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Nad. 58.

~Sa Majefté, ordonnant que les bagages ref- A.D. 1745. taffent fur les bords de Peugekhan & de Tauris, déploya le même jour fes victorieuses bannières pour donner bataille au général des Turcs, qui avoit déjà quitté Cars; elle étoit réfolue de rencontrer les troupes ennemies dans le voisinage de Cars & d'Erzeroum, lorsqu'elle apprit que le général étoit forcé de s'arrêter dans ce quartier.

Sur cela, le neuf du même mois, l'armée 28 Juillet. royale, laiffant Erivan, vint à fix parafanges de Moradpeté, dans le même lieu où la bataille contre Abdalla Pacha Kiuprili Ogli avoit été donnée.

Le dix, dans l'après-midi, Mohammed Pa- 29 Juillet, cha s'avança avec cent mille hommes de cavalerie, & quarante mille d'infanterie, & campa au pied d'une montagne à deux parafanges de l'armée impériale, où, ayant dreffé fes tentes, il commença de fortifier les endroits foibles, &c de préparer fes canons & fes mortiers.

L'onzième, les deux armées étant rangees en ordre de bataille, le feu du combat commença, à flamber, & fes étincelles atteignirent les étoiles. Après plufieurs fucceffifs engagemens, l'armée Ottomane fut mife en déroute par l'interpofition de la Providence.

La perte fut très-grande du côté des Turcs, leur genéral fe retira dans fes retranchemens,

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A.D. 1745. &, la nuit devenant obscure, les troupes conquérantes retournèrent à leur camp.

Alors le vigilant héros envoya un détachement pour obferver les environs de Cars, & pour ôter à l'armée Turque toute poffibilité d'avoir du fourrage & des provisions.

Depuis ce temps, tous les jours quelques partis Turcs étoient taillés en pièces près du camp, & le général se trouva de plus en plus refferré de tous côtés; enfin, voyant que fes foldats n'étoient en nulle manière accoutumés à l'art de la guerre, il fe retira avec fon armée, marchant environ quatre parafanges chaque jour, jufqu'à ce qu'il fût à neuf parafanges des Perfans, où il campa.

Cette retraite avoit été fi bien conduite, que des Perfans, ayant été détachés pendant la nuit, pour faire une excurfion dans le camp des Turcs, furent étonnés de le trouver abandonné, & remplirent les airs de cris de furprise.

Dans ce même temps le général Turc méditoit le même projet contre le camp des Perfans, ayant trouvé, après une confultation avec les chefs Ottomans, que dans la crise où l'on étoit, il n'y avoit pas d'autre moyen pour contenir fes foldats, prêts à fe mutiner & qui défertoient continuellement.

Dans l'après-midi du même jour, qui étoit

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Août.

un Vendredi, vingt-un du même mois, un A.D. 1745. courrier de Nafralla Mirza apporta la nouvelle, que le général Abdalla Pacha, qui s'étoit avancé par la voie de Diarbecr, avoit premièrement envoyé un de fes officiers à Baban & à Cheherzour, mais que l'entrée de ces villes lui avoit été refufée par le gouverneur de Baban, qui, ayant laiffé fa famille dans la fortereffe de Severdache, & s'étant joint aux chefs des Kiurdes, étoit venu avec eux offrir fes fervices au prince. Ce meffager ajouta que ce général & Ahmed Ardilani avoient affemblé les Kiurdes de Bilbas, & avec une armée complète marchoient à Mouffel; que le prince, ayant déployé fes bannières, s'étoit avancé pour les combattre ; qu'enfin les deux armées s'étant rencontrées près de Mouffel, après un combat furieux les Turcs avoient été défaits, plufieurs d'entre eux tués, ou faits prifonniers; leur général, avec ceux qui avoient échappé, s'étant fauvé par la fuité.

Sa Majefté, après avoir rendu grâce au ciel d'une telle victoire, envoya par un prisonnier Turc les lettres du prince au général ennemi. Celui-ci avoit à peine atteint le camp des Turcs au moment que le flambeau de l'univers répand fa première clarté, qu'un horrible bruit & un violent tumulte fut entendu dans ce camp, d'où il fortoit des nuées de pouffière. Il fut bientôt découvert que le général, peu

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A.D. 1745. auparavant fi abfolu, avoit été tué, & avoit rendu l'empire de fon exiftence.

Quand les Turcs fe virent fans chefs, & deftitués de tous fecours, ils prirent la fuite en défordre; mais les Perfans, qui les entouroient, tombèrent sur eux, & après en avoir mafsacré un grand nombre, s'emparèrent des tentes, de l'artillerie, & des chevaux, qui leur reftoient.

Quelques troupes furent détachées pour poursuivre les fuyards, lefquelles donnant des. éperons aux courfiers de leur courage, les atteignirent proche d'Arpetchaï, en tuèrent dix ou douze mille & firent cinq mille prifonniers, dans lesquels fe trouvèrent plufieurs Pachas & officiers confidérables. Sa Majefté, pour confoler en quelque façon l'ennemi d'un si grand revers, mit en liberté plufieurs des prifonniers bleffés, ou devenus incapables de fervir, dont une partie fe rendit à Cars fous la conduite de Giamous Hufn Aga, un des principaux des officiers Turcs prifonniers; quatre mille prirent la route de Tehran, & le refte fe retira à Tauris.

Cependant, comme jufqu'alors la Porte avoit paru adverse à la propofition faite au fujet du changement de religion des Perfans qui avoient embraffé la fecte de Giafar, fa Majefté, après une fi totale défaite, écrivit une lettre d'amitié à l'empereur Turc, & fit

partir un courrier pour Conftantinople par la A. D. 1745. voie de Bagdad.

Cette lettre portoit en fubftance, que les tribus de Turcmans qui étoient en Perse seroient forcées de confentir à la conformité de religion; qu'ainfi il n'y auroit nul fujet d'appréhender une altération dans le nouveau traité; que fi les miniftres de la Porte acceptoient les conditions relatives à ce point, il y auroit une paix éternelle entre les deux empires, mais que s'ils retardoient, ou refufoient leur confentement, ce feroit une continuelle fource de contentions & de fang répandu; qu'elle efpéroit donc qu'ils agréeroient tous ces articles, afin d'établir une perpétuelle amitié & concorde entre les deux monarques.

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Le vingt-feptième du même mois, l'armée 15 Août. impériale quitta la station de Moradpeté, & prit le chemin de Tchoures & de Mahmoudi.

Dans le même temps, trois ambaffadeurs diftingués vinrent de la part du roi de Khoten, présenter à fa Majefté une lettre, & des dons confidérables. Ce roi étoit de la famille de Genghiz Khan, & avoit été élevé au trône de Khoten en même temps que fon frère à celui de Khata.

Le motif de fon ambaffade étoit, l'admiration des victoires de Nader Chah, le défir d'obtenir fon amitié; & fa lettre portoit,

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