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billets à ordre sous seing privé, non enregistrés, pour faciliter la disposition de la créance, est transmissible par le simple endossement de ces billets, dont elle doit être réputée l'accessoire,

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de ces actes. Le 26 janv. 1826, il se fait subroger à ces mêmes inscriptions. Le 17 fév. 1826, Julienne aîné tombe en faillite. - On trouve, dans ses papiers, une contre-lettre du 14 avr. 1824, même jour que celle du premier contrat, par laquelle J.-B. Julienne reconnaît que les vingt-quatre billets énoncés dans l'obligation hypothécaire sont purement pour, à l'occasion, en opérer le placement chez des capitalistes, afin de faciliter Julienne aîné dans les constructions qu'il a fait exécuter; mais que la vérité est que J.-B. Julienne ne lui a fourni aucune valeur. Demande, de la part des syndics, tendante à ce que les actes des 4 avr. 1824 et 16 fév. 1825 soient annulés. - 22 nov. 1828, jugement du tribunal de Rouen, qui rejette cette demande. Appel; et, le 9 mars 1830, arrêt de la cour de Rouen qui confirme: <-«Attendu que, d'après la discussion qui s'est établie, à l'audience, des titres, des actes et livres produits au procès, il est demeuré constant: 1o que Cavelan a fourni à Julienne ainé, soit directement, soit par l'intermédiaire de Jean-Baptiste, son frère, 240,000 fr. sur la garantie des obligations hypothécaires qui lui ont été transmises pour sûreté de cette même somme; 20 Que ce crédit a été ouvert par Cavelan à Julienne pour lui donner les moyens de construire un immense édifice sur les ruines de Saint-Herbland, et que les deniers empruntés ont été employés à la construction de cet édifice; 3o Que, par là, sa valeur s'est accrue de 100,000 à 300,000 fr., Cavelan s'étant rendu adjudicataire, pour 328,000 fr., de l'immeuble que Julienne avait acquis avant lesdites constructions pour le prix seulement de 90,000 fr.; 4o Que, lorsque Cavelan a fait ces avances de fonds, il n'existait, sur l'immeuble qui leur était affecté, aucunes hypothèques antérieures, ou du moins, s'il en existait, il les a depuis rachetées-Attendu qu'il est de jurisprudence que tout individu, soit dans la vue de spéculations commerciales, soit pour se procurer les moyens de faire une vaste entreprise ou de former un grand établissement, peut obtenir d'un banquier ou capitaliste, par consentement mutuel, le crédit d'une somme déterminée à laquelle l'emprunteur a la faculté d'hypothéquer ses immeubles; Attendu qu'il suit de là que Julienne aîné aurait pu faire directement avec Cavelan l'opération qu'il a faite avec ce banquier, par l'entremise de Jean-Baptiste Julienne, son frère; Attendu qu'il est évident que l'entremise de Julienne jeune n'a eu lieu que pour donner une garantie de plus aux billets souscrits par Julienne aîné, et qu'il n'apparait, dans cette négociation, aucune fraude au préjudice des tiers; Attendu que certainement Cavelan n'a pas dû ignorer que Julienne n'avait pas les fonds nécessaires pour donner à son frère les valeurs importantes énoncées dans les contrats des 14 avr. 1824 et 16 fév. 1825; mais il n'en est pas moins constant que ces actes ont été faits arrière de Cavelan, et sans qu'il eût aucun intérêt actuel à leur confection: la preuve en est acquise dans le fait non contesté de la négociation des cinq premiers billets à un sieur Darcel, de sept autres à la caisse hypothécaire, et d'un traité ultérieurement fait avec les agents de cette compagnie, par lequel tous les billets à ordre, souscrits en exécution des contrats susdatés, devaient lui être délivrés; circonstances qui placent Cavelan dans la classe des tiers possesseurs de bonne foi; Attendu qu'au surplus, toutes les parties conviennent que la cause exprimée dans les contrats de 1824 et 1825 n'est pas la véritable cause de l'obligation; mais il n'y a pas moins une cause licite et un véritable lien de droit dans la cause réelle qui l'a déterminée, et sur laquelle les parties sont d'accord, puisque Julienne jeune, en se chargeant de négocier les billets à ordre, et en y apposant sa signature, se rendait responsable de leur valeur envers les tiers, et qu'alors il pouvait exiger qu'une hypothèque fût attachée à cette garantie qu'il contractait personnellement; Attendu qu'en tout cas, du moment où Cavelan a escompté les 240,000 fr. de billets dont il s'agit, les obligations de 1824 et 1825 ont complétement rempli le but de leur création et reçu leur pleine et entière exécution. Les billets à ordre qui en sont dérivés ont été valablement transmis par la voie de l'endossement qui leur était propre, l'art. 1690 c. civ. ne s'appliquant qu'à des transmissions de toute autre nature; la subrogation à l'hypothèque qui y était attachée a été régulièrement faite en vertu de titres authentiques dans lesquels elle était consentie. Du reste, point de dol, point de dé-ception à l'égard des tiers, pas même de simulation du fait de Cavelan; enfin point d'éviction d'hypothèques acquises à autrui; il y aurait donc la plus grande injustice à priver Cavelan du bénéfice de l'hypothèque speciale, sur la foi de laquelle il a délivré les fonds qui constituent sa créance. »>- Pourvoi pour violation des art. 1131, 1133, 2114 et 2115 du code, sur les obligations sans cause ou sur une cause illicite, et sur les conditions auxquelles est attachée la validité des hypothèques.-Les obligations souscrites par Julienne aîné au profit de Julienne jeune, étaient, disait-on, pour les syndics de la faillite, sans cause, puisqu'il était avoué que ce dernier n'avait point prêté les fonds qui y étaient mentionnés la nullité devait donc en être prononcée, et l'anéantissement des obligations devait nécessairement entraîner celui des billets et de l'inscription qui en étaient la conséquence. Julienne jeune, qui n'avait

sans qu'il soit besoin que le transport soit notifié au débiteur, dans les termes de l'art. 1690 c. nap. (Req., 21 fév. 1838) (1); 6° Que l'endosseur d'effets de commerce, au remboursement

aucun droit contre son frère, d'après son propre aveu, consigné dans une contre-lettre portant la même date que les obligations, n'avait pas pu en transmettre à des tiers. Sans doute on peut, comme l'a dit la cour d'appel, s'ouvrir un crédit, en offrant des sûretés hypothécaires (sur cette question, V. infrà, nos 1320 et s.); mais telle n'est point l'opération du sieur Julienne. Autre chose est de se faire consentir un crédit vis-à-vis d'une personne certaine, et en traitant directement avec elle, ou de se créer, comme on l'a pratiqué dans l'espèce, des valeurs négociables par simple voie d'endossement, en monétisant, pour ainsi dire, des biens qui seraient affectés par hypothèques, pour en assurer le payement. Ce serait en revenir au système de messidor an 3, qui autorisait les cédules hypothécaires, système proscrit par le code, qui ne reconnaît (art. 2114) d'hypothèque que celle affectée à l'acquittement d'une obligation. Sous ce dernier rapport, la cause des obligations était donc illicite, puisqu'elle était prohibée par la loi. On devait donc annuler et ces obligations, et, par suite, les inscriptions et les billets qui en étaient la conséquence. Arrêt.

