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dot, Form. hyp., no 187; Pont, loc. cit., no 384; Flandin, loc. cit.Contrà, Battur, t. 2, no 252; Grenier, t. 1, no 140). « Un droit de pacage, dit ce dernier auteur, qu'aurait un particulier sur des propriétés rurales appartenant à un individu, un droit de glandée, un droit d'usage pour chauffage dans les forêts, peuvent être mis dans la classe des droits réels immobiliers. Ils sont ordinairement attachés à un corps de domaine et le suivent. Un droit dont les exemples ne sont pas rares, qui consisterait à faire moudre à un moulin tous les grains à l'usage des personnes qui habiteraient telle maison ou tel domaine, tous ces droits et autres semblables, sont autant de droits réels immobiliers, qui, comme l'immeuble même qu'ils frappent, sont susceptibles d'hypothèque. On peut appliquer à ces droits les termes de l'art. 2181 c. nap., où il est dit : « Les contrats translatifs de la propriété d'immeubles, ou droits réels immobiliers, que les tiers détenteurs voudront purger de priviléges et hypothèques, seront transcrits, etc. » L'argument que puise l'auteur dans l'art. 2181 n'a véritablement aucune portée : les droits réels immobiliers dont parle cet article ne sont autres que ceux que l'art. 2118 a déclarés susceptibles d'hypothèque, c'est-à-dire, l'usufruit des immeubles et de leurs accessoires réputés immeubles. Les servitudes sont aussi des droits réels immobiliers; et, cependant, elles ne sont pas, comme nous le dirons tout à l'heure, au nombre des biens sur lesquels on puisse constituer des hypothèques. Grenier reconnaît lui-même que ces expressions, droits réels immobiliers, doivent recevoir une certaine limitation; car, après avoir fait remarquer qu'il y a des droits qui sont incorporels, et qui, néanmoins, ont le caractère de droits réels immobiliers, et sont susceptibles d'hypothèque comme ce qui est proprement immeuble, il ajoute « qu'il faut se garder de confondre ces droits réels immobiliers avec certains autres droits que la loi déclare être immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent, et qui ne sont cependant pas susceptibles d'hypothèque, tels que les actions qui tendent à revendiquer un immeuble dont il est parlé dans l'art. 529 c. nap. Tout ce qui a un caractère d'immeuble, poursuit-il, par opposition à ce qui est seulement meuble, n'est pas, pour cela, susceptible d'hypothèque. » C'est donc par sa nature, par sa portée, par ses effets, qu'il faut juger si tel droit réel immobilier est ou non susceptible d'hypothèque. Or les divers droits réels énumérés dans le passage de Grenier que nous venons de transcrire, sont ou des droits d'usage ou des droits de servitude, et comme tels, par conséquent, nous venons d'en donner la raison, insusceptibles d'hypothèque.

817. Il a été jugé, d'ailleurs, que, bien que le droit d'habitation ne puisse être isolément ni saisi, ni hypothéqué, il constitue, néanmoins, un droit immobilier, un démembrement du fonds sur lequel il est établi, soumis lui-même, à ce titre, aux hypothèques qui grèvent ce fonds; que, par suite, la donation d'un tel droit ne peut être opposée aux tiers qu'autant qu'elle a été transcrite (Caen, 19 mai 1855, aff. Huvet, D. P. 55. 2. 347).

818. Cependant, dit M. Duranton, comme l'étendue des droits d'usage se règle, avant tout, par le titre qui les a établis (c. nap. 628), il paraît évident que, si ce titre autorise l'usager à céder ou à louer son droit, il pourra le faire, cette clause n'ayant rien de contraire à l'ordre public. Et si l'usager peut le vendre, il pourra, par la même raison, l'hypothéquer, quoique l'art. 2118 n'ait pas mis les droits d'usage et d'habitation au nombre des biens immobiliers qui sont susceptibles d'hypothèque. S'il ne l'a pas fait, c'est que, dans le silence du titre, l'usage des fruits d'un fonds se bornant à ce qui est nécessaire pour les besoins de l'usager et ceux de sa famille (629 et 650), ce droit est, de sa nature, incessible. Mais il n'en est pas moins, comme l'usufruit, un droit réel immobilier, lorsqu'il est établi sur un immeuble; et quand le titre constitutif en a permis l'aliénation (ce qui arrivera surtout lorsque le droit d'usage devra absorber la totalité des fruits du fonds), comme ce droit participe alors, sous ce rapport, ainsi que sous plusieurs autres, du droit d'usufruit; qu'il n'est, en quelque sorte, qu'un usufruit modifié, en ce qui concerne l'étendue de la jouissance, la raison qui a fait admettre que l'un est susceptible d'être hypothéqué exige la même décision à l'égard de l'autre (M. Duranton, t. 5, no 24, et t. 19, no 267).— Cette observation nous paraît juste, et nous y adhérons (Conf. M. Flandin, des Hypoth. inédit).

819. La loi du 9 mess. an 3 (art. 5) mettait les servitudes foncières au nombre des biens susceptibles d'hypothèque. Ní la loi de brumaire ni le code Napoléon n'ont reproduit cette disposition, parce qu'en effet, les servitudes actives ne peuvent être détachées du fonds dominant sans cesser d'exister (arg. art. 686); elles ne peuvent donc être hypothéquées qu'avec le fonds lui-même (MM. Duranton, t. 19, no 269; Troplong, t. 2, no 401; Valette, no 128; Flandin, loc. cit.).

