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le pouvoir discrétionnaire de désigner son juge ne se comprend plus; il tend à établir une supériorné au profit de l'homme connu et qui a des amis, sur celui qui n'en a pas; il retarde le jugement, accroît les frais par la nécessité d'une désignation de sur-arbitre, presque toujours inévitable. La loi veut sans doute qu'on ait confiance en ses juges; mais quelle confiance avoir en un arbitre qui nous est imposé par notre adversaire même?- Il semble donc que le refus de nommer ou le dissentiment sur le choix des arbitres devrait faire remonter vers le tribunal le droit de faire une désignation complète, impartiale pour chaque partie. » L'auteur de ces paroles, après avoir remarqué qu'elles sont

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(1) 1 Espèce: - – (Roi C. Savary.) — Une société, qui avait existé entre les sieurs Roi et Savary, fit naitre des contestations. Cette affaire ayant été portée devant les tribunaux, un arrêt du 22 fév. 1814 ordonna aux parties de nommer des arbitres, conformément à l'art. 51 c. com. En exécution de cet arrêt, Roi déclara, par acte extrajudiciaire, qu'il nommait pour son arbitre le sieur Piet, et somma Savary de nommer le sien. Pour toute réponse, Savary assigna son adversaire devant le tribunal de Bernay pour y convenir ensemble des arbitres qu'ils nommeraient, ou pour que ces arbitres fussent nommés d'office, dans le cas où les parties ne pourraient s'accorder dans leur choix. Roi désigna de nouveau le sieur Piet. Savary refusa de l'agréer, et conclut à ce que les deux arbitres fussent nommés d'office, attendu que les parties n'avaient pu s'accorder pour les nommer.-- Le tribunal de Bernay, par jugement du 6 mai 1814, nomma, en effet, les deux arbitres. — Roi appela de ce jugement, et soutint que le tribunal n'avait pu le priver de l'arbitre qu'il avait choisi; qu'il importait peu que cet arbitre ne fût pas agréé par son adversaire; que celui-ci n'avait pas le droit de s'opposer à son choix; et que tout ce que pouvait Savary était de proposer, contre le sieur Piet, des moyens de récusation, s'il en avait. Savary persista dans son système, et prétendit, en outre, que son simple refus de choisir un arbitre avait obligé le tribunal à les nommer tous deux. Le 21 oct. 1814, arrêt confirmatif de la cour de Rouen dont les motifs portent :-« Attendu, 1° que, suivant l'art. 429 c. pr., les arbitres, en matière de commerce, doivent être nommés d'office, à moins que les parties n'en conviennent, c'est-à-dire à moins qu'elles n'en désignent d'un commun accord; d'où il résulte évidemment que le choix de l'une d'elles doit être approuvé par l'autre; - Attendu, 2° que Part. 55 c. com., relatif aux arbitrages forcés, décide textuellement que, dans le cas de refus de l'une des parties de nommer son arbitre, les arbitres seront nommés d'office; que la loi s'exprimant en termes anssi généraux, on ne peut pas croire que des arbitres ne puissent alors être nommés par le tribunal que pour les parties qui n'ont fait aucun choix; qu'admettre une telle exception serait évidemment ajouter à la loi et contrevenir à ses dispositions. >>

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Pourvoi en cassation de Roi, pour violation des art. 53 et 55 c. com.Le 5 juin 1815, arrêt par défaut de la chambre civile qui, sous la présidence de M. Muraire, casse l'arrêt dénoncé, en ces termes : «Vu l'art. 53 c. com.; Considérant, 1° que le sieur Roi a nommé son arbitre suivant l'un des modes prescrits par cet article; que cette nomination, étant régulièrement faite, doit produire son effet; et par conséquent, qu'en la déclarant non avenue, l'arrêt attaqué contrevient à la disposition ci-dessus citée; 2o qu'il applique faussement à l'espèce les art. 55 c. com. et 429 c. pr. : l'art. 55, parce qu'il est évident, d'après son propre texte, que les juges ne peuvent nommer des arbitres que pour celles des parties qui refusent de les nommer elles-mêmes; l'art. 429, parce qu'il dispose, non pour la nomination d'arbitres juges dont il s'agit dans cette affaire, mais pour la nomination d'arbitres experts chargés uniquement de donner le ur avis sur un procès, ou de concilier les parties; Casse.»- Sur l'opposition du sieur Savary. Arrèt (ap. délib. en ch. du cons.). LA COUR; Vu l'art. 55 c. com.; Considérant, 1° que cet article a pour objet de déterminer le mode suivant lequel doivent être nommés les arbitres chargés de juger les contestations entre associés commerçants; que cet article donne à chaque associé le droit de nommer son arbitre sans le concours ou l'agrément de son coassocié, puisque, d'une part, il ne dit, ni en termes exprès ni en termes équivalents, qu'ils seront convenus entre les parties; puisque, d'autre part, son texte énonce, d'une manière très-claire, que la nomination peut être faite par chaque associé individuellement, et être constatée par un simple acte unilatéral : preuve évidente que la validité de la nomination ne dépend pas d'un choix arrêté d'un commun accord ou d'un consentement réciproque, et qu'au contraire, l'arbitre nommé par une seule partie est, sauf le cas de récusation, définitivement nommé; — Qu'ainsi, l'arrêt attaqué a contrevenu à l'art. 55 c. com., en annulant ou en considérant comme non avenue la nomination faite par le demandeur, sous le prétexte qu'elle n'avait pas été agréée par le défendeur; 2° qu'il a fait une fausse application de l'art. 55 du même code; car s'il est dit qu'en cas de refus de l'un ou de plusieurs associés de nommer des arbitres, les arbitres seront nommés d'office, on ne peut raisonnablement en conclure que le juge soit autorisé, dans ce cas, à donner des arbitres à toutes les parties, mème à celles qui s'en sont donné ellesmêmes; que ces mots de l'art. 55, « les arbitres seront nommés d'office, »

fortes, ajoute, il est vrai, qu'on « ne peut se dissimuler que la loi ne paraît pas avoir été faite dans cet esprit. »-Mais ne serait-il pas fâcheux que les auteurs d'une loi qui ne doit avoir eu en vue que la meilleure distribution de la justice eussent été sourds à ces considérations?

529. Malgré ces raisons, l'art. 55 a été interprété en ce sens que le tribunal ne peut nommer d'office des arbitres que pour les parties qui refusent de le faire (Cass., 9 av. 1816; Rej., 10 avril 1816; Metz, 5 janv. 1819; Lyon, 21 avril 1823; 28 août 1824; 4 juill. 1825(1); Bordeaux, 15 nov. 1827, aff. Bourdet, V. no 551; Metz, 11 janv. 1833, aff. Tonnelier, no 924). Cette doctrine

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se rapportent, d'après le sens grammatical de la phrase, aux arbitres dont il est parlé dans cet article, c'est-à-dire à ceux de l'associé ou des associés qui font refus d'en nommer, et par conséquent que ce sont ceux-là seuls dont la nomination est dévolue aux juges; qu'il faut nécessairement entendre l'article en ce sens pour le concilier avec le 55° qui le précède; car, puisqu'il résulte de ce dernier que la nomination d'arbitres faite par une seule partie est valable et définitive, il suit, par une conséquence immédiate, que la nomination d'office ordonnée par l'art. 55 ne peut concerner et ne concerne que les arbitres de l'associé ou des associés qui n'en ont pas eux-mêmes nommé; 3° enfin que l'arrêt attaqué a également fait une fausse application de l'art. 429 c. pr., puisqu'il est évident que cet article dispose, non pour la nomination d'arbitres forcés ou juges dont il s'agit dans cette affaire, mais uniquement pour la nomination d'arbitresexperts ou conciliateurs dont il n'est pas ici question; - Casse.

Du 9 avril 1816.-C. C., sect. civ.-M. Brisson, pr.

2o Espèce — (Caire, etc. C. Balestrier, etc.) — Une société de commerce s'était formée entre les sieurs Caire, Martin, Gachon, Chassary et Balestrier.-La liquidation donna lieu à des contestations dans lesquelles il parait que les sieurs Caire, Martin, Gachon et Chassary avaient le mêmë intérêt contre Balestrier. Le 21 avril 1815, Balestrier assigna les quatre autres associés devant le tribunal de commerce de Cette, pour y nommer les arbitres qui devaient prononcer sur leurs différends. Caire, Martin et Gachon proposèrent le sieur Belland pour leur arbitre; Chassary et Balestrier ne voulurent pas l'agréer, et refusèrent d'en nommer pour eux.→ Le 26 mai suivant, jugement par lequel deux arbitres sont nommés d'office; attendu, porte ce jugement, « que, d'après l'art. 55 c. com., les parties doivent s'accorder sur le choix des arbitres, et qu'en cas de refus d'un ou de plusieurs associés d'en nommer, les arbitres sont nommés par le tribunal de commerce; que Balestrier n'ayant pas voulu nommer d'arbitre, et Chassary, qui a le même intérêt dans la cause que Martin, Caire et Gachon, ne voulant également pas en nommer, et refusant d'agréer la personne que ceux-ci proposaient, c'était le cas d'appliquer l'article précité. )- Le 8 juill. 1813, arrêt de la cour de Montpelher, qui, « attendu que l'esprit du code de commerce, dans la combinaison de tous les articles qui rétablissent l'arbitrage forcé, est que les arbitres doivent êtro nommés par une convention mutelle et unanime de toutes les parties, et que, hors ce cas, les arbitres de toutes les parties doivent être nommés par le tribunal; d'après ces motifs et ceux énoncés dans le jugement dont est appel, a mis et met l'appellation au néant. » Pourvoi de Caire et autres, pour violation des art. 53 et 55 c. com. - Arrêt (apr. délib. en cb. cons.).

LA COUR ;-Considérant que, de la combinaison des art. 55 et 55 c. com., il résulte que les tribunaux ne sont autorisés à nommer des arbitres d'office entre associés que pour les refusants, et que, dans le cas où l'un d'eux en a nommé un, il doit être maintenu, sauf récusation, malgré le refus de l'autre de l'agréer; d'où il résulte que l'arrêt attaqué a commis une erreur de droit, en énonçant, pour un des motifs de sa décision, qu'il résultait de l'esprit du code de commerce « que les arbitres doivent être nommés d'office par une convention mutuelle des parties. » — Mais, con< sidérant, 1o qu'en adoptant les autres motifs du jugement du tribunal de commerce, dont il confirmait la disposition, cet arrêt a regardé commo constant en fait que Chassary avait le même intérêt que les demandeurs à contester les prétentions de Balestrier; 2° que de cette identité ou communauté d'intérêt résultait, pour Chassary, le droît de concourir avec eux au choix de leur arbitre commun, mais qu'il ne s'ensuivait pas qu'ils eussent celui de le forcer à agréer l'arbitre qui leur conviendrait, par la raison que non-seulement il n'existe pas de loi qui exige, en pareil cas, que la minorité cède au vou de la majorité; mais qu'au contraire, d'après les principes du droit commun, cette règle n'est point applicable toutes les fois qu'il s'agit d'un droit individuel; 3° que, dans le fait particulier de la cause, Chassary ayant refusé d'agréer l'arbitre proposé par les demaudeurs, et d'en nommer un autre, on ne peut dire qu'il y eût nomination d'arbitres de la part de ces quatre associés, au rapport de Balestrier; 4° que ce dernier ayant pareillement refusé d'agréer ce même arbitre, es d'en nommer un de sa part, il résultait de cette double circonstance que les parties divisées n'étant point d'accord entre elles pour cette nomination, le tribunal de commerce, devant lequel elles avaient été renvoyées à cet effet, a été autorisé à regarder ce défaut d'accord comme un refus, et par

ARBITRE. est conforme à l'opinion de Locré, loc. cit.; Delvincourt, t. 2, p. 64; Carré, art. 1006; Berriat, 1412.-Elle se fonde: 1° sur les précédents législatifs et sur l'usage, deux des bases les plus fortes de l'interprétation doctrinale; 2° sur cette considération

suite à y procéder d'office pour chacune d'elles; d'où résulte, pour dernière conséquence, qu'en le décidant ainsi, l'arrêt attaqué n'a ni faussement appliqué l'art. 55, ni violé la disposition de l'art. 53 c. com. invoqué par les demandeurs; — Rejette.

Du 10 avril 1816.-C. C., sect. civ.-MM. Brisson, pr.-Pajon, rap.Larivière, av. gén.-Barrot et Mathias, av.

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3o Espèce:- (Poulain C. Deliard.) — 5 janv. 1819.-C. de Metz. 4 Espèce. (May C. Carron.)-21 avril 1823.-C. de Lyon, 4o ch. 5 Espèce:- (Gay C. Lucy.)-Une société commença entre les sieurs Gay, Lucy et Pelon; des contestations s'élèvent entre Gay et Lucy, Peion n'y prend aucune part. Le 9 mai 1823, jugement du tribunal de commerce qui renvoie les parties devant arbitres, et donne acte à Gay de la nomination du sieur Daix pour son arbitre. Lucy ne nomme pas le sien; Gay l'assigne devant le tribunal de commerce pour y nommer un arbitre, ou qu'il en soit nommé un pour lui d'office par le tribunal. Lucy persiste, et conclut à ce que le tribunal, sans égard à la nomination d'arbitre faite par Gay, nomme d'office les deux arbitres. Le 24 fév. 1824, jugement qui accueille ces conclusions, annule la nomination faite par Gay, nomme un autre arbitre pour ce dernier et un autre pour Lucy.—Appel par Gay,

- Arrêt.

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LA COUR; Attendu, au fond, qu'en général et dans quelque matière que ce soit, si certaines dispositions portées dans les codes qui constituent notre droit actuel peuvent présenter quelque obscurité, la juste interprétation qu'on doit leur donner est nécessairement celle qui se concilie avec le sens manifeste d'autres dispositions qui leur sont corrélatives, surtout lorsqu'on la voit en pleine concordance avec les anciens reglements qu'avaient posés sur le mème sujet les lois en vigueur, quand nos codes ont été promulgués; -Attendu que l'institution des arbitrages forcés pour toutes les contestations mues entre associés, à raison de leur société, avait été etablie par l'art. 9 du tit. 4 de l'ord. de 1673, laquelle, jusqu'à la promulgation du code de commerce, fut la loi spéciale qui ne cessa pas de régir les matières commerciales, et que le méme article disposait fort clairement que « chacun des associés pourrait nommer son arbitre; ce que les autres seraient tenus de faire, sinon en serait nommé par le juge pour ceux qui en feraient refus; » d'où il suit qu'incontestablement l'ordonnance de 1673 n'autorisait le juge à nommer des arbitres d'ollice que pour celui ou ceux des associés qui auraient refusé d'en nommer de leur choix; Attendu que le code de commerce, au titre des Sociétés, a expressément maintenu l'usage des arbitrages forcés pour le jugement des contestations entre associés; que quelques dispositions nouvelles qui s'y rencontrent ont tendu à améliorer l'organisation de ces sortes d'arbitrages, et que, quant à la nomination des arbitres, l'art. 53 détermine d'abord comment elle doit être faite par les parties, puisque l'art. 55 dispose qu'en cas de « refus de l'un ou de plusieurs des associés de nommer des arbitres, les arbitres sont nommés d'oflice par le tribunal de commerce; »

Attendu que ce dernier texte, composé d'une seule phrase dont les membres se lient entre eux, a prévu simultanément les deux cas où il y a refus de nommer des arbitres, soit de la part d'un seul des associés, soit de la part de plusieurs; que c'est pour cette double hypothèse qu'il ordonne que les arbitres seront nommés d'office, et que le sens naturel qu'il présente semble ne différer nullement de celui qu'avait si bien exprimé l'article précité de l'ordonnance de 1673, c'est-à-dire qu'il consiste à vouloir que la nomination des arbitres d'office n'ait lieu qu'à l'égard de celui ou ceux des associés qui ont refusé d'en nommer, mais non point pour celui ou ceux qui, ayant nommé eux-mêmes leurs arbitres, ont exercé ainsi le droit dont la loi leur permettait d'user;-Attendu, cependant, que l'espèce d'innovation qu'on prétend avoir été introduite par l'article 55 c. com. consisterait à avoir établi que, dès qu'il y a, de la part d'un des associés, refus de nommer son arbitre, tous les arbitres indistinctement doivent être nommés d'office; en sorte qu'alors la nomination de l'arbitre, ou des arbitres choisis par d'autres associés, resterait sans effet, et qu'il y aurait eu ainsi pleine dérogation à l'ancienne règle posée ci-devant en termes si clairs par l'ancienne ordonnance; — Attendu qu'on entend faire résulter une telle dérogation de ce que la construction grammaticale de l'article précité, étant rigoureusement décomposée, semblerait le rendre susceptible d'être ainsi interprété; mais qu'on ne peut nier non plus que la simple lecture de son texte laisse percer un sens contraire, un sens tout semblable à celui de la loi antécédente; que, dès lors, il s'y rencontre tout au plus une sorte d'obscurité, et que, des incorrections de style pouvant quelquefois se glisser dans la rédaction des meilleures lois, ce n'est point dans un débat purement grammatical qu'il faut chercher des règles d'interprétation pour éclaircir el appliquer aucune des dispositions de nos nouveaux codes, lesquelles toutes, en cas d'ambiguité, doivent être interprétées suivant leur sens le plus simple, le plus naturel et ie plus conforme, comme il a été dit, aux principes qui étaient déja con

de bon sens que, si le législateur avait voulu innover, il l'aurait dit expressément, et ne l'aurait point fait cn se servant de la locution qui a donné lieu à l'argument ou plutôt à l'argutie qu'on a fait résulter de l'article les, employé dans la loi; 3° sur l'art. 62

sacrés expressément par les dispositions analogues de notre ancienne législation;

Attendu que, si les auteurs du nouveau code de commerce eussent voulu, sur la matière dont il s'agit, déroger par l'art. 55 à l'ordonnance de 1673, c'est-à-dire statuer qu'à l'avenir les arbitres seraient nommés d'office pour tous les associés, dès qu'un seul d'entre eux refuserait de nommer le sien, ils n'auraient pu manquer d'énoncer d'une manière formelle et non équivoque une dérogation si grave, au lieu de rédiger ledit article dans des termes qui étaient du mois de nature à y faire ouvertement soupçonner un sens tout différent; & qu'on est fondé, au contraire, à tenir pour indubitable qu'ils n'en adoptèrent la rédaction telle qu'elle est, que parce qu'elle leur parut, malgré la prétendue ambiguïté qui y a été supposée depuis, exprimer assez clairement le même sens que celui des dispositions de l'ancienne ordonnance qu'ils entendaient maintenir; — Attendu que ce qui en donne la pleine certitude, ce sont les explications qu'on tient de M. Locré, qui était secrétaire général près le conseil d'État, où tous les articles du code de commerce avaient été d'abord présentés et discutés, et lequel, par conséquent, dut être à portée, mieux que personne, de donner des notions positives sur le vrai sens des articles plus ou moins ambigus qui pouvaient s'y rencontrer ; que c'est lui qui explique, sur l'art. 55, que le tribunat proposa, au lieu des mots : « les arbitres sont nommés d'office, » de mettre ceux-ci : « les arbitres, pour les refusants, sont nommés d'office, » afin que l'idée du législateur fût à l'abri du doute; en sorte que l'article, tel qu'il est, ne pût pas faire supposer que le refus, de la part d'un seul associé, de nommer un arbitre, rendrait caduque la nomination faite par les autres, et qu'en ce cas, tous les arbitres également, et pour toutes les parties, devraient être nommés d'office; doctrine qui, comme l'atteste Locré, n'était nullement admise par le tribunat, et ajoutant que tant de précautions n'étaient pas nécessaires, il en donne pour raison que, de droit commun, le refus de nommer, fait par l'une des parties, ne peut ôter à l'autre la faculté de choisir elle-même son arbitre; qu'ainsi, la nomination d'office n'a lieu que pour les parties refusantes, el que la rédaction rendait suffisamment cette idée: d'où il suit avec évidence qu'elle fut bien entendue et adoptée telle qu'elle est, comme ayant assez clairement le même sens que le tribunat déclarait bautement y avoir attaché, puisque, autrement, on l'eût remplacée de toute nécessité par une autre rédaction qui aurait eu très-ouvertement un sens contraire;

Attendu, d'ailleurs, que si ces explications pouvaient encore laisser des doutes sur le vrai sens de l'art. 55, ils seraient tout à fait levés par les termes de l'art. 53, avec qui on doit nécessairement le concilier; Attendu, en effet, qu'il est dit en l'art. 53, que « la nomination se fait par acte sous signature privée, par acte notarié, par acte extrajudiciaire et par un consentement donné en justice; » qu'ainsi, la nomination par acte extrajudiciaire étant l'un des modes de nomination admis par l'article 53, et l'acte extrajudiciaire étant par sa nature un acte unilatéral, chaque associé a individuellement le droit de nommer son arbitre, sans que la validité de la nomination puisse dépendre d'un consentement commun; en sorte que tout arbitre qu'a nommé pour lui l'un des associés, se trouve, dès lors, suivant l'art. 53, définitivement nommé, sauf le cas de récusation, et investi, à ce titre, des fonctions de juge du différend; que, cependant, le contraire arriverait, si on admettait que le refus fait par un des associés de nommer son arbitre put donner lieu, suivant l'art. 55, à la nomination d'office de tous les arbitres, puisque l'effet d'un tel refus de la part d'un seul des associés serait d'écarter, sans aucun motif légal de récusation, les arbitres qu'auraient nommés les autres sociétaires; Attendu, du reste, que, pour soutenir cette doctrine, il n'y a aucune raison de vouloir supposer qu'en admettant comme définitive la nomination séparée faite par chaque associé, le droit de récuser l'arbitre par lui nommé n'appartiendrait pas aux autres parties, sous prétexte que ni les art. 53 et 55, ni aucune autre partie du code de commerce ne contiennent de disposition à cet égard; car il en est de l'arbitre qu'a nommé un associé, et à qui cette seule nomination a attribué définitivement lo caractère de juge, comme il en est de tous les juges quelconques, lesquels, suivant l'art. 378 c. pr., peuvent être valablement récusés pour quelqu'une des causes prévues par ce même article ; qu'il n'y a également nulle induction à tirer, ni de l'art. 508 dudit c. pr., lequel veut que les récusations ne puissent être proposées que contre les experts nommés d'office, à moins que les causes n'en soient survenues depuis la nomination et avant le serment, ni de l'art. 1014, qui, comme tout le titre dont il est tiré, ne se rapporte qu'aux arbitrages compromissoires, et qui veut que les arbitres ne puissent être recusés, si ce n'est pour causes survenues après le compromis: car le principe tout naturel qui découle de ces deux articles se réduit à avoir posé pour régle qu'on ne peut être reçu récuser des experts ou des arbitres à la nomination desquels on a soimême concouru, à moins qu'il n'y ait eu des causes de récusation surve

c. com., qui autorise les parties à nommer leurs arbitres par acte extrajudiciaire, c'est-à-dire par un acte qui ne suppose ni concours de volonté, ni convention préexistante; 4° sur ce qu'il s'agit ici d'un droit individuel toujours reconnu en matière d'arbitrage, le droit de se choisir son juge, droit si puissant que la loi de 1790 permettait à chaque partie de révoquer les arbitres tant qu'ils n'avaient pas prononcé leur sentence; 5° enfin, sur la néressité d'avoir en arbitrage des hommes en qui l'on a confiance, nécessité si impérieuse, que si le droit de choisir son arbitre, qui en est la conséquence inévitable, n'existait pas, il est à croire que nul ne se résoudrait à entrer dans la voie de l'arbitrage, et que Pinstitution périrait sous le coup de la répugnance de chaque citoyen à confier le droit de décider de sa fortune à des hommes inconnus et ne donnant à la société aucune garantie. — Nul ne saurait nier la force de cette argumentation, et tant qu'on ne l'aura pas détruite, on devra admettre l'interprétation que la jurisprudence la plus constante a donnée à l'art. 55. A l'égard de l'art. 429, Il ne s'applique qu'au cas d'expertise, car c'est inexactement qu'il désigne sous le nom d'arbitres les trois experts que le tribunal est autorisé à nommer, en matière de compte, ainsi qu'on en a fait la remarque au commencement de ce traité.

530. Lorsque les associés qui ont un intérêt commun ne s'en

nues depuis qu'on les a nommés. Mais il est tout simple, en même temps, qu'en matière d'arbitrage forcé, chacun des associés ne nommant que son arbitre, la faculté qu'ils ont respectivement de récuser l'arbitre ou les arbitres qu'eux-mêmes n'ont pas nommés leur soit garantie par le droit commun, pour tous les cas où il en a admis l'exercice;

Attendu, au surplus, qu'on n'est nullement fondé à vouloir appliquer aux arbitrages forcés dont le code de commerce a maintenu l'usage pour le jugement des contestations entre associés, ce qui est dit en l'art. 429 c. pr., relativement aux arbitres dont cet article autorise la nomination dans le cas particulier qu'il a prévu; qu'en effet, ce sont des arbitres qui ne se trouvent appelés, quand il s'agit d'examen de comptes, pièces et registres, qu'à entendre les parties et les concilier, si faire se peut, sinon à donner leur avis, en sorte qu'ils ne sont réellement que des arbitres experts, au lieu d'être des arbitres juges; que ceci explique pourquoi l'art. 429 veut qu'il en soit nommé un ou trois, et qu'ils soient nommés d'office par le tribunal, à moins que les parties n'en conviennent à l'audience; car telle est la règle générale posée ailleurs par le code de procédure aux art. 302 et suivants sur la matière des expertises, règle nouvelle qui, dérogeant aux formes suivies sous l'ancien droit, a eu pour but de faire éviter désormais tous les frais frustratoires auxquels donnaient lieu les tierces expertises ci-devant usitées: règle d'après la quelle les experts doivent toujours être en nombre d'un ou de trois, c'est-à-dire en nombre impair, et être nommés d'office, si les parties ne font pas la nomination d'un commun accord, tellement qu'aujourd'hui il n'y a plus, dans aucun cas, de tierce expertise à ordonner; mais que l'organisation des arbitrages forcés, pour le jugement des contestations entre associés, telle qu'on la voit instituée, ou plutôt maintenue par le code de commerce, est d'une nature absolument différente: qu'alors les arbitres sont, non point des arbitres experts, mais de véritables juges, des juges privés, dont chaque associé a droit de nommer le sien; qu'aussi la loi veut-elle que de tels arbitres soient en nombre pair pour statuer sur des intérêts opposés, et qu'en cas de partage, il y ait licu, suivant l'art. 60 c. com., à la nomination d'un tiers ou sur-arbitre, lequel, dit-il, doit être nommé d'office par le tribunal, si les parties ellesmêmes ne l'ont pas désigné par leur compromis, ou si les arbitres n'ont pas été d'accord pour le choisir; d'où il suit très-évidemment que, quant à la nomination antécédente des arbitres, elle ne saurait jamais dépendre, comme celle du sur-arbitre, de l'accord des associés, les art. 55 et 55 n'énonçant rien de semblable; mais que chaque associé individuellement pouvant nommer son arbitre, suivant ce qui est porté si clairement en l'art. 55, la nomination d'office d'un ou de plusieurs arbitres, telle qu'elle est ordonnée par l'art. 55 et d'après le seul sens raisonnable qu'on puisse y apercevoir, n'a jamais lieu qu'à l'égard des parties refusantes, ainsi qu'il a été dit ci-dessus; Attendu qu'en vain oppose-t-on contre ce vœu manifeste de la loi de simples considérations sur les inconvénients qu'un tel mode de nomination peut entrainer, et sur les prétendus avantages qu'aurait un mode contraire, parce qu'il faut toujours, avant tout et en toutes matières, que la loi en vigueur soit respectée et suivie; mais que, d'ailleurs, si de pures considérations pouvaient être ici à balancer et à apprécier, celles qui tendent à appuyer la légale interprétation dudit art. 55, telle qu'on vient de l'expliquer, ne pourraient qu'être du plus grand poids; qu'on sent en effet qu'interpréter autrement cet article, serait en pleine opposition avec la nature de l'arbitrage, puisqu'il est dans l'essence de tout arbitrage, quel qu'il soit, forcé ou volontaire, qu'on ne puisse être jugé par des arbitres, c'est-à-dire par des juges privés, sans avoir eu la faculté de Bommer soi-même son arbitre; qu'on sent, de plus, que si le refus qu'au

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tendent pas sur le choix de l'arbitre qu'ils doivent nommer, le tribunal doit faire lui-même la désignation pour eux (Paris, 11 av. 1833, aff. Delamarre, V. no 538). En cas pareil, il n'est pas obligé de suivre la loi de la majorité; et, par exemple, il a été jugé que, si, un associé refusant de nommer un arbitre, il y a dissentiment, entre ses coassociés ayant un même intérêt, sur le choix qu'ils doivent faire, le tribunal doit nommer des arbitres pour les deux parties, encore bien que, parmi les associés qui sont en dissentiment, trois s'entendraient pour désigner un arbitre, et le quatrième en choisirait un autre (Rej., 10 avril 1816, aff. Caire, V. no 529, 2o esp.).

531. Il serait dans les convenances que, lorsqu'une partie refuse de nommer son arbitre, le tribunal ne fit qu'une nomination éventuelle et subordonnée au cas où, dans un certain délai, à partir de la prononciation du jugement, elle n'aurait pas désigné le sien. Ce que nous signalons ici comme une règle de convenance a été considéré comme un droit pour l'associé refusant : il a été jugé que le tribunal doit lui laisser la faculté de choisir un arbitre dans un délai déterminé, et qu'il y a lieu de réformer le jugement qui a fait une nomination définitive (Bordeaux, 15 nov. 1827 (1), Paris, 25 mars 1814, aff. Fauvel, V. no 557; Douai, 19 janv. 1841, aff. Mayer, V. no 535). — Il a été jugé, dans le

rait fait un seul des associés de vouloir nommer son arbitre, pouvait avoir pour effet d'amener la nomination d'office de tous les arbitres indistinctement, cette nomination, quoique déférée au tribunal de commerce, ce qui offrirait assurément des garanties d'impartialité, ne serait pas toujours néanmoins pour chaque intéressé en particulier un motif suffisant de sécurité; qu'au contraire, chaque partie étant toujours libre de nommer son arbitre, il est à craindre, à la vérité, que des arbitres ainsi nommés no montrent, chacun de son côté, quelque partialité pour les parties par qui ils sont choisis, mais qu'au moins chaque partie a l'assurance de n'être pas sacrifiée, et que s'il y a discordance entre eux, le sur-arbitre nommé alors, ou par les parties d'un commun accord, ou par les arbitres euxmêmes, ou d'office par le tribunal, se trouve appelé à la faire cesser, en sorte que la loi a concilié ainsi tous les intérêts, et a mis le remède à côté du mal;

Attendu, enfin, que la doctrine opposée qu'a adoptée tout récemment le tribunal de commerce de Lyon est une innovation contraire à l'opinion unanime de tous les auteurs qui ont traité cette matière; contraire à la propre jurisprudence que ce tribunal lui-même suivit sans cesse jusqu'en ces derniers temps; contraire à la jurisprudence de la cour et à celle de la cour de cassation; contraire, en un mot, à l'esprit de le loi, à son texte littéral bien expliqué et bien entendu, et que le tribunal de commerce qui a eu les meilleures intentions en voulant l'introduire, n'aurait cependant aucun prétexte de vouloir y persévérer; - Par tous ces motifs, prononce qu'il a été mal jugé par le jugement dont est appel, en ce qu'il a nommé deux arbitres d'office pour juger les contestations mues entre les parties, au lieu de n'en nommer qu'un seul pour le sieur Lucy, intimé, qui avait fait refus de nommer le sien, et en ce que, sur le seul fondement de ce refus, il a annulé la nomination qu'avait faite le sieur Gay, appelant, du sieur Daix, pour son arbitre, quoiqu'il n'y eût aucun moyen de récusation proposé contre ce dernier; bien appelé, émendant, ordonne que le sieur Daix, arbitre nommé par l'appelant, est définitivement reçu, et qu'à défaut par le sieur Lucy, intimé, de nommer le sien dans trois jours a compter de la signification du présent arrêt, il lui en sera nommé un d'office; l'intimé condamné aux dépens des causes principale et d'appel, et sera l'amende restituée.

Du 28 août 1824.-C. de Lyon, 4o ch.-MM. Bastard-d'Estang, 1" pr.Courvoisier, c. contr.-Sauzet et Péricaud, av.

6o Espèce : Lyon, 4o ch.

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(Jacquemont C. Jacquemont) — 4 juill. 1825.-C. de

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(1) Espèce : (Bourdet C. Larfeuil.) 1816, société entre Bourdet et Larfeuil sa durée est fixée à neuf ans. Bientôt des contestations s'élèvent: Larfeuil assigne Bourdet en nomination d'arbitres. - Bourdet oppose que la société a été dissoute par une convention verbale qu'il demande à prouver par témoins. Larfeuil soutient cette preuve non recevable (c. com. 41). Jugement du tribunal de commerce de Bordeaux qui, après avoir en vain interpellé Bourdet de faire choix d'un arbitre, nomme d'office trois arbitres pour prononcer sur les contestations.-Appel de la part des deux parties. Bourdet, tout en soutenant la preuve testimoniale recevable, ajoutait que, sur son refus de nommer un arbitre, il eût fallu déterminer un délai dans lequel il serait tenu de cette désignation. De son côté Larfeuil, qui avait choisi un arbitre, prétendait que le tribunal n'avait pu, sans excès de pouvoir, lui en nommer un; qu'il n'avait pu de même nommer trois arbitres. - Arrêt. LA COUR; Attendu que, par acte dûment enregistré, en date du 8 janv. 1826, Bourdet aîné contracta avec Pierre Larfeuil une société de

même sens, que, lorsqu'un arbitre a été nommé d'office par le tribunal pour l'une des parties, sur la demande de l'autre, cette nomination d'office cesse d'avoir effet, si, avant que cet arbitre soit entré en fonctions, la partie pour laquelle il a été nommé d'office choisit elle-même volontairement son arbitre (Paris, 14 fév. 1809) (1). — Cela a été jugé en matière d'arbitrage volontaire convenu d'avance, mais la décision ne serait pas moins juridique dans le cas de l'art. 53 c. com. En effet, il faut que les parties aient confiance dans leur arbitre, et leur volonté doit, tant que les choses sont entières, être préférée à celle du tribunal.-Conf. Carré, no 3280, qui enseigne même que, malgré le jugement qui nommerait sur le refus d'une partie, fùt-il acquiescé, la nomination de la partie rendrait sans effet celle du juge. En quoi nous croyons que cet auteur va trop loin, car, l'arbitrage une fois composé de l'accord des parties, il ne doit pas être permis à l'une d'elles de déranger cette composition.—Mais ce système n'a point été admis; et, sur le refus d'un associé ou de son fondé de pouvoir de désigner son arbitre, il a été décidé que le tribunal pouvait faire une nomination définitive (Req., 14 juin 1831, aff. Bordot, V. n° 544).

532. Au reste, la circonstance qu'en arbitrage volontaire, convenu d'avance par des commerçants, les arbitres choisis ont laissé passer le délai, sans rendre leur sentence, ne fait pas obstacle à ce que le tribunal de commerce nomme pour la partię qui refuse de choisir une seconde fois son arbitre (Poitiers, 18 juill. 1820) (2).

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533. Il est sans difficulté qu'un tribunal peut nommer les arbitres, à défaut par les associés d'en désigner, quoiqu'il se déclare incompétent pour connaître de la contestation entre eux (Bruxelles, 27 déc. 1810, af. Duboys, V. n° 165).

534. En plaidant devant un arbitre, on se rend non recevable à se plaindre de l'irrégularité de sa nomination (Bruxelles, 26 oct. 1824, aff. Berré, V. no 560). Et, lorsque après la commerce qui devait durer neuf années; que le terme de cette société n'est point expiré et qu'il n'existe point d'acte écrit par lequel elle ait été dissoute; Attendu qu'aux termes de l'art. 41 c. com., la preuve par temoins ne peut être admise contre et outre le contenu dans les actes de société, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit lors de l'acte ou depuis; qu'ainsi on ne saurait admettre la preuve testimoniale qu'un acte de société a été dissous par des conventions verbales entre coassociés; Attendu qu'aux termes de l'art. 1353, les présomptions, autres que les présomptions légales, ne peuvent être admises que dans les cas seulement où la Loi admet les preuves testimoniales, à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de frande ou de dol; que, dans l'espèce, l'acte n'est attaqué par aucun de ces deux moyens; qu'au surplus, il ne résulte des faits allégués par Pierre Bourdet aucunes présomptions graves, précises et concordantes de la dissolution de la société;

Attendu qu'en matière d'arbitrage forcé, relativement aux contestations entre coassociés, chacun des associés a le droit de désigner un arbitre; que son consentement, à cet égard, peut être donné, ainsi qu'il résulte de l'art. 52 c. cóm., par acte privé ou notarié, par acte extrajudiciaire ou en justice; que Larfeuil a déclaré, dans ses conclusions devant le tribunal de commerce, qu'il choisissait pour son arbitre le sieur Pascal, greffier du tribunal, ou le sieur Fontanet; que ce droit accordé à chacun des associés de désigner un arbitre, ne saurait lui être enlevé par le refus de son coassocié de se conformer au vœu de la loi en usant de la même faculté; que celui-ci, en dédaignant d'exercer son droit, met le tribunal de commerce dans l'obligation d'y suppléer, mais ne peut nuire au droit qui est acquis par la loi à l'autre associé d'avoir, parimi ses juges, un arbitre de son choix; que l'art. 55, même code, ne renferme aucune disposition qui soit contraire à cette décision; qu'en effet, il statue collectivement dans le cas où l'un ou plusieurs des associés refuseraient de nommer des arbitres; que conséquemment il a dû également déclarer collectivement que les arbitres seraient nommés par le tribunal de commerce, sans qu'on doive en induire que, par cette locution, il ait entendu statuer sur d'autres arbitres que ceux qui devaient être nommés par les associés qui refuseraient de le faire; qu'au surplus, les expressions de cet article présentassentelles quelque ambiguïté, elle serait détruite par la législation antérieure a code commercial (à laquelle il faudrail se référer en cas de doute), par la jurisprudence de la cour de cassation et par la doctrine des auteurs les plus recommandables;

Mais attendu, d'une part, que l'arbitre nommé par le tribunal n'a de mission qu'autant que l'associé a été mis en demeure d'en désigner un de son choix; que, dans l'espèce, la question préjudicielle était de savoir si la société avait été ou pon dissoute; que Bourdet, qui soutenait l'affirmative, ne pouvait, sans nuire à son droit, désigner un arbitre avant la décision de cette question, car il aurait préjugé son exception; que, des V75,

la dissolution d'une société commerciale, chacune des parties Intéressées a fait choix d'un arbitre à l'audience du tribunal de commerce et qu'il en a été donné acte par un jugement contradictoire, les arbitres ainsi nommés ne peuvent être récusés sous le prétexte que l'acte de société indiquait que les arbitres devraient être choisis dans une certaine profession, ce qui n'aurait point été rigoureusement exécuté (Lyon, 15 déc. 1840, aff. Doubouchet C. Dubouchet).

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535. Nombre des arbitres. Les parties peuvent convenir de tel nombre d'arbitres qu'elles jugent à propos : il est néanmoias prudent qu'elles les prenuent en nombre impair pour éviter les difficultés et les lenteurs de la nomination du liers arbitre. C'est aussi la remarque que fait M. Pardessus, no 1391. Suivant la loi du 11 vend. an 2, le nombre choisi par chaque partie ne pouvait excéder celui de trois. Mais lorsque la nomination est faite par le juge, il paraît bien résulter de l'économie de la loi que le tribunal doit les désigner en nombre pair (Turin, 26 fév. 1814, aff. Farinelli, V. no 165; Bordeaux, 15 nov. 1827, aff. Bourdet, V. no 531), et, par exemple, un ou deux pour chaque partie, suivant l'importance de l'affaire, sauf à ceux-ci, et en cas de dissentiment au tribunal, à nommer, s'il y a lieu, un tiers arbitre ou sur-arbitre. Cette marche n'est certainement pas la plus simple, et Ulpien l'avait proscrite. Voici en quels termes son opinion, consignée dans le Digeste, a été traduite par Hulot : « On pourrait demander, en général, si un compromis qui nomme deux arbitres est valable, et si le préteur doit les forcer à prononcer, parce qu'on peut dire que le jugement n'aura point d'effet à cause du penchant naturel aux hommes à être d'avis différents : car ce qui fait qu'on reçoit le compromis qui nomme des arbitres en nombre impair, ce n'est pas qu'il soit aisé d'avoir un suffrage unanime, mais c'est qu'en cas de partage il y a une majorité au jugement de laquelle on s'en rapportera. Cependant il est d'usage de nommer deux arbitres, et le préteur doit les forcer à juger; le tribunal de commerce aurait dû subordonner la nomination qu'il faisait d'un arbitre pour Bourdet, au cas où celui-ci n'en aurait pas nommé un dans un délai déterminé;-Attendu que, d'autre part, les premiers juges, en désignant trois arbitres, ont confondu la législation qui régit les arbitrages avec celle qui régit les expertises; que nulte disposition légale ne prescrit aux associés de nommer un tiers arbitre pour procéder conjointement avec les arbitres nommés par chaque partie ou pour elles; qu'il no doit être nommé un tiers arbitre, ainsi qu'il résulte de l'art. 60 c. com., que lorsqu'il y a partage; qu'ainsi le jugement doit être réformé sous un double rapport, soit parce qu'il a nommé trois arbitres au lieu d'un seul, soit parce qu'il n'a pas laissé la faculté à l'appelant de désigner le sien en prescrivant un délai suffisant pour vêtir le jugement; Émendant dans le chef qui a nommé trois arbitres, ordonne que, dans le délai de huitaine de la signification du présent arrêt, Pierre Bourdet désignera un arbitre do son choix pour être statué, conjointement avec celui qui a été désigné par Larfeuil; faute de quoi, en renvoie la délibération devant MM. Fontanet, désigné par l'intimé, et Laroche, que la cour nomme d'office; sur le surplus, met l'appel au néant.

Du 15 nov. 1827.-C. de Bordeaux, 4o ch.-M. Dutrouilḥ, pr.

(1) (Soussaye C. Valvin.)- LA COUR; En ce qui touche l'appel de l'ordonn. du 13 déc. 1808; Considérant que les conventions des parties portaient que les arbitres seraient de leur choix; Considérant que la nomination faite par de Soussaye, d'un arbitre de son choix, avant que l'arbitre nommé d'office fût entré en fonctions, a fait cesser l'effet do la nomination 'office... a mis et met F'appellation et ce dont est appel au néant, émendant, déclare ladite ordonnance du 13 déc. dernier comme non avenue, elc.

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Du 14 févr. 1809.-C. de Paris, 2 ch.-M. Blondel, pr. (2) (Russeil C. Balanger.) — LA COUR; - Considérant qu'il est reconnu par toutes les parties qu'elles sont convenues de faire régler, par des arbitres pris à Nantes, les discussions qui pourraient s'élever entre elles sur l'exécution du service de roulage, que l'appelant avait promis de faire pour l'intimé; - Considérant que si les arbitres nommés par le jugement du 8 janv. 1817, ou par suite d'icelui, ont laissé expirer le délai sans remplir leur mission, leurs pouvoirs ont cessé; mais les parties sont restées de plein droit en même position qu'avant la nomination desdits arbitres, c'est-à-dire dans les termes de leur convention première, et par conséquent dans l'obligation de nommer d'autres arbitres pour régler leurs différends; Dit qu'il a été bien jugé par le jugement dont est appel, mal et sans griefs appelé; - Ordonne que ledit jugement sortira son plein et entier effet,- Condamne l'appelant, etc.

Du 18 juill. 1820.-C. de Poitiers.-M. Mo'inière, 1 av. gén., c. contr.

s'ils ne sont point du même avis, il peut les contraindre à choisir un tiers dont le jugement soit suivi » (L. 17, § 6, liv. 4, D. 8, D., De recept. qui arbit.).—Telle est la pensée de la loi romaine, et il est aisé de voir, au travers de l'hésitation que laissent percer les magistrats de la cour de Turin, qu'elle était bien présente à leur esprit lorsqu'ils ont posé le principe qu'on vient d'établir. Et certes, il faut que le sens de l'art. 53 c. com. se soit révélé à eux avec bien de la clarté pour qu'en présence de leurs souvenirs, et en face de l'art. 429 c. pr., ils soient arrivés à cette conséquence; car cet art. 429, tout inapplicable qu'il soit à l'arbitrage (Cass., 9 avril 1816, aff. Roi; Rej., 10 avril 1816, aff. Caire, V. no 529), a souvent égaré nos tribunaux. — Lors donc qu'un arrêt a annulé une sentence rendue par deux arbitres nommés par le tribunal de commerce, en se fondant sur ce que ce tribunal aurait dù nommer les arbitres en nombre impair (Nimes, 10 fév. 1809) (1), par exemple, un ou trois, il a évidemment méconnu l'esprit du code de commerce. Aussi voil-on que, pour le juger ainsi, il s'est fondé sur l'art. 429 c. pr., qui, comme on vient de le dire, est éti anger à l'arbitrage, et n'est relatif qu'à l'expertise. C'est là aussi l'opinion de M. Thomine, t. 2, p. 674 ; c'est aussi celle de M. Chauveau sur Carré, no 3280 bis.

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(1) Espèce (Leffèvre C. Revol.) En 1807, le tribunal de commerce d'Uzès a rendu un jugement par défaut qui condamne le sieur Leffèvre à rendre compte à la veuve Revol et qui a renvoyé les parties devant deux arbitres, l'un choisi par celle-ci, l'autre nommé d'office par le tribunal. Ce jugement est signifié, et Lefèvre, assigné devant les arbitres qui eux-mêmes jugent par défaut. Leffèvre, ne s'étant pas présenté, appelle des deux jugements; il prétend que le premier est nul en ce qu'il n'a nommé que deux arbitres, ce qui a entraîné la nullité de la sentence rabitrale. Arrêt:

LA COUR - Considérant que, d'après l'art. 158 c. pr., l'opposition du sieur Leffèvre envers le tribunal d'Uzès, du 15 août 1807, n'était recevable que jusqu'à l'exécution de ce jugement; que ce jugement n'ordonnant autre chose, si ce n'est que les parties se pourvoieraient devant les arbitres nommés, il fut exécuté, du moment que la veuve Revol eut cité Leffèvre devant les arbitres, et que, dès ce moment, la voie de l'opposition se trouva fermée; qu'ainsi l'appel du sieur Leffèvre n'ayant été interjeté que plus d'un mois après celle citation, on ne saurait lui appliquer l'art. 455 c. pr., qui porte que les appels des jugements susceptibles d'opposition ne seron! point recevables pendant le délai de l'opposition; Considérant que l'art. 1016, même code, déclare qu'un jugement arbitral ne sera, dans aucun cas, sujet à l'opposition; - Considérant que le jugement du 8 oct. 1809 est un véritable jugement arbitral, et que le sieur Leffèvre n'ayant pu l'attaquer par la voie de l'opposition, il importe peu que l'appel en aît été interjèté dans les huit jours de la signification de ce jugement; - Considérant encore qu'aux termes de l'art. 429 c. pr., au lieu de nommer deux arbitres, le tribunal devait, ou n'en nommer qu'un, ou en nommer trois; Considérant que l'annulation du jugement qui a fait cette nomination entraîne celle du jugement arbitral lui-même ; - Par ces motifs, faisant droit, annule les jugements. Du 10 fév. 1809.-C. de Nimes.

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(2) Espèce: (Salomon C. Hébert.) — 25 février 1828, acte de société en nom collectif, entre les sieurs Hébert et Salomon, de Grenoble, pour le commerce des denrées coloniales. Une des clauses de l'acte porte: « que les sieur et dame Salomon, père et mère, seront chargés, à Marseille, de faire les achats de la société..... Que le sieur Salomon fils serait caution envers la société de toutes sommes et marchandises que ses parents pourront avoir entre leurs mains, appartenant à la société......; Que les diflicultés et contestations, soit pendant le cours de la société, soit lors de sa liquidation, seront jugées par arbitres en dernier ressort, les associés renonçant à l'appel. Le 1er mai 1829, dissolution de la société dont la liquidation est confiée au sieur Hébert. - Celui-ci porte, dans ses états de situation, le débet de la dame Salomon de Marseille, à la somme de 15,394 fr. 41 c. Des difficultés s'élèvent sur ce point; et trois arbitres sont nommés d'office, par jugement du tribunal de commerce de Grenoble, du 15 sept. 1829.-Les délais de l'arbitrage sont deux fois prorogés, et enfin intervient, le 8 janv. 1833, sentence arbitrale qui fixe le débet du compte personnel de Salomon fils à 294 fr. 60 c., et celui du compte de la dame Salomon de Marseille à 16,548 fr. 96 c., et qui condamne Salomon fils personnellement et par corps à payer ces différentes sommes avec intérêts.

Pourvoi de Salomon, pour : 1° Violation de l'art. 60 c. com., et fausse application de l'art. 429 c. pr.; en ce que la sentence arbitrale aurait été rendue par trois arbitres, au lieu qu'elle ne pouvait l'être que par deux, puisqu'il n'y avait pas eu de partage d'opinions et qu'il s'agissait d'arbitrage forcé. (Arrêts des 15 nov. 1827, Bordeaux, aff. Bourdet, V. n° 531; 5 juin 1815 et 9 avril 1816, Civ. cass., aff. Roi v 529).

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Ulpien allait encore plus loin; il disait : « Si on a nommè par un compromis deux arbitres avec cette clause, que s'ils se trouvent d'avis différent, ils prendront un tiers, je pense qu'un pareil compromis ne vaut pas, car ils pourraient encore être d'avis différent pour nommer le tiers. Mais si la clause étail conçue en ces termes, que dans ce cas on leur donnerai pour tiers Sempronius, le compromis vaut, parce qu'ils ne peuvent point être d'avis différent pour le prendre. » (L. 17, $5, eod.)

536. Au reste, la sentence qui est rendue par trois arbitres nommés d'office n'est pas nulle si les parties ont, par des défenses au fond, acquiescé au jugement du tribunal de commerce qui a nommé les trois arbitres (Req., 25 juillet 1833) (2).

537. Intérêt collectif. — Le nombre des arbitres que chaque associé a le droit de nommer est rélatif aux intérêts distincts mis en présence. Chaque associé n'a pas indistinctement le droit de nommer un arbitre, pour la composition du tribunal arbitral chargé de juger des contestations entre associés : ce droit individuel n'appartient à chaque associé qu'autant qu'il a un intérêt opposé dans la contestation; et il a été jugé, avec raison, que, si plusieurs associés ont un intérêt identique, ils ne peuvent dé

2° Violation des art. 54 c. com., el 1012 c. pr., pour excès de pouvoir; en ce que les arbitres auraient statué après l'expiration dos délais fixés. En effet, a-t-on dit, les délais déjà prorogés une fois par les parties, étaient expirés depuis près de deux ans, lorsque le tribunal do commerce de Grenoble, par jugement du 20 juill. 1832, les a prorogés de nouveau à six mois; mais il était trop tard, car, pour que cette prorogation intervint en temps utile, il eut fallu qu'elle eût été prononcée avant l'expiration des délais. A cette époque, les pouvoirs des arbitres se troavaient anéantis et ne pouvaient aucunement revivre ; leur décision est donc nulle (arrêt du 22 avril 1823, Civ. cass., aff. Thomas, V. n° 705). Il est d'ailleurs constant, qu'aux juges du tribunal n'appartient pas lo droit de proroger le délai de l'arbitrage; ils épuisent leur droit par la nomination qu'ils font des arbitres, en cas de refus des parties où de l'ant d'elles (Arrêt du 21 fév. 1826, Civ. cass., aff. Baptiste, V. no 690). 5° Violation des art. 2012, 2021 et 2022 c. civ., pour excès de pouvoir; en ce que les arbitres constitués juges de toutes les difficultés et contestations des associés entre eux, ne pouvaient s'établir juges aussi des comptes des tiers avec la société, et la dame Salomon de Marseille, n'était qu'un tiers en compte courant avec la société. Ils devaient, ainsi que le sieur Salomon fils le demandait par des conclusions formelles, renvoyer à fairo régler contradictoirement entre le liquidateur Hébert et la dame Salomon de Marseille le compte courant de cette dernière, avant de l'admettre dans la liquidation des associés entre eux. 4° Enfin, violation de l'art. 2060, no 5, c. civ., en ce que les arbitres ont condamné le sieur Salomon par corps, lorsqu'il ne s'était nullement soumis à la contrainte dans l'acte de société, et que, d'autre part, il n'était pas caution d'un contraignable; car les sieur et dame Salomon de Marseille, constitués représentants de la société à Marseille pour y soigner ses achats (ce sont les termes de la sentence), ne faisaient que des actes de mandat, et, en les cautionnant, le sieur Salomon fils ne devenait pas caution de commerçant. Arrêt. LA COUR; En ce qui touche les deux premiers moyens de cassation: Consi lérant que le demandeur attaque seulement la sentence arbitrale; qu'i. n'a jamais attaqué, par la voie de l'appel, le jugement contradictoire qui avait nommé les arbitres, et celui qui, après une prorogation convenGonnelle intervenue entre les parties, a accordé une nouvelle prorogation de la mission des arbitres; que le demandeur à acquiescé à l'exécution de ces jugements passés en force de chose jugée, en comparaissant devant les arbitres, sans élever aucune réclamation, en concluant, au fond, et fournissant ses moyens de défense; qu'ainsi, il a reconnu la juridiction des arFitres; En ce qui touche le 3 moyen: - Considérant qu'il s'agissait de lquer et de régler le compte de la veuve Salomon envers la société ; Considérant, en droit, que le demandeur, caution de sa mère, avait qualité pour constater les bases de ce compte;- Considérant, en fait, que les arbitres ont, soit d'après les aveux du demandeur, soit d'après la correspondance, la comparaison et le relevé des livres et registres, établi le montant de la dette de la dame Salomon mère; qu'ils ont constaté que l demandeur n'a présenté aucune explication précise, aucune articulation contre les éléments de cette fixation; qu'ainsi cette partie de l'arrêt est à l'abri de toute censure;

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En ce qui touche le 4 moyen: Considérant que les opérations dont la dame Salomon mère était chargée pour le compte de la société à Marseille, par ses rapports avec elle, constituaient un acte de commerce; que le demandeur s'étant porté caution de sa mère, s'est engagé commercialement lui-même envers la société; qu'ainsi, les arbitres, en prononçant la contrainte par corps, n'ont pas violé les dispositions du code, ni commis un excès de pouvoir; - Rejelte.

Da 23 juill. 1835.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Lebeau, rap.

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