LA COUR; Attendu que l'hypothèque étant (art. 2114) un droit réel sur les immeubles affectés à l'acquittement d'une obligation, elle est permise pour garantie de toutes les obligations que la loi autorise; Attendu que, considérée comme ayant pour objet l'endossement à fournir par Julienne jeune, pour procurer de l'argent à son frère, l'obligation était littéralement autorisée par l'art. 1150 c. civ.; qu'en la considérant même comme subordonnée à la réalisation des fonds nécessaires à Julienne aîné, l'obligation était autorisée par l'art. 1168, sauf la réduction de l'hypothèque autorisée par l'art. 2132; Attendu, en fait, que l'événement prévu a eu lieu; que la condition a été remplie; que la convention a été exécutée, toutes choses encore entières, puisque nul autre créancier n'avait été inscrit dans l'intervalle qui s'est écoulé entre les obligations et la négociation faite avec Cavelan; Attendu, d'ailleurs,

que les obligations et les effets consentis par Julienne aîné, à l'ordre de son frère, étaient revêtus de toutes les formes légales; les contrats n'attendaient d'aucun fait ultérieur aucun complément, et qu'il a été reconnu, en fait, par la cour royale, que Cavelan avait prêté de bonne foi sur des titres réguliers et négociables; d'où l'arrêt a justement tiré la conséquence que Cavelan, tiers porteur de bonne foi, avait dû être colloqué comme créancier hypothécaire pour la créance qui fait l'objet du procès ; Rejelle, etc.

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Du 10 août 1851.-C. C., ch. req.-MM. Dunoyer, f. f. de pr.-Mestadier; rap.-Lebeau, av. gén., c. conf.-Cotelle, av. (1) Espèce: (Curmer C. Ricquier et cons.) Suivant plusieurs obligations notariées, les sieur et dame de Tocqueville s'étaient reconnus débiteurs envers le sieur Demiannay, banquier à Rouen, d'une somme de 357,000 fr., à la sûreté de laquelle ils avaient affecté hypothécairement tous leurs immeubles; en outre, on lisait dans chacune de ces obligations que, pour faciliter au créancier la disposition de ses créances, les débiteurs avaient souscrit à son ordre des billets sous seing privé (non enregistrés), causés valeur résultant des obligations.- Demiannay transmit partie de ces billets, par voie d'endossement, aux sieurs Ricquier, Vicquelin, Lallemand, Huet et autres, pour une somme de 277,000 fr. Bientôt après, les immeubles hypothéqués par les époux de Tocqueville furent vendus. Un ordre s'ouvrit sur le prix, et les sieurs Ricquier et consorts obtinrent leur collocation, comme créanciers bypo- Mais thécaires, pour le montant des billets dont ils étaient porteurs. le sieur Curmer, créancier sur lequel les fonds devaient manquer, contesta cette collocation, prétendant que le simple endossement des billets à ordre n'avait pu transmettre, à l'égard des tiers, la propriété de la créance hypothécaire sur les époux de Tocqueville, ni, par suite, le bénéfice de l'hypothèque résultant des obligations consenties au profit de Demiannay. 26 août 1835, jugement du tribunal de Dieppe, qui rejette ces prétentions et maintient le règlement provisoire, en ces termes...: -«Considerant qu'aucune disposition de la loi ne s'opposant à ce que, dans une obligation notariée et emportant hypothèque, on puisse stipuler qu'elle sera payable au porteur, on doit regarder une telle stipulation comme valable; - Considérant qu'il est d'usage de transmettre ces obligations par simple endossement; que, si, dans l'espèce, ce ne sont pas les obligations notariées qui ont été transmises par voie d'endossement, mais les billets à ordre, il faut reconnaitre que ces billets ne faisaient, ainsi qu'il est exprimé aux obligations notariées, qu'un seul et même acte avec ces obligations; qu'en transportant ces billets par la voie de l'endossement, Demiannay a entendu transporter les diverses fractions des obligations avec tous les avantages qui y étaient attachés, c'est-à-dire avec la garantie hypothécaire et sans aucune retenue; Qu'il importe peu que les transports n'aient pas été signifies aux débiteurs; Que cette formalité n'était pas nécessaire pour la validité;Considérant qu'il est fort indifférent pour Curmer et autres contestants de voir la collocation faite pour raison des deux obligations susdites passer aux mains de Huet et autres, ou en celles de Demiannay et de ses

desquels le tireur a affecté ses biens par hypothèque, transmet le bénéfice de cette hypothèque, par le seul endossement, aussi bien que la créance dont elle est la garantie spéciale; de

syndics; — Qu'ils n'éprouvent pas plus de préjudice dans un cas que dans l'autre... >>

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Curmer a interjeté appel devant la cour royale de Rouen; puis il a formé presque aussitôt, devant la cour de cassation, une demande en renvoi pour cause de suspicion légitime. La cour royale avait, par arrêt du 22 juin 1836, fixé la cause au 1er août suivant. Ce jour-là, Curmer, après avoir représenté un certificat du greffier de la cour de cassation, constatant le dépôt de la requête en renvoi, et l'avoir fait signifier à l'un des avoués de l'instance, a demandé, par des conclusions formelles, que la cour de Rouen sursit à statuer jusqu'après la décision de la cour de cassation.- Mais, le même jour, cette demande en sursis a été rejetée en ces termes :- - « Considérant que le certificat représenté par Curmer, et signifié à un seul des avoués de la cause, ne peut avoir pour effet de dessaisir la cour des contestations qui lui sont soumises;-Que la requête annoncée avoir été déposée au greffe de la cour de cassation seulement le 27 juillet dernier, n'a été ni signifiée, ni communiquée;Qu'elle n'est pas même réprésentée; - Qu'elle n'a été suivie ni d'un arrêt de soit-communiqué, ni d'un arrêt de sursis; Que Curmer n'a pu, pour se soustraire à l'arrêt du 22 juin, se borner à déposer une requête dont le contenu est ignoré; Qu'en cette occurrence, et rien ne prouvant que la cour de cassation s'est pourvue de la demande, et a permis d'assigner pour procéder sur icelle, il n'y a lieu de prononcer la surséance conclue par Curmer; ordonne que l'arrêt du 22 juin dernier sera exécuté; Qu'en conséquence, il sera conclu et plaidé au fond; et, du consentement de toutes les parties, renvoie la cause à demain. »> - Le 8 août 1836, la cour de Rouen rend un arrêt de défaut contre Curmer, faute de conclure, par lequel elle confirme la décision des premiers juges, dont elle adopte les motifs, en y ajoutant le suivant : « Considérant que cetie hypothèque (celle consentie à Demiannay par les époux de Tocqueville) ne profitant pas à Demiannay, qui en a transmis l'effet aux porteurs des billets de Tocqueville par lui négociés, elle doit nécessairement profiter à ceux-ci... >>

