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202. Ainsi, il y a contravention aux lois et violation de l'autorité de la chose jugée dans l'arrêt d'une cour qui, après l'expiration des délais du pourvoi en cassation, reçoit l'appel d'un Jugement qualifié en dernier ressort, rendu avant le code de procédure (Cass., 26 janv. 1825) (1).

203. Telle était la jurisprudence, et à côté des monuments nombreux qui l'établissent, on ne peut placer qu'un jugement du tribunal de Paris qui a déclaré recevable, sous l'ancienne législation, l'appel d'un jugement mal à propos qualifié en dernier ressort (Paris, 30 floréal an 10) (2).

204. Quoi qu'il en soit, on s'était demandé si cette jurispru❘ dence devait être étendue aux décisions émanées des juges de paix et mal à propos qualifiées en dernier ressort. La raison spé

a prononcé, pour pouvoir déclarer que Bal devait 810 liv. pour l'année relativement à laquelle le débat s'était engagé; qu'il faut, par conséquent, reconnaître que le jugement du 14 fruct. an 2 a vidé la demande que les héritiers Bal ont renouvelée;-Qu'en vain, pour lui enlever l'autorité de la chose jugée, ils l'ont, dans un exploit notifié ce jour même à Saint-Léonard, entrepris par la voie d'un appel relevé devant la cour royale d'Agen; que, sans qu'il y ait à craindre de s'exposer à un empiétement sur les attributions de la juridiction saisie, la cour doit déclarer qu'un pareil acte ne peut, dans les circonstances où il a été fait, enlever au jugement la force qui lui appartenait auparavant; - Que, d'un autre côté, en effet, même en admettant que le tribunal n'eût épuisé que le premier degré de juridiction lorsqu'il avait prononcé sur le titre lui-même, le jugement ne pouvait, sous l'empire de la loi du 24 août 1790, être que l'objet d'un pourvoi en cassation dès qu'il énonçait dans son dispositif qu'il avait éte rendu en dernier ressort; Que, dans tous les cas, l'appel serait tardif, même quand il n'y aurait pas eu de modification du jugement, puisqu'il est rendu depuis plus de trente ans, et que par le seul effet de ce laps de temps il échappe à toute sorte de recours; - Que, si les intimés ont soutenu avec le premier juge que, cette période s'étant écoulée sans qu'il soit justifié d'une signification, le jugement est atteint par la prescription, la réponse est facile; qu'un titre n'est prescrit, en effet, que lorsque celui qu'il oblige à faire une chose s'est soustrait pendant plus de trente ans à son obligation; qu'il n'en a point été ainsi dans la cause, puisque, de la requête présentée en 1798 au tribunal d'Auch, il résulte que Bal avait payé annuellement 840 fr.; que ses lettres du 23 juin 1805 et du 2 juill. 1804, qui contiennent chacune un mandat de la même somme, prouvent qu'il a entendu servir la rente suivant les stipulations de l'acte du 16 sept. 1749; qu'alors même qu'on voudrait ne point voir dans ces faits autant d'actes d'exécution qui, par l'effet de l'acquiescement, auraient rendu plus inataquable encore l'autorité du jugement, il est hors de doute que le débiteur a payé, conformément à ce que le juge avait ordonné, ce qui suffirait pour dire que sa décision n'est point prescrite; que, dès lors, et sans qu'il faille s'arrêter à l'appel interjeté, la cour doit déclarer que le taux annuel de la rente demeurera fixé à 840 liv., lesquelles doivent, selon la demande des intimés, être réduites en francs, et rechercher le temps depuis lequel les arrérages en sont dus...

Du 24 déc. 1842.-C. de Toulouse, 2 ch.-M. Martin, pr.

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(1) Espèce (Ramel C. Pocachard.)-Par jugement du 24 déc. 1806, le tribunal civil de Lyon avait condamné Jean-Antoine Pocachard, tuteur de ses enfants mineurs, à payer différentes sommes à la veuve Ramel, tutrice de ses enfants. Ce jugement, rendu par défaut, avait été qualifié en dernier ressort, il fut signifié au sieur Pocachard le 19 juin 1807. Postérieurement, des poursuites en expropriation ont été dirigées contre les mineurs Pocachard, et, le 29 sept. 1809, l'adjudication des biens expropriés a été prononcée en faveur du sieur Dard. Le 28 mai 1818, JeanPierre Pocachard, devenu majeur, a interjeté appel du jugement d'adjudication, et, plus tard, il s'est aussi rendu appelant de celui du 24 déc. 1806. Par arrêt du 24 juin 1819, la cour royale de Lyon a déclaré recevable l'appel de ce dernier jugement; et, statuant au fond, elle a annulé l'adjudication prononcée le 29 sept. 1809.

ciale de se prononcer affirmativement se puisait dans l'art. 77 de la loi du 27 vent. an 8, qui porte « qu'il n'y a point ouverture à cassation contre les jugements en dernier ressort des juges do paix, si ce n'est pour cause d'incompétence ou d'excès de pouvoir.» Si un juge de paix prononce en dernier ressort lorsqu'il no peut le faire qu'à la charge de l'appel, il juge incompétemment, il excède son pouvoir; son jugement est donc sujet à cassation, et, par cela seul, il n'est pas susceptible d'appel.

Aussi, était-il décidé qu'à la cour de cassation seule et non aux tribunaux d'appel appartenait le droit d'annuler ces jugements, lorsqu'ils étaient mal à propos qualifiés en dernier ressort (Cass., 25 niv. an 12) (3).

205. Cependant, la jurisprudence ne semblait pas admettre

que ce jugement, sous ce double point de vue qu'il avait été prononcé en dernier ressort, et qu'il avait acquis l'autorité de la chose jugée, la cour de Lyon ne pouvait en recevoir l'appel, et qu'en le recevant cependant et en y statuant, elle a ouvertement violé les articles précités de la loi du 27 nov. 1790 et de l'acte constitutionnel de l'an 8; Par ces motifs, donne défaut contre les défendeurs, et, pour le profit, casse.

Du 26 janv. 1825.-C. C., sect. civ.-MM. Brisson, pr.-Minier, rap.Jourde, f. f. av. gén., c. conf.-Nicod, av.

