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Après cette action Emiraflan fe rendit avec A.D. 3748. fes troupes à Tauris, & Ibrahim à Hamadan.

Ce prince, voyant qu'Emiraflan avoit un pouvoir fans limites dans le pays, fe détermina à fe défaire de lui. A cet effet il quitta Hamadan, &, proche de Meragué, il donna bataille à ce Khan & le vainquit ; celui-ci guidé par Cazem Khan s'enfuit vers le Couhestan, mais, étant trahi par Cazem, & renvoyé à Ibrahim il fut mis à mort ainfi que fon frère Sarou Khan.

Par ces victoires Ibrahim, étant devenu maître abfolu de l'empire, forma une armée de cent vingt mille hommes.

La lampe de la prospérité d'Ali Chah ayant été ainfi éclipfée par la lueur de celle d'Ibrahim, le flambeau de la fortune de ce dernier brilla comme l'étoile du matin. Ibrahim établit son frère, Huffein Beg, commandant du Khoraffan, & l'envoya dans cette province, lui affociant Naki Khan, & Mohammed Riza Khan, avec cette déclaration: " Que, comme alors par droit héréditaire l'empire étoit dévolu "à fon Alteffe le prince Chahrokh, & qu'il " étoit impoffible qu'on le plaçât fur le trône "fans la concurrence & le confentement de "tous les chefs des provinces, il étoit mieux

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qu'on conduisît ce prince en Irak, où il feroit couronné."

A.D. 1748.

Le deffein d'Ibrahim, dans cette propofition, étoit de transporter les tréfors de Mechehed dans l'Irak, &, en fe conciliant l'affection des peuples du Khoraffan, de s'emparer de l'unique & incomparable perle qui reftoit de la famille impériale de Nader.

Les feigneurs des Kiurdes & les chefs du Khoraffan firent réponse, qu'il n'étoit pas néceffaire d'envoyer le prince dans l'Irak, qu'il pouvoit bien être installé à l'empire dans le Khoraffan, & que, fi Ibrahim étoit fincère dans le deffein qu'il témoignoit, il devoit confentit qu'on l'exécutât fur le champ.

En conféquence de cette réfolution, & d'un accord unanimée, on fut prendre Chahrokh Mirza dans le château; mais ce prince refufa d'abord la couronne qu'on lui offroit, & ce ne fut que fur des fermens réitérés de fidélité qu'il l'accepta. Enfin le huit du mois. 20 Septem- Chaval, en l'année 1161, Chahrokh monta fur le trône, dont il héritoit, dans la terre fortunée de Khoraffan.

bie, 1748.

bre.

A cette nouvelle Ibrahim Khan leva le 17 Novem-mafque de la diffimulation, & le septième de Zou'lheggé de la même année, fe révolta ouvertement dans Tauris, s'affeyant fur le fiége du fimulacre de l'empire, & faisant battre la monnoie à fon coin.

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Il fuivit l'exemple de fon frère Ali Chah;

il répandit de l'or & de l'argent autour de A.D. 174. lui comme le zéphyr éparpille les feuilles des fleurs printanières. Il prodigua millions après millions, & pour gagner plus de cœurs, il éleva, fous prétexte de générofité, les plus abjects du peuple aux richesses, aux dignités, & aux honneurs: enfin il établit pour miniftres des plus importantes affaires, les plus méprifables & les plus ignorans de fes foldats.

Bientôt après il quitta l'Azarbigian, &, s'avançant vers le Khoraffan, il envoya તે Kom fa famille & fon malheureux captif Ali Chah; mais, quand il eut atteint la ftation de Serkhé Semnan, plufieurs de fes foldats, ne pouvant plus fupporter d'être continuellement haraffés par les ambitieuses entreprises de leur maître, défertèrent, les uns vers Chahrokh Chah, les autres pour retourner dans leurs propres pays.

Quand Ibrahim Chah vit cette dêfection, il tâcha, accompagné feulement d'une troupe d'Afgans qui lui étoient demeurés fidelles, de gagner Kom; mais la garnison de la citadelle lui ferma les portes de la ville: il ordonna à fes Afgans d'affaillir la place; & après plufieurs attaques elle fut réduite & faccagée.

Ibrahim tourna enfuite fes armes contre la fortereffe de Kélat; mais les habitans de cette

A.D. 1748. place, ayant trouvé le moyen de fe faifir de fa perfonne, l'envoyèrent chargés de chaînes à la cour de Chahrokh.

Cependant la perfonne que le jeune roi avoit nommée pour conduire ce prifonnier, le tua dans le chemin, & n'en fit porter que le cadavre à fon maître; Ali Chah fut auffi mis à mort par repréfaille pour le meurtre des jeunes princes.

Ce fut alors que Chahrokh Chah parut entièrement fixé dans la poffeffion de l'empire; toute la province de Khorassan se soumit à lui mais les Kiurdes de Khabouchan, & plufieurs tribus Arabes, n'eurent que l'apparence de la fidélité, & entretinrent les étincelles de la trahifon dans leurs cœurs.

Mirza Seid Mohammed, fils de Mirza Daoud, dont la mère étoit fille de Chah Soliman d'heureuse mémoire, avoit été élevé au gouvernement de Khoraffan fous le règne de Nader, & avoit été intéreffé dans les affaires d'état fous Ali & Ibrahim Chahs. Ce fut lui qui forma le plus cruel deffein contre le jeune roi Chahrokh, feul joyau de deux nobles mers; jardin dont l'existence étoit arrofée de l'eau du bofquet de rofes de Nader, & du berceau de fleurs de Sefi; lui à qui, par conféquent, appartenoit fi juftement l'augufte empire.

Cet homme barbare fit arracher au jeune A.D. 17 18. prince fes yeux qui fiégeoient dans l'empire de fon corps comme deux monarques fur leurs trônes de cristal.

Une telle méchanceté ne demeura pas impunie; deux mois après, furent juftifiées les paroles du poëte, qui dit :

Celui qui fait le mal, doit s'attendre au retour,
Et dans fon propre piége, il eft pris à son tour.

Mirza Seid Mohammed fut pris en effet, & fubit le châtiment qu'il méritoit; car Youffef Ali Khan Gelaïr le priva de la vue, & le fit fervir d'exemple à ceux qui voient. Alors Chahrokh Chah fut replacé sur le trône: mais, il n'eut que le nom d'empereur, fon aveuglement le rendant incapable de gouverneur.

Depuis ce temps la Providence a voulu que les chefs de plufieurs provinces ayent élevé les étendards de l'indépendance; qu'étant enivrés du vin de l'arrogance & de leurs propres projets, ils ayent laiffé échapper de leurs mains le bouton d'appui du bon fens & de la prudence; qu'ils ayent continué à fe haraffer les uns les autres, opprimant le foible & le malheureux, & excitant d'innombrables commotions; de manière que la partie a Higée

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