820. L'art. 2118 n'a pas reproduit, non plus, la disposition de l'art. 6 de la loi du 11 brum. an 7, qui mettait, en ce qui concerne l'hypothèque, la jouissance à titre d'emphyteose sur la même ligne que l'usufruit. On peut donc demander si l'emphytéose serait encore aujourd'hui passible d'hypothèque. Grenier, t. 1, no 145, a soutenu la négative, se fondant, d'une part, sur le silence du code, en second lieu, sur ce que l'emphytéose, qui n'est qu'un bail à longues années, ne confère pas le jus in re, mais seulement une action personnelle, ut præstetur frui licere. Ces raisons, disions-nous dans notre première édition, nous touchent peu : l'emphytéose emporte des droits beaucoup plus étendus que ceux d'usufruit, puisqu'elle transfère le domaine utile; et, comme rien ne s'oppose à ce qu'on considère, d'une manière abstraite, le droit qui en résulte comme on fait de l'usufruit, il nous semble qu'il y a même raison, et plus forte encore, à le déclarer susceptible d'hypothèque. L'hypothèque est un moyen de crédit pour le débiteur; il vaut mieux l'étendre que la restreindre. Quant à l'omission que contient, à cet égard, l'art. 2118, voici ce qu'on lit dans les procès-verbaux de la discussion au conseil d'Etat « Le conseiller Jollivet dit que l'emphytéose n'a jamais été susceptible d'hypothèque. Il observe que ce principe n'est pas rappelé dans le chap. 3. Sans doute que le silence de la section vient de ce qu'elle n'a pas cru devoir parler de l'emphytéose dans les autres parties du code Napoléon.-Le conseiller Tronchet dit qu'on n'employait, autrefois, l'emphyteose que pour éviter les droits seigneuriaux: maintenant elle n'aurait plus d'objet; il était donc inutile d'en parler » (V. Conférences du cod. civ., t. 7, p. 165). Ainsi, ce n'est nullement parce que l'emphytéose a paru insusceptible d'hypothèque en elle-même que le code a négligé d'en parler, mais parce que ce contrat ne serait plus d'usage dans nos mœurs. Les particuliers usent assez rarement, en effet, du bail emphyteotique; mais les établissements de mainmorte y ont quelquefois recours pour la mise en valeur de terrains qui sont improductifs entre leurs mains. — Aujourd'hui les concessions de chemins de fer, qu'on peut considérer comme de véritables baux emphyteotiques, ont rendu à ce contrat une partie de l'importance qu'il avait autrefois, et donné un véritable intérêt à la question qui nous occupe.-M. Jollivet, au reste, se trompait lorsqu'il disait que l'empbytéose n'avait jamais été susceptible d'hypothèque; c'est le contraire qui était la vérité.— }] y avait, en effet, dans l'ancien droit, deux espèces d'emphytéose: l'emphyteose perpétuelle et l'emphyteose temporaire. Pour cellelà, véritable bail à rente foncière, elle emportait bien certainement le droit d'hypothèque, puisque le preneur avait le plein domaine de la chose. Quant à l'autre, quoique Dumoulin eût dit (sur Paris, § 78, gl. 4, no 14): Emphyteuta, perpetui et non temporales, domini dicuntur, on tenait cependant, généralement, qu'elle transférait au preneur le domaine utile (Basnage, des Hyp., ch. 7, 2o part.; Nouv. Denisart, vo Emphyt., § 1; anc. Rép., vo Emphyt.; Ferrière, Dict. de prat., eod.), et c'en était assez pour qu'il pût conférer hypothèque. « Le bail emphyteotique, dit l'ancien Répertoire, est une aliénation de la propriété utile au profit du preneur, pendant tout le temps que doit durer le bail, la propriété directe demeurant réservée au bailleur. Le preneur étant propriétaire peut vendre, aliéner, échanger ou hypothéquer l'héritage; mais il ne peut pas donner plus de droits qu'il n'en a; et, lorsque le temps de la concession est expiré, resoluto jure dantis, resolvitur et jus accipientis. »—Ferrière s'exprime dans des termes identiques. On voit donc ce qu'il faut penser de l'assertion de M. Jollivet, même pour les temps antérieurs à la loi du 11 brum. an 7.-Concluons donc, avec toute certitude, que, sous le droit nouveau comme sous le droit ancien, l'emphytéose est susceptible d'hypothèque. A titre de droit immobilier, on peut la regarder même comme implicitement comprise dans les termes de l'art. 2118, qui déclare susceptibles d'hypothèque

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a les biens immobiliers qui sont dans le commerce. » Depuis notre première édition, MM. Duranton, t. 4, n° 80, et t. 19, n° 268; Troplong, t. 2, no 405; Rolland de Villargues, Rép. du not., vis Bail emphyt., no 11, et Hyp., no 121; Duvergier, du Louage, nos 159 et suiv.; Marcadé, t. 2, p. 382; Carré, Compét., t. 2, p. 331; Championnière et Rigaud, Droits d'enreg., t. 4, n° 3071, Flandin, loc. cit., se sont également rangés à ce sentiment, déjà embrassé par Merlin, Rép., vo Emphyt., no 4, et Quest. de droit, eod., § 5, no 8; Persil, Rég. hyp., sur l'art. 2118, no 15; Favard, Nouv. Rép., vo Hyp., p. 714, no 2; Battur, des Hyp., t. 2, n° 246. Et la jurisprudence a mis le sceau à cette opinion par ses arrêts (Douai, 15 déc. 1832 (1); Req. 19 juill. 1832, aff. Delaunay, v Louage emphyt., n° 9). Le principe est énoncé dans un grand nombre d'arrêts de la cour de cassation, rendus en malière d'enregistrement (V. vo Enreg., nos 3031 et suiv., et Cass. 6 mars 1850, 23 fév. et 26 avr. 1855; D. P. 50. 1. 129; 53. 1. 53 et 145).-Toutefois, l'opinion contraire est enseignée, indépendamment de Grenier, par Toullier, t. 3, no 101; Delvincourt, t. 3, p. 185, note 1; Locré, t. 16, p. 255; Maleville, Anal. du code civ., sur l'art. 2118; Proudhon, de l'Usuf., n° 97, que M. Troplong cite, à tort, dans le sens opposé; Demolombe, Cours de code civ., tit. de la Propriété, no 491; Valette, des Priv. et hyp., t. 1, p. 191; Pont et Rodière, du Contr. de mar., t. 1, no 358; Zachariæ, t. 1, § 198, no 10; Pont, Privil. et hypoth., no 388; Conf. jugem. du trib. de la Seine, du 2 juill. 1830, aff. de Mora, rapporté avec Req. 29 juill. 1832, vo Louage emphyt., no 9. La loi belge du 16 déc. 1851, qui a modifié, pour la Belgique, le titre des Priviléges et Hypothèques de notre code, a comblé la lacune de l'art. 2118, si lacune il y a, en comprenant nominativement l'emphytéose parmi les biens ou droits immobiliers pouvant servir d'assiette à l'hypothèque. Une disposition semblable avait été introduite dans le projet de réforme hypothécaire présenté à l'assemblée constituante en 1849, et qui n'a point abouti. Le code hollandais accorde également à l'emphyteote le droit d'hypothèque.