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(2) (Chatouru C.Casauran.)-LE TRIBUNAL;-Vu les art. 4 et 5 de la loi du 24 août 1790; Statuant sur l'appel interjeté par Chatouru, du jugement rendu au tribunal civil du 2e arrond. du dép. de la Seine, le 23 août 1792;—Attendu que les tribunaux de première instance ne peuvent connaitre en dernier ressort que des affaires dont l'objet n'excède pas 1,000 fr., que les tribunaux d'appel sont établis pour prononcer sur les appels des jugements rendus en première instance, dans tous les cas où les tribunaux ne sont pas compétents pour juger en dernier ressort;- Que l'art. 65 de la constitution établit un tribunal de cassation, pour prononcer sur les demandes en cassation, non pas des jugements qualifiés en dernier ressort, mais des jugements en dernier ressort rendus par les tribunaux; - Qu'il n'est pas au pouvoir d'un tribunal de première instance de rendre un jugement en dernier ressort, et de le soustraire ainsi à l'appel dans les matières qu'il ne peut juger qu'à la charge d'appel, aux termes de la loi; Qu'en vain on prétendrait qu'il y a, dans ce cas, de la part du premier juge, un excès ou un abus de pouvoir qui rend nécessaire le recours en cassation; qu'il est évi dent que les tribunaux d'appel sont établis pour réformer les excès et les abus de pouvoir des premiers juges, lorsque ceux-ci n'ont eu d'autoritó que pour juger sous la charge de l'appel; qu'il y a excès ou abus de pouvoir dans tous les jugements incompétemment rendus, et que personne no contesta jamais aux tribunaux d'appel le droit de statuer sur les appels d'incompétence; que toute autre application de la loi présenterait de graves inconvénients; qu'il dépendrait ainsi des premiers juges de rendre les recours plus difficiles, et même quelquefois impossibles, par les obstacles qu'éprouverait la partic lésée, s'il fallait venir dispendieusement de l'extrémité de la république, et consigner une amende bien plus considérable pour obtenir la cassation d'un jugement que la loi avait cependant soumis à l'appel devant un tribunal bien plus rapproché; Que le tribunal de cassation étant uniquement établi pour garantir aux citoyens que la loi n'a pas été violée par leurs juges, et ne pouvant constitutionnellement connaitre du fond des affaires, serait encore forcé, après avoir cassé lo jugement illégalement qualifié en dernier ressort, de renvoyer les parties devant d'autres juges, pour statuer en première instance et sauf l'appel; en sorte qu'il faudrait encore un long espace de temps et trois jugements, pour terminer une affaire dont la décision devait être prompte et définitivement rendue par le tribunal d'appel, suivant la disposition précise des lois; que ces inconvénients seraient bien plus multipliés et bien plus graves, quand il s'agirait de jugements rendus par les tribunaux de commerce, et surtout par les tribunaux de paix, qualifiés en dernier ressort, dans les matières où ces juges ne peuvent prononcer qu'à la charge de l'appel; — Qu'enfin même dans le cas où les mots en dernier ressort, mal à propos insérés, pourraient fournir un prétexte de se pourvoir au tribunal de cassation, le recours au tribunal d'appel contre un jugement que le premier juge ne pouvait rendre, suivant la loi, que sauf l'appel, n'en serait pas moins licite, et que tout ce qu'on pourrait conclure de la disposition illégale du dernier ressort, c'est qu'il existerait une double vole pour le faire anéantir; Dit qu'il a été mal jugé par le jugement du 23 août 1792, dont est appel, en ce qu'il a été dit que ledit jugement était en dernier ressort; émendant quant à ce, déclare ladite clause nulle. Du 30 flor. an 10.-C. de Paris.-M. Treilhard, pr.

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Pourvoi par Ramel, pour violation des art. 2 de la loi du 27 nov. 1790, et 65 de la constitution de l'an 8. Les défendeurs ont fait défaut. - Arrêt. LA COUR; Vu l'art. 2 de la loi du 27 nov. 1790, et l'art. 65 de l'acte constitutionnel de l'an 8; - Attendu que la saisie immobilière, par suite de laquelle a été faite au sieur Dard l'adjudication des immeubles saisis, avait pour base un jugement rendu le 24 déc. 1806, par le tribunal civil de Lyon; — Attendu que ce jugement, qualifié jugement en dernier ressort, a été rendu sous l'empire des lois ci-dessus citées, et à une époque où le code de procédure n'existait pas encore, ou, ce qui revient au même, ne pouvait pas recevoir d'exécution avant le 1er janv. 1807, ainsi que le porte l'art. 1041 du même code; - Attendu que de là il suit que ce même (5) Espèce (Nicaise C. Prat.) - Claude Prat avait appelé, tant jugement n'aurait pu être attaqué que par le recours en cassation, et non pour incompétence que pour cause de nullité, d'un jugement rendu par lo par la voie de l'appel; - Attendu qu'encore que ce jugement eût été si-juge de paix de Condé, au profit de Henri Nicaise, et qualifié en dernier gnifié au défendeur et à son tuteur, le 19 juin 1807, il n'y a point cu de recours en cassation exercé dans le délai de la loi; d'où il résulte qu'il avait acquis l'autorité de la chose jugée, lorsqu'il en a été interjeté appel;

ressort, quoique, à raison de la nature de l'affaire, ce jugement ne pût étre rendu qu'à la charge de l'appel. Nicaise a soutenu que l'appel n'était pas recevable. Mais, sans s'arrêter à la fin de non-recevoir, le tribu

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à l'égard des sentences qualifiées en dernier ressort par les juges de paix, comme à l'égard des jugements, la règle suivant laquelle la fin de non-recevoir contre l'appel devait être suppléée d'office. C'est du moins ce qui résulte d'un jugement de rejet selon lequel la circonstance qu'un juge de paix aurait prononcé, à raison d'injures prononcées publiquement, une condamnation en dernier ressort, lorsque le chiffre des dommages-intérêts et des frais à payer ne comportait qu'une condamnation en premier ressort, n'empêche pas que les tribunaux d'appel ne puissent être saisis de ce jugement... Par suite, ils peuvent le réformer alors surtout que l'intimé n'excipe pas devant lui de la prononciation en dernier ressort (Req., 11 frim. an 8) (1).

