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OEUVRES CHOISIES

DE

F. DE CHATEAUBRIAND

avec études et notices de

MM. GUIZOT, Sainte-Beuve, J.-J. Ampère, le Duc de BROGLIE,

JOHN LEMOINNE, A. de PontMARTIN, ETC., ETC.

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HISTOIRE DE FRANCE, jusqu'à la révolution de 1789

ITINÉRAIRE DE PARIS A JÉRUSALEM.

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LE PARADIS PERdu, de milton (Traduction).

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1 vol

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1

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CHATEAUBRIAND

Il est des hommes qui tiennent une si grande place dans l'humanité, qui sont si indissolublement liés aux faits généraux de leur temps, et qui, pour ainsi dire, absorbent une si grande portion de l'air distribué à leurs contemporains, que vouloir raconter leur vie, ce serait raconter celle de leur siècle. La seule biographie qui puisse leur suffire, c'est l'histoire. Mais ils sont rares ceux auxquels il a été donné de représenter simultanément les deux faces de la société dans laquelle ils ont vécu, d'en reproduire à la fois le côté public et le côté intime; d'être en même temps l'écho de la pensée de tous et de la conscience de chacun, du sentiment collectif et de la rêverie solitaire. M. de Chateaubriand eut cet honneur et cette grandeur. Sa vie, c'est à la fois l'histoire et le roman de son temps. C'est l'expression la plus complète de la société moderne, avec ses doutes, ses agitations, ses tempêtes, ses déchirements, ses aspirations à un avenir inconnu. Nul n'a compris comme lui ce vague des passions, cet indéfinisable besoin de croire et d'aimer et ce dégoût prématuré de la

terre, qui sont le fruit amer et maladif des civilisations avancées; nul n'a plus profondément ressenti et plus admirablement dépeint ce tourment inconnu aux anciens, ce mal si cher et si funeste, la mélancolie. A côté de l'homme d'action, il y eut toujours en lui le rêveur; la poésie ne l'abandonna jamais; et, comme il le disait lui-même en jetant sur son passé un long et grave regard, sa vie solitaire, rêveuse, poćtique, marchait au milieu de ce monde de réalités, de catastrophes, de tumulte, avec les fils de ses songes, avec les filles de ses chimères. En même temps qu'il prenait part aux actes des rois et des peuples, il ne quittait pas cette lyre qui répondait aux cordes les plus secrètes de l'âme. Admirable privilége du génie, le poëte d'autrefois est encore le poëte d'aujourd'hui; les couronnes déposées sur ce front octogénaire sont tressées par la main des vieillards et par celle des enfants. Et dans cet universel hommage, il y a un sentiment d'égoïsme et de vanité que peut-être nous ne voulons pas tous nous avouer; car Chateaubriand, c'est vous, c'est nous; c'est cette génération enfantée dans la douleur, dans les larmes et dans les ruines. Vous tous à qui la respiration manque sous les décombres des trônes, des institutions et des croyances, relisez René, et vous verrez comme vous serez irrésistiblement saisis de cette passion de la solitude, de cet amour des forêts ombreuses et de cette soif des ondes cachées qui l'emportaient vers le Nouveau-Monde.

C'est là, nous l'avouons, ce qui nous touche et nous charme le plus dans M. de Chateaubriand. La part qu'il prit aux affaires publiques se racontera toujours d'elle-même; mais l'influence intime qu'il exerça sur les esprits, les révolutions in dividuelles qu'il opéra dans les âmes, voilà ce qui constitue à nos yeux son originalité la plus puissante et son plus iné

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