821. Mais à quels caractères reconnaîtra-t-on le bail emphytéotique, et comment le distinguera-t-on du bail à longues années? Ceci est important; car, en matière de bail proprement dit, le droit du preneur, soit qu'il ne constitue, d'après l'opinion commune, qu'un droit personnel et mobilier, jus ad rem (V. vo Louage, no 486), soit qu'on le considère, avec M. Trop long (du Louage, nos 489 et suiv.), comme un droit réel et immobilier, jus in re, ne peut, dans l'une comme dans l'autre thèse, on en convient unanimement, être hypothéqué. Ordinairement le bail emphyteotique est fait pour quatre-vingt-dix-neuf | ans; mais cela n'est pas, on le comprend, de règle absolue; et s'il ne peut, aujourd'hui, aux termes de l'art. 1, tit. 1, de la loi des 18-29 déc. 1790, avoir lieu pour une plus longue période, il peut certainement être consenti pour un temps plus court. D'un autre côté, les mots bail emphyteotique n'ont rien de sacramentel; et, de même que leur omission n'impliquerait pas que les parties n'ont voulu faire qu'un bail ordinaire à longues années, leur emploi ne suffirait point, à lui seul, et contre la teneur des clauses de l'acte, pour imprimer à cet acte le caractère de bail emphyteotique, la nature d'un contrat ne pouvant dépendre de la dénomination qui lui a été donnée. C'est aux tribunaux à rechercher, d'après les principes anciens, puisque notre code est muet sur la matière, et d'après l'étendue des droits ou obligations du preneur, quel est, dans l'intention des parties, l'acte qu'elles ont voulu faire (Conf. MM. Duranton, t. 4, no 74; Flandin,

(1) (Huart.)-LA COUR; Attendu que l'arrentement fait, en 1824, par l'hospice de Roubaix à Huart, offre tous les caractères d'une véritable emphyteose; qu'en effet, il a eu lieu pour quatre-vingt-dix-neuf ans, moyennant une redevance annuelle, à charge de construire sur les terrains concédés des bâtiments qui, à l'expiration du bail, pourraient être repris par l'hospice, sur le pied de l'évaluation qui en serait faite comme matériaux à emporter; qu'une clause formelle reconnaît au preneur le droit de disposer desdits biens par vente, échange, donation ou de toute autre manière, et que, par une autre clause, il est stipulé que les fonde de terrains arrentés et tout ce que le preneur y établira, est affecté et hypothéqué, par privilége et préférence, à la sûreté du payement annuel des canons et autres charges, à l'effet de quoi inscription sera prise, à ses frais, avant la transcription de son contrat d'arrente

ment;

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loc. cit.).—Sur les caractères distinctifs du bail emphyteotique et du bail ordinaire, V. vo Louage emphyteotique, no 7, et nos 17 et suiv.

Le projet de réforme hypothécaire assimilait aux baux emphytéotiques, par rapport au droit d'hypothèque, les baux à une ou plusieurs vies et les baux de trente ans ou plus, lorsque ces baux ne contenaient pas la prohibition de céder le droit au bail ou de sous-louer (art. 2110 du projet, correspondant à l'art. 2118 du code). « Il est souvent difficile, disait M. de Vatimesnil dans son rapport, de distinguer l'emphytéose du bail à longues années. La loi, en fixant le terme de trente ans, préviendra toute contestation à ce sujet. »>

822. Le droit de superficie a beaucoup d'analogie avec l'emphytéose. Notre code n'a point parlé, non plus, de ce contrat, fort peu usité aujourd'hui; mais le droit romain lui avait consacré un titre dans le Digeste, le titre De superficiebus. On entend par superficie ce qui est à la surface du sol et lui est adhérent, comme les bâtiments, les arbres, les plantes de toute espèce: Superficies, quod suprà soli faciem est, veluti si quid satum aut ædificatum est: itaque vites, arbores, plantæ, segetes, superfices appellantur (Proudhon, de l'Usuf., t. 8, no 3718). Le droit de superficie peut être défini : le droit de jouir et de disposer, à temps ou à toujours, de tout ou partie des édifices existant sur le fonds d'autrui, comme de tout ou partie des arbres ou des plantes qui y croissent, que ce droit résulte d'un bail ou d'une vente, d'un legs ou d'une donation, pour un prix une fois payé, ou moyennant une rente ou prestation annuelle: Qui superficiem in alieno solo habet, civili actione subnixus est. Nam, si conduxit superficiem, ex conducto; si emit, ex empto agere cum domino soli potest... Sed et tradi posse (superficiem) intelligendum est, ut et legari et donari possit (L. 1, §§ 1 et 7, D., De superfic.). Le propriétaire d'un terrain nu peut aussi le donner à bail pour que le preneur y plante ou y bâtisse, et qu'il jouisse des arbres et de l'édifice pendant le temps réglé par la convention: Superficiarias ædes appellamus quæ in conducto solo positæ sint, dit la loi 2, D., ejusd tit.; id est, eá lege conducto, ajoute Godefroy, ut conductor in eo positum ædificium habeat, vel edificet, vel quid aliud habere possit, in perpetuum vel plures annos, sub certo annuo solario. Ce serait même, proprement là, le contrat de superficie, d'après Loyseau, qui le définit : « le bail d'une place pour bâtir, à cette condition que le preneur jouirait de la maison par lui bâtie, tant qu'elle durait, et, étant ruinée et démolie, la place retournait franchement à son maître, qui, cependant, en demeurait toujours seigneur direct; à raison de quoi, pendant le bail, on lui payait certaine redevance appelée solarium, quod pro solo penderetur (du Déguerp., liv. 1, ch. 4, no 31). »