206. La question s'était pareillement élevée de savoir si la décision devait être étendue aux sentences émanées d'arbitres forcés, et sur ce point, encore, l'appel était considéré comme irrecevable (Req., 21 mess. an 12) (2). Il est clair, en effet, que les arbitres nommés par le tribunal de commerce représentant le tribunal lui-même et leur décision n'ayant de force que par l'homologation des juges, on devait la considérer comme émanée du tribunal lui-même, comme un véritable jugement. Or, puisque la jurisprudence bien constante avait sanctionné la règle que les jugements qualifiées en dernier ressort, sans distinction entre les tribunaux de commerce et ceux de première instance ou même de paix, ne pouvaient être attaqués que par la voie de cassation, il est bien certain qu'il n'y avait aucun motif de s'écarter de celle règle en faveur des sentences arbitrales.

207. Nous nous sommes bornés jusqu'ici à indiquer l'ancien état de choses en ce qui concerne les décisions mal à propos qualifiées en dernier ressort on a vu que la qualification donnée

nal de Château-Thierry a annulé le jugement de la justice de paix, pour vice d'incompétence. — Pourvoi par Nicaise. — Jugement.

LE TRIBUNAL;-Vu l'art. 77 de la loi du 27 vent. an 8;-Attendu qu'il résulte de cette disposition qu'aucun tribunal ne peut recevoir l'appel, comme de juge incompétent, d'un jugement rendu en dernier ressort par un juge de paix, et que la voie de la cassation est la seule ouverte contre tout jugement en dernier ressort, dans lequel un juge de paix a excédé ses pouvoirs; que, par conséquent, le tribunal de première instance de l'arrondissement de Château-Thierry, en recevant l'appel dont il s'agit au cas présent, a violé la disposition de l'art. 77 de la loi du 27 vent. an ́8, et commis en même temps un excès de pouvoir; Casse, etc.

Du 25 niv. an 12.-C. C., sect. civ.-MM. Vasse, pr. d'âge.-Rupérou, rap.

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(1) (Montagne.) LE TRIBUNAL; — Attendu que le droit de juridiction est de droit public; que la compétence du juge se détermine, non sur ce qu'il a décidé, mais sur ce que la loi lui donnait la faculté de décider; -Que, dans l'espèce présente, le jugement du tribunal de paix de Serlin, en condamnant pour dommages-intérêts à 50 fr. d'amende, aux frais, à l'affiche et impression du jugement, avait cumulé plusieurs condamnations dont le montant excédait 50 fr., somme à laquelle les tribunaux de paix peuvent condamner en dernier ressort ;-Qu'après un tel excès de pouvoirs, il est hors de doute que ce jugement pouvait être déféré au tribunal d'appel, que même devant ce tribunal le demandeur en cassation a volontairement plaidé, sans excepter de la prononciation en dernier ressort; — Rejette. Du 11 frim. an 8.-C. C., sect. req.-MM. Rousseau, pr.-Raoul, rap. (2) Espèce:-(Saint-James.)- Le sieur Saint-James et divers particuliers étaient convenus, dans un acte de société, que, s'il s'élevait entre eux des contestations, elles seraient jugées par des arbitres du choix des parties. Les comptes ayant donné lieu à des difficultés, il interyint successivement plusieurs nominations d'arbitres; et enfin la cause fut portée au tribunal de commerce de Caen, qui nomma sept arbitres. Ceux-ci prononcèrent en dernier ressort; leur décision fut homologuće. — Appel de Saint-James. Par arrêt du 24 therm. an 11, la cour de Caen le déclare non recevable. — Pourvot. - Arrêt. LA COUR; Attendu que, soit que l'on considère la sentence arbitrale qualifiée en dernier ressort, et homologuée par le tribunal de commerce le 28 vent. an 11, comme rendue par des arbitres nommés en vertu de l'ordonnance de 1675, soit qu'on la considère comme rendue par des arbitres nommés en exécution du compromis porté dans l'art. 16 de l'acte de société du 29 flor. an 8, ni la sentence arbitrale, ni le jugement d'homologation ne pouvaient être attaqués par la voie de l'appel; qu'en conséquence, le jugement de la cour d'appel de Caen n'est contrevenu à aucune loi en déclarant cet appel non recevable; Rejette.

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Du 21 mess. an 12.-C. C., sect. req.-MM. Target, pr.-Oudot, rap. (3) Espèce:-(Coutelly C. hérit. Chasseur.)- Un jugement du 27 mess. an 2, rendu, sauf l'appel, par le tribunal de Bouzonville, condamna Coutelly et consorts au payement des arrérages et au service d'une rente en grains due aux héritiers Chasseur. Appel par Coutelly et consorts.

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par le juge faisait, en quelque sorte, loi pour déterminer la na ture du recours à former. La raison semblerait indiquer qu'il en devait être de même à l'égard des jugements faussement qualifiés en premier ressort. Puisque, dans le premier cas, la qualification donnée par les juges avait assez de puissance, quoique erronée, pour supprimer le second degré de juridiction dans des procès qui, par leur nature ou d'après la quotité des demandes, étaient susceptibles de parcourir les deux degrés, il semble que, dans le second, la qualification, bien qu'elle fùt inexacte encore, devait avoir pour effet de créer la faculté d'appel, dans un cas où cette faculté n'existait réellement pas.

208. C'est, en effet, la doctrine qui avait d'abord prévalu. Ainsi, il avait été décidé qu'avant le code de procedure, on pouvait appeler d'un jugement rendu à charge d'appel, quoique l'affaire fùt de nature à être décidée en dernier ressort par les premiers juges (Cass., 7 niv. an 4) (3). — V. dans le même sens Req., 11 brum. an 9, aff. Rozière, no 309.

209. Mais la jurisprudence revint bientôt sur cette décision, et par le motif que les compétences sont d'ordre public et ne peuvent dépendre de la volonté des juges, ni surtout de la déclaration par eux faite dans la rédaction des jugements, motif essentiellement applicable aussi à la qualification de dernier ressort, et dont cependant on n'avait jamais tenu compte, dans ce cas, il fut décidé que la qualification erronée de premier ressort ne rendait pas l'appel recevable quand l'affaire était de nature à être jugée en dernier ressort (Rej., 13 vent. an 10; Req., 14 avril 1807 (4). — Conf. Cass., 2 niv. an 7, aff. Duprat, V. Enregistrement).