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Pourvoi de Curmer contre les deux arrêts des 1er et 8 août.-1o Violation de l'art. 2 de la loi du 27 nov. 1790, et de l'art. 60 de la loi du 27 vent. an 8, en ce que la cour royale a passé outre au jugement de la cause malgré une demande en renvoi pour suspicion légitime, dont il était authentiquement justifié par la représentation d'un certificat du greffier de la cour de cassation. Toute demande en renvoi, dit-on, ayant pour objet d'enlever à un tribunal la connaissance d'une affaire régulièrement portée devant lui, doit avoir pour effet immédiat de mettre en suspens la compétence de ce tribunal; elle constitue en réalité un véritable déclinatoire; seulement c'est un tribunal autre que celui dont la compétence est contestée qui doit prononcer sur cette exception. Il y a donc nécessité pour le tribunal saisi d'attendre la décision à intervenir sur la demande en renvoi; autrement il méconnaîtrait la compétence des juges appelés à prononcer sur cette demande, et, de plus, il rendrait illusoire le recours accordé aux parties par cette voie. En vain l'arrêt attaqué objecterait-il que, dans l'espèce, la requête en renvoi pour cause de suspicion légitime n'avait pas été signifiée ni communiquée, qu'elle n'était pas même représentée, et qu'en outre elle n'avait pas été suivie d'un arrêt de soit-communiqué ou d'un arrêt de sursis. D'abord, aucune loi n'exige la signification ou la communication de la requête : quant à la necessité de la représenter devant la cour royale, on ne concevrait pas l'utilité de cette mesure, alors que la cour de cassation est seule appréciatrice des moyens invoqués. Enfin la demande en sursis ne pouvait pas être rejetée sur le motif que la cour suprême n'avait pas rendu un arrêt de sursis ou de soit-communiqué, car il y avait impossibilité matérielle que cette cour eût examiné la demande portée devant elle, puisque la requête du sieur Curmer n'avait été déposée au greffe de la cour de cassation que le 27 juillet, et que c'était trois jours après seulement, c'est-à-dire le 1er août, que la cour de Rouen déclarait n'y avoir lieu à surseoir.

20 Violation des art. 1328,-1690 et suiv., et 1351 c. civ., en ce que la cour royale, par son arrêt du 8 août, a décidé que l'hypothèque résultant d'un acte notarié pouvait être valablement transmise par l'endossement de simples billets à ordre sous seing privé, non enregistrés, non plus que leur endos, et non signifiés ;-Voici, en substance, comment on a exposé le système relatif à ce second moyen :-La question de savoir si l'hypothèque est transmissible par voie de simple endossement, sans qu'aucune notification doive être faite au débiteur, n'est pas absolument neuve, car elle semble avoir été préjugée pour l'affirmative par deux arrêts de la chambre des requêtes, des 15 mars 1825 et 10 août 1831 (V. suprà, no 414 et l'arrêt qui précède). Mais il est à remarquer que, dans la première espèce, il s'agissait de billets à ordre souscrits pour un prix de vente qui donnait l'action résolutoire au tiers porteur, sans qu'il fût besoin de prendre inscription, et que, dans la deuxième espèce, les tiers porteurs subrogés avaient pris inscription et notifié l'existence de leurs droits au conservateur des hypothèques. -Au surplus, on peut opposer

telle sorte qu'en cas de protêt, le tiers porteur, qui a obtenu jugement, tant contre le tireur que contre l'endosseur, a seul droit de se prévaloir de l'hypothèque dont il s'agit, dans l'ordre ou

à l'autorité de ces décisions deux arrêts, l'un de la cour de Lyon, du 22 mars 1830 (Journal des Notaires, année 1851, p. 341), et l'autre, de la cour de Grenoble, du 7 fév. 1835 (infrà, no 1269), qui ont jugé qu'un billet à ordre notarié, contenant constitution d'hypothèque, ne peut être transmis que par voie de transport-cession, et non par voie d'endossement. Il est donc vrai de dire que la jurisprudence est loin d'être fixée, et que la question se présente avec toute sa gravité. Or, d'une part, les règles spéciales relatives à la négociation des effets dé commerce excluent l'idée de la cession d'une hypothèque par voie d'endossement (c. com. art. 136, 137, 138, 187). D'autre part, les principes du droit commun viennent justifier le silence de la loi commerciale, Qu'on parcoure toutes les dispositions du code civil au titre de la vente, et relatives au transport des créances et autres droits incorporels, on n'y trouvera nulle part une exception en faveur de la transmission de l'hypothèque; exception pourtant qui eût été indispensable pour soustraire la cession d'un droit hypothécaire à l'application de la règle générale posée dans l'art. 1690 c. civ., ainsi conçu : — « Le cessionnaire n'est saisi, à l'égard des tiers, que par la signification du transport faite au débiteur. » — Si c'est là une précaution exigée dans l'intérêt des tiers; si, d'ailleurs, les actes sous seing privé (art. 1328) n'ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, comment, dès lors, admettre qu'une hypothèque puisse être transmise par un simple endos non enregistré? Enfin, une des conditions substantielles de l'existence des droits hypothécaires, c'est la connaissance publique du véritable propriétaire de la créance par ses nom, prénom, profession et domicile élu (art. 2148). Le cessionnaire n'échappe pas à l'application de cette règle (argum, de l'art. 2152). Au surplus, l'adoption de l'opinion contraire entraînerait une perturbation presque complète dans l'économie du système hypothécaire, puisque le défaut de publicité des différentes transmissions que subirait l'hypothèque par l'endossement rendrait impossible la purge totale ou partielle que voudrait opérer un tiers acquéreur, personne ne pouvant lui indiquer quel est le véritable créancier. Si, du texte de la loi, on s'élève à sa pensée, il est une première réflexion qui se présente naturellement, c'est que la doctrine de la transmissibilité par endossement ne serait pas seulement applicable à l'hypothèque. Il faudrait nécessairement l'étendre à tous les droits réels qui pourraient être stipulés dans une lettre de change ou dans un billet à ordre, soit à titre de clause pénale, ou à défaut de payement de la somme promise, soit à titre d'obligation alternative. La question se généraliserait donc d'elle-même, et il s'agirait de savoir, ce qu'on n'oserait soutenir, si nos lois autorisent la mobilisation de la propriété territoriale, à ce point qu'un droit d'usufruit, un champ, une maison, un immeuble quelconque, puisse se transferer et circuler, par voie d'endossement, dans les transactions civiles et commerciales. Mais, sans sortir de notre thèse, il est évident qu'aucun droit immobilier n'a plus besoin de fixité que l'hypothèque, à raison méme du privilége qui s'y rattache, et des collusions dont la cession d'un pareil privilège pourrait être l'objet. Déjà, avec toute la solennité qui accompagne sa transmission, dans les formes du droit civil, l'hypothèque n'offre que trop souvent des moyens de nuire. Que sera-ce done si on lui permet de suivre une marche occulte et précipitée, de s'embarrasser, en quelques instants, dans le labyrinthe de vingt opérations plus ou moins compliquées, où l'œil le plus habile et le plus expérimenté aura peine à saisir, avec quelque précision, soit le moment, soit les conditions de son passage? De bonne foi, voudrait-on qu'une hypothèque pût subir toutes ces vicissitudes, quand on songe surtout à la facilité d'antidater un endossement, et de faire ainsi remonter la cession d'un droit hypothécaire éteint, à une époque où le droit existait encore? L'avocat revient sur plusieurs développements qu'il avait donnés lors de l'arrêt de 1833. — Arrêt. LA COUR; Sur le premier moyen ; Attendu qu'un tribunal, une fois saisi régulièrement d'une contestation, ne peut être obligé de surseoir au jugement de cette contestation qu'en vertu d'une disposition de la loi, ou de la décision de l'autorité immédiatement supérieure ; Attendu, dans l'espèce, que, bien loin qu'aucune loi dispose que la demande en recours d'un tribunal à un autre, pour cause de suspicion lé→ gitime, puisse, au civil, obliger le tribunal saisi de surseoir au jugement de la cause, cette cause et les parties se trouvaient ici sous la protection de la loi commune, portant que le recours en cassation n'est pas suspensif; Attendu, d'ailleurs, que la cour de cassation, seule autorité supérieure de la cour royale de Rouen, n'avait, au moment de la demande en sursis, rien prononcé qui pût l'autoriser; Sur le second moyen; Attendu que la cour royale de Rouen, en jugeant, comme elle l'a fait, que le droit d'hypothèque, bien et dûment acquis à la créance, dont les défendeurs éventuels avaient été déclarés légitimes propriétaires, appartenait comme accessoire à ces créanciers, cette cour n'a violé aucune loi; - Rejette, etc.

