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sert encore à désigner le droit de la femme dolale, et quelquefois la convention de dot ou le régime dotal. C'est ainsi que les deux traités modernes qui ont été publiés sur la matière portent le titre de Traités de la dot, et non pas traités du régime dotal. Les auteurs ont cédé en cela aux habitudes reçues dans les pays de droit écrit, où les anciens traités portaient le même titre, ce qui prouve l'identification ancienne de la dot et du régime dotal.--Ou a présenté plus haut l'historique et la législation du régime dotal (V. t. 13, nos 14 et suiv.): on ne reviendra pas sur ces points, que M. le premier président Troplong a d'ailleurs environnés de tout l'éclat de sa science, si peu favorable qu'elle soit à ce régime. CHAP. 1. — Nature du regime dotal; soumission à ce régime; ses effets.

3146. La dot n'est pas particulière au régime dotal, et il peut y avoir des biens dotaux aussi bien sous le régime de la communauté et sous le régime exclusif de communauté que sous le régime dotal (V. le rapport de M. Duveyrier, t. 13, p. 28, n° 97). La dot n'est même, sous le premier comme sous les autres, que le bien que la femme apporte au mari pour supporter les charges du mariage (c. civ. 1540): Quod marito datur al onera matrimonii sustinenda (V. Delaurière, Glossaire, vo Dot). Sous tous les régimes, son caractère essentiel est de servir à la satisfaction des besoins de la famille, d'être là où sont les charges du ménage : Ibi dos esse debet, ubi onera matrimonii sunt (L. 56, D., De jure dotium). Si elle n'est pas destinée à supporter ces charges et si elle n'y sert pas, elle perd son caractère : Nisi matrimonii oneribus dos serviat, nulla est (L. 76, ib.). Mais comme sous plusieurs régimes d'association conjugale, les biens de la femme ou partie de ces biens peuvent être affectés à cette destination, la dot peut exister avec chacun d'eux. Seulement sous ceux de ces régimes où les biens de la femme sont affectés en totalité au soutien du ménage, il est vrai de dire que tous ces biens ont destination dotale ou sont dotaux, tandis qu'avec ceux sous lesquels quelques-uns seulement de ces biens sont affectés à cette destination, ceux-là seuls doivent être dits dotaux. Ainsi, sous le régime de communauté, et même sous le régime sans communauté, tous les biens de la femme sont dotaux, tandis que sous le régime dotal la dot ne comprend que les biens qui ont été constitués en dot.-Mais qu'on ne perde pas de vue qu'en restituant ici aux mots dot, dotaux, leur sens général, nous n'entendons pas les confondre avec l'acception qui leur est donnée dans les cas où il s'agit des biens que la femme s'est constitués en stipulant le régime dotal: c'est à ceux-ci que les auteurs et nous-mêmes faisons allusion, quand nous nous servons des expressions: biens dotaux, biens affectés de dotalité, etc. 3147. Ce qui caractérise le régime dotal, ce n'est donc pas la det, puisqu'il y a ou qu'il peut y avoir une dot dans les autres régimes et surtout que le régime dotal lui-même peut exister sans dot, mais c'est la séparation des patrimoines des époux. Sous le régime dotal, chacun des époux conserve ses biens propres ; actif et passif sont séparés. Cette séparation forme la principale différence qui existe entre le régime dotal et le régime de la communauté; de celle-là découlent toutes les autres.

3149. Mais, sous le régime dotal, il n'y a pas néanmoirs cette séparation entière, absolue, qui existe sous le régime de la séparation de biens (c. civ. 1536). Les biens des époux sont, il est vrai, distincts, et la femme conserve la propriété de ceux qu'elle a apportés lors du mariage ou qui lui sont échus depuis; mais en con tractant mariage, elle peut remettre tout ou partie de ses biens à son mari, pour qu'il les administre et en jouisse pendantla durée du mariage. Et c'est par là que le régime dotal se distingue du régime de la séparation de biens; mais précisément parce que le principe du régime dotal est la séparation, il n'y a de dotal que ce D'où cette première conséquence qui a été constitué en dot. que s'il n'y a pas de dot constituée, même sous le régime dotal, il n'y aura pas de biens dotaux (V. nos 3162, 3191); et cette autre que la dot, quoique ayant donné son nom à ce régime, n'est pas de son essence. Il peut très-bien se faire, en effet, que les époux ayant déclaré adopter le régime dotal, il n'y ait pas eu de dot constituée et, dans ce cas, malgré l'absence de dot, la clause de dotalité produira effet; mais alors tous les biens de la femme seront extradotaux ou paraphernaux (c. civ. 1574), c'est-à-dire

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que la femme pourra les administrer et même les aliéner sans la permission de son mari, pourvu qu'elle soit autorisée par la justice, et c'est ainsi que tout en stipulant le régime dotal, il n'y aura ni dot proprement dite, ni biens affectés de dotalité; car le régime paraphernal a les plus grandes analogies avec le régime de la séparation de biens.

3149. Du principe de la séparation des patrimoines, sous le régime dotal, résulte bien la nécessité de la conservation et de la restitution de la dot, de la part du mari, comme sous le régime de la communauté, pour les propres de la femme, et sous le régime sans communauté, pour tous ses biens; mais cette conservation a cela de spécial et de caractéristique, sous le régime dotal, qu'elle est prescrite et réglée non pas seulement à l'égard du mari et dans l'intérêt de la femme, pour la conservation des droits de propriété de celle-ci, mais encore à l'égard de la femme elle-même et dans l'intérêt de la famille; de telle sorte que la femme dotale, même avec le consentement de son mari, ne peut pas disposer de ses biens dotaux.— La dot est frappée d'inaliénabilité pendant le mariage, c'est là un des points caractéristiques, sinon essentiels, du régime dotal. — La dot a ainsi, sous le régime dotal, un caractère propre, spécial. Constituée par l'épouse ou en sa faveur, elle est censée l'être surtout en faveur de la famille, elle forme comme un fonds de réserve pour cette dernière, distinct tout à la fois des biens du mari et des biens de la femme, dont l'un a l'administration, l'autre la propriété, mais aucun d'eux ni même tous les deux ensemble la libre disposition. En d'autres termes, la dot est, sous le régime dotal, indisponible ou inaliénable, au moins en principe; car les époux peuvent, comme nous le verrons bientôt, se réserver la faculté de l'aliéner.