210. On voit dans quelles tergiversations l'ancien état de

Les sieurs Chasseur prétendirent que les débiteurs de la rente n'étaient point recevables à interjeter appel de ce jugement, parce qu'il avait été mal à propos qualifié en premier ressort, et que le rachat de la rente ne pouvant s'élever qu'à 542 fr., ies premiers juges devaient statuer en dernier ressort. Ce système fut accueilli par le tribunal de Thionville, qui, par jugement du 22 frim. an 5, déclara Coutelly et consorts non recevables dans leur appel. Pourvoi. — Jugement.

LE TRIBUNAL; Attendu que le tribunal de Thionville a supposé, contra le texte du jugement dont était appel, qu'il avait été rendu en premier et dernier ressort; et qu'en admettant, en conséquence, une fin de non-recevoir qui n'était fondée sur aucune loi, il a privé les appelants d'un second degré de juridiction; ce qui est contraire à la loi du 1er mai 1790; Casse, etc.

Du 7 niv. an 4.-C. C., sect. civ.-MM. Bailly, pr.-Schwendt, rap.

(4) 1re Espèce: (Masset C. Joseph.)- LE TRIBUNAL; - Attendu que l'objet de la demande a été le payement d'une somme dont la valeur est inférieure à celle de 1,000 fr.;-Que l'obligation dont il a été question, a été declarée divisible entre les deux enfants de Thomas Joseph, par le jugement du 11 germinal an 6, sans que les demandeurs se soient pourvus contre cette décision; Qu'il est évident que cette obligation était personnelle et mobilière; — Que la loi 11, ff., De juridictione, § 2, ne peut être utilement invoquée comme ayant reçu une atteinte par le jugement attaqué, puisque cette loi n'est relative qu'au partage demandé d'une chose que est entière en jugement, et que cette loi même, en indiquant l'opinion de jurisconsultes, se borne à reconnaitre que celle de Cassius et de Pegazus sur l'indivisibilité était probable: et sanè eorum sententia probabilis est;

Attendu que la compétence de premier et dernier ressort attribuée aux juges de 1re instance par l'art. 4 du tit. 5 de la loi de 1790 est d'ordre public et ne peut dépendre de la volonté des premiers juges, et encore moins de la déclaration par eux faite dans la rédaction de leur jugement; Qu'il suffit que le jugement ait eu pour objet une demande qui était par sa nature et par la quotité de la somme réquise dans la compétence des premier et dernier ressorts, pour qu'il soit interdit d'en interjeter ou d'en recevoir l'appel; -Qu'il suit de là que le jugement du tribunal de Sambre-et-Meuse qui a rejeté l'appel de celui du tribunal de l'Ourthe sans juger rien de plus que ce rejet ou cette non admission d'appel, loin de violer les articles cités des lois de 1790 et 1792, ou d'en faire une fausse application, s'est fidèlement conformé à ce qu'elles prescrivent; - Attendu que les demandeurs ne sont pas recevables et qu'ils ne seraient pas fondés à faire porter leurs moyens de pourvoi du fond sur le premier jugement; Rejette.

Du 13 ventôse an 10.-C. C., sect. civ.-MM. Maleville, pr.-De Lacoste, rap.-Pons, subst.-Girardin et Coste, av.

2 Espèce:(Faudeur C. de Peuthy.) En l'an 12, Faudeur devint cessionnaire de deux rentes nationales et des arrérages échus. En l'an 13 il demanda au sieur Peuthy, débiteur de ces rentes, les arrérages depuis l'an10.

de paix qualifieraient mal à propos en dernier ressort (Req., 15 février 1810 (2). Conf. Rej., 31 décembre 1821, aff. Duplessis, vo Degrés de juridiction ). On a vu, suprà no 204, que, sous la jurisprudence antérieure au code de procédure, on suivait également, à l'égard des sentences des juges de paix, les

choses jetait jurisprudence. Merlin, Quest. de droit, v° Jugement, § 13, trouve l'explication de la contradiction que présentent ces décisions, dans cette circonstance, que les unes sont rendues en matière d'impôts indirects où la loi veut que le jugement soit 1oujours en dernier ressort, les autres en matière ordinaire. Mais cette explication est manifestement insuffisante lorsqu'on se ré-régles établies pour les jugements de première instance. La gé

fère aux diverses espèces que nous avons rapportées, car on y remarque que la circonstance signalée par Merlin n'est pas exacte en fait. On chercherait en vain à effacer, par une explication quelconque, des contradictions qui étaient bien réelles, et dont la cause n'était autre que l'insuffisance de la législation.

211. Quoi qu'il en soit, le code de procédure y a mis un Serme. Il a posé un principe contraire à celui qui avait prévalu précédemment. L'art. 455 consacre la règle que la recevabilité de l'appel dépend de la nature du jugement et non de la qualification que le juge lui aurait donnée, l'erreur des magistrats ne pouvant changer l'ordre des juridictions. En conséquence, sont déclarés sujets à l'appel les jugements qualifiés en dernier ressort, lorsqu'ils ont été rendus par des juges qui ne pouvaient prononcer qu'en première instance, et ne sont pas recevables les appels des jugements qui, par leur nature, étaient en dernier ressort, mais que les juges ont mal à propos qualifiés en premier ressort.

212. Il est évident, d'après ces dispositions, qu'aujourd'hui c'est la voie d'appel et non celle de cassation qui doit être prise contre les jugements mal à propos qualifiés en dernier ressort (Req., 9 juill. 1812, aff. Baudouin, V. Degrés de juridiction; Req., 21 oct. 1813) (1).

-

213. Mais l'exécution d'un jugement, mal à propos qualifié en dernier ressort, rend-elle la partie condamnée non recevable à en interjeter appel? — En général, l'exécution d'un jugement emporte acquiescement, et celui qui a acquiescé à une décision rendue contre lui, est inadmissible à l'attaquer (V. Acquiescement). Cependant, pour qu'il en soit ainsi, il faut que la partie ait librement consenti; car il ne peut y avoir de contrat sans consentement.

214. Il suit de là que la partie qui a été forcée d'exécuter un jugement mal à propos qualifié en dernier ressort, n'en conserve pas moins le droit de l'attaquer par la voie de l'appel (Cass., 19 avr. 1830, aff. Georges, V. Acquiescement, no 372 ).