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Du 21 fév. 1858.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Joubert, rap.Hervé, av. gén., c. conf.-Dalloz, av.

vert sur le prix des biens hypothéqués, à l'exclusion de l'endosseur ou de ses créanciers: ces derniers diraient vainement que, pour produire effet à leur égard, le transport de l'hypothèque devait être notifié, conformément à l'art. 1690 c. nap. (Req. 11 juill. 1839) (1); — 7o Que, lorsqu'une hypothèque a été accordée comme garantie d'un crédit ouvert, le tiers porteur des traites créées pour l'exercice de ce crédit, peut, de son chef, et sans signification au débiteur cédé, réclamer le droit hypothécaire (Colmar, 30 déc. 1850, aff. Just-Detré, D. P. 54. 2. 145).

1268. Mais, tout en acceptant la doctrine de ces arrêts, nous avons une double observation à faire : la première, c'est que le porteur de l'obligation à ordre ne peut se prévaloir, ainsi que l'a décidé l'arrêt de la cour de Poitiers, du 15 déc. 1829, aff. Cléreau, infrà, chap. 7, de l'hypothèque y attachée, qu'autant qu'il se présente avec une inscription régulièrement faite, c'est-à-dire indiquant ses nom, prénoms, domicile, etc., ou ceux d'un précédent endosseur; — La seconde, que le porteur ne pourrait invoquer le bénéfice de cette hypothèque, s'il avait reçu le titre, non d'un précédent endosseur, mais du débiteur lui-même, qui, après avoir payé et s'être fait restituer son obligation, la remeltrait en circulation; et cela, bien que le titre ne portât aucune trace de l'extinction de la dette, et que le porteur pût ainsi exciper de sa bonne foi (Bordeaux, 18 mars 1852, aff. Thibaud, D. P. 52. 2. 280).

1269. Il a été jugé, contrairement aux décisions ci-dessus: 1° que l'hypothèque consentie, par acte séparé, pour sûreté d'une lettre de change, et dûment inscrite, ne se transmet point par le simple endossement de la lettre de change; qu'il faut un acte de cession expresse : « Attendu que l'action hypothécaire ne peut se transférer que par un acte de cession expresse, et non par l'effet d'un simple endossement de lettre de change; - Attendu que Stroobants (le tiers porteur) n'a produit aucun acte de cession à lui faite de l'action hypothécaire en vertu de laquelle il prétend exproprier les appelants; - Infirme » (Bruxelles, 7 flor. an 9, aff. Sellier et Pertemans C. Stroobants); - 2o Qu'une obligation notariée, avec stipulation d'hypothèque, bien que stipulée négociable par voie d'ordre, ne peut être transportée par simple endossement mis au bas de la grosse; qu'elle ne peut saisir le porteur que par la signification du transport, dans les termes de l'art. 1690 c. nap., et que, jusque-là, le débiteur est en droit d'opposer au porteur toutes les exceptions, et, par exemple, celle de compensation, qu'il pourrait opposer à ses créanciers (Grenoble, 6 juill. 1818, aff. Bouvard; 7 fév. 1855, aff. Doyon, vo Effets de comm., nos 374 et 377).

1270. Tout acte authentique n'est pas susceptible de conférer hypothèque; il n'y a que l'acte authentique passé devant notaire (c.nap. 2127).-Jugé ainsi : 1° que le procès-verbal d'un juge de paix, fait en bureau de conciliation, qui donnerait acte aux parties des obligations consenties devant lui, avec constitution d'hypothèque, serait inefficace pour la conférer (Rennes, 12 août 1814, aff. Lemasson, V. Vente (stellionat). Il y en a une double raison : d'abord celle tirée du texte de l'art. 2127, et celle que fournit

(1) (Waïs C. Rodrigues et Salzédo.)-LA COUR; Attendu qu'il est reconnu, en fait, que les traites qui sont l'objet du procès furent souscrites par Lapeyre à la maison Barbaste, avec hypothèque pour sùreté du payement, et passées à l'ordre des sieurs Rodrigues et Salzédo, défendeurs éventuels, qui obtinrent, à défaut de payement, une condamnation contre le tireur et l'endosseur; et qu'en concluant de ces faits que, par l'endossement, Barbaste avait transmis la créance avec la garantie hypothécaire, que les créanciers personnels de l'endosseur ne pouvaient prendre part aux résultats de cette garantie spéciale, au préjudice des défendeurs éventuels, porteurs des traites et non payés, la cour de Pau, loin de violer aucune loi, a, au contraire, fait une juste application des règles relatives à la matière; · Attendu que la fraude articulée par le demandeur n'a point été déclarée constante par l'arrêt dénoncé, appréciation qui était dans les attributions exclusives de la cour royale; - Rejette.