823. Le contrat de superficie, du reste, a pour effet, ai si que nous l'avons expliqué vo Louage, no 32, de démembrer la propriété et de rendre le preneur maître de la superficie, de telle sorte qu'il peut l'aliéner, sans le consentement du propriétaire du fonds, la grever de servitudes, et exercer, en son propre nom, toutes les actions, tant réelles que personnelles, pour revendiquer ou défendre ses droits (L. 1, §§ 6 et 9,D., De superf., L. 73, 74 et 75, De rei vind.). Le propriétaire, de son côté, à l'expiration du terme fixé par le contrat, reprend la chose, avec toutes les améliorations superficiaires qui y ont été faites par le preneur.

824. De ces explications sommaires il ressort plusieurs conséquences :— La première, que le droit de superficie est essentiellement un droit réel et immobilier, susceptible, à ce titre,

Attendu que, sous l'ancien droit, une telle concession conférait au preneur une propriété immobilière susceptible d'hypothèque; - Qu'il en a été de même sous la législation intermédiaire, ainsi que cela résulte des art. 5 de la loi du 9 mess. an 3 et 6 de la loi du 11 brum. an 7;-Que ces règles n'ont point été modifiées par le code civil qui, en ne défendant point le contrat de bail emphytéotique, l'a laissé subsister avec ses effets; - Qu'en déclarant susceptibles d'hypothèques les biens immobiliers qui sont dans le commerce et l'usufruit des mêmes biens, l'art. 2118 a permis à l'emphyteote d'hypothéquer, sauf les droits du bailleur, les immeubles dont il a le domaine utile; - Qu'enfin, par les clauses rappelées ci-dessus, l'hospice de Roubaix a évidemment entendu conférer ce droit à Huart; - D'où il suit que les hypothèques conConfirme. senties par ce dernier sont valables;

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Du 15 déc. 1832.-C. de Douai, 2o ch.-M. Delattre, pr.

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de l'affectation hypothécaire (L. 16, § 2, D., De pign. act. et 15, Qui potior. in pig.; Proudhon, nos 116 et 3727; Troplong, t. 2, no 405); - La seconde, qu'étant un droit réel, il ne peut, s'il a été constitué par bail, résulter que d'un bail à longues années, les baux ordinaires ne conférant qu'un simple droit de jouissance, moindre que le droit de superficie: Quod ait prætor: SI ACTIO DE SUPERFICIE POSTULABITUR, CAUSA COGNITA, DABO: sic intelligendum est ut, si ad tempus (modicum), quis superficiem conduxerit, negetur ei in rem actio. Et sanè, causá cognitá, ei qui non ad modicum tempus conduxit superficiem, in rem actio competet (L. 1, § 3, D., De superfic.-Conf. Proudhon, no 3720);- La troisième, que le droit de superficie, à l'instar de l'emphytéose, ne peut être grevé que d'une hypothèque résoluble, et qui prendra fin en même temps que lui.

825. Le bail à domaine congéable ou bail à convenant, encore usité dans plusieurs départements de l'ancienne Bretagne, est un acte mixte, tenant à la fois du louage et de la vente, et où se rencontre le genre de stipulation qui donne lieu au droit de superficie. Ce bail, en effet, transmet au preneur, moyennant une redevance annuelle, outre la jouissance du fonds, la propriété des édifices et autres superfices, mais sous la réserve, au profit du bailleur, du droit d'expulser le preneur à l'époque qu'il lui plaira, et de reprendre les superfices pour la valeur qu'ils auront à cette époque. V. vo Louage à domaine congéable.

$26. Le colon étant propriétaire des édifices et superfices, il peut les hypothéquer pendant la durée du bail, sauf la résolution de l'hypothèque, lorsque le propriétaire voudra l'expulser; car n'étant, suivant l'observation de M. Duranton, t. 4, no 91, qu'une sorte d'acquéreur à pacte de rachat, il ne peut constituer, sur cette propriété superficielle, que des hypothèques précaires comme sa jouissance (c. nap. 1673). - C'est déjà ce que nous venons de dire pour le droit de superficie considéré isolément.

Ce n'était donc pas en vue d'innover, mais uniquement de rendre plus complète la disposition de l'art. 2118 c. nap., que le projet de réforme hypothécaire ajoutait à la nomenclature, donnée par cet article, des biens susceptibles d'hypothèque, «<le droit du colon de domaine congéable sur les édifices et superfices, sans préjudice du droit du propriétaire foncier de l'immeuble. »>« L'art. 2110 du projet, disait, en effet, le rapporteur de la commission pour justifier cette addition, contient, sur la faculté accordée au colon de domaine congéable d'hypothéquer les édifices et superfices, des dispositions qui ne sont que l'expression de la loi du 6 août 1791 et de la jurisprudence des tribunaux de l'ancienne province de Bretagne. »>

827. Mais il faut prendre garde que, dans le bail à domaine congéable, comme il y a mélange du contrat de vente et du contrat de louage, le domanier réunit en lui deux qualités : celle d'acquéreur et de propriétaire des objets superficiaires et celle de simple locataire du sol. Qu'il puisse hypothéquer, non pas seulement ces objets superficiaires pris isolément et matériellement, et qui, par leur adhérence au sol, ont, par rapport à tout autre que le propriétaire foncier, la qualité d'immeubles, mais, d'une manière générale, son droit de propriété sur tous ces objets, droit incorporel de même nature que l'usufruit pour l'usufruitier, que la jouissance emphytéotique pour le preneur à emphytéose, nous n'en faisons pas l'objet d'un doute; mais il n'en saurait être ainsi, nous semble-t-il, de son droit de jouissance comme locataire, droit personnel et mobilier, et partant non susceptible d'hypothèque (suprà, no 821). Supposé donc que ce domanier tombe en déconfiture pendant le cours du bail, et que ses créanciers fassent vendre, avec les immeubles superficiaires, le droit au bail, il devra se faire, comme nous l'avons dit encore no 789, une ventilation du prix, pour n'attribuer aux créanciers hypothécaires que la portion correspondante à la valeur de ces immeubles superficiaires.