215. Du reste, la disposition de l'art. 453 étant générale et ne faisant aucune distinction entre les jugements rendus par les tribunaux de première instance et ceux des juges de paix, on en avait conclu qu'elle était par cela même applicable aux uns et aux autres. On avait décidé, par suite, que sous le code de procédure, la voie de l'appel est ouverte contre les jugements que les juges

Celui-ci répondit qu'antérieurement à la signification du transfert il avait payé l'une de ces rentes au receveur du bureau de bienfaisance, soutint que le tribunal était incompétent pour prononcer sur la validité du payement, et dans tous les cas offrit la preuve de sa libération. Le tribunal considéra le moyen de preuve comme inadmissible. Cependant, quant à ces payements, il se déclara incompétent, et il prononça en premier ressort, quoique le fonds fùt inférieur à 1,000 fr.- Appel par Faudeur, 4 juill. 1806 arrêt de la cour de Liége qui déclare l'appel non recevable par le motif que les arrérages sculs contestés étant inférieurs à 1,000 fr., le jugement était en dernier ressort. Pourvoi pour contravention à l'art. 1, tit. 25, de l'ord. de 1667, et à l'art. 5, tit. 4, de la même ordonnance. Arrét.

LA COUR; Attendu, sur le 1er moyen, qu'il n'est pas vrai que la cour d'appel a dénié justice puisqu'elle a prononcé; attendu, d'ailleurs, qu'un déni de justice donnerait lieu à la prise à partie et ne serait pas un moyen valable de cassation; Attendu, sur le 2 moyen, d'abord qu'avant la publication du nouveau code de procédure civile, la loi n'interdisait pas aux tribunaux de première instance de juger en premier et dernier ressort les questions de compétence, lorsque, d'ailleurs, le fond de la contestation se trouvait dans le cas du dernier ressort; ensuite que dans l'espèce le capital des rentes dont il s'agit n'a point été contesté, et que dans la réalité, la demande n'avait pour objet que le payement d'une somme bien inférieure à 1,000 fr. Rejette.

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Du 14 av. 1807.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Rupérou, rap.Pons, subst.-Coste, av.

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néralité de l'art. 455 c. pr. ne permettait pas non plus que l'on fit une distinction. Mais, dans tous les cas, le doute ne serait plus permis depuis la loi sur les justices de paix (25 mai 1858), dont l'art. 14 contient une disposition semblable à celle de l'art. 453 c. pr.

216. Ainsi donc, en définitive, dans l'état actuel de la législation, les erreurs dans la qualification du ressort sont sans aucune influence. Et il en est de même de l'omission même de qualification. En sorte que, quand un jugement n'est pas qualifié, tout aussi bien que lorsqu'il est faussement qualifié, l'appel n'en est pas moins non recevable si l'objet de la contestation est dans les limites du dernier ressort (Paris, 20 janv. 1810) (3). Telle est la doctrine que consacre l'art. 453 c. pr. En disposant ainsi qu'il l'a fait, cet article a rétabli les véritables principes en matière de compétence. La compétence étant essentiellement d'ordre public, il ne devait pas être permis aux juges de l'étendre ou de la restreindre en donnant, par erreur, une fausse qualification à leurs décisions, ou en omettant de les qualifier. C'est donc à bon droit que le législateur a posé en principe que, désormais, le fait en lui-même serait seul pris en considération, en co qui touche l'appel, et nullement les expressions plus ou moins exactes dont les juges se seraient servis.

217. Mais puisqu'il en est ainsi, on est amené à se demander à quoi peut servir, dans un jugement, la déclaration qu'il est rendu en premier ou en dernier ressort; et s'il ne serait pas plus prudent et plus opportun de s'abstenir de toute mention, à cet égard, dès que le principe certain est que la mention ne doit exercer aucune influence sur la recevabilité ou l'irrecevabilité de l'appel. Il faut cependant reconnaître que, si cette mention n'est pas absolument nécessaire, elle n'est pas sans quelque utilité. Comme, en général, le tribunal est présumé connaître et bien appliquer la loi, la qualification qu'il donne à son jugement est présumée exacte et vraic jusqu'à preuve contraire. D'après cela, lorsqu'un jugement est qualifié en dernier ressort, la presomption est qu'il n'y a pas lieu à l'appel; par conséquent, l'appel qui en serait interjeté par la partie condamnée ne produirait pas son effet ordinaire qui est de suspendre l'exécution du jugement attaqué. C'est ce qui résulte de l'art. 457 c. pr., dont le deuxième paragraphe dispose que « l'exécution des jugements mal à propos

quable que par la voie de l'appel; d'où il suit que le demandeur n'est pas recevable en sa demande en cassation; Rejelte.

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Du 21 oct. 1815.-C. C., sect. req.-MM. Lasaudade, pr.-Debye, rap. (2) (Lamboley et Lesage C. Villemain.) — LA COUR; - Considérant que les moyens de cassation qui sont proposés ne présenteraient, en les supposant fondés, que de simples contraventions à la loi, et que les jugements des juges de paix ne peuvent être sujets au recours en cassation que pour excès de pouvoir; Considérant, d'autre part, que, si le juge de paix de Luxeuil a eu fort de statuer en dernier ressort sur une demande en dommages-intérêts d'une valeur indéterminée, l'art. 455 c. pr. civ. a posé un principe général qui ouvrait la voie d'appel contre ses jugements; ce qui les réduisait à la nature de jugements de première instance, non susceptibles de pourvoi en cassation; Déclare les demandeurs non re cevables dans leur pourvoi, etc.

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Du 15 févr. (et non du 5) 1810.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr. Bailly, rap.-Daniels, subst., c. conf.-Mathias, av.

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(3) (Hospices de Troyes C. Blondel.) LA COUR; Attendu que la contestation, sur laquelle ce tribunal a statué par le jugement dont est appel, était une demande à fin de payement des arrérages échus d'une rente de 5 fr., et de titre nouvel de ladite ren'e; que par conséquent celle demande était de la nature de celles que l'art. 5, tit. 4, de la loi du 24 tout 1790 désigne comme devant être jugées en premier et dernier ressort par les tribunaux de première instance; Attendu que l'art. 453 c. pr., dispose que les appels des jugements rendus sur des matières dont la connaissance en dernier ressort appartient aux premiers juges, sont non recevables, quoique ces juges aient oublié de qualifier leur jugement en dernier ressort; - Déclare les administrateurs des hospices de Troyes purement et simplement non recevables dans leur pel, et les condamne en l'amende et aux dépens.

