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ODE IX.

'J'AIME une beauté, qui, comme la rose, "eft fous, l'ombrage d'un couvert d'hyacin"thes; fes joues font auffi claires qu'un ruif"feau; fes lèvres de rubis refpirent la plus "douce haleine.

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Quand elle étend fur ces joues le piége "de fes beaux cheveux, elle dit au zéphyr: "Garde notre secret.

"Ses joues font unies & agréables. O ciel!" “donne-lui une vie éternelle, car fes charmes "font éternels!

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Quand je commençai à devenir amant,' "je dis, avant que je puffe trouver cette perle "de mes défirs, peut-être trouverai-je une "mer fans fond, où je ferai fans fin battu des vagues.

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Répands une goutte de vin à terre; tel "eft à préfent le fort des plus grands héros; "le pouvoir de Gemchid & de Caifkhofrev "n'eft plus qu'une vaine fable.

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"Ne me défends pas de contempler ta fta

ture, fi femblable au cyprès; je veux m'af"feoir à la fource de ta fontaine, car fes eaux "coulent tranquillement.

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"Si tu veux me lier de tes chaînes, lie-moi promptement; car les délais engendrent l'in"fortune, & celui qui aimé fouffre trop.

"Délivre-moi des foucis de l'abfence, fi tu "veux que le ciel te préferve des regards de "la malignité.

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Quand la rofe te fourit, O roffignol! ne "foit pas deçu; car on ne doit pas compter "fur la rose, bien qu'elle renferme la beauté "de tout l'univers.

"Au nom du ciel, prends ma vengeance, "ordonnateur du banquet, car ma belle boit "du vin avec les autres, & n'eft réservée "qu'avec moi.

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Quel cœur échappe à fes œillades ! elle "s'affit en embufcade dans un coin, & ac" commode fes traits à fon arc.

"Qu'est-il arrivé à la cour de ma bien"aimée, que les plus grands rois en touchent "le feuil avec leurs fronts? Comment ex"cufer ma fortune? Cette aimable nymphe, "dont la beauté excite un tumulte dans la

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ville, remplit le cœur d'Hafiz d'amertume "quoique fa bouche ait tant de douceur.

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ODE X.

"O DOUX zéphyr! s'il t'arrive de paffer par le féjour de l'objet que mon cœur aime, 66 que ton haleine me rapporte l'odeur de fes "cheveux ambrés;

"Car avec cette haleine mon ame feroit "remplie de volupté, comme recevant un meffage de cet objet chéri.

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"Mais fi tu es trop foible pour foutenir un "tel poids, au moins épands fur mes yeux "de la pouffière que tu recueilles fur le feuil "de fa porte.

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Je fuis confterné & demeure affis im"mobile en attendant fon retour. Ah! quand "mes yeux feront-ils charmés par la vue de "cet aimable visage!

"Mon cœur, autrefois haut comme le pin, "tremble à préfent comme le faule par l'ardent "amour qu'allument les grâces de la forme " & dé la taille de mon bien-aimé.

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Quoique mon bien-aimé ait peu d'égards pour moi, je donnerois le monde entier pour un feul regard de fes beaux yeux.

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Quel bien ne feroit-ce pas pour mon cœur, s'il étoit délivré des entraves des foins de la "vie, puifqu'il eft deftiné à être le vaffal & "l'efclave de fon bien-aimé ?"

Le poëte Hafiz a donné plufieurs autres ouvrages, dans lefquels on trouve la même beauté d'images & le même charme d'expreffions que dans fes odes, qui font au nombre d'environ fix cents. Le Baron Revizki envoya à l'auteur les deux premières odes des dix qu'on vient de donner: il les avoit

traduites en Latin avec une élégance digne d'un homme de goût auquel les connoiffances les plus étendues, tant dans la littérature Orientale que dans l'Européenne, donnent un rang distingué parmi les favans du fiècle.

Comme les auteurs Orientaux ne peuvent que perdre dans la traduction, il se peut qu'on trouvera outrés les éloges qui leur font donnés dans ce traité; mais, que ceux qui penfent

ainfi prennent la peine de traduire littéralement les ouvrages d'Horace, d'Anacréon, & de Sapho, & ils ne feront plus choqués de ce qui leur aura paru froid & fec dans quelques ftrophes de ces odes ou chanfons Perfanes. On peut dire à ce propos avec Michel de Cervantes: Celui qui prétendroit juger, de quelque poëme que ce fût, dans une traduction littérale, pourroit auffi raifonnablement espérer de trouver, fur le revers d'une tapifferie, les figures qu'elle représente dans toute leur délicateffe & toute leur fplendeur.

SECTION IV.

De leurs Élégies.

On ne trouve point d'élégies dans les recueils des Perfans, & trèspeu dans ceux des Turcs. Le fecond livre du Hamaffa, ou collection de poëmes Arabes, confifte en courtes élégies, écrites, avec toute la majefté de la poëfie, comme on en jugera par celle-ci, faite fur la mort d'un guerrier non moins célébre par fa libéralité que par

fa valeur.

"Venez, mes compagnons, venez à la tombe "de Maan, & dites: Puiffent les nuées du "matin te baigner de leurs fréquentes on"dées.

Mais, O toi, tombe de Maan! qui étois "feulement une des cavités de la terre,

comment es-tu devenue la demeure de la "libéralité ?

"Et comment, O tombe de Maan! renfermes"tu cette libéralité qui rempliffoit la terre " & les mers?

"Ouï, tu as reçu dans ton fein la libéralité "elle-même; mais, elle eft morte; car

"fi elle vivoit, tu ne pourrois la contenir "fans t'éclater.

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