Du 11 juill. 1839.-C. C., ch. req.-MM. Lasagni, pr.-Mestadier, rap. (2) (Girou C. Fournet.). LA COUR; Attendu qu'aux termes de l'art. 2117 c. civ., l'hypothèque conventionnelle est celle qui dépend des conventions et de la forme extérieure des actes et des contrats; que, suivant l'art. 2127 même code, l'hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par acte passé en forme authentique devant deux notaires, ou devant un notaire et deux témoins; que, d'après ces textes, Girou ne pouvait consentir valablement une hypothèque en faveur de

l'art. 54 c. pr., suivant lequel «les conventions des parties insérées au procès-verbal (de conciliation) ont force d'obligation privée » (V. aussi suprà, nos 1175 et s.);-2° Qu'il en est de même de la reconnaissance faite en justice, d'un acte sous seing privé. Cette reconnaissance, quoique donnant à l'acte un caractère authentique, et quoique conférant sur les biens du débiteur une hypothèque générale (c. nap. 2125), n'a cependant pas pour effet de valider l'hypothèque constituée par cet acte (Toulouse, 18 déc. 1816) (2).

1271. Par la même raison, si l'acte notarié renfermait quelque vice de forme, ou s'il avait été reçu par un notaire hors de sa juridiction, comme il ne vaudrait, aux termes de l'art. 1518, que comme écriture privée, en cas qu'il fût signé des parties, il ne conférerait point hypothèque (MM. Persil, Rég. hyp., art. 2127, no 7; Flandin, Tr. des hyp., inédit).

1272. La stipulation d'hypothèque, qui ne se trouve que dans un renvoi, non approuvé par les parties, mais par le notaire seulement, doit être réputée non écrite :— «La cour,... considérant que la stipulation d'hypothèque ne se trouvant contenue, dans le contrat de mariage de Prosper-Benoît (Ode fils), en date du 29 vend. an 7, qu'au moyen d'un renvoi existant à la minute des deux parties différentes de cet acte, et ce renvoi n'étant pas approuvé par les parties contractantes, mais seulement par le notaire recevant, elle doit être réputée non écrite, et que, dès lors, elle n'a pu donner lieu à l'inscription de la créance qui en a résulté;-Faisant droit sur l'appel, maintient l'ordre de créances établi par le tribunal d'Uzès » (Nimes, 15 juill. 1808, aff. Ode C. Bernard).

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1273. Les actes des fonctionnaires administratifs, passés dans les limites de leur compétence respective, sont bien des actes authentiques; mais ils ne sont pas des actes notariés: il en résulte qu'ils ne peuvent produire l'hypothèque, à moins de disposition contraire dans les lois. Ainsi l'hypothèque était attachée anciennement aux actes de l'administration concernant les biens nationaux, en vertu de la loi des 28 oct.-5 nov. 1790: « Le ministère des notaires, porte l'art. 14 de cette loi, ne sera nullement nécessaire pour la passation des baux, ni pour tous les actes d'administration: ces actes, ainsi que les baux, seront sujets au contrôle, et ils emporteront hypothèque et exécution parée. Il pouvait être incertain si la loi du 11 brum. an 7, et, après cette loi, le code Napoléon, qui ne faisaient résulter l'hypothèque conventionnelle que des actes notariés, avaient dérogé à l'art. 14 de la loi du 28 oct. 1790, vu que cet article s'appliquait à une matière toute spéciale. Ce fut pour faire cesser le doute que fut rendu le décret du 12 août 1807, dont l'art. 1, le seul qui ait trait à la question, porte: «A compter de la publication du présent décret, les baux à ferme des hospices et autres établissements publics de bienfaisance ou d'instruction publique, pour la durée ordinaire, seront faits aux enchères, par-devant un notaire qui sera désigné par le préfet du département, et le droit d'hypothèque sur tous les biens du preneur y sera stipulé par la désignation, conformément au code civil. » Ce décret est rappelé Fournet, dans l'accord privé du 30 nov. 1808; qu'en vain prétend-il que, cet accord ayant été avéré en justice, il acquit, dès ce moment, l'authenticité et le caractère d'un acte public, et que, conséquemment, on doit considérer l'hypothèque mentionnée en icelui comme si elle eut été stipulée dans un acte passé devant notaire.

Ce système tend à donner une extension à l'art. 2127 c. civ., qui déclare formellement que l'hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que dans un acte notarié; et, si le législateur eût entendu que celle portée par un ecrit privé, devint valable, au moyen de l'aveu fait en justice de cet écrit, il n'aurait pas manqué de le dire, d'autant mieux que, s'occupant, dans l'art. 2125, de l'hypothèque judiciaire, il a donné ce caractère à celle qui résulte, soit d'une condamnation, soit de l'aveu judiciaire d'un écrit privé, sans ajouter que l'hypothèque, stipulée dans cet écrit, deviendrait valable, voulant, au contraire, que l'hypothèque judiciaire, acquise au moyen de l'aveu, frappe sur tous les biens du debiteur. L'art. 1322, invoqué par Girou, porte seulement que l'acte sous seing privé, reconnu ou légalement tenu pour tel, a, entre ceux qui l'ont souscrit, et entre leurs héritiers ou ayants cause, la même foi que l'acte authentique. Une pareille disposition ne peut être invoquée pour étendre celle de l'art. 2127, qui s'est particulièrement occupé de l'hypothèque conventionnelle, en n'en admettant la stipulation que dans les actes notariés;- Par ces motifs, etc.

Du 18 déc. 1816.-C. de Toulouse.-M. Hocquart, 1er pr.

dans l'ordonnance du 7 oct. 1818, relative à la mise en ferme des biens communaux (art. 3 et 4). —MM. Favard de Langlade, Rép., vo Louage, sect. 1, § 4, et Duranton, t. 17, n° 41, et t. 19, n° 360, n'ont pas jugé, sans doute, que ce décret eût une portée générale, puisqu'ils enseignent l'un et l'autre que les baux des biens nationaux, passés dans les formes administratives, c'est-àdire devant les sous-préfets et à la chaleur des enchères, emportent hypothèque, conformément à l'art. 14 précité de la loi du 28 oct. 1790, qu'ils regardent comme faisant exception à l'art. 2127 c. nap. Mais nous croyons que c'est là une erreur. L'art. 1712 c. nap. dit, à la vérité, que « les baux des biens nationaux sont soumis à des règlements particuliers; » mais il dit la même chose des «baux des biens des communes et des établissements publics; » et si, malgré cette disposition, le décret du 12 août 1807 a décidé que les baux à ferme des hospices et autres établissements publics n'emporteront hypothèque, à l'avenir, sur les biens des preneurs, que lorsqu'ils auront été faits aux enchères, par-devant notaire, et avec une désignation spéciale des biens hypothéqués, conformément au code civil, il n'y a aucune raison pour ne pas étendre cette disposition aux baux des biens domaniaux, placés sur la même ligne que les baux des biens des hospices par l'art. 1712 précité. MM. Favard et Duranton, d'ailleurs, ne font aucune difficulté de reconnaître que l'hypothèque dont parle l'art. 14 de la loi de 1790 ne serait aujourd'hui dispensée ni de la spécialité, ni de l'inscription; c'est avouer implicitement que l'art. 2127 du code a modifié cette loi. Nous disons, nous, qu'il ne l'a pas seulement modifiée, mais abrogée, au moins sur ce point spécial (V. nos 1276 et s.). — V. encore yo Louage admin., nos 5 et 27.- Conf. M. Flandin, Tr. des hyp., inédit.

174. Mais le décret du 12 août 1807 ne statuant que pour l'avenir, restait toujours la question de savoir si l'hypothèque avait pu être stipulée valablement dans les actes administratifs antérieurs? Un avis du conseil d'Etat, pris le même jour que le décret (V. Hospices, p. 69), décida l'affirmative. Il avait déjà été décidé antérieurement que la loi du 11 brum. an 7 n'avait pas dérogé à la loi du 28 oct. 1790, suivant laquelle les actes administratifs emportent l'hypothèque de plein droit; qu'ainsi la régie des domaines avait pu prendre inscription sur les biens de la caution que la loi exige de l'adjudicataire du bail d'un bien domanial passé par l'administration locale:

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(1) Espèce (Préfet des Pyrénées C. Lagarde.)- Des travaux de construction du lazaret maritime de Bayonne ont été adjugés, en la forme administrative, le mai 1824, au sieur Lagarde.-Le cahier des charges obligeait l'adjudicataire à fournir un cautionnement. Par acte sous seing-privé, du 15 juin suivant, entre le préfet et le sieur Lagarde, celui-ci déclara affecter au cautionnement dont il était tenu l'hypothèque de divers immeubles. Le 7 nov. 1825, inscription est prise au nom de l'Etat. Lagarde ne peut achever les travaux. Un arrêté du conseil de préfecture, du 25 sept. 1828, le declare débiteur d'une somme de 11,647 fr.-Depuis, ses biens sont vendus.-Le préfet réclame, à l'ordre, une collocation, à la date du 7 nov. 1825. - Cette prétention est combattue par un sieur Gayrosse, autre créancier inscrit. - Un jugement donne la priorité à l'Etat. - Sur l'appel, ce jugement est infirmé par arrêt de la cour de Pau, du 16 juin 1832, ainsi conçu : - « Attendu qu'avant d'examiner la régularité de l'inscription prise par M. le préfet sur les biens de Lagarde, le 7 nov. 1825, il s'agit de savoir, d'abord, si l'Etat avait, contre ce débiteur, un droit d'hypothèque, soit légale, soit conventionnelle (l'arrêt commence par discuter la question d'hypothèque légale; V. supra, no 1079, cette partie de l'arrêt; puis il ajoute) :-Attendu qu'aux termes de l'art. 2127 du même code, l'hypothèque conventionnelle doit résulter d'un acte authentique passé devant deux notaires, ou devant un notaire et deux témoins; - Attendu que l'acte de cautionnement, en date du 4 mai 1824, contenant stipulation d'hypothèque, au profit de l'Etat, sur les immeubles du sieur Lagarde, n'est signé que par le préfet, d'une part, et Lagarde de l'autre ; - Attendu qu'aucune disposition du même code ne dispense les actes, conférant hypothéque au profit de l'Etat, de la forme prescrite par l'art. 2127 précité; Attendu, d'ailleurs, que la loi du 9 mars 1795, déjà invoquée, qui faisait résulter un droit d'hypothèque d'actes sous seing privé, passés entre les agents de la nation et les fournisseurs, a été abrogée, ainsi qu'il a été établi ci-dessus;- Attendu qu'en supposant, contrairement à ce qui précède, que le préfet des Basses-Pyrénées eût stipulé valablement un droit d'hypothèque contre Lagarde, l'inscription par lui prise pour la conservation de ce droit, le 7 nov. 1825, serait nulle, faute de contenir l'évaluation de la créance pour sûreté de la

«La cour, attendu que, suivant l'art. 14 de la loi du 28 oct. 1790, les actes émanés de l'autorité administrative emportent hypothèque et exécution; que, par l'art. 21, les adjudicataires des baux sont obligés de fournir caution, et que, suivant le no 4 de l'art. 5 de la loi du 11 brum. an 7, sur le régime hypothécaire, l'hypothèque existe pour les créances auxquelles la loi accorde l'hypothèque, à la charge de l'inscription, et qu'il n'existe aucune loi dérogeante à celle du 28 oct. 1790; infirme » (Paris, 6 mess. an 10, aff. adm. des domaines C. veuve Gentil).

1275. Un autre décret du 29 mai 1811. rendu sur un conflit élevé par le préfet de la Seine contre un jugement du tribunal civil du même département, a décidé qu'un acte de remplacement passé devant un préfet, bien qu'authentique, ne peut conférer hypothèque : — « Considérant, dit-il, que, pour acquérir l'hypothèque conventionnelle, le sieur Roulot devait faire passer l'acte dont il s'agit par-devant notaire, et que, dans tous les cas, l'affaire était du ressort des tribunaux. » La loi du 21 mars 1852, sur le recrutement, a consacré ce principe. L'art. 24 de cette loi, après avoir dit que « les actes de substitution et de remplacement seront reçus par le préfet, dans les formes prescrites pour les actes administratifs, » ajoute : « les stipulations particulières qui pourraient avoir lieu entre les contractants, à l'occasion des substitutions et remplacements, seront soumises aux mêmes règles et formalités que tout autre contrat civil. »>

1276. La loi des 4-7 mars 1795, relative aux marchés passés par l'Etat avec les entrepreneurs, marchands, ouvriers et fournisseurs, a une disposition semblable à celle de l'art. 14 précité de la loi du 28 oct. 1790; elle porte, art. 3 : « Quoique les marchés soient passés par des actes sous signatures privées, la nation aura néanmoins hypothèque sur les immeubles appartenant aux fournisseurs et à leurs cautions, à compter du jour où les ministres auront accepté les marchés. » La question s'est également agitée de savoir si cette disposition était encore en vigueur. La cour de cassation s'est prononcée pour l'affirmative. - Jugé ainsi que les actes administratifs, passés entre 1 Etat et les adjudicataires de travaux publics, emportent hypothèque sur les biens de ceux-ci au profit de l'Etat; qu'à cet égard, le code n'a pas abrogé les dispositions des lois du 28 oct. 1790 et 4 mars 1793 (Cass. 12 janv. 1835 (1); Paris, 29 mars 1850, aff. Duplan, suprà, no 578).

1277. Il a encore été jugé, depuis, que les marchés de four

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quelle l'hypothèque aurait été stipulée ;- Attendu, en effet, que l'art. 2148 c. civ. exige que l'inscrivant représente au conservateur des bypothèques deux bordereaux contenant, entre autres énonciations, le montant du capital des créances exprimées dans les titres, ou évaluées par l'inscrivant, pour les droits éventuels, conditionnels ou indéterminés, dans les cas où cette évaluation est ordonnée ;-Attendu que l'art. 2132 dispose que l'hypothèque conventionnelle n'est valable qu'autant que la somme pour laquelle elle est consentie est certaine et déterminée par l'acte, et que, si la créance résultant de l'obligation est conditionnelle pour son existence, ou indéterminée dans sa valeur, le créancier ne pourra requérir l'inscription que jusqu'à concurrence d'une valeur estimative déclarée expressément ; - Attendu que, dans l'inscription prise par le préfet, le 7 nov. 1825, il est déclaré qu'elle est prise pour assurer le payement des indemnités ou dommages qui pourraient résulter contre Lagarde de l'inexécution du traité fait avec lui pour la construction du lazaret de Bayonne; - Attendu que la créance, ainsi énoncée, était conditionnelle pour son existence, puisqu'elle ne devait se réaliser que dans le cas où l'entrepreneur ne remplirait pas ses engagements, et indéterminée dans sa valeur, puisque le montant de sa créance dépendait de la fixation ultérieure des indemnités auxquelles l'inexécution du marché pourrait donner lieu; - Que c'était donc le cas d'évaluer, par approximation, le montant de la créance que l'Etat voulait assurer par l'hypothèque; Attendu qu'il a été, au contraire, déclaré, dans l'inscription, qu'elle était prise pour une somme indéterminée; Attendu que l'indication du montant de la créance est une formalité substantielle de l'inscription, dont l'objet est de mettre les tiers à portée de vérifier la situation du débiteur; d'où il suit que son omission doit entraîner la nullité de l'inscription même;-Attendu, dès lors, que c'est à tort que les premiers juges ont déclaré valable l'inscription prise par le préfet des Basses-Pyrénées, le 7 nov. 1825, sur les biens de Lagarde, et qu'il y a lieu de réformer le jugement dont est appel;-Infirme, etc. Pourvoi en cassation de la part du préfet des Pyrénées.-1o Violation des art. 2098 et 2121 c. civ., de l'art. 14, tit. 2, de la loi du 28 oct.-5 nov. 1790, de l'art. 5 de la loi du 4 mars 1795, et fausse application de l'art. 2127 c. civ. On a dit, en substance: Le décret du 28

nitures passés avec les ministres, sous la forme d'actes sous signatures privées, auxquels le décret du 4 mars 1793 a donné la même force que celle attribuée par l'ancienne législation aux actes notariés, emportent hypothèque au profit de l'Etat, sans même qu'il soit nécessaire de la stipuler; mais que, cette dérogation au droit commun devant être restreinte aux cas formellement prévus par la loi, il en résulte que cette hypothèque n'existe que sur les biens de celui qui a signé le marché comme fournisseur, ou qui l'a expressément cautionné, mais ne frappe pas les biens de celui qui n'a eu, dans le marché, qu'une participation intéressée, sans le signer, ni comme fournisseur, ni comme caution (Rej. 9 juin 1847, aff. Seguin, D. P. 53. 1. 306). Mais cet arrêt ne peut avoir aucune portée dans la question, parce que l'hypothèque que revendiquait le trésor, dans l'espèce, se référait à des marchés de fournitures antérieurs à la loi du 11 brum. an 7. C'est même ce qu'exprime un des considérants de l'arrêt : << Attendu que les inscriptions de 1810 n'ont été prises qu'en vertu desdits actes (des 8 niv., 14 vent. an 5 et 14 niv. an 6), et aussi en vertu d'un acte du 9 flor. an 7, lequel étant postérieur à la loi du 11 brum. an 7, n'a pas dû être et n'a pas été apprécié par la cour royale. » Ce considérant pourrait même donner à penser que la chambre civile a voulu faire un pas en arrière, s'il ne s'expliquait par ce fait qu'aucune hypothèque n'ayant été stipulée dans les marchés dont il s'agit, la spécialité de l'hypothèque conventionnelle, qui forme aujourd'hui la loi commune, s'opposait à ce que l'Etat pût invoquer cet acte du 9 flor. an 7, comme lui conférant une hypothèque tacite sur les biens des fournisseurs ou de leurs cautions.

oct.-5 nov. 1790, relatif à la vente et à l'administration des biens nationaux, etc., porle, tit. 2, art. 14: « Le ministère des notaires ne sera nullement nécessaire pour la passation desdits baux (des domaines nationaux), ni pour tous les autres actes d'administration. Ces actes, ainsi que les baux, emportent exécution parée. » Ces expressions sont générales on les a toujours appliquées aux travaux concernant les biens de l'Etat, tels que ponts, routes, canaux. C'est à tort qu'on prétend les restreindre à l'administration des biens nationaux proprement dits. L'art. 1 du décret s'y oppose, car il déclare que, par domaines nationaux, on entend tous les biens du domaine de la couronne, et les biens ci-devant ecclésiastiques. Or, un lazaret ou son emplacement est bien un domaine national ou de l'Etat : les actes relatifs à son administration, aux constructions à y faire, sont donc compris dans les termes généraux, actes d'administration, de l'art. 14 précité. Ce n'est pas tout: on lit dans l'art. 3 de la loi du 4 mars 1795: « Quoique les marchés soient passés par des actes sous signature privée, la nation aura, néanmoins, hypothèque sur les immeubles appartenant aux fournisseurs et à leurs cautions, à compter du jour où les ministres auront accepté les marchés. » Et la cour royale reconnaît que, sous la dénomination de fournisseurs, sont compris les entrepreneurs de travaux publics dont il est, d'ailleurs, question dans les art. 1 et 2 de cette loi; elle reconnaît aussi qu'il est inutile de stipuler une hypothèque dans les marchés dont il s'agit, et qu'elle résulte, de plein droit, de la loi; mais elle déclare ensuite que cette loi a eté abrogée par le code civil, et que l'art. 2121 n'accorde plus d'hypothèque légale à l'Etat que sur les biens des receveurs et administrateurs comptables; que cet article ne s'applique pas aux entrepreneurs; que, quant à l'art. 2098 c. civ., qui renvoie aux lois concernant les droits du trésor public, il doit être restreint au privilége du trésor et ne comprend pas les hypothèques. Or, toute cette théorie de la cour royale a une base erronée. D'abord, il est de principe que les lois générales n'abrogent pas les lois spéciales; ensuite, si le code eût réglé les seuls cas où le trésor aurait une hypothèque légale, il n'aurait pas fait de lois spéciales sur l'hypothèque comme sur le privilége: c'est cependant ce qu'il a fait, pour l'une et l'autre, par les art. 1 et 6 de la loi du 5 sept. 1807, qui déterminent l'effet de l'hypothèque légale du trésor sur les immeubles des comptables, preuve certaine que le législateur ne regardait pas comme complet le système du code civil. -Mais de ce que, dans la loi du 5 sept. 1807, il n'est question que de l'hypothèque légale de l'Etat sur les biens des comptables, s'ensuit-il que l'hypothèque légale, accordée à l'Etat par d'autres lois sur les biens des entrepreneurs, des fournisseurs, etc., soit abrogée? Non, évidemment. L'art. 11 de la loi de 1807 porte seulement que les dispositions contraires à la présente loi, c'est-à-dire celles qui réglent, d'une autre manière, l'hypothèque légale de l'Etat sur les biens des receveurs ou payeurs des deniers publics, sont abrogées.-La loi spéciale du 4 mars 1793, comme l'art. 1 du tit. 2 de la loi du 28 oct. 1790, conservent donc toute leur force, à côté de l'art. 2121 c. civ. et de la loi du 3 sept. 1807.-Il reste, au surplus, à savoir si le droit de préférence résultant des actes administratifs, en faveur de l'Etat, sur les biens des entrepreneurs, est une hypothèque véritable, si ce n'est pas plutôt un privilége?

M. Troplong, t. 2, no 505 bis, critique vivement la jurisprudence que consacrent les deux arrêts du 29 mars 1850 et du 12 janv. 1855. Il s'élève, d'abord, contre une confusion faite par la cour de Paris entre l'hypothèque et le privilége, qu'elle appelle une hypothèque non déterminée, et, par suite, contre l'argument que cette cour voudrait tirer de l'art. 2098 c. nap., d'après lequel « les priviléges à raison des droits du trésor royal, sont réglés par les lois qui les concernent, » pour en induire que les lois spéciales qui faisaient résulter l'hypothèque des actes administratifs, n'ont été abrogées ni par la loi de brumaire, ni par le code. Le privilége écarté, « de deux choses l'une, dit M. Troplong, ou la loi de 1793 a voulu donner à l'Etat une hypothèque légale sur les biens des fournisseurs, ou elle n'a entendu qu'attribuer à l'acceptation ministérielle les effets hypothécaires que tous les actes authentiques produisaient alors. Dans le premier cas, sa disposition est abolie par l'art. 2121 c. nap., qui ne donne d'hypothèque légale à l'Etat que sur les biens des comptables (V. suprà, no 1071). Dans le second cas, qui est le plus probable, la spécialité a anéanti les hypothèques non déterminées attachées, de plein droit, par l'ancienne jurisprudence à toutes les conventions authentiques. » — Mais que devrait-on décider, continue M. Troplong, si le marché passé par le préfet contenait une stipulation d'hypothèque spéciale? C'est l'espèce sur laquelle a statué l'arrêt du 12 janv. 1835. La cour de Pau, dont l'arrêt a été cassé, développe longuement et disertement l'opinion, que la loi du 4 mars 1795 a été virtuellement abrogée soit par l'art. 2121, soit par l'art. 2127 c. nap. M. Troplong, qui adopte cette opinion, et qui la généralise, en l'étendant à la

Le mot privilège est le seul qui puisse le qualifier exactement, d'après le code civil; car ce droit de preférence résulte de la qualité de la créance, et de la qualité du créancier, l'Etat traitant, non comme un simple particulier, mais comme puissance publique. C'est aussi dans ce sens que l'a entendu la cour de Paris, dans son arrêt du 29 mars 1830. L'arrêt attaqué devait donc reconnaitre l'existence l'existence d'un privilége ou d'une hypothèque légale au profit de l'Etat. Cet arrêt, d'ailleurs, a violé les lois citées, et fait une fausse application de l'art. 2127 c. civ., en ce qu'il a refusé de voir au moins une hypothèque conventionnelle valable, dans l'acte de cautionnement passé devant le préfet, le 15 juin 1824, puisque le ministère des notaires n'est pas nécessaire pour la passation des actes concernant les biens de l'Etat, et que ces actes sont assimilés aux actes authentiques. -2° Violation des art. 2152 et 2155 c. civ., en ce que l'inscription prise, dans l'espèce, au nom de l'Etat, a été annulée, sous le vain prétexte qu'elle ne contenait pas une évaluation de la créance, bien que l'inscription indiquât le prix de l'adjudication, et qu'il y eût indication implicite de la somme à laquelle pourrait s'élever l'obligation de l'entrepreneur. Arrêt (ap. dél. en ch. du cons.).

LA COUR; Vu l'art. 14 des lois des 25 et 28 oct.-5 nov. 1790, les art. 1 et 5 de la loi du 4 mars 1793, et les art. 2127, 2132 et 2148 c. civ.; Attendu que de la combinaison des lois de 1790 et 1793 cidessus visées, il résulte que le ministère des notaires n'est point nécessaire pour les marchés passés avec l'administration, et que les actes administratifs contenant les stipulations relatives auxdits marchés emportent hypothèque ; Attendu que, dans l'espèce, il s'agit de la validité d'une inscription prise par le préfet du département des BassesPyrénées, au sujet de l'adjudication faite au sieur Romain-Lagarde pour la construction du lazaret maritime à Bayonne, suivant sa soumission, acceptée par le conseil de préfecture de ce département; qu'ainsi, sous ce premier rapport, quoique l'acte ne soit pas notarié, il est bors de doute que l'inscription est valable; · Attendu, en deuxième lieu, qu'il est dit, dans l'inscription, qu'elle a été prise sur les biens y désignés dudit sieur Romain-Lagarde, adjudicataire de ladite construction, moyennant 128,633 fr. 75 c., et ce, pour sûreté et garantie de l'entière et parfaite exécution des travaux, ainsi qu'il est énoncé dans les devis et adjudications dont il a été donné lecture audit Romain-Legarde, pour les sommes, indemnités et dommages-intérêts, auxquels le défaut d'exécution pourrait donner lieu; Attendu que les enonciations, exigées par le code civil, n'ont pour but que de rendre les hypothèques tellement publiques et déterminées que quiconque est dans le cas de traiter avec un autre ait les renseignements nécessaires pour faire toutes les vérifications qui l'intéressent, et pour qu'il ne puisse être induit en erreur sur les chances auxquelles est exposée la proprieté grevée d'hypothèque; Attendu que, par le contenu sus-relate de l'inscription dont il s'agit, le vœu des articles du code civil, ci-dessus visés, a été suffisamment rempli; d'où il suit que l'arrêt attaqué, en annulant ladite inscription, a tout à la fois violé formellement les lois de 1790 et 1795, et fait une fausse application des dispositions du code civil; Casse.

Du 12 janv. 1835.-C. C., ch. civ.-MM. Dunoyer, pr.-Faure, rap.-De Gartempe, av. gen., c. conf.-Berton, Verdière et A. Chauveau, av.

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