiers d'hiver aux environs de Bagdad, donna ordre que l'on transportât les provisions au lieu qu'elle avoit fixé pour fon camp; & les bannières s'avancèrent par la voie de Chehri zour vers le château de Tchalan. Khaled Pacha, gouverneur de Baban & de Chehrizour, s'enfuit; mais Selim Beg, fon coufin, accompagné de plufieurs chefs des Kiurdes, fe rendit à la cour impériale; il y fut honoré du titre de Khan, & nommé au gouvernement de ce pays. Tous ces territoires fe rendirent au grand conquérant, qui enfuite fit marcher l'armée vers Kercouk, lieu 26 Juillet. qui, le quatorze de Giumadi'lakhri, fut embelli par les fuperbes tentes. Les habitans de cette place, déçus par leur confiance en fes fortifications, fermèrent le fentier de l'obéiffance, & ouvrirent celui de l'oppofition. Sa Majefté, qui avoit fait prendre les devans à fon artillerie, fut obligée de demeurer quelques jours dans l'inaction à Nad. 56. l'attendre; mais lorsqu'elle fut arrivée, elle fit A.D. 1743. bombarder le château de quatre côtés, & fit jouer fes canons & fes mortiers contre les murs, depuis le matin jusqu'au foir. L Alors les flammes de la calamité, comme un jugement du ciel, defcendirent fur la garnifon, qui ne pouvant plus fupporter l'ardeur cuifante de ces feux, demanda grâce le Mardi, vingt-un du même mois. Sa clémente Ma- 2 Août. jefté accepta leurs offres de foumiffion, & revêtit leurs chefs des robes de grâce & de bonté; dans le même temps elle envoya un détachement pour s'affurer du château d'Ardebil, une des plus folides fortereffes de ces contrées, mais qui ne tint point contre le Héros victorieux. CHAPITRE IX. Le Monarque avec un Caur auffi copieux que la Mer marche contre Mouffel, & l'affiége. NADER Chah n'ignoroit pas que le gouverneur de Bagdad avoit envoyé à Conftantinople Mohammed Aga, auquel il avoit ordonné de A.D. 1743 représenter l'état des affaires, & le befoin de Nad. 56. traiter de la paix. En conféquence il fe détermina à ne point paffer Kercouk. Ce fut en ce lieu qu'il reçut la déclaration de l'empereur Ottoman, faite d'après la décision du Mufti & des illuftres Effendis; elle portoit ༥༤ Qu'il étoit permis de tuer, & de prendre pri"fonniers les peuples de l'Iran, & que la nouA velle fecte étoit contraire à la vraie croyance." -Les miniftres de la Porte envoyèrent ce fetva, ou cette décifion, par Abdalla Effendi, ils l'adrefsèrent à Huffein Pacha, gouverneur de Mouffel, auquel on envoya pour renfort, Huffein, gouverneur d'Alep, plusieurs autres Pachas, & de bonnes troupes, D'après cette conduite sa Majefté ne balança 24 Août. plus dans fes réfolutions; le quatorze de Regeb, fes étendards s'avancèrent vers Mouf2 Septem- fel, &, le vingt-trois du même mois, l'armée bre. 4 Septembre. royale arriva à quatre parafanges de cette capitale. Koutche Pacha, gouverneur de Couï, étoit dans la garnifon; il éperonna le courfier de la hardieffe, & à la tête d'une compagnie de foldats Turcs, il tomba fur l'avant-garde de l'armée Perfane, mais il fut repouffé & battu plufieurs des fiens demeurèrent fur le carreau & le refte fut obligé de se retirer dans la place. Le vingt-cinq les tentes furent dreffées à Nad. 56. une demi-parafange de Mouffel, près du AD. 1743. tombeau d'Younes Ebn Mati (à qui Dieu faffe paix!) А D'abord deux ou trois favans de Mouffel vinrent à la glorieufe cour, dans le deffein d'entamer une négociation pour tâcher d'amener les chofes à un accommodement : mais les Pachas n'approuvant point cette démarche, & perfiftant dans l'intention de défendre la ville, fa Majesté se prépara à l'affiéger. Elle fit bâtir un pont, femblable à la voie lactée, fur la rivière de Mouffel, que l'artillerie & les vaillans moufquetaircs pafsèrent auffitôt: fans perdre de temps, on éleva des batteries, & l'on creufa des mines. bre. Quand les lignes de circonvallation, les- 17 Septemquelles entouroient la ville, comme un océan de feu, furent finies, un Vendredi, huitième de Chaaban, pendant la nuit, les canons & les mortiers commencèrent à tirer fur la garnifon, & à lui faire craindre l'approche du jour du jugement: les boulets & les bombes confumoient jufqu'aux ames, & ébranloient les fondemens des édifices. Ces flammes ravageantes ayant continué. pendant plufieurs jours, les Pachas virent qu'il n'y avoit aucun moyen d'éluder les volontés de l'invincible Nader, & qu'il falloit confentir à l'exécution de fes deffeins. Ils Nad. 56. A.D. 1743. envoyèrent donc leurs Effendis & leurs of ficiers à l'augufte camp, avec des chevaux Arabes & autres préfens, propofant d'envoyer à la Porte pour conclure la paix entre les deux empires de la manière qui feroit la plus agréable à fa facrée Majefté. Le généreux conquérant, dont le plus grand défir étoit d'éteindre le feu de la guerre, & d'établir une bonne paix, accepta cette propofition, & revêtit ceux qui la faifoient du manteau de la fureté. Les Pachas choifirent pour cette députation le * Kazi & le Mufti de Mouffel, ainfi que plufieurs commandans Turcs, afin que cette grande affaire fût traitée avec plus de poids & de fuccès à Conftantinople. Cependant, Mohammed Aga, envoyé pour le même fujet par Ahmed Pacha, étant revenu de fon meffage, rapporta que l'Empereur Ottoman lui avoit déclaré de fa propre bouche, Qu'il ne croyoit pas que l'amitié & l'amour "fraternel que Nader Chah profeffoit pour "lui, euffent pu lui permettre de paffer les "bornes de leurs réciproques dominations; qu'il auroit dû traiter de fes demandes fur "les frontières des deux empires, afin d'amener le traité à une parfaite & folide con * Cadi. |