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champ de bataille; vallées & collines, rocs " & déferts furent couverts de leurs légions fuyantes & épouvantées."

Les descriptions dans le Chahnamé font toujours variées & parfaitement bien travaillées, fur-tout celles des batailles, qui font auffi nombreuses que dans l'Iliade. Celles d'une plus agréable nature, comme de jardins, de banquets, de trônes, & de palais, d'amour & de belles, n'y font pas moins admirables, & font peintes par Ferdufi avec toute la richeffe & l'enflure de l'imagination Orientale. I! décrit fouvent :

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Ke deri buftánech hemicheh guleft
Zeminech por ez laléh u fumbul eft
Huva khofhcuvar u zemin por negár
Ne kerm u ne ferd u hemichéh behár
Nevazende bulbul bebág enderune
Kezarende ahu berág enderune.

Un jardin dans lequel la rofe perpétuelle"ment fleurit, dont les bordures font remplies "de tulipes & d'hyacinthes; où l'air est doux; "les allées fuperbement ornées; où l'on n'éprouve ni chaleur immodérée, ni froid "exceffif; mais où règne un éternel prin66 temps, où les roffignols gazouillent fans ceffe

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parmi les branches d'arbres toujours verts; " où les antelopes jouent fur les coteaux.

Les descriptions du matin font très-animées dans ce poëme, & décorées des nuances les plus variées.

"Quand le jour brillant paroît dans toute sa splendeur, "Et parsème de perles & de rubis la terre ombragée.” Et,

"Quand le foleil déploie fes rayons dorés,

"Et répand le camphre fur les plaines mufquées:"

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C'eft-à-dire, répand la lumière fur l'obscurité des plaines, car les poëtes Orientaux font fouvent allufion aux deux couleurs oppofées du camphre & du mufc.

On ajoutera ici une defcription d'un genre plus majestueux, tirée auffi du Chahnamé, & qui donnera une idée des fimilitudes Perfanes.

Nekei kerd Barzev ber an deh fuvár
Tchu achefte chiri ez beher checár
Bezed deft uepuchid deraï bezér
Meianra be bestech bezirin kemér
Yeki khodi rumi befer ber nehád
Seri terkechi tira ra ber kefhád
Bebaré ber afkhendii ber kestuván
Yeki baré manendi kuhi reván
Ze keihali nize ze almáfi tigue
Bebaré ber amed chu berende migue
Tu kufti sepher est ya ruzi u táb
U ya der beháran yeki rudi áb
Derakhtieft kufti ez âhen bebár

Keshade du bazu chu shakhi tchenár.

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"Barzev regardoit les dix guerriers qui s'avançoient; il étoit comme un lion errant

en cherche de fa proie. Il fe revêtit auffi"tôt de fa cotte de maille, & ceignit ses reins "d'un bandeau d'or. Il plaça fur fa tête un "cafque Turc, & remplit fon carquois de "flèches. Tantôt il demeuroit fufpendu aux "harnois de fon courfier, & tantôt il fe tenoit " ferme & droit fur fa felle comme une mon

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tagne mouvante. Quand, avec fa longue "javeline & fon fabre éclatant comme le dia"mant, il s'avançoit ainfi qu'une nuée qui s'élève, on auroit pu dire, c'est le firmament qui brille, ou c'est le jour qui luit, ou c'est une rivière qui coule dans le printemps. Quand il étendoit fes deux bras comme les "branches du plane, on fe feroit écrié, c'eft un arbre chargé d'acier."

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On trouve auffi dans Ferdufi des defcriptions fort tendres, & auffi belles que touchantes, comme celle de Frankis fille d'Afrafiab, quand elle s'aperçut du complot qu'on avoit fait contre fon bien-aimé Siaveche.

"Elle arracha les hyacinthes de fes cheveux avec une douleur inexprimable, & "meurtrit dans fon défefpoir fon tendre fein. "Elle épandit le mufc de fes treffes fur le "tertre d'ivoire de fon beau front, & baigna "les tulipes de fes joues des fources qui cou

"loient de fes yeux. Ses larmes ruiffeloient comme une fontaine quand elle méditoit "fur le cruel deffein d'Afrafiab.'

A l'égard des expreffions, & des nombres de ce poëme, il est évident que leurs beautés ne peuvent être fenties que par ceux qui entendent l'original. On dira donc feulement, que, dans tout l'ouvrage, elles font hardies & animées, & dans quelques endroits élevées & fublimes au dernier point.

Le poëte Perfan reffemble à Homère dans quelques particularités de plus, comme dans la fréquente répétition des mêmes lignes & des mêmes épithètes. Achille au pied léger, & Agamemnon roi des hommes, ne se trouvent pas plus fouvent dans l'Iliade que Ruftem au cœur de lion, & Caicofrev roi du monde, dans le Chahnamé.

On a plufieurs autres poemes de Ferdufi, comme les amours de Khofrev & de Chirine; la mort de Ruftem; la vie de Béharan; le règne d'Anouchirvan; les conquêtes d'Ifcander; lefquels ouvrages font écrits avec tout le feu d'une imagination Orientale & toute l'harmonie des nombres Perfans.

SECTION III.

De leurs Poefies amoureufes, & de leurs Odes

Nous voici à présent à la sorte de poëfie dans laquelle les Afiatiques excellent principalement. L'amour a tant de part aux poëmes Arabes, que, fur quelque fujet qu'ils foient, ils font toujours entremêlés de plaintes d'amans, & de defcriptions de beautés chéries.

La nation Arabe partage fon temps, entre les expéditions guerrières & les douces occupations de la vie paftorale. Ils transportent leurs tentes de place en place; & quand leurs chameaux & leurs autres beftiaux ont confumé les pâturages d'un endroit, ils le quittent, pour y revenir quand l'herbe repouffe de nouveau. Dans ces espèces de campemens, les tribus qui fe trouvent proche les unes des autres fe fréquentent familièrement, & les jeunes gens des deux fexes forment des inclinations qui font pour la plupart infortunées, le changement de demeure, & la différence de pofition, caufant des féparations perpé

tuelles.

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