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"Ses qualités naturelles reviendront toujours, "& après tant de foins il ne portera que "des fruits amers.

"Placez fous le célefte paon l'œuf d'un cor"beau formé dans les ténèbres ;

"Quand il fera éclos, donnez au petit des grains de figues produites par le figuier

"d'Eden;

"Faites-lui boire de l'eau de Salfebil, & que l'ange Gabriel souffle fur lui:

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"Vous n'en perdrez pas moins vos peines, & "de l'œuf d'un corbeau vous n'aurez qu'un "corbeau.

"Mettez une jeune vipère fur une couche de "rofes; nourriffez-la des gouttes qui dé"coulent de la fontaine de vie;

"Elle ne s'adoucira pourtant jamais, & vous "infectera de fon venin.

"Prenez un hibou dans la forêt, placez-le "dans les réduits charmans de votre jardin,

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laiffez-le pendant la nuit perché sur les "rofiers, & fe récréer parmi les hyacinthes; Quand le jour déploîra fes rayonnantes ailes,

il étendra les fiennes pour retourner à fa "native forêt.

"Confidérez ces paroles de notre prophète; chaque chofe retourne à fa fource.

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"Paffez par la boutique d'un parfumeur, votre

"vefte prendra l'odeur de l'ambre-gris.

"Traversez la forge d'un forgeron, & la va

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peur du charbon fouillera votre manteau. "Ne vous étonnez donc point des mauvaises "actions qu'un méchant homme commet; "la nuit peut-elle changer fa couleur ? "N'attendez aucune libéralité d'une ame baffe:

"le vifage d'un Ethiopien peut-il devenir "blanc?

"Il vaudroit mieux jeter de la pouffière dans "ses propres yeux que de louer un roi

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"Oroi! fi tu avois été noble & généreux, fi 66 tu avois marché dans le fentier de la

vertu ;

"Tu n'aurois point ainfi renversé ma fortune, "tu m'aurois regardé d'un œil différent. "O roi Mahmud! deftructeur des armées, fi "tu ne me crains pas, crains du moins l'ire "du ciel.

"Pourquoi as-tu enflammé ma colère? le "fabre dégouttant de fang de ma plume ne "te fait-il pas trembler?"

Ferdufi après avoir ainfi foulagé son cœur se réfugia à Bagdad, où le Calife régnant lui accorda fa protection, & il mourut quelques années après dans fa patrie.

SECTION VII.

De leurs Panegyriques.

CE fera encore Ferdufi qui fournira ici l'exemple des poëfies en ce genre. Quoiqu'il ne

foit pas le premier ni le dernier poëte qui ait employé fon talent pour louer & pour défhonorer la même perfonne, on trouvera peutêtre affez curieux de voir, après une telle fatire, un panégyrique du même auteur fur le même Mahmud roi de Perfe.

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"Sous fon règne la juftice eft fi universelle, que l'agneau & le loup boivent au même "ruiffeau.

"Depuis Cachemir jusqu'à la mer de la Chine toutes les nations confeffent fa gloire.

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" Dès

que l'enfant a mouillé fes lèvres du lait "de fa mère, il lève la tête &

"nom de Mahmud.

prononce le

"Dans les banquets Mahmud eft un ciel de "libéralité, & un lion ou un dragon en un jour de bataille.

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Quand il parcourt le jardin de roses, par"tout où il paffe les lis naiffent fous fes "pieds.

"Son éclat rend le monde femblable à un

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bofquet du printemps; il adoucit l'air, il " embellit la terre.

"La rofée de fa générofité, en tombant fur la 66 terre, la rend, en toute fon étendue, fem"blable aux berceaux fleuris d'Irem.

On voit par cet effai de quelle manière fervile les Afiatiques louent & presque déifient leurs monarques. Il eft inutile de s'étendre davantage fur ce fujet, dont on trouve affez d'exemples dans tous les livres Orientaux.

En général leurs ouvrages commencent par les louanges de la divinité, enfuite viennent celles de leur prophète & puis de leurs protecteurs, comme on peut le voir dans le Buftan de Sadi, dont le commencement eft traduit par Chardin.

Les poëmes d'Abulola font ce qu'il y a de plus beau & de plus animé en ce genre dans la langue Arabe. Ils reffemblent aux odes de Pindare, & le génie du poëte Arabe paroît le même que celui du poëte Grec. La première ode d'Abulola débute par quelques réflexions fur les apparences décevantes des objets extérieurs enfuite le poëte raconte fes voyages, &, par une digreffion naturelle, en vient à l'éloge du prince Saïd (mot qui fignifie heureux.)

"Les jeunes filles nous demandèrent ce que

nous cherchions; nous leur repondîmes, "Saïd, & le nom de ce prince fut d'un heureux préfage.

"Ce héros pourfuit fes ennemis fur fon cour"fier léger, & il forme des forêts épaiffes "de fes longues lances.

"Ses arcs tirés par l'archer s'empreffent de "fixer leurs traits dans le cœur de fes en"nemis, & fes fabres s'élancent hors de "leurs fourreaux contre les cous de fes "adverfaires.

"Ses courfiers fe jettent d'eux-mêmes dans "la mêlée, & rien ne peut égaler leur ❝ légéreté."

Après environ une vingtaine de très-beaux vers, Abulola paffe au récit de fes avantures & de fes amours. Il pourfuit, en cenfurant la tribu Bedia, & oppofe à fa baffeffe la libéralité & la grandeur de fon prince. "Mais, dans la tribu d'Adi, il eft un prince

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qui n'attend pas qu'on lui demande des "faveurs, il les confère fans en être re

❝ quis.

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"Les Pléiades craignent fa lance! & le foleil, après avoir commencé fa course, voudroit "retourner à l'Orient pour ne pas s'expofer à paffer fur fa tête.

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