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A. D. 1741. Alors un meffager arriva de la part des com

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mandans envoyés à Giar & à Tellé ; il informa fa Majefté que les ferres de la fortune & le puiffant bras de la profpérité avoient totalement châtié les tribus rebelles, & leur avoient ouvert les portes de la deftruction.

Ces rebelles, comme il a été déjà dit, étoient les Lekzies de Giar & Tellé, notés par leurs révoltes & leurs féditions; ils occupoient le côté du midi du mont Alborz, une des plus fameufes montagnes du monde, & dont le fommet frappoit le firmament. Les commandans, envoyés contre eux, étoient arrivés le 10 Février. quinze de Zou'lheggé fur les bords de la rivière Kanik; à leur approche les Lekzies avoient fortifié trois places, Giar, Giarouk, & Agzifer; ils avoient mis dans chacune une garnifon affez confidérable, non feulement pour s'oppofer aux Perfans, mais auffi pour pouvoir efpérer de les battre.

Les troupes royales avoient d'abord attaqué Giar, & rendu compagnons de la mort plufieurs foldats ennemis; les autres avoient abandonné le fort, & s'étoient retirés à Giarouk. Là, après de perpétuelles efcarmouches pendant plufieurs jours, où un grand nombre. des Lekzies périrent, ces malheureux furent contraints à gagner leur troisième refuge, fitué fur la cime de la montagne,

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d

Cette place, prefque inacceffible par la quan- A.D. 1741. tité de bois & d'arbres qui l'entouroient, avoit un paffage très-difficile nommé la gorge d'Agzifer, où le foleil voyageur pouvoit à peine monter, & où le léger courfier de la lune ne pouvoit paffer.

Ce fut pourtant de ce côté que les Abdalis avoient demandé à commencer l'attaque avant l'arrivée du corps de l'armée, & qu'ils avoient combattu depuis le matin jufqu'au foir aux dépens de la vie de plufieurs des deux partis. A minuit les foldats, foutenus d'un courage indompté, avoient commencé d'efcalader les murailles, ainsi qu'une prière exaucée monte à la demeure des cieux. Les Lekzies, fans perdre de temps, faifoient rouler de groffes pierres fur les affiégeans, & laiffoient tomber fur eux une pluie de flèches & de balles, fans pouvoir faire reculer les courageux héros & les empêcher de gagner terrain.

Quoique cent Abdalis euffent été ou tués bleffés, néanmoins, avec l'aide de la Providence, ils avoient pris le fort; & les vaincus, voyant toute issue fermée pour eux du côté du nord de la montagne, s'étoient en grand nombre précipités du haut des monts dans la caverne du néant. Enfin tous ces malheureux avoient été ou maffacrés, ou faits captifs; leurs ha

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A.D. 1741. bitations, leurs places fortes avoient fubi la violence du vainqueur, & avoient été rasées jufques dans leurs fondemens, de manière nulle trace d'eux n'étoit restée.

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que

En récompenfe d'une telle victoire, fa Majesté envoya deux cents mille roupies, & des robes fplendides, pour être diftribuées aux officiers & aux foldats de cette heureuse armée, accompagnant ces dons d'une lettre remplie

de bonté.

Quelques jours après les mêmes commandans firent favoir à fa Majefté, qu'ils avoient auffi battu les Lekzies de Tellé; qu'après les avoir poursuivis jusqu'à la rivière Semour, ils en avoient fait un grand carnage dans un lieu nommé Kaffour, rendant captives leurs familles, & nettoyant les plaines de Giar & de Tellé de cette féditieufe tribu; mais qu'enfin, à leur retour, par l'ordre du deftin, deux cents Perfans avoient péri dans les neiges.

Après toutes ces nouvelles, l'armée royale quitta les bords du Kerkan, &, passant par les dehors d'Aftrabad, arriva à Echeref, lieu agréable, où elle fe repofa pendant trois jours, & poursuivant fon deffein, elle continua fa marche par la voie de Sovad.

Dans le nombre des événemens remarquables de cette année fut le danger que fa Ma

jefté courut en Mazenderan, dont les pro- A.D. 1741. vinces fortifiées fous les anciens rois confif

toient en bois & en épaiffes forêts.

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Un Dimanche, vingt-huitième du mois 3 Mai. Sefer, lorfque la conjonction de Mars & du foleil eut fuccédé à celle des deux planètes de mauvais augure, Nader avec fon Haram, fa fuite, & une compagnie de ses gardes, ayant paffé le Pel Sepid, ou Pont blanc, se trouva dans le district de Sovadkouk entre Zirab & Pehigian, près du château d'Olad, place dont fait mention le poëme héroïque Chahnamé. En ce lieu un miférable, s'étant mis en embuscade derrière un arbre, à vingt pas de distance, prit l'invincible Sultan pour le but de fon moufquet.

La Providence divine préferva la vie du héros; mais la balle rafant fon bras droit y fit une légère bleffure d'environ un pouce de largeur, &, paffant fur fa main, alla frapper fon cheval à la tête, lequel s'abattit auffitôt. Le prince Riza Kuli Mirza, & les gardes de fa Majefté, confondus d'un tel accident, fe hâtèrent de courir après le traître, mais il leur échappa à travers les bois, & ils perdirent fes traces dans l'épaiffeur de la forêt. Ainfi les foins de l'Eternel repouffoient avec le bouclier de fa merci les traits du danger lancés contre ce conquérant ; ainfi ils détournoient les

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A.D. 1741. bouffées de vent qui fouffloient contre la lampe illuminatrice du monde, vérifiant ce que dit le livre facré, "Ils défiroient d'éteindre "avec leur fouffle la lampe de Dieu, mais "Dieu a rendu fa lumière parfaite."

Mai.

Août.

Pour en revenir à notre narration; quand l'armée fut parvenue en Tehran, Riza Kuli Mirza eut ordre d'y établir fes quartiers d'été & de réfider dans cette province, dont les revenus lui furent destinés. Vers le milieu de Rabiu❜lavel les troupes royales arrivèrent à Kazvin, où ayant féjourné quinze jours, elles fe mirent en marche pour Kebla par la route de Keratchédague & Berdá, & de là allèrent en avant par Chadaghi. Sur la route, les chefs des tribus des Lekzies, qui s'étoient retirés fur la pointe des rochers d'Alborz, & dans les lieux inacceffibles du Dagheftan, vinrent au camp, & eurent l'honneur de baifer le marchepied du trône de fa Majesté; ils promirent obéiffance, fervice, & tribut.

Dans le commencement de Giumadi'lakhri les tentes furent fixées aux extrémités du Dagheftan, où fa Majefté apprit les défordres arrivés en Kharezme, & le meurtre de Taher Khan, prince de ce pays, dont voici le détail.

Quand l'armée étoit en Kharezme, une bande d'Ouzbegs & d'Araliens obftinés, qui en habitoient la partie feptentrionale, confinant

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