Du 20 janv. 1810.-C. de Paris, 1re ch

qualifiés en dernier ressort ne pourra être suspendue qu'en vertu de défenses obtenues par l'appelant, à l'audience de la cour royale, sur assignation à bref délai » (V. infrà, ch. 6 sect. 3). Réciproquement, si le jugement n'avait pas été qualifié, ou s'il avait été faussement qualifié en premier ressort, l'appel interjeté serait suspensif, en sorte que si l'intimé prétendait exécuter le jugement malgré l'appel, il devrait se pourvoir dans les formes établies par le même art. 457, § 3. Il est donc vrai de dire que la qualification a une utilité réelle au point de vue de l'exécution. V. Conf. MM. Thominc-Desmazures, t. 1, p. 693; Boitard,| 1. 3, p. 94 et suiv.; Chauveau sur Carré, Lois de la proc. civ., quest. 1631 bis.

218. On a vu suprà, no 198, que, lorsqu'on avait appelé d'un jugement qualifié en dernier ressort, et que l'intimé, au lieu de soutenir l'appel non recevable, avait plaidé au fond, le tribunal d'appel devait d'office suppléer la fin de non-recevoir. La qualification des jugements étant devenue, sous le code de procédure, une chose indifférente pour la fixation de la compétence, cette question ne pourrait plus se reproduire sous la même forme. Mais la décision serait, à notre avis, parfaitement applicable à un arrêt qui, dans le silence de l'intimé, aurait admis l'appel d'un jugement rendu légalement en dernier ressort, parce que l'étendue des juridictions est d'ordre public, et que la volonté des particuliers n'y peut apporter aucun changement. La jurisprudence de la cour de cassation sur la fin de non-recevoir, résultant de l'expiration des délais de l'appel, vient à l'appui de cette opinion (V. ch. 5), et la matière des délais de l'appel intéresse beaucoup moins l'ordre public que le règlement de la compétence des tribunaux. Nous pensons donc que, lorsque le jugement est en dernier ressort, la fin de non-recevoir contre l'appel est d'ordre public et doit être suppléée d'office par le juge. C'est aussi l'opinion généralement admise.-V. MM. Merlin, Quest. de dr., v° Appel, § 9; Chauveau sur Carré, Lois de la proc. civ., quest. 739 bis et 1653 bis ; Carré, de la Comp., 2° part., liv. 2, tit. 4, quest. 313; Berriat, p. 222 et 420; Talandier, de l'Appel, no 65.

Lajurisprudence s'est aussi prononcée dans ce sens (Toulouse, 21 nov. 1828, aff. Corbière, et 19 acut 1837, aff. Pérès; Bourges, 2 janv. 1830, aff. Cottin, et 28 juin 1843, aff. hosp. de Bourges. V. Exception).

219. Les cours royales sont même allées plus loin; elles ont décidé que, non-seulement la fin de non-recevoir contre l'appel, tirée de ce que le jugement est en dernier ressort, doit être suppléée d'office par le juge, mais encore qu'elle n'est pas couverte par le silence de la partic, laquelle peut, dès lors, l'opposer en tout état de cause, même après la défense au fond (Bastia, 2 avril 1827, aff. Orto; Toulouse, 24 nov. 1823, aff. Sansol; 21 nov. 1828, aff. Corbière, et 18 déc. 1855, aff. Michel; Lyon, 13 mai 1828, aff. Tardy; Caen, 13 nov. 1839, aff. Bidel, V. Exception).

220. Cependant, il faut reconnaître que la jurisprudence de la cour de cassation ne va pas jusque-là. Cette cour, sans méconnaître que la fin de non-recevoir peut être suppléée d'office par le juge, a néanmoins pensé que l'exception est susceptible d'être couverte par le silence des parties, et, par suite, elle a jugé que l'on ne peut se faire un moyen de cassation de ce que les juges d'appel ont statué sur l'appel d'un jugement en dernier ressort, lorsque la fin de non-recevoir n'a pas été proposée devant eux ( Rej., 27 juill. 1825, aff. Reiss, V. Degrés de jurid., Exception). Et cette doctrine, on la trouve reproduite dans les motifs d'un arrêt émané de la chambre des requêtes, où on lit, en effet, « que la nullité de l'appel n'ayant pas été demandée, et la cour royale étant compétente à raison de la matière, les parties, en plaidant au fond devant elle, auraient prorogé sa juridiction »> (Req., 7 mai 1829, ass. Didelon, V. Degrés de juridiction ). Nous ne croyons pas, pour notre part, que cette doctrine soit à l'abri de la critique. Sans doute nous reconnaissons que l'on peut très- . bien admettre, sans qu'il y ait contradiction, qu'une exception soit susceptible d'être couverte bien que cependant les juges puissent l'accueillir d'office; c'est ce qui arrive dans tous les cas où la compétence est facultative (V. Étranger, Saisie immobilière, Vente judiciaire; V. aussi ci-après, le ch.5 des délais de l'appel). Mais, ce qui nous parait résister à toutes les idées reçues en ma

tière de compétence, c'est que les parties puissent consentir, solt expressément, soit tacitement, à la prorogation de juridiction dans des procès que le tribunal de première instance a dû juger en dernier ressort. Dans ce cas, il est vrai de dire que le tribunal supérieur est incompétent à raison de la matière, qu'ainsi son incompétence est d'ordre public, ce qui exclut l'idée qu'il puisse, sous aucun prétexte, retenir la connaissance de l'affaire. C'est co que M. Merlin nous semble avoir très-bien démontré, en examinant la doctrine consacrée par l'arrêt précité du 27 juill. 1823, Quest. de dr., vo Dernier ressort, § 26. « C'est une vérité généralement reconnue, et proclamée par une foule d'arrêts de la cour suprême, dit ce savant magistrat, que l'incompétence ratione materiæ peut être proposée comme moyen de cassation par la partie qui n'en a pas excipé devant le tribunal dont elle attaque le jugement. Or n'est-il pas incompétent, et ne l'est-il pas ratione materiæ, le tribunal supérieur qui prononce sur l'appel d'un jugement en dernier ressort? Qu'il soit incompétent, cela n'est pas douteux, puisque les jugements de dernier ressort sont exclus par la loi du cercle de sa juridiction. Mais de là même il suit que son incompétence n'est pas purement relative, comme elle le serait si elle ne dérivait que d'un défaut de juridiction territoriale; et qu'elle est absolue, parce qu'elle dérive du défaut de juridiction sur les matières jugées en dernier ressort par les tribunaux de première instance. Comment, dès lors, le silence de la partie qui est intimée sur l'appel d'un jugement rendu à son profit en dernier ressort, pourrait-il lever l'obstacle qui s'oppose à ce que cet appel soit reçu?..... ». Ces considérations s'élèvent avec force contre la doctrine de la cour de cassation; et, d'accord en cela avec la jurisprudence des cours royales, les auteurs, en général, les ont adoptées.-V. les autorités déjà citées.