2150. Ce caractère ne lui a pas été tout d'abord attribué. La dot, comme son nom l'indique, ne fut dans le principe qu'un don fait au mari ou un apport de la femme pour subvenir aux dépenses du ménage. Avec le divorce, naquirent les actions en restitution; mais le mari était toujours maître de la dot, pouvant en disposer à son gré. La loi Julia de adulteriis restreignit, la première, les droits du mari sur la dot, en interdisant l'alienation du fonds dotal saus le consentement de la femme (Gaïus, 2, 65; Paul, Sent. 2, 22, 2; Inst. 2, 8; Dig., De fundo dotali; Brisson, Ad leg. Juliam de adult.) et même en probibant l'hypothèque de ce fonds avec son consentement. Les motifs de cette restitution de la dot et surtout de cette double prob bition de la loi Julia sont exprimés dans la loi 2, D., De jure dotium: Reipublicæ interest, dit le jurisconsulte Paul, auquel ce fragment a éte emprunté, mulieres dotes salvas habere propter quas nubere possunt. Ainsi c'est afin que les femmes pussent convoler à de nouvelles noces après la dissolution du mariage existant, que l'on prohibait l'aliénation de la dot. Aussi cette probibition ne s'appliquait-elle qu'autant que la femme ne consentait pas à l'aliénation. La dot n'était pas encore conservée dans l'intérêt de la famille; on ne veillait à sa conservation que comme à un moyen nécessaire pour contracter mariage. Justinien fit plus, il étendit la défense d'aliéner aux fonds provinciaux, et il défendit l'aliénation des immeubles dotaux aussi bien que l'hypothèque, même avec le consentement de la femme, et voici la raison que donne le législateur de cette prohibition: c'est afin, dit-il, que la femme se laissant aller aux entraînements de sa nature faible, ne soit pas tout à coup réduite à la misère. Ne fragilitate naturæ suæ in repentinum deducatur inopiam (L. unique, Cod., De rei uxoriæ act., § 15; Inst. quibus alien. licet, pr.). La femme fut ainsi mise en garde et protégée contre sa propre faiblesse dans l'intérêt de la famille ; il n'est plus question de secondes noces, et la dot devient vraiment inaliénable.

3151. Mais en même temps qu'il met cette restriction aus droits du mari et de la femme sur les biens dotaux, le régime dotal, et c'est encore là un des points caractéristiques de ce régime, attribue au mari, sur ces mêmes biens, des droits beaucoup plus étendus que ne lui en accordent les autres régimes d'association conjugale, sur les propres de la femme. - Ce n'est pas ici le lieu de déterminer la nature, l'étendue et les limites du pouvoir du mari sur les biens dotaux, ni de rechercher la cause de ce pouvoir; nous constatons seulement un fait qui ressort avec évidence de la comparaison des articles 1519, 1128,

1531, à savoir que le mari a, par rapport aux biens dotaux sous le régime dotal, des droits qu'il n'a pas sous les régimes de la communauté et sans communauté relativement aux biens propres et dotaux de la femme, notamment celui d'exercer les actions réelles immobilières de celle-ci. Cela tient-il à quelque .principe ancien, passé du droit romain dans notre code, ou bien à l'essence même du régime dotal qui, réputant les biens dotaux biens de la famille pendant le mariage, et ne les considérant pas sculement comme biens de la femme, a dû conférer au mari, en sa qualité de chef de la famille, des pouvoirs plus étendus que ceux qui lui sont attribués, sous les autres régimes, en qualité de simple administrateur des biens de son épouse? La restriction des droits de la femme d'une part, l'extension de ceux du mari de l'autre, procéderaient, dans ce dernier cas, du même principe, du principe fondamental et caractéristique du régime dotal, les droits et l'intérêt de la famille. Mais c'est là une question que Lous nous bornons à indiquer dans ces notions générales; nous y reviendrons plus tard.

3152. Le régime dotal, quoiqu'il restreigne les droits de la femme sur les biens dotaux, par l'inaliénabilité, n'a pas pour effet de diminuer la capacité générale de la femme. Seulement, lorsque tous les biens de la femme sont delaux, ces biens étant entre les mains du mari qui en a l'administration et la jouissance, la femme ne peut rien acquérir, car elle n'a rien au moyen de quoi elle puisse faire des acquisitions. Elle a la capacité, mais elle est dans l'impuissance d'acquérir. Si tous les biens de la ferne ne sont pas dolaux, comme elle a alors des biens disponibles, au moyen desquels elle peut acquérir, cette impuissance cesse. Jugé, dans la première hypothèse, que la femme mariée sous le régime dotal avec constitution générale de biens présents et à venir ne peut valablement s'obliger pendant le mariage (Montpellier, 30 juill. 1840) (1); et, en sens contraire, que la femme mariée sous le régime dotal peut valablement contracter (Riom, 25 juin 1849, aff. Malguy, D. P. 50. 2. 67).— Une conséquence qui résulte de cet etat de la femme qui n'a que des biens dotaux, et qui ne peut pas acquérir, c'est que si elle acquiert, elle est censée avoir acquis des deniers du mari, et au contraire, si la femme a des biens extradotaux, elle reste dans les termes du droit commun; ce qu'elle acquiert, elle est censée l'avoir acquis de ses propres biens.

