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Nad. 53.

ébranlée jufques dans fes fondemens, ainfi A.D. 1740. que les murailles d'une tour; ils furent fubmergés par les vagues dont les inondoient les légions victorieufes, & ils abandonnèrent le champ de bataille.

A l'aide de la divine Providence, & par le commandement royal, les hardis combattans poursuivirent les fuyards, confumèrent plu-` fieurs d'entre eux, ainfi que des rofeaux & des ronces, par le feu de leurs cimeterres en mirent plusieurs dans les chaînes de la captivité, & les conduifirent aux tentes auguftes.

Les Perfans, après avoir vaincu ces arrogans ennemis, demeurèrent un jour dans cette ftation, afin d'éxaminer leur butin, & leurs prifonniers, & le lendemain ils retournèrent au camp royal.

Cependant, le prince Riza Kuli Mirza défiroit ardemment de voir fon frère Nafralla Mirza, qui depuis fon retour de l'Indoftan avoit presque toujours féjourné en Hérat, & qu'il n'avoit pu rencontrer à la cour; il obtint donc la permiffion de fe rendre à Mechehed avec Ali Kuli Khan.

L'armée de Nader Chah étant obligée d'attendre quelques troupes, & les bagages qui étoient restés derrière, demeura cinq jours en ce lieu. Dans cet intervalle, fa Majefté ordonna que les barques, chargées de l'artillerie

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A.D. 1740. & des provifions, côtoyaffent la rivière Amivié, & priffent, en fuivant l'armée, la route du Kharezme.

30 Septem

bre.

Le Mardi, vingt-huitième du même mois, les conquérans étendards quittèrent les bords de cette rivière avec une pompe royale, & 15 Octobre. le treizième de Chaaban les tentes furent dreffées dans un lieu nommé Diyéyouffi, qui étoit le commencement des territoires du Kharezme.

Ilbars, prince de ce pays, étoit alors dans le château de Hezarefb à trois parafanges de Divéyouffi; il s'étoit préparé pour donner bataille avec fes troupes, de Turcmans & d'Ouzbegs, raffemblées de Dechet, Kharezme, & Aral.

En conféquence, fa Majefté s'arrêta trois jours à Divéyouffi dans l'efpoir d'attirer Ilbars hors du château; mais l'ayant attendu en vain, elle laiffa fon bagage, fes munitions, & fes barques de provisions dans leur station, & le 18 Octobre. feize de Chaaban, s'approchant d'Hezaresb, elle planta fon camp à une demi-parafange de ce château: là, on vint lui apprendre, que le prince Ilbars, raffermiffant le pied du courage, perfiftoit dans la réfolution de fe défendre.

Comme cette place étoit extrêmement forte, & presqu'imprenable, il auroit été imprudent

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de l'attaquer; ainfi le grand conquérant en A.D. 1740. abandonna le deffein, & marcha le jour d'après vers Kheïou, le fiége de l'empire du Kharezme, & le centre de ce royaume, imaginanț que ce mouvement ébranleroit la chaîne de la réfolution d'Ilbars, & le feroit fortir de fon fort.

En effet, lorsque l'armée royale cut avancé d'une station, Ilbars quittant Hezaresb se mit à fuivre le rivage de l'Amivié, dont la crainte ne lui permettoit pas de s'éloigner: mais une compagnie des tribus de Yemout, de Tekké, & autres Turcmans du pays, osèrent s'écarter de la voie de la prudence, & s'avancèrent plus loin. Sa Majefté, en ayant été avertie, laissa l'armée dans le lieu où elle étoit, s'avança à la tête d'un détachement de guerriers chaffeurs de lions, & coupa le chemin aux téméraires ennemis; plufieurs d'entre eux furent pris, plufieurs tués: le refte s'enfuit vers Ilbars, que fe retira avec précipitation dans le château de Khankah, une des cinq fortereffes du Kharezme, fitué entre Hezarefb and Kheïou, devant lequel il fixa fon camp.

Les troupes impériales demeurèrent tout ce jour fur le champ de bataille, & le matin s'avancèrent pour attaquer Khankan. A la troisième heure, les courfiers affamés de carnage firent entendre leur trépignement autour du château;

A.D. 1740. alors Ilbars réduit à l'extrémité vint présenter

Nad. 53. bataille avec fes Ouzbegs, fes Turcmans, &

toute fon artillerie.

Dès que le commandement royal fut donné, les Perfans tombèrent avec furie fur l'ennemi, & avec l'aide du Créateur, & l'éternelle profpérité du puiffant conquérant, les Kharezmiens furent défaits. Un grand nombre d'entre eux furent conduits par les guides des cimeterres dans le féjour de la mort, le reste, que le même fort menaçoit, au lieu d'entrer dans la fortereffe, fe mit à fuir à travers les champs; mais la plupart furent tués ou pris avec leurs chefs, par les troupes qui les pourfuivirent. Ilbars, avec fes Ouzbegs, fe mit à couvert dans le château.

Cependant, l'infanterie Perfane ayant eu ordre d'attaquer le camp ennemi des quatre côtés, se saisit à l'instant de leurs tentes, de leur artillerie, de leurs tréfors, & fit prifonniers plufieurs foldats, qui étoient restés dans les tentes.

Enfuite les foudroyans canons, et les enflammés mortiers jouèrent pendant trois jours contre le château, & confumèrent la fubftance & la patience de ceux qui le défendoient. Les ingénieurs commencèrent en plufieurs endroits à creufer la terre pour faire des mines; les bombes ébranlèrent les murs avec violence,

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& les tours furent prefque fapées. Enfin, les A.D. 1740. hardis guerriers, avec la fureur de Baharem, se préparèrent pour l'affaut.

La garnifon, fe trouvant entièrement plongée dans le précipice de la calamité, demanda à fe rendre, ainfi que plufieurs chefs des Ouzbegs, & le vingt-quatre du mois, ils vinrent 26 Octobre. humblement se profterner devant la cour qui défend le monde. Ilbars, voyant le naufrage de fon vaiffeau & les jours de fa profpérité obfcurcis, voulut néanmoins demeurer derrière le rempart de fon obftination, & refufa de fortir.

Le lendemain fa Majefté envoya quelques foldats pour tirer du château, de gré ou de force, ce malheureux ainfi que ceux qui étoient demeurés avec lui.

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Le clémence du généreux monarque étoit fi grande, que rarement il tiroit l'èpée du châtiment contre l'ennemi foible ou accablé ; mais Ilbars avoit été encouragé de toutes parts à la foumiffion. Lorsque la royale armée étoit en Bokhara, Chah Abou'l Feiz, roi du Touran, avec le pouvoir d'Afrafiab, lui avoit envoyé plufieurs fidelles meffagers pour l'exhorter à l'obéiffance; quelques-uns, pour le même fujet, lui avoient été dépêchés de Tchargiou: au lieu de profiter de leurs avis, il les avoient tous fait mettre à mort.

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