221. Toutefois, si les parties ne peuvent, dans le cas où l'affaire est dans les limites du premier ressort, proroger la juridiction en recourant à l'appel, se rendraient-elles irrecevables à interjeter appel, par le consentement qu'elles donneraient à être jugées en dernier ressort par le tribunal de première instance lorsqu'au contraire le procès serait susceptible des deux degrés de juridiction? L'affirmative n'était pas douteuse dans les principes du droit romain. On lit, en effet, dans la loi 1, § 3, ff., A quibus appellari non licet • « Si quis ante sententiam professus fuerit, se a judice non provocaturum, indubitatè provocandi auxilium perdidit.» V. aussi la loi 5, § 6 au C., De temporibus et reparationibus appellationum seu consultationum. Toutefois, en France, et avant la loi du 24 août 1790, cette doctrine n'était pas suivic. La faculté d'appeler était considérée comme d'ordre public, et toute renonciation à l'appel passait pour non avenue. Voici, en effet, ce que dit Buguyon, des Lois abrogées, liv. 3, § 115: « Quelque paction et promesse que l'on ait faite de n'appeler de la sentence d'un juge, l'on en peut toujours réclamer, si l'on se sent grevé en aucune manière, et l'appel est reçu; sans qu'il soit besoin d'obtenir lettre pour être relevé de tel pacte et austérité de la loi. » V. aussi le Rép. de M. Merlin, vo Appel, § 7, et les autorités qu'il cite dans le même sens.

222. Mais depuis la loi du 16-24 août 1790, il en a été tout autrement. Le droit d'appeler replacé dans sa sphère véritable a été considéré comme établi dans un intérêt purement privé. 11 n'est pas d'ordre public, en cffet, car si telle était sa nature, il faudrait aller jusqu'à dire que l'on ne peut s'en dépouiller même après le jugement prononcé; or, on a reconnu de tous temps. au contraire, qu'il est permis à la partie condamnée de renoncer à l'appel après sa condamnation. Cela étant, et le droit d'appeler n'intéressant en aucune manière l'ordre public, il était impossible de comprendre pourquoi les parties ne pourraient pas y renoncer par avance, et le perdre ainsi par l'effet de leur volonté. Aussi la loi des 16-24 août 1790 consacra-t-elle les véritables principes, en disposant, art. 6, tit. 4, que « en toutes matières personnelles réelles ou mixtes, à quelque somme ou valeur que l'objet de la contestation puisse monter, les parties seront tenues de déclarer, au commencement de la procédure, si elles consentent à être jugées sans appel, et auront encore, pendant le cours de l'instruction, la faculté d'en convenir, auquel cas les juges de district prononceront en premier et dernier ressort. »

Or, cette disposition, dans sa dernière partie, du moins, nous régit encore aujourd'hui, car on sait que la loi de 1790 est rela

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tive à la compétence et que le code de procédure n'ayant pas eu pour objet, ainsi que l'a expressément déclaré le conseiller d'État Treilhard (V. éd. de Didot, p. 4; V. aussi suprà no 99), de régler la compétence, son silencene peut être considéré comme ayant abrogé cette loi. De là, on a généralement conclu, avec raison, que si la première partie de la disposition précitée de la loi de 1790, celle qui fait aux plaideurs un devoir de déclarer, in limine litis, leur intention relativement au premier ou dernier ressort, est abrogée par une désuétude complète, il n'en est pas de même de la disposition qui leur accorde la faculté d'en convenir, pourvu, néanmoins, qu'ils aient la libre disposition de leurs droits, et qu'il ne s'agisse pas d'objets sur lesquels il n'est pas permis de transiger. Ajoutons que l'art. 7 du code de procédure qui permet aux parties de renoncer d'avance à l'appel lorsqu'elles sont en instance devant la justice de paix, l'art. 639 du c. de com., qui accorde la même faculté dans les affaires commerciales, et l'art. 1010 c. pr., qui la donne également aux parties qui soumettent leurs différends à des arbitres, viennent fortement à l'appui de cette solution, qui est, d'ailleurs, généralement adoptée. V. MM. Merlin, loc. cit.; Boitard, t. 3, p. 31; Poncet, des Jugements, t. 1, p. 460, n° 285; Pigeau, Pr. civ., liv. 2, part. 3, tit. 4, ch. 1, sect. 5; Favard de Langlade, t. 1, p. 160, no 2; Carré, Lois de la proc. civ., et son annotateur Chauveau, quest. 1634.

223. Et il a été jugé, dans le même sens, que les tribunaux de première instance sont compétents pour statuer en dernier ressort sur les demandes qui excèdent le taux de leur compétence, lorsque les parties ont consenti à être jugées sans appel (Rennes, 24 juill. 1812) (1).

224. Le consentement des parties à être jugées en dernier ressort par un tribunal a été même considéré comme embrassant tout à la fois les jugements préparatoires ou interlocutoires, et le jugement définitif qui pourraient intervenir sur la contestation, et comme impliquant la renonciation à l'appel, relativement aux premiers aussi bien qu'à l'égard du dernier (Rej., 1 flor. an 9, aff. Aurran, V. Degré de juridiction).

225. Et même, il a été décidé qu'on ne peut appeler d'un jugement par lequel un tribunal se déclare incompétent sur l'un des points de la contestation, lorsque les parties ont autorisé ce tribunal à prononcer en dernier ressort sur tous les différends qui les divisent (Bruxelles, 16 juill. 1811) (2). — Mais sur ce point, il y aurait, ce semble, une distinction à faire entre le cas où la question d'incompétence aurait été soulevée avant la convention, et celui où cette question ne serait née que depuis, soit que l'incompétence eût été proposée par la partie, soit qu'elle eût été suppléée d'office. Dans le premier cas, la solution de la cour de Bruxelles n'offrirait évidemment pas de prise à la critique; mais elle serait contestable dans le second. Le consentement des partics à être jugées en dernier ressort ne peut raisonnablement s'entendre que d'un jugement qui résout les difficultés soumises au juge et tranche le procès qui lui est déféré. Or, ce procès n'est pas jugé, lorsque le tribunal, au lieu de statuer sur le fond, s'est déclaré incompétent, et les parties ne semblent pas pouvoir être considérées comme ayant renoncé, pour ce cas, à l'appel qui, d'après l'art. 454 c. pr., et comme nous l'avons vu sup., nos 170 et suiv., est toujours ouvert contre les jugements d'incompétence.V. conf. M. Chauveau sur Carré, Lois de la pr. civ., quest. 1634 bis.

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(1) (Gourbaud C. Vincent.) - LA COUR Considérant qu'aux termes de l'art. 6, tit. 4, de la loi du 16 août 1790, il est permis aux parties en toutes matières personnelles, réelles ou mixtes, à quelques sommes ou valeurs que l'objet de la contestation puisse monter, de déclarer pendant lout le cours de l'instruction si elles consentent à être jugées sans appel; que, dans ce cas, les juges inférieurs sont autorisés à juger en premier et dernier ressort; - Considérant que les appelants ont usé du bénéfice de cet article, et que, d'accord en cela avec Vincent, ils ont investi les premiers juges du droit de statuer, en premier et dernier ressort, sur l'objet de la contestation; que les premiers juges, en prononçant ainsi du consentement formel des parties, loin de commettre un excès de pouvoir, sc sont conformés à la disposition de l'art. 6, tit. 4, de ladite loi;- Déclare Gourhaud et consorts non recevables dans leur appel, etc.

Du 24 juill. 1812.-C. de Rennes, 2 ch.-M. Bernard, av.

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SECT. 2.-Règles particulières aux diverses espèces de jugements et aux jugements rendus en matière spéciale. conditions doit se présenter un acte émané de l'autorité judiciaire 226. Après avoir indiqué d'une manière générale dans quelles pour donner ouverture à l'appel, il convient d'exposer les règles particulières, soit aux diverses espèces de jugements, soit à des jugements rendus dans des matières spéciales.

ART. 1. Des diverses espèces de jugements.

51.-Jugements par défaut.

227. Dans les principes du droit romain, l'appel était refusé aux défaillants contre les jugements qui les avaient condamnés en leur absence. C'est une règle dont l'existence et la très-grande ancienneté sont attestées par Justinien, dans la loi 13, § 4, C. De judic., où on lit : « Cùm autem eremodicium ventilatur sive pro actore, sive pro reo, examinatio causæ sine ullo obstaculo celebretur. Cum enim terribiles in medio proponuntur scripturæ : litigatoris absentia, Dei præsentia repleatur: nec pertim escal judex appellationis obstaculum, cum ei qui contumaciter abesse noscitur nulla sit provocationis licentia: quod et in veteribus legibus esse statutum manifestissimi juris est. » On retrouve cette même règle dans la novelle 82 (De judicibus), chap. 5, et elle est encore consacrée par la loi 1, au C., Quorum appellationes non recipiuntur, où il est dit : « Ejus qui per contumaciam absens, cum ad agendam causam vocatus esset, condemnatus est negotio priùs sommalim perscrutato, appellatio recipi non potest.»

228. En France, les mêmes principes furent suivis jusqu'à l'ordonnance de 1667 la maxime contumax non appellat y fut constamment observée et elle a été maintenue dans le code de proc. du canton de Genève (V. no 113). Mais l'ordonnance de 1667 introduisit un droit tout à fait nouveau. Non-seulement elle ne défendit pas l'appel des jugements par défaut, mais encore elle voulut que la voie de l'appel fùt scule ouverte contre ces sortes de jugements (V. tit. 14, art. 5 de l'ordonn. ), et c'est uniquement l'usage qui avait introduit l'opposition, comme un adoucissement à ce que cette législation pouvait avoir de trop rigoureux.-V. à cet égard ce que dit Jousse sur l'art. précité de l'ord.; V. aussi Rodier sur le même article et sur l'art. 5, tit. 5, quest. 5.

229. Par suite de cet usage on put recourir indifféremment soit à la voie de l'appel, soit à celle de l'opposition. Cependant le principe de l'ordonnance prévalait dans la pratique; car bien que l'usage eût introduit le droit d'opposition, il arrivait fréquemment que l'appel était interjeté avant que le délai de l'opposition fùt expiré. C'est du moins ce que M. Pigeau, dans sa Procédure du Châtelet, t. 1, p. 502, a attesté en ces termes : « On peut appeler quoiqu'on ait la voie de l'opposition, parce que cette dernière voic n'est qu'une faculté à laquelle les parties peuvent renoncer : aussİ voit-on fréquemment au palais des appels de sentences par défaut; une partie voulant sortir promptement d'affaire, ou craignant le crédit de son adversaire dans le siége où la contestation est portée, se laisse juger par défaut, et appelle de la sentence pour amener l'affaire au tribunal suprême. »

230. Quoi qu'il en soit, les règles établies par l'ordonnance de 1667 ne furent pas observées partout. La jurisprudence constante et non contredite de plusieurs parlements, et notamment de celui de Normandie, avait toujours été, contrairement aux dispo

étaient en procès sur plusieurs points devant le tribunal de commerce de Tournai. Ils déclarèrent qu'ils lui soumettaient la contestation sur tous les points qu'elle présentait à décider, et qu'ils renonçaient à l'appel. Le tribunal de commerce se reconnut incompétent, à raison de la matière, sur un chef des conclusions, et statua sur tous les autres. Appel de ce jugement par Lyon. - Arrêt.

LA COUR; Attendu que les parties, en consentant à l'audience, le 27 mai dernier, devant le tribunal de Tournai, d'être jugées en dernier ressort par ledit tribunal, s'en sont rapportées à ses lumières, sans aucune restriction; que le juge ainsi investi par les parties d'un pouvoir auquel elles n'avaient pas mis de bornes, l'appelant ne peut faire ressortir aucun droit d'appel de ce que, sur un des points de la contestation, le juge aurait déclaré qu'il n'était pas compétent; Déclare l'appelant non rece

vable, etc.

Du 16 juill. 1811.-C. de Bruxelles.

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