3153. Ne doit-on pas considérer aussi, avec un auteur moderne, comme caractéristique du régime dotal, comme l'un de ses dogmes favoris, cette présomption que tout ce que la femme acquiert pendant le mariage est censé acquis avec les deniers du mari, à moins qu'elle ne prouve l'origine des deniers, c'est-à-dire l'undè habuit (L. 51, D., De donat, inter, virum et ux.)? Celle présomption, selon le même auteur, « dérive rigou- | reusement de la position faite à la femme par le régime dotal qui Croit lui avoir assez payé sa delte en lui conservant l'intégrité de son avoir. ...Elle repose sur cet état de la femme dotale, qui se doit toute à son mari, qui est censée ne vivre, n'agir, ne travailler que pour lui, et qui, par conséquent, doit montrer la légitime origine de ce qu'elle prétend avoir acquis pour son propre compte » (V. M. Troplong, nos 3017 et 3018). Ce qui (1) (Veuve Bouby C. époux Sirven.) — LA COUR ; En ce qui concerne la dame Sirven : - Attendu qu'elle est sous les liens d'une constitution générale de dot qui embrasse tous ses biens présents et à venir; Que, d'après les dispositions du code civil, les mêmes que celles des anciens principes admis dans les pays de droit écrit, la femme ne peut, d'une manière directe ou indirecte, porter atteinte à l'inaliénabilité de ses biens dotaux ; Que, dès lors, l'obligation par elle contractee est entièrement inefficace lorsque tous ses biens à venir sont frappés de dotalité ; Attendu qu'il n'y a d'obligation valable que celle qui peut se réaliser sur les biens mobiliers ou immobiliers du débiteur; Que toute obligation dépourvue d'action sur les biens est évidemment impuissante et nulle; Attendu que, bien que la capacité soit la condition ordinaire, les femmes mariées sont au nombre des incapables, aux termes de l'art. 1124 c. civ., pour les cas prévus par la loi;-Que parmi ces cas se trouve celui d'une Constitution générale de dot, puisque l'indisponibilité absolue des biens porte atteinte à l'obligation elle-même et la vicie dans son principe; Qu'il suit de la qu'une constitution générale de biens présents et à venir frappe la femme d'une interdiction réelle quant aux obligations qu'elle voudrait contracter pendant le mariage;

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Attendu, au surp'us, que telle était la règle admise dans les pays de dotalité, et que, si les dispositions du code civil laissent quelques

prouve d'abord que celle présomption n'est pas un des principes caractéristiques du régime dotal, ni même un de ses dogmes favoris, c'est qu'on l'applique sous d'autres régimes que le régime dotal, et alors que le mari n'a pas sur les biens de la femme les droits que lui confère ce dernier régime. Ainsi, cette présomption est admise par M. Troplong lui-même sous le régime sans communauté, et des jurisconsultes anciens l'appliquaient aussi à la femme mariée en communauté. Cela s'explique aisément si l'on remonte au principe qui sert de base à cette présomption, car ce principe n'est point particulier au régime dotal; ce n'était point autre chose qu'un principe d'honnêteté et de morale publique, applicable sous tous les régimes, qu'une conséquence de l'autorité qui est attribuée au mari, quel que soit le régime d'association conjugale qu'ont adopté les époux. Les termes mêmes de la loi Quintus Mucius suffisent à le prouver: Quintus Murius ais, porte cette foi, cùm in controversiam venit, undè ad mulierem quid pervenerit: et verius, et honestius est, quod non demonstratur, undè habeat; existimari à viro, aut qui in potestale ejus esset, ad eam pervenisse. Evitandi autem turpis quæstús gratia circà uxorem hoc videtur Quintus Mucius probásse (L. 51, D., De don, inter vir. et ux.). V. aussi L. 6, Cod., De donat. int. vir. et ux.: quod cùm probari non possit, undè uxor tempore matrimonii honestè quæsierit...-C'est donc uniquement pour empêcher que la femme ne fasse des gains honteux, qu'on a admis la présomption que ce qu'elle a gagné et dont elle ne peut prouver l'origine, appartient au mari. Qu'y a-t-il là de propre au régime dotal? Et alors même qu'on n'appliquerait cette présomption que sous ce régime, il est évident qu'elle ne dérive point de l'état de la femme dotale, et du principe en vertu duquel elle est censée ne vivre, n'agir, ne travailler que pour son mari, et qui frapperait la femme d'incapacité, principe emprunté à la manus, mais complétement étranger, opposé même au régime dotal. Ajoutons que, bien loin d'être un dogme favori du régime dotal, la présomption de la loi Quintus Mucius, si l'on s'en réfère à ses motifs, n'est plus que très-difficilement applicable aujourd'hui, la femme ne pouvant acquérir, sous aucun régime, qu'avec l'autorisation de son mari (c. civ. 217).—Mais à cette présomption il en est substitué une autre, résultant de l'impossibilité pour la femme d'acquérir lorsqu'elle n'a à sa disposition ni ses capitaux ni ses revenus, ce qui peut très-bien se réaliser sous le régime dotal, dans le cas de constitution générale, mais ce qui peut aussi se réaliser sous d'autres régimes, comme nous l'avons déjà vu. Il faut même ajouter que si cette présomption peut être appliquée sous le régime dotal, elle peut aussi ne pas l'être, dans les cas suivants, qui sont assurément ceux qui se présentent le plus ordinairement : si la femme, ne s'élant constitué en dot qu'une partie de ses biens, ou même si, n'ayant pas fait de constitution dotale, elle s'est réservé une partie ou la totalité de ses biens comme paraphernaux. D'après M. Troplong lui-même, la présomption cesse dans ces divers cas. Elle a été admise expressément dans notre législation, dans un cas spécial, lorsque le mari est commerçant failli (art. 559 c. com.). Mais dans ce cas encore, elle n'est pas spécialement applicable au régime dotal; elle est commune à tous les régimes: doutes, il faudrait en cette matière l'interpréter par l'ancienne jurisprudence, d'autant que le régime dotal n'a pas été complétement défini dans la loi nouvelle, et qu'il a été dans l'intention des auteurs du code civil de maintenir les probibitions créées dans l'intérêt des dots ;- Qu'on ne saurait objecter la possibilité de trouver après la dissolution du mariage des biens non dotaux sur lesquels les obligations contractées par la femme seraient exécutoires; puisque la femme, en prenant la libre administration de sa fortune, pouvant alors dénaturer sa dot et la confondre avec les autres biens qui lui écherraient ultérieurement ou qu'elle acquerrait à autre titre, il deviendrait impossible de démêler dans son patrimoine c qui proviendrait de la dot ou ce qui serait venu d'une autre source; Que l'on ne pourrait donc trouver aucun moyen légal de garantir la dot de toute atteinte directe ou indirecte; qu'on ouvrirait ainsi la porte à toutes les fraudes en dépouillant la femme dotale de la protection qu'elle devait trouver dans sa constitution primitive; que ses obligations doivent être considérées au temps même où elles ont été contractées sous l'empire de cette constitution; Attendu, enfin, que d'après les termes de l'obligation la femme a engagé ses biens présents, qu'elle les a mémo hypothéqués; qu'ainsi l'acte est nul comme contenant aliénation directe; Emendant, déclare nul et de nul effet l'acte du 30 juin 1828. Du 30 juill. 1840. C. de Montpellier.-M. Viger, 1er pr.