828. L'art. 8 de la loi du 21 avr. 1810, sur les mines, déclare que les mines sont immeubles, ainsi que les bâtiments, machines, chevaux, agrès, outils et ustensiles servant à l'exploitation. Il en résulte qu'elles sont susceptibles d'hypothèque. Et c'est d'ailleurs ce que déclarent, en termes exprès, les art. 19 et 21 de la même loi. «Da moment où une mine sera concédée, porte le premier de ces articles, même au propriétaire de la sur

face, cette propriété sera distinguée de celle de la surface, et désormais considérée comme propriété nouvelle, sur laquelle de nouvelles hypothèques pourront être assises, sans préjudice de celles qui auraient été ou seraient prises sur la surface et la redevance, comme il est dit à l'article précédent. » — Ainsi, lorsqu'une mine est concédée par le gouvernement, il se fait du sol, par dérogation au principe écrit dans l'art. 552 c. nap., que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous,» il se fait du sol une division en deux parts, dont l'une appartienţ au propriétaire de la surface, et dont l'autre constitue une propriété particulière au profit du concessionnaire de la mine. Et, la concession mit-elle ces deux propriétés dans la même main, qu'elles n'en seraient pas moins distinctes et susceptibles d'être hypothéquées séparément.

829. Mais cette division ne s'opère que par la concession: d'où la conséquence que, jusque-là, les choses restent dans le droit commun; en sorte que celui qui a, dans ses fonds, des matières minérales, non détachées du sol par une concession régulière, ne pourrait les donner en hypothèque, isolément des fonds. C'est le principe qui est posé dans un arrêt (Req. 1er fév. 1841, aff. de Castellane, rapporté v Mines, no 55).

830. Bien plus, l'art. 17 déclare que l'acte de concession purge, en faveur du concessionnaire, tous les droits du propriétaire de la surface ou de ses ayants droit. La propriété de la mine passe donc au concessionnaire libre de toutes hypothèques antérieurement constituées sur le fonds, nonobstant les termes de l'art. 19 sans préjudice des hypothèques qui auraient été ou seraient prises sur la surface et la redevance; disposition qu'il faut entendre, pour la mettre en harmonie avec l'art. 17, en ce sens que les hypothèques antérieures à la concession continuent de subsister sur la surface et s'étendent à la redevance que le concessionnaire est obligé de payer au propriétaire de la superficie, pour lui tenir licu de ses droits sur la mine.. - L'art. 18 dit, en effet, que la valeur des droits appartenant au propriétaire de la surface sur les produits de la mine, demeurera réunie à la valeur de ladite surface, et sera affectée, avec elle, aux hypothèques prises par les créanciers du propriétaire. Dans l'ancien droit, les mines étaient considérées comme une propriété publique, dont le souverain scul avait le pouvoir de disposer (Domat, Droit pub., chap. 22, liv. 2, no 19); et, s'il n'en est plus tout à fait de même aujourd'hui que l'art. 6 de la loi précitée du 21 avr. 1810 a reconnu, en principe, au propriétaire du fonds des droits sur les produits des mines, comme sur les autres produits du sol, ce principe n'empêche pas, cependant, que les richesses minérales, par une raison d'intérêt public, ne soient à l'entière disposition du gouvernement. Il en devait ressortir, comme conséquence, que les hypothèques établies sur le fonds par le propriétaire de la superficie, ne peuvent grever cette nature de produits, constituant une propriété entièrement distincte de l'autre, au préjudice des droits appartenant à l'Etat ; et ce n'est, en réalité, faire aucun grief aux créanciers hypothécaires que de transporter, lorsqu'une concession intervient, leurs droits d'hypothèque sur la redevance.

831. D'après l'art. 42, les droits du propriétaire de la surface sur les produits de la mine concédée sont déterminés par l'acte de concession (lorsqu'ils ne l'ont pas été à l'amiable par les parties intéressées). Ils consistent ordinairement en une redevance annuelle que doit payer le concessionnaire de la mine au propriétaire du fonds. Il n'importe que la concession de la mine soit faite à un tiers ou au propriétaire même de la surface, l'acte de concession doit évaluer la redevance, dans l'un comme dans l'autre cas (art. 19). C'est la conséquence de la séparation des deux propriétés, lesquelles doivent toujours rester distincles, quoique réunies dans la même main. Cette disposition, d'ailleurs, était rendue nécessaire par celle de l'art. 18 que nous avons déjà citée, et d'après laquelle la redevance demeure réunie à la valeur de la surface, pour être affectée avec elle aux hypothèques constituées sur le fonds.

832. On peut demander si cette redevance pourrait être hypothéquée isolément de la superficie. La négative nous semble incontestable; car, outre qu'une solution contraire répugnerait à la nature des choses, cette redevance consistant en une somme d'argent, ou en une partie aliquote des produits de la mine, ob

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jets essentiellement mobiliers, les termes mêmes de l'art. 18 la repoussent, puisqu'il y est dit que la redevance à payer au propriétaire de la surface demeurera réunie à la valeur de ladite surface, et sera affectée, avec elle, aux hypothèques prises par les créanciers du propriétaire. Cette redevance n'est qu'un accessoire de la propriété superficielle, et on doit lui appliquer les principes que nous avons développés relativement aux accessoires, réputés immeubles, des choses données en hypothèque. La même doctrine est implicitement consacrée par deux arrêts (Cass. 13 nov. 1848, aff. Chol, D. P. 48. 1. 245; Rej. 15 janv. 1849, aff, comp. de Chazotte, D. P. 49. 1. 74; V. aussi vo Enreg., nes 2865 et suiv, Conf. MM. Pont, loc. cit., no 370; Flandin, Tr. des Hypoth,, inédit).

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833. Il faut remarquer, du reste, que c'est le droit d'exploitation de la mine, ou, pour parler plus clairement, la mine ellemême qui seule est susceptible d'hypothèque; car les matières extraites, les approvisionnements, de même que les actions ou intérêts dans une société ou entreprise pour l'exploitation des mines, sont meubles (art. 8 et 9 de la loi précitée).

834. La loi de 1810 n'a pas fait, pour les minières et les carrières, ce qu'elle a fait pour les mines: elle ne les a pas détachées du fonds pour en faire une propriété sui generis, une propriété distincte de la propriété de la surface (sur ce qu'il faut entendre par mines, minières et carrières, V. les art. 1, 2, 5 et 4 de la loi du 21 avr. 1810, et vo Mines, nos 42 et suiv.). Il en résulte que ces minières et carrières ne peuvent être isolément l'objet d'une affectation hypothécaire. C'est encore un principe que la cour de cassation a sanctionné par ses arrêts, et notamment par celui du 19 mars 1816 (aff. Merlin, V. v° Biens, no 52; V. aussi vo Enreg., no 2874). — M. Troplong nous semble critiquer à tort cet arrêt, auquel il donne une portée plus grande que celle qu'il a réellement. Cet auteur s'étonne que la cour de cassation ait décidé que la vente du droit d'exploiter, pour un temps indéfini, une carrière, est une vente mobilière, et que, pour arriver à ce résultat, elle ait comparé cette vente à une vente de pierres, à charge d'être extraites, et mobilisées par destination. C'est comme si l'on assimilait, dit-il, la vente d'un usufruit à la vente des fruits destinés à être coupés. M. Troplong (1, 2, no 404 bis) convient que la loi de 1810 ne renferme pas de disposition qui fasse des minières et des carrières des propriétés indépendantes du droit de la surface. «Néanmoins, ajoute-t-il, rien n'empêche que le dessous ne soit séparé du dessus par convention. Le droit de propriété se trouve alors scindé en deux droits secondaires, mais néanmoins immobiliers... Si donc un individu possède un droit à une carrière, à une minière, quoique le droit à la surface soit possédé par un autre, il aura un droit immobilier susceptible d'hypothèque. Ce droit n'est pas borné à telle ou telle exploitation, ce qui le rendrait mobilier, il est indéfini; il survit aux exploitations successives. Il a une stabilité qui le rend évidemment susceptible d'hypothèque. »—V. au surplus v Mines, no 763, et M. Flandin, Tr. des hyp., inédit. 835. Nous avons dit suprà, no 830, que l'acte de concession d'une mine la faisait passer entre les mains du concessionnaire, libre de toutes hypothèques antérieures existant sur le fonds, lesquelles se trouvaient, de plein droit, transférées sur la redevance, qui tient lieu au propriétaire de la surface de la valeur de la mine. Il n'en peut être ainsi des carrières, qui n'étant pas, comme les mines, à la disposition exclusive du gouvernement, et ne formant pas, comme celles-ci, une propriété distincte de celle de la superficie, se trouvent directement atteintes par les hypothèques constituées sur le fonds. Il est donc hors de doute. comme nous l'avons déjà fait observer vo Mines, no 764, qu'un débiteur ne pourrait, au préjudice de ses créanciers hypothécaires, aliéner une carrière existant sur le fonds hypothéqué (Conf. M. Flandin, loc. cit.).

836. Mais les créanciers ayant hypothèque sur ce fonds pourraient-ils s'opposer à l'ouverture de la carrière? Pourraientils au moins, s'il devait résulter de l'exploitation de cette carrière, une dépréciation notable de leur gage, poursuivre leur remboursement immédiat, ou demander un supplément d'hypothèque conformément à l'art. 2131? Nous renvoyons au chap. 3, où nous nous occuperons de l'hypothèque conventionnelle, l'examen de ces questions. V. aussi vo Mines, no 764.

837. La loi du 11 juin 1842, sur les chemins de fer, avait admis, pour l'établissement de ces grandes voies de communication, un système mixte, qui consistait à mettre à la charge de l'Etat, avec le concours des départements et des communes, la construction de la voie destinée à recevoir les rails, et comprenant les acquisitions de terrains, les terrassements, les ouvrages d'art et les stations, et à la charge de la compagnie concessionnaire, la fourniture du sable ou balast, la fourniture et la pose des rails, et l'achat du matériel d'exploitation. Dans ce système, l'Etat demeurait propriétaire du chemin, et il en concédait l'exploitation à la compagnie à titre de bail, dont la loi fixait les conditions et la durée (art. 2 à 6). L'Etat se réservait la faculté de se substituer à la compagnie, à l'expiration du bail, en lui remboursant la valeur de la voie de fer et de son matériel d'exploitation (art. 7). La concession de l'exploitation d'un chemin de fer dans ces conditions, et avec un bail dont la durée n'a jamais été moindre de quarante-cinq ans, peut être considérée comme une véritable jouissance emphytéotique, et, à ce titre, susceptible d'hypothèque (V. suprà, no 820). « Personne ne doute aujourd'hui, disait M. Bethmont dans son rapport au conseil d'Etat sur le projet de réforme hypothécaire, que les longues jouissances concédées par l'Etat sur les terrains destinés à l'établissement des chemins de fer, ne constituent des droits emphytéotiques sur lesquels l'hypothèque peut s'asseoir. » Et la rédaction définitive du nouvel art. 2118, proposée à l'assemblée législative par sa commission, classait, en effet, parmi les biens susceptibles d'hypothèque, les concessions de chemins de fer, canaux, ponts et autres travaux d'utilité publique, faites pour vingt ans ou plus.

838. A côté du système mixte de construction des chemins de fer par l'Etat et les compagnies, adopté par l'art. 2 de la loi du 11 juin 1842, ce même article en admettait un autre, celui de l'exécution intégrale des travaux par l'industrie privée. C'est le mode de concession qui prévaut aujourd'hui. Dans ce système, ce n'est plus l'Etat qui est propriétaire du chemin de fer, mais la compagnie concessionnaire, puisque c'est elle qui a acheté les terrains, fait les terrassements et les ouvrages d'art, comme elle a fourni et posé les rails. La concession, toutefois, n'est pas faite à perpétuité, et l'Etat se réserve la faculté de racheter la voie, au termé de la concession, qui est ordinairement de quatre-vingtdix-neuf ans. Il est manisfeste que, dans un cas pareil, le chemin de fer peut être hypothéqué par la compagnie propriétaire, de même que le matériel d'exploitation, locomotives, wagons et tous autres accessoires réputés immeubles. Seulement les hypothèques suivront le sort de la concession: elles prendront fin, à l'expiration du terme fixé, si l'Etat use de la faculté de rachat, par l'application de la maxime resoluto jure dantis, etc. (c. nap. 1673). Mais le prix du rachat sera distribué aux créanciers hypothécaires, comme représentation de l'immeuble hypothéqué. Ce rachat est une véritable expropriation pour cause d'utilité publique, dont l'effet, aux termes des art. 17 et 18 de la loi du 5 mai 1841, est de transporter sur le prix les droits existant sur la chose (Conf. M. Flandin, Tr. des hypoth., inédit).

839. Ce que nous venons de dire des chemins de fer s'applique exactement aux canaux, suivant le mode d'exécution qui a présidé à leur confection. Si le canal a été exécuté par une compagnie, à ses risques et périls, c'est cette compagnie qui est propriétaire du canal, et qui peut, par conséquent, l'affecter hypothécairement à la garantie de ses obligations. Il arrive même quelquefois que l'Etat, en faisant la concession d'un canal, se réserve, par l'acte de concession, une hypothèque sur le canal à établir, pour la garantie de l'exécution des engagements contractés par le concessionnaire. On en voit un exemple dans l'art. 4 de la loi du 9 juill. 1836, relative au canal de Roubaix.

840. Si le canal a été construit par l'Etat, il fait partie du domaine public; il ne peut, par conséquent, comme chose placée hors du commerce, à moins que l'Etat n'en consente ultérieurement l'aliénation, être donné en hypothèque (V. Eaux, nos 156 s.). Mais le droit de navigation sur ce canal peut être, de la part de l'Etat, l'objet d'une concession, soit perpétuelle, soit temporaire. Ces concessions, quand elles sont temporaires, se font ordinairement pour quatre-vingt-dix-neuf ans, et elles ont alors toute la valeur et tout l'effet de véritables baux emphyteotiques. Mais, dans l'état de la législation, il serait douteux qu'on pût regarder

comme jouissance emphyteotique, et, partant, comme susceptible d'hypothèque, une concession faite pour vingt ans seulement, la disposition ci-dessus transcrite du projet de réforme de 1850 n'ayant pas obtenu force de loi. C'est une question, au surplus, laissée à l'appréciation des tribunaux, comme nous l'avons dit suprà, no 821.

841. Il n'en est pas des ponts tout à fait comme des chemins de fer et des canaux. Quand la construction d'un pont, destiné à l'usage public, est abandonnée à l'industrie privée, moyennant un péage accordé au constructeur pendant un temps plus | ou moins long, et qui est le plus habituellement aussi de quatrevingt-dix-neuf ans, ce pont devient, aussitôt qu'il est construit, partie intégrante du domaine public, par l'effet d'une aliénation tacite, dont la concession de ce péage est le prix. Il suit de là que ce pont, quoique immeuble de sa nature, ne peut pas, comme chose placée hors du commerce, être donné en hypothèque.

842. Mais le droit à la perception du péage, pendant le temps déterminé par l'acte de concession, peut-il être hypothéqué, à son défaut? L'affirmative se fonde sur l'analogie que présente ce droit de péage avec l'emphytéose, avec l'exploitation d'un chemin de fer, ou la concession des droits de navigation sur un canal. Néanmoins, il a été décidé que la concession d'un droit de péage sur un pont, faite pour une durée de soixante-cinq ans, n'était pas susceptible d'hypothèque, attendu « que ces sortes de concessions ne rentrent pas dans la nomenclature des biens qui peuvent être soumis à l'hypothèque, d'après l'art. 2118 c. nap.; qu'elles ne peuvent être assimilées à l'emphytéose, dont elles n'offrent pas les caractères essentiels, et notamment le payement de la redevance annuelle au propriétaire, la reconnaissance de sa dominité directe, et qu'elles ne présentent pas plus d'analogie avec l'usufruit d'un immeuble, puisqu'il est de l'essence de l'usufruit d'être un droit personnel et de cesser par la mort de l'usufruitier...; que, s'il est vrai que des lois spéciales aient autorisé à hypothéquer le revenu de certains chemins de fer, on ne saurait regarder leurs dispositions que comme créant des exceptions au droit commun» (Nimes, 2 août 1847, aff. Lafayole de Latourne, D. P. 48. 2. 41). Il y a eu pourvoi contre cet arrêt, el le pourvoi a été rejeté par décision de la chambre civile du 7 janv. 1851 (D. P. 51. 1. 28); mais la cour de cassation, trouvant sur d'autres points la justification de l'arrêt attaqué, n'a pas eu à examiner la question. - Il est douteux que la doctrine de cet arrêt doive encore ètre suivie, si l'on se reporte à la nouvelle rédaction proposée, en 1850, pour l'art. 2118, et qui comprenait nominativement, comme on l'a vu plus haut, « les concessions de chemins de fer, canaux, ponts et autres travaux d'utilité publique, faites pour vingt ans ou plus,» parmi les biens susceptibles d'hypothèque. Ce n'est pas, assurément, qu'il faille attribuer à ce document l'autorité de l'interprétation législative; mais c'est que, d'après les propres explications du rapporteur, M. de Vatimesnil, on se proposait moins, dans la nouvelle rédaction de cet article, d'innover que de compléter ses dispositions. La cour de Nîmes repousse l'assimilation de la jouissance d'un droit de péage à la jouissance emphyteotique, parce qu'on n'y trouve pas le payement de la redevance annuelle au propriétaire. Mais si c'est là la condition habituelle de l'emphytéose, ce n'en est pas une condition substantielle; car, comme le dit très-bien la cour de Paris dans un arrêt du 3 fév. 1836 (v° Louage emphyt., no 7), l'emphytéose ne peut pas être aujourd'hui soumise à toutes les règles de l'ancienne jurisprudence, et son effet doit se régler d'après les principes généraux des contrats : il en résulte que la redevance, connue anciennement sous le nom de canon emphyteotique, et qui prenait sa source dans les idées de féodalité, ne peut plus être considérée comme essentielle à la perfection de l'acte; que la seule chose essentielle est que le contrat renferme un prix, et que ce prix peut consister uniquement dans l'obligation imposée au preneur de faire certains travaux énoncés en l'acte de concession. M. Bethmont, dans son rapport au conseil d'Etat, disait également, « qu'appliquer autourd'hui à l'emphyteose la définition rigoureuse des temps passés serait une restriction repoussée par la pratique; que ce que l'usage a fait naître a été successivement modifié par l'usage, et que la jurisprudence est, à cet égard, le guide qu'il faut suivre. » Nous inclinons d'autant plus à considérer un droit de

péage comme susceptible d'hypothèque qu'il faut entendre l'art. 2118 lato sensu, parce que l'hypothèque est favorable au crédit du débiteur (Conf. MM. Duranton, t. 19, no 268; Flandin, loc. cit.). 843. Les actions immobilières, telles que l'action en réméré, l'action en rescision pour lésion, l'action en nullité, et généralement toutes actions qui ont pour objet la revendication d'un immeuble, sont-elles susceptibles d'hypothèque? Elles sont mises par l'art. 526 au rang des immeubles par l'objet auquel elles s'appliquent, en vertu de la maxime actio quæ tendit ad immobile immobilis est; et Pigeau (Proc., liv. 2, part. 5, tit. 4, chap. 1, § 1, no 2) en a conclu qu'elles pouvaient être frappées d'hypothèque comme de saisie réelle. Mais l'argument ne nous paraît pas très-concluant; car un droit de servitude, un droit d'usage ont également le caractère d'immeubles, et l'on a vu qu'ils ne pouvaient être hypothéqués.

Ce n'est pas pourtant qu'il faille dire avec M. Troplong, 1, 2, no 406, que l'hypothèque accordée dans ce cas au créancier n'ajouterait rien aux droits qu'il a déjà, parce qu'il peut faire valoir toutes les actions de son débiteur, comme s'il en était propriétaire (c. nap. 1166).—L'hypothèque, au contraire, lui serait fort utile; car elle aurait pour effet de conférer à ce créancier un droit de préférence qu'il n'obtiendrait pas, en se mettant purement et simplement à la place du débiteur pour exercer ses droits. Reste donc à examiner si la nature de l'action, de ce droit incorporel, ne répugne pas à l'hypothèque. L'objection qui se présente, c'est qu'un droit incorporel n'a aucune assiette, et que, l'hypothèque ayant besoin d'être vivifiée par l'inscription, l'action n'est pas susceptible des désignations énoncées au no 5 de l'art. 2148, qui exige l'indication de l'espece et de la situation des biens sur lesquels on s'inscrit (M. Duranton, l. 19, no 279 in fine). Mais on peut répondre qu'il en est ainsi de l'usufruit et des autres droits réels, et qu'on satisfera aux désignations exigées par la loi, en disant que l'inscription est prise sur telle action en réméré, rescision, résolution ou autre, ayant pour objet tel immeuble, et en donnant, relativement à cet immeuble, toutes les indications qu'on serait obligé de fournir, si c'était sur cet immeuble lui-même qu'on s'inscrivit (Pigeau, loc. cit.). Réduite à ces termes, la question n'est plus, entre Pigeau et les adversaires de son opinion, qu'une question de mots, et tout l'intérêt de la difficulté se concentre sur le point de savoir si celui qui a une action pour recouvrer un immeuble peut donner en hypothèque cet immeuble lui-même. L'affirmative, pour nous, n'a jamais fait l'objet d'un doute, el nous nous exprimions ainsi dans notre première édition :« L'art. 2125 permet à ceux qui ont sur un immeuble un droit supendu par une condition, ou résoluble dans certains cas, ou sujet à rescision, de consentir sur cet immeuble une hypothèque soumise aux mêmes conditions ou à la même rescision. Qui peut donc m'empêcher d'hypothéquer le fonds que j'ai vendu, avec faculté de rachat, ou à l'égard duquel je puis exercer l'action en lésion de plus des sept douzièmes? A la vérité, l'hypothèque n'aura de valeur qu'autant que j'exercerai le rachat, ou mon créancier pour moi; et elle s'évanouira si l'acquéreur, attaqué pour lésion, veut retenir l'immeuble en suppléant le juste prix (c. nap. 1681); mais c'est là une chance à laquelle le créancier hypothécaire s'est exposé et dont il ne peut se plaindre.— Grenier, t. 1, n° 255, est le seul, parmi les auteurs, qui se soit élevé contre cette doctrine, qu'il ne contredit néanmoins qu'en partie. Il distingue entre les actions qui sont fondées sur le droit absolu de propriété et celles qui ont leur source dans le droit de recouvrer une propriété aliénée. Il admet que le propriétaire d'un immeuble, qui a été dépossédé par violence depuis plus d'un an et jour, que l'héritier légitime dont l'existence était ignorée, et qui reparaît pour revendiquer la succession à laquelle il a droit et dont un autre s'était emparé à son défaut, peuvent l'un et l'autre consentir hypothèque, parce que, dans ces deux cas, c'est le propriétaire même de l'immeuble qui l'affecte; mais il refuse le même droit au vendeur à réméré ou au vendeur qui se prétend lésé, parce que, dit-il, pour consentir hypothèque il faut être propriétaire, et que, dans les deux cas proposés, la propriété réside, non pas sur la tête du vendeur qui s'est dépouillé, mais sur celle de l'acquéreur, bien que celui-ci, par l'exercice de l'action résolutoire, soit exposé à la perdre. Il répugne, ajoute-t

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