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Sous quelque régime qu'ait été formé le contrat de mariage, » porte cet article.

3154. Mais si la présomption de la loi Quintus Mucius ou tout autre ne forme ni un principe caractéristique ni un dogme du régime dotal, le principe qui attribue tous les profits que la femme dotale fait par son labeur à son mari, et la règle que, sous le régime dotal, la femme travaille pour son mari, ne doivent-ils pas être considérés comme tels? Non, assurément, car jamais pareil principe, pareille règle n'ont appartenu au régime dotal. Il peut se faire, sans doute, que les bénéfices faits par la femme dotale appartiennent à son mari, comme il peut se faire qu'ils appartiennent à la femme elle même. L'industrie de la femme, qui est un véritable capital, comme le dit très-bien M. Troplong, est-elle comprise dans la constitution dotale? Les fruits de cette industrie comme ceux de tout autre bien dotal appartiendront exclusivement au mari pour supporter les charges du mariage. Cette industrie n'est-elle pas comprise dans la constitution de dot? Alors les profits comme les fruits des autres paraphernaux appartiendront à la femme. Dans un cas, la femme travaillera pour le mari, ou plutôt pour la famille; dans l'autre, elle travaillera pour elle-même. Tout cela dépendra des conventions, et à défaut de conventions, la femme travail'era pour ellemême, tous ses biens étant réputés paraphernaux.-Le principe, sous le régime dotal, n'est donc pas que la femme travaille pour le mari, c'est le contraire qui serait plus exact; le principe véritable, c'est que les fruits des biens dotaux appartiennent au mari, et ceux des biens extradotaux à la femme; il n'y en a pas d'autre en cette matière, et il suffit à résoudre la question. M. Troplong cite toutefois un arrêt de la cour de Toulouse, du 17 déc. 1831 (V. infrà, no 3341-3°), comme posant la règle que sous le régime dotal la femme travaille pour son mari; on eût pu invoquer aussi l'arrêt de la cour de Riom, du 22 fév. 1809 (V. no 3347). Mais la règle que ces arrêts invoquent, ils sont loin de la justifier. Elle ne repose sur aucun texte ni sur aucun principe ancien ou nouveau, et elle n'est vraie qu'autant que la femme n'exerce pas une industrie propre, distincte et séparée de celle de son mari, ou qu'elle s'est constitué tous ses biens en dot; mais alors elle n'acquiert rien, parce qu'elle n'est que la préposée de son mari. A plus forte raison, doit-on écarter l'application de ce prétendu principe si, avec certains auteurs, on ne considère pas les bénéfices résultant d'une industrie propre à la femme comme des fruits. Ces bénéfices seront en effet, ou dotaux ou paraphernaux, mais jamais ils ne seront attribués au mari (V. en ce sens M. Seriziat, du Régime dola!, nos 3 et suiv., el M. Zachariæ, t. 3, p. 565). Ce dernier répute paraphernaux, sans faire de distinction, les biens que la femme acquiert au moyen de son industrie. On décidait autrefois que lorsque la femme faisait un commerce séparé de celui de son mari, la présomption de la loi Quintus Mucius cessait de plein droit (V. en ce sens, Catelan, liv. 4, ch. 5, et Roussilhe, t. 1, p. 222).-Ce que nous avons dit ne s'applique, ainsi que nous l'avons fait observer, qu'au seul cas où la femme fait un commerce ou exerce une industrie séparée de son mari. — V. du reste nos 3340 et suiv.

3155. Le régime dotal ainsi réduit à ses principes incontestables, a, sans doute, des inconvénients; quel régime n'en a pas? Mais il a aussi des avantages. Ainsi le régime dotal n'est pas favorable au mouvement de la propriété, au crédit du mari, aux droits des tiers; il sépare trop, lorsqu'il n'est pas tempéré par la société d'acquêts, les intérêts des époux. Mais, dans un système d'association conjugale, à quoi doit-on pourvoir surtout? Estce aux intérêts des tiers, et même de chacun des époux, ou bien à ceux de la famille? Que lorsqu'il s'agit de régler la transmission de la propriété, ou d'adopter un système hypothécaire, on préfère le régime qui, tout en favorisant le mieux cette transmission, donne le plus de sûretés aux tiers, cela se comprend, et tel doit être, en effet, l'objet principal de ce régime. Au contraire, dans les conventions matrimoniales, l'objet principal, ce sont les intérêts de la famille future; c'est en vue de cette famille que l'on stipule; c'est en sa faveur qu'on fait fléchir les règles du droit commun. Faut-il dès lors faire un reproche à un régime d'association conjugale, de ce qu'il pourvoit plutôt à ses intérêts, de ce qu'il garantit mieux ses droits que ceux des tiers? Or c'est là précisément ce que fait le régime dotal: la cause de

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la dot y est la cause principale, dotium causa semper el ubique præcipua est (L. 1, D., Soluto matrimonio). Elle est, en quelque sorte, d'ordre public, Reipublicæ interest, non point pour favoriser le convol à de secondes noces, mais pour conserver le patrimoine de la famille, des enfants. « La dot est souvent, comme le reconnaît un des auteurs les moins favorables à ce régime, la dernière ressource et la dernière planche dans le naufrage; il importe de la conserver... Le fait est que la cause de la dot, qui procure aussi les aliments à la famille, et qui lui assure un avenir, a des droits privilégiés incontestables » (V. M. Troplong, n° 3011). · Le régime dotal est un régime éminemment conservateur; il se prête moins aux spéculations du mari, il favorise moins les augmentations du patrimoine, mais il met ce qui existe déjà à l'abri des hasards et des revers de fortune si fréquents de nos jours. S'il fait trop pour cette conservation, il faut reconnaître que les autres régimes ne font peut-être pas assez. Comme nous le verrons bientôt, d'ailleurs, ce régime n'a rien d'exclusif, il admet des tempéraments, il permet l'aliénation des biens dotaux dans certains cas, il n'interdit pas les conventions qui font fléchir la règle de l'inaliénabilité, il se combine avec la société d'acquêts, qui attribue une part des bénéfices à la femme; ses rigueurs et ses injustices mêmes, si l'on veut, peuvent donc être corrigées, selon les circonstances; il en donne les moyens, et d'autant plus facilement qu'un contrat de mariage étant nécessaire pour que les époux y soient soumis, on peut y introduire telles modifications que ces circonstances réclament.-Ces quelques mots sur les avantages et les inconvénients du régime dotal nous paraissent suffire; car nous ne saurions entrer ici dans la grande controverse entre les auteurs des pays de coutume et ceux des pays de droit écrit, controverse à laquelle le code civil n'a pas mis tellement fin qu'il ne reste quelque chose de son esprit dans les ouvrages modernes. — V., sur cette question, suprà, no 75, et Pasquier, Lettres, liv. 9, ch. 1; Recherches, liv. 4, ch. 21; Lebrun, de la Communauté, ch. 1; le rapport fait au tribunat par M. Duvergier, suprà, t. 13, p. 19, no 45; M. Siméon, Mémoire de l'Académie des sciences morales et politiques, dans la Revue de législation, t. 2, p. 306; M. Marcel, du Régime dotal et de la nécessité d'une réforme dans cette partie de la législation.

3156. C'est du droit romain, comme nous l'avons dit (V. pour l'historique, tit. 1, ch. 1), que le régime dotal tire son origine; ce sont les principes des lois romaines, modifiées, en quelques points, par la jurisprudence des parlements de droit écrit, que le législateur moderne a voulu adopter, lorsqu'il a consacré un chapitre spécial du contrat de mariage à ce régime. Aussi, quoique le régime de la communauté forme le droit commun de la | France, ne saurait-on considérer le régime dotal comme une simple clause modificative du droit commun, comme une exception à ce droit. Sans doute, les époux qui veulent adopter le régime dotal doivent déclarer qu'ils adoptent ce régime, et, à défaut de cette déclaration de leur part, ils sont censés avoir voulu adopter le régime de la communauté légale, qui n'a pas besoin d'être expressément stipulé. Mais en cela consiste toute la différence qui distingue aux yeux du législateur les deux régimes; ils ont chacun une existence propre, parfaitement indépendante dans notre code civil: un chapitre spécial est consacré à l'un comme à l'autre, et le législateur établit entre eux une sorte d'égalité dans l'art. 1591, qui constate et consacre l'indépendance respective de l'un et de l'autre dans les termes suivants : « Les époux peuvent cependant déclarer, d'une manière générale, qu'ils entendent se marier sous le régime de la communauté ou sous le régime dotal. Au premier cas, et sous le régime de la communauté, les droits des époux et de leurs héri tiers seront réglés par les dispositions du chap. 2 du présent titre (1399 à 1496). Au deuxième cas, et sous le régime dotal, leurs droits seront réglés par les dispositions du chap. 3» (1540 à 1580). Par cet article l'égalité est établie entre les deux régimes, au moins en ce sens qu'il est libre aux époux de choisir l'un ou l'autre, et que chacun d'eux est régi par des principes et des règles qui lui sont propres, et se suffit pleinement à luimême; de telle sorte qu'on ne peut pas interpréter ou suppléer les articles du chapitre du régime dotal par les principes de la communauté, pas plus qu'on ne peut interpréter ou suppléer les dispositions du chapitre de la communauté par les principes du

régime dotal. Ce serait violer les dispositions de l'art. 1391, qui veut que chaque régime soit régi par ses principes et par ses rè gles. Cette indépendance du régime dotal vis-à-vis de la communauté distingue ce régime de toutes les clauses modificatives ou même exclusives de la communauté légale.

3157. Ainsi, nonobstant l'art. 1393 qui fait de la commu. nauté le droit commun de la France, le régime dota! ne saurait être considéré comme un régime exceptionnel, au moins d'une manière absolue. Le titre de droit commun n'établit pas de supériorité en faveur du premier sur le second (V. n° 72, 192, 505), si ce n'est celle résultant de ce que le régime de la communauté légale s'établit sans conventions et à défaut de conventions matrimoniales, ce qui s'explique par cette considération que la constitution de dot ne pouvant avoir lieu sans contrat, un contrat était toujours nécessaire pour l'adoption du régime dotal, tandis qu'il ne l'était pas pour l'adoption du régime de la communauté (V. à cet égard disc. des orat., nos 6 s., 43, 47, 119, 122). En soumettant l'adoption du régime dotal à la condition d'une stipulation et en en dispensant au contraire celle de la communauté, on ne fit donc que consacrer ce qui existait déjà et ce qui était dans la nature des deux régimes (V. à ce sujet la discussion au cons. d'Ét., dans Locré, t. 13, et dans les Conférences du code civil, t. 5).-Mais, comme nous l'avons dit, le régime de la communauté légale formant le droit commun, il a été décidé qu'en cas de nullité d'un contrat de mariage dans lequel la soumission au régime dotal est stipulée, les époux doivent être réputés s'être mariés en communauté légale (Nimes, 9 mars 1846, aff. Crouzat, D. P. 49. 2. 83).-Cette décision ne doit pas être toutefois aveuglément adoptée dans tous les cas, sans tenir compte de l'intention des parties qui a présidé à la rédaction du contrat de mariage. — Il a été jugé en conséquence que, pour que les biens meubles, donnés à l'un des époux mariés en communauté, soient soustraits à ce régime, il n'est pas besoin d'une déclaration expresse du donateur: il suffit que son intention sur ce point soit très-positive; tel serait le cas, par exemple, où le contrat de mariage, qui stipulait le régime dotal au moment de la libéralité, faite directement à la femme, a été depuis déclaré nul sur la demande du mari, à défaut de présence de sa femme à cet acte, et où, par suite, les époux ont été déclarés mariés en communauté légale (Nimes, 16 juill. 1849, aff. Boucarut, D. P. 50. 2. 200).

3158. Quoique distinct des autres régimes d'association conjugale, et quoique régi par des lois qui lui sont propres, le régime dotal n'est pas néanmoins tellement exclusif que ses principes ne puissent pas se concilier, se combiner avec des principes empruntés aux régimes de la communauté légale ou de la communauté conventionnelle. Ainsi les futurs époux peuvent, en adoptant le régime dotal, adopter des principes empruntés à la communauté, tels que l'aliénabilité des biens dotaux (c. civ. 1557), la société d'acquêts (c. civ. 1581, 1498 et 1499), comme aussi ils

(1) 1re Espère: —(Époux Guilhery C. Balloffet-Buffe.) — LA COUR; Donne défaut contre Balloffet Buffe, et vu les art. 539 et 540 de la coutume de Normandie; - Attendu que, si le contrat de mariage des époux Guilhery renferme, ainsi que l'arrêt attaqué le déclare, une stipulation de communauté, les clauses qui établissent cette communauté portent a qu'elle aura lieu sulement pour les biens meubles et immeubles que les futurs époux acquerront, ensemble ou séparément, avec les économies qu'ils feront sur le produit de leur industrie et sur les fruits et revenus de leurs biens; et que des biens mobiliers et immobiliers desdits futurs époux, il n'entrera, de part et d'autre, aucune chose dans ladite communauté; qu'au contraire, tout ce qui leur appartient, tout ce qui leur adviendra, constant le mariage, en biens meubles et immeubles, succession, donation ou autrement, sera et demeurera propre à chacun d'eux ; »

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Que l'arrêt ne disant nulle part que le sens de ces clauses, qu'il a copiées littéralement, soit incertain ou équivoque, on doit en conclure que les époux Guilbery n'ont établi qu'une communauté d'acquets; - Attendu qu'une pareille communauté n'avait rien d'inconciliable avec le régime dotal du statut normand, et qu'en la stipulant, ces époux n'ont point entendu déroger et n'ont pas dérogé à ce statut; Attendu qu'il est constant et non contesté que la rente de 1,650 fr., apportée en mariage par la dame Guilbery, faisait partie de sa dot; - Et attendu que la dot étant ina'iénable de sa nature, la dame Guilbery, en s'obligeant, solidairement avec son mari, envers les défendeurs, n'a pas pu les subroger et ne les a pas subrogés implicitement dans l'hypothèque qu'elle avait pour sûreté de sa dot;Qu'ainsi, en décidant le contraire et en ordonnant que, par suite, ils seraient, par préférence à elle, colloqués à son bypothèque, du

peuvent, en adoptant le régime de la communauté, stipuler l'inatiénabilité des biens propres de la femme (V. suprà, no 180 s.).— Jugé, par suite: 1° qu'en pays de droit écrit, en se soumettant au régime dotal, la société générale de tous biens, stipulée par le contrat de mariage, n'était point un obstacle à la dotalité, surtout quand l'épouse s'était réservé le droit de renoncer à cette société pour s'en tenir à ses propres (Poitiers, 1re ch., 8 décembre 1824, M. Descordes, 1er pr., aff. Forestier C. Rigaut);

2° Que la stipulation de communauté réduite aux acquêts n'a rien d'inconciliable avec le régime dotal du statut normand (Cass. 19 décembre 1827; Req. 11 juillet 1838) (1); — 3° Que lorsqu'un contrat de mariage, passé sous l'empire de la coutume de Normandie, contient une stipulation de communauté, mais que les clauses qui l'établissent la restreignent aux acquêts que les époux feront sur les produits de leur industrie ou les revenus de leurs biens, et disposent que toutes les autres propriétés demeureront propres à chacun des époux, une pareille communauté n'est point inconciliable avec le régime dotal du statut normand (même arrêt du 19 déc. 1827); 4° Qu'à supposer que la loi du 17 niv. an 2 ait autorisé les époux à stipuler la communauté dans l'enclave de la coutume de Normandie, il suffit que, dans un contrat de mariage portant que les époux vivront en communauté de biens meubles et acquêts, il soit ajouté que cependant il n'existera aucune jonction ni cumulation de propriété de leurs biens propres, qui sera toujours distincte, de manière qu'aucune partie ne puisse jamais passer de la famille de l'un dans celle de l'autre, et que les valeurs mobilières qui écherront à la femme seront consignées sur les biens du mari, pour qu'il ait pu être jugé que les époux n'ont dérogé à la coutume qu'en ce point qu'ils ont stipulé une société d'acquêts, sans que l'arrêt, qui le décide ainsi par appréciation de la clause contractuelle, tombe sous la censure de la cour de cassation (même arrêt du 11 juill. 1838);- 5° Que la clause du contrat de mariage passé sous la coutume de Normandie avant le code, par laquelle les époux stipulent une communauté d'acquêts, avec déclaration que tout ce qui leur appartient et tout ce qui leur écherra en biens meubles et immeubles leur restera propre, doit être réputée n'avoir rien d'incompatible avec le régime dotal établi par cette coutume qui autorisait une société d'acquêts : peu importe aussi que le contrat ait été passé depuis la loi du 17 nivòse, sous laquelle l'opinion commune était que cette loi autorisait la communauté, la communauté générale étant prohibée par la coutume de Normandie (Cout. de Norm., art. 539, 540); qu'enfin la cour de cassation a le droit de décider, en présence des clauses d'un contrat de mariage rapportées textuellement par un arrêt de cour d'appel, que ce contrat ne stipule qu'une communauté réduite aux acquêts, contrairement à la décision de cette cour qui a vu dans ce contrat la stipulation d'une communauté générale (Cass. 10 fév. 1841) (2). - Les arrêts de la cour de

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montant de leurs créances, la cour royale de Rouen a violé les art. 539 et 540 précités de la coutume de Normandie; Casse. Du 19 déc. 1827.-C. C., ch. civ.-MM. Desèze, 1er pr.-Rupérou, rap.Joubert, 1er av. gen., c. conf.-Garnier et Piet, av. 2o Espèce: (Lherbette C. hérit. de Martainville.) — LA COUR ; Sur le premier moyen: Attendu que la cour royale de Rouen a décidé formellement, dans l'arrêt attaqué, que de l'ensemble des dispositions du contrat de mariage des époux de Martainville, à la date du 13 janv. 1799, il résulte qu'il n'a été dérogé au statut normand, en vigueur à la date dudit contrat, que relativement à la communauté d'acquêts qui y est stipulée; - Que cette décision repose sur une interprétation d'acte qui appartient souverainement à ladite cour;- Attendu, qu'en jugeant ensuite, en droit, que la stipulation de communauté réduite aux acquêts n'a rien d'inconciliable avec le statut normand, et que l'effet de la clause de consignation stipulée dans ledit contrat a été de frapper d'inaliénabilité ou d'immobiliser les valeurs advenues à la femme pendant le mariage, la cour royale de Rouen, loin de violer les principes sur la matière, et les art. 365, 366 de la coutume de Normandie, en à fait, au coatraire, une juste application; Rejelle. Du 11 juill. 1838.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Félix Faure, rap.-Hervé, av. gén., c. conf.-Piet, av.

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(2) Espèce: (Époux Guilhery C. demoiselle Bruno.) Le sieur Guilhery, domicilié en Normandie, a contracté mariage avec la demoiselle Toutain, le 18 vend. an 9, et par conséquent, sous l'empire de la coutume de Normandie.-La demoiselle Bruno ayant fait à la dame Guilbery, sa débitrice, un commandement tendant à l'expropriation d'immeubles à

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Rouen, cassés par ceux de la cour de cassation, avaient décidé le contraire;-6° Que lorsque les époux, bien que mariés sous la clause générale de la communauté, ont, toutefois, stipulé que les biens apportés en dot par la femme «ne pourront être aliénés ni hypothéqués, pendant le mariage, et seront, en conséquence, frappés de la prohibition portée dans Part. 1554 c. civ., » catte elle appartenant, celle-ci a prétendu qu'elle etait mariée sous le régime dotal résultant du statut normand, et que dès lors ses biens étaient inaliénables. Jugement qui le décide ainsi... - Appel. 26 nov. 1856, arrêt infirmatif de la cour de Rouen, ainsi conçu: - Allendu que par le contrat de mariage des époux Guilhery dont le mari demeurait en Normandie et la femme en Picardie, pays de communauté, il fut stipulé que « dans quelque pays que résident les époux, il y aura entre eux, à compter du jour de leur mariage, communauté, mais seulement pour les biens meubles et immeubles qu'ils acquerront ensemble ou séparément avec les économies qu'ils feront sur le produit de leur industrie et sur les fruits et revenus de leurs biens, et que leur future communauté sera régie, liquidée et partagée conformément à la loi générale; » qu'il fut encore stipulé que « tout ce qui leur appartenait et tout ce qui leur écherrait, constant le mariage, en biens meubles et immeubles, serait et demeurerait propre à chacun d'eux et aux siens de son nom côté et ligne ; »> Qu'enfin il fut stipulé que dans le cas où, pendant le mariage, il serait aliéné quelques immeubles ou remboursé quelques rentes propres à l'un ou à l'autre des époux, les deniers en provenant seraient employés en acquisitions d'autres biens et rentes qui appartiendraient au même titre à chacun d'eux; Que si le remploi n'était pas fait lors de la dissolution de la communauté, les deniers seraient repris sur les biens d'icelle au profit de celui des conjoints à qui les biens aliénés appartenaient, et que si les biens de la communauté étaient insuffisants et que les objets aliénés appartinssent à la femme, le surplus du remplacement serait pris sur les propres ou biens personnels du mari qui y étaient hypothéqués; —Attendu qu'il résulte de toutes ces stipulations que la femme Guilbery, domiciliée en Picardie avant son mariage, s'est mariée sous le régime de la communauté; Que les mots communauté se rencontrent dans presque tous les articles de son contrat de mariage; - Qu'à l'époque où ce contrat a été rédigé et sept ans après la promulgation de la loi dù 17 niv. an 2, l'opinion commune était que cette loi autorisait la communauté;Que la dame Guilhery a si bien reconnu qu'elle contractait sous ce régime, qu'elle a consenti que la communauté qu'elle stipulait fût régie par la loi générale, et qu'il n'a été accordé ni douaire à la femme, ni don mobilier au mari; que seulement les époux se sont fait une donation reciproque, et qu'ils ont même prévu, par l'art. 6 de leur contrat, l'aliénation des biens propres de la femme; Attendu qu'en vain la dame Guilhery oppose que son contrat de mariage porte que les biens meubles et immeubles appartenant ou devant échoir aux deux époux seraient propres à chacun d'eux, ce qui ne présente rien d'exclusif en sa faveur et s'applique aux deux époux comme en pays de communauté; - Que, sous l'empire des coutumes de communauté, les biens qui appartenaient aus époux avant leur mariage ou qui leur advenaient, constant icelui, étaient considérés comme leur étant propres, mais qu'il n'en résultait nullement que les époux ne fussent pas mariés cous le régime de la communauté, et que la femme ne pût pas aliéner ou hypothéquer ses biens propres et personnels avec l'autorisation de son mari, sauf son recours sur les biens de la communauté, et en cas d'insuffisance sur ceux de son mari, ce que la dame Guilhery a stipulé formellement dans l'une des clauses de son contrat de mariage; Que, par ce contrat, rien n'est constitué dotal, qu'elle s'est mariée, non sous le régime doial, mais sous celui de la communauté, qu'elle ne pourrait profiter à la fois des deux régimes, qui sont exclusifs l'un de l'autre, qu'autant que le contrat l'aurait exprimé; Que les clauses de ce contrat ne présentent oi incertitude ni équivoque, et que sainement interprétées d'après toutes les dispositions qu'il contient, il en résulte que les époux Guilhery n'ont pas voulu se marier sous le régime dotal, mais sous celui de la communauté, et que les biens de la femme, quoique stipulés propres, ce qui avait lieu en pays de communauté, ne peuvent être considérés comme dotaux et inaliénables dans le sens de la coutume de Normandie; -Que les magistrats ne peuvent substituer le mot dot au mot propre, ni les expressions régime dotal à celles régime de la communauté; Qu'il est donc évident que, d'après la volonté des époux Guilhery et les stipulations de leur contrat de mariage, ils ont voulu déroger et ont effectivement dérogé au régime dotal normand, surtout lorsqu'on considère que la femme Guilhery, lors de la liquidation de ses droits, par suite de sa séparation de biens, a elle-même interprété les clauses de son contrat, et déclaré qu'elle était mariée sous le régime de la communauté;-Qu'admettre le système de la dame Guilhery, ce serait tromper la bonne foi des tiers et jeter l'alarme dans les familles. »

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Pourvoi en cassation de la dame Guilhery, pour violation des art. 639 et 540 de la coutume de Normandie, en ce que l'arrêt attaque a considéré la stipulation d'une simple communauté d'acquets, comme la stipulation d'une communauté générale défendue par le statut normand, et en a induit que les parties avaient voulu déroger à ce statut. - · Arrêt (après dél. en ch. du cons.).

LA COUR;

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stipulation frappe de dotalité les biens qui y sont compris, et les soumet à toutes les conséquences de l'inaliénabilité (Cass. 24 acul 1856) (1);-7° Que la femme peut, en se mariant sous le régime de la communauté, soumettre ses immeubles au régime dotal; et spécialement que les immeubles à l'égard desquels la femme commune a déclaré «qu'ils resteront dotaux dans sa ligne, Vu les art. 559 et 540 de la coutume de Normandie; Allendu que, des clauses du contrat de mariage, textuellement rapportées dans l'arrêt attaqué, résulte la preuve que les époux Guilhery ont déclaré que les biens personnels à chacun d'eux leur demeureraient proAttendu que vainement l'arrêt attaqué, au lieu de voir dans le contrat une simple communauté d'acquets compatible avec le maintien du régime dotal résultant du sta'ut normand, l'a interprété comme créant une communauté générale prohibée par la coutume de Normandie; Attendu qu'en induisant ainsi des stipulations du contrat de mariage une dérogation aux dispositions générales de la coutume, l'arrêt attaqué a expressément violé les art. 559 et 340 de la coutume de Normandie; Par ces motifs, casse.

pres;

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Du 10 fév. 1841.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Thil, rap.Delangle, av. gén., c. conf.-Garnier et Scribe, av.

(1) Espèce :-(Veuve Laurent C. Revérard.) Les époux Laurent, par leur contrat de mariage, adoptèrent le régime de la communauté; mais, par l'art. 12 de ce niême contrat, il fut convenu entre eux « que les immeubles présents et à venir que la future s'était constitués en dot et qui lui appartenaient, ne pourraient être aliénés ni hypothéqués pendant le mariage et se trouveraient, en conséquence, frappés, dès le jour de la célébration du mariage, de la prohibition portée en l'art. 1554 c. civ. » — Cependant les époux Laurent se reconnurent, par obligation notariée, débiteurs communs d'une somme de 10,000 fr. envers le sieur Revérard qui la leur avait prêtée. Pour sûreté du remboursement et du service des intérêts de celle somme, ils constirent hypothèque sur les biens apportés en dot par la femme de son chef, lesquels étaient expressément désignés dans le contrat de mariage précité. Le sieur Laurent décéda le 1er juill. 1854, laissant une succession obérée de dettes. Dans le mois d'août suivant, Revérard n'ayant pas été payé des intérêts échus de sa créance, forma une saisie-arrêt entre les mains de neuf locataires des biens immeubles appartenant en propre à la veuve Laurent. Assignée en validité, cette dernière prétendit que l'opposition était nulle comme frappant les fruits d'immeubles déclarés par son contrat de mariage dotaux et inaliénables, conformément à l'art. 1554 c. civ. Mais le tribunal de Meaux jugea, au contraire, que la saisie arrêt était valable, en se fondant sur ce que si l'affectation hypothécaire était nulle l'obligation personnelle de la veuve Latrent n'en subsistait pas moins, et que, les effets de la dotalité ayant cessé par la dissolution du mariage provenant du décès du mari, les fruits de la femme avaient pu, à partir de cette dissolution, étre saisis avec raison. Sur l'appel, la cour de Paris confirma cette décision, par arrêt du 30 mai 1855, dont voici les motifs : -« Considérant que les époux Laurent, par l'art. 1 de leur contrat de mariage, en date du 12 janv. 1825, se sont mariés sous le régime de la communauté, tel qu'il est défini par le code civil; Considérant que si, par l'art. 12 du même contrat, ils ont soumis les immeubles présents et à venir de la femme Laurent à la disposition prohibitive de l'art. 1554 c. civ., ils n'ont entendu qu'apporter une restriction au régime de la communauté en ce qui concernait seulement les immeubles de la femme; qu'il résulte de la que les revenus de ces immeubles ont dû nécessairement tomber dans la communauté; qu'en conséquence la femme Laurent a pu, du consentement de son mari, s'obliger sur ses revenus comme sur les biens de la conmunauté; que, dès lors, les créanciers ont pu exercer des saisies arrêts sur ces revenus. » — Pourvoi de la veuve Laurent pour violation de l'art. 1554 c. civ., et fausse application de l'art. 1401 du même code, en ce que les fruits des biens dotaux sont inaliénables comme eux, et, par suite, insaisissables. Arrêt.

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LA COUR: Vu les art. 1554, 1560 et 1571 c. civ.; - Attendu, en droit, que l'art. 1534 dispose que les immeubles constitués en dot à la femme ne peuvent être aliénés ni hypothéqués pendant le mariage; que cette disposition ne distingue pas entre les fonds et les revenus; Que la destination des biens dotaux étant de supporter les charges du mariage, leurs revenus doivent être employés à fournir des aliments à la famille; que, si tous ces revenus pouvaient être saisis par les créanciers, envers lesquels la femme s'est obligée, même lorsqu'ils seraient nécessaires à la nourriture et à l'entretien de la famille, la femme serait immédiatement forcée de recourir à la vente de son bien dotal, l'inaliénabilité de ce bien manquerait d'efficacité, et la protection que la loi a voulu lui accorder serait éludée; Attendu, en fait, qu'il est constaté par l'arrêt attaqué que les époux Laurent ont stipulé, par l'art. 12 de leur contrat de mariage, du 12 janv. 1825, que les immeubles présents et à venir, constitués en dot à la future, ne pourraient être aliénés ni bypothéques, pendant le mariage, et se trouveraient, en conséquence, frappés de la prohibition portée par l'art. 1554 c. civ.;- Que, par celle clause, ils ont imprimé le caractère de dotalité aux biens constitués en dot à la dame Laurent, et les ont soumis à toutes